Homogénéisation en viscoélasticité linéaire non-vieillissante par la méthode de l’inclusion équivalente

Méthodes d’homogénéisation analytiques, numériques et hybrides

    Les approches en champs moyens ou effectifs basées sur le formalisme du problème d’Eshelby permettent de donner des estimations ou d’encadrer le comportement homogénéisé d’une microstructure. Le choix d’un schéma, à partir des connaissances disponibles sur la morphologie, reste tout de même une démarche qualitative. Si par exemple nous sommes face à une microstructure à faible fraction volumique d’inclusions, nous pourrons envisager le schéma de Mori et Tanaka (1973). Lorsque la fraction volumique d’inclusions est élevée, comme sur un béton, il est possible d’envisager le schéma de Le Roy (1995) pour permettre de le caler à des données expérimentales en faisant varier la proportion de la matrice dite passive. Quand le composite est constitué principalement d’un assemblage de grains sans matrice identifiable (poly-cristal) on pense au schéma auto-cohérent (Hill, 1965; Sanahuja et Dormieux, 2005). La prise en compte d’une orientation privilégiée est possible par la considération des inclusions ellipsoïdales avec certaines distributions des orientations (Ponte Castañeda, 1991; Sanahuja et al., 2007). Les schémas classiques ont certes beaucoup d’applications et peuvent être utilisés au moins pour justifier des ordres de grandeur. Ils sont particulièrement efficaces du point de vue du temps de calcul. Ce qui leur est reproché, c’est leur démarche peu quantitative de prise en compte des spécificités d’une microstructure. La précision, qui est une faiblesse pour les méthodes en champs moyens, est une force pour les approches en champs complets. Il est bien connu que la précision des résultats a pour coût le niveau de détail qu’on fournit. Les méthodes en champs complets nécessitent une connaissance très détaillée de la microstructure. La réalisation d’un calcul par l’une de ces méthodes passe par les étapes suivantes :
– création de la microstructure au sens géométrique du terme (par exemple, segmentation d’images expérimentales, ou génération d’une microstructure virtuelle),
– maillage ou discrétisation,
– calcul,
– post-traitement des résultats.
Quand il s’agit de faire des calculs à l’échelle d’une microstructure caractérisée par une certaine régularité, l’utilisation de ces méthodes reste envisageable. Mais pour des microstructures fortement irrégulières comme celle du béton, la production, discrétisation et calcul d’une microstructure deviennent très lourdes. De plus, en toute rigueur, l’estimation des propriétés macroscopiques de milieux hétérogènes est effectuée sur un grand nombre de volumes élémentaires statistiques 4 (VES) ou sur des volumes élémentaires représentatifs (VER) de très grande taille. Cela présente plusieurs problèmes à résoudre d’un grand nombre de degrés de liberté dont le traitement met en jeu la capacité des calculateurs numériques et le temps utilisateur. Pour donner une idée, la figure 2 représente la microstructure B11 (Dunant et al., 2013) qui est une représentation virtuelle d’un béton d’enceinte de centrale nucléaire . Le maillage généré dans l’étude proposée à (Dunant et al., 2013) en vue des calculs aux éléments finis comporte 16.1 millions d’éléments. On constate bien le nombre élevé de degrés de liberté et la complexité de la réalisation de cette microstructure. Pour des microstructures aussi complexes, il est également très fréquent de devoir procéder à des ajustements manuels du maillage. La méthode de l’inclusion équivalente est à mi-chemin entre les méthodes en champs complets et les schémas analytiques. Elle peut ainsi être vue comme une méthode hybride (au sens de la figure 1). Elle est destinée à des microstructures simplifiées de type matrice-inclusions. Il est possible, par son biais, de simuler des microstructures réalistes, dans lesquelles certains paramètres morphologiques (tels que la distribution d’orientations, la distribution de tailles des inclusions, pratiquement de forme ellipsoïdale, etc …) peuvent être pris en compte de façon plus fine que par des schémas d’homogénéisation classiques. Cette méthode ne nécessite pas de discrétisation de la microstructure et ne nécessite qu’un faible nombre de degrés de liberté, ce qui permet de réduire le temps de calcul et de pré-traitement.

Applications de la méthode de l’inclusion équivalente

     La méthode de l’inclusion équivalente opère sur des microstructures de géométries explicites définies par un ensemble d’inclusions. Chaque inclusion est définie individuellement par sa géométrie de forme ellipsoïdale (ou elliptique en 2D), son orientation et son matériau. Les inclusions sont plongées dans une matrice de matériau homogène dont le bord est à distance finie ou infinie. Quand le bord est à distance finie, la méthode impose qu’il soit de forme ellipsoïdale. Ainsi, les microstructures générées en vue de ce calcul doivent prendre en compte cette spécificité. Le post-traitement des résultats de cette méthode permet de :
– déterminer des estimations, qui peuvent avoir un statut de borne, des propriétés macroscopiques d’une réalisation,
– déterminer des estimations locales des champs au niveau des inclusions.
Cette méthode peut éventuellement être adaptée pour étudier les interactions entre les inclusions et prendre en compte la présence d’auréoles de transition autour des gains. En dehors des matériaux cimentaires, cette méthode peut être utilisée pour le calcul de toute microstructure de type matrice-inclusion à des échelles où les effets d’interface sont négligeables.

Conclusion

     La méthode de l’inclusion équivalente, utilisée dans le présent travail dans sa forme variationnelle, permet de calculer des microstructures hétérogènes de type matrice-inclusions (matrice : mortier ou pâte de ciment ; inclusions : granulats, pores, etc…) représentant de façon idéalisée les matériaux cimentaires. Cette méthode, du point de vue de la complexité géométrique des microstructures, de leur discrétisation et du coût de calcul, se situe entre les méthodes en champs complets et les méthodes en champs moyens. Elle a été initialement établie dans sa forme variationnelle dans le cadre de l’élasticité linéaire et utilisée en pratique pour le calcul de microstructures à inclusions sphériques. Pareillement à la méthode des éléments finis qui peut être enrichie en utilisant des éléments quadratiques par exemple, la méthode de l’inclusion équivalente peut être améliorée en enrichissant la forme des champs à l’intérieur des inclusions. Ce point important fit partie de travaux antérieurs à ce mémoire (Brisard et al., 2014) qui ont proposé des champs locaux de forme polynômiale, telle que la précision de la méthode augmente avec le degré de ces polynômes. Le présent travail s’est intéressé à l’enrichissement de cette méthode sur deux autres volets :
– la géométrie : extension de la méthode à des inclusions ellipsoïdales,
– le comportement : extension de la méthode à la viscoélasticité linéaire sans vieillissement, nous permettant ainsi de prendre en compte le fluage de façon simplifiée.
Pour ces deux points, on s’est limité à des champs de polarisation constants par inclusion. Contrairement aux schémas classiques basés sur le formalisme du tenseur d’Eshelby, les inclusions ne sont pas vues comme des phases, mais comme des zones géométriques explicites, définies par leurs positions, leurs orientations et leurs comportements locaux. Le système linéaire résultant de l’application de la méthode est constitué de :
– termes qui traduisent l’effet de chaque inclusion sur elle même : il s’agit des mêmes grandeurs qu’on retrouve dans un schéma dilué,
– d’autres termes qui traduisent l’effet sur une inclusion produit par toutes les autres inclusions en présence : il s’agit des tenseurs d’influence. C’est la prise en compte explicite de ces grandeurs pour toutes les paires d’inclusions qui donne la spécificité de cette méthode par rapport aux schémas classiques qui ne prennent en compte ces termes que de façon approchée,
– des termes de correction lorsque le domaine de calcul est borné.
Les hypothèses considérées pour un usage pratique de cette méthode d’homogénéisation imposent le choix d’un milieu de référence du même matériau que la matrice et la génération de volumes élémentaires statistiques de forme ellipsoïdale. Cette dernière hypothèse sur la géométrie des microstructures constitue des limitations de la méthode. Néanmoins, il n’y a aucune discrétisation ou maillage à faire, l’élément de base étant l’inclusion elle même. L’ensemble des données définissant une inclusion (position, orientation, forme) constitue la seule information géométrique à fournir. Par ailleurs, le nombre de degrés de liberté de cette méthode est nettement inférieur à celui des méthodes des éléments finis ou de la transformée de Fourier rapide. Le fait de considérer que chaque inclusion est sous l’influence de toutes les autres fait que la matrice du système assemblée est pleine, contrairement aux matrices relatives à des méthodes numériques telles que les éléments finis ou les éléments discrets. On observe ce genre de difficultés pour la méthode des éléments de frontière par exemple. Comme le nombre de degrés de liberté reste tout de même relativement bas, la complexité du calcul demeure réduite, à moins que le degré polynômial des champs soit élevé, notamment en 3D. L’extension de la méthode de l’inclusion équivalente à d’autres formes d’inclusions a pour vocation de mieux représenter la microstructure (granulats de forme asphérique, béton fissuré ou fibré, certains hydrates dans la pâte du ciment, …). Le calcul des tenseurs d’influence constitue la difficulté principale lorsqu’on prend en compte des inclusions ellipsoïdales. Contrairement au cas des sphères, ces tenseurs n’ont pas d’expression analytique pratique. Deux méthodes complémentaires ont été proposées pour le calcul de ces tenseurs :
– méthode de Berveiller, consistant à calculer numériquement une intégrale double dans le domaine de Fourier. Cette méthode est nécessaire quand les inclusions sont rapprochées, auquel cas la forme des inclusions joue un rôle important,
– approximation par le développement limité d’ordre 2. Cette approximation est d’autant plus précise que les inclusions sont éloignées. Dans cette approximation, seuls interviennent d’une manière découplée les volumes des inclusions et leurs tenseurs d’inertie.
Pour un calcul complet sur une microstructure de taille réelle, les deux méthodes sont utilisées conjointement. Le choix de l’une ou l’autre méthode est basé sur la distance entre les inclusions. Pour des distances supérieures à une distance dite de transition, c’est le développement limité qui est choisi. Un calcul complet par intégration numérique est effectué dans le cas contraire. La définition de cette distance de transition reste néanmoins difficile. Nos calculs montrent tout de même que l’erreur relative reste inférieure à 1% en moyenne pour des inclusions élancées et s’avère meilleure pour la plupart des paires d’inclusions. Le manque de précision sur quelques tenseurs d’influence n’affecte pas pour autant le calcul global sur l’ensemble de la microstructure. Pour les microstructures à inclusions ellipsoïdales, la majeure partie du temps de calcul est consommée par l’assemblage de la matrice du système. Il y a intérêt à réduire au mieux le nombre de tenseurs calculés par intégration numérique. L’application présentée nous a permis de constater que le fait de réduire la distance de transition en faveur de l’approximation par développement limité ne dégrade pas significativement le résultat. L’algorithme implémenté pour cette méthode tient compte de l’indépendance des blocs de la matrice, ce qui permet de faire des calculs parallèles. Le recourt à la parallélisation s’avère crucial pour ces calculs. Le fluage du béton est modélisé par la viscoélasticité linéaire sans vieillissement. L’extension des méthodes d’homogénéisation de l’élasticité linéaire à ce genre de comportements se fait par le biais de la transformation de Laplace–Carson. Le calcul dans l’espace de la transformée conduit à des résultats indexés par la variable de Laplace. Le retour aux originales, dans l’espace temporel, nécessite l’inversion de cette transformation. En pratique, cette inversion nécessite l’utilisation de méthodes numériques. La précaution à prendre pour un calcul pratique avec la méthode de l’inclusion équivalente, comme elle est relativement lourde, est d’utiliser des méthodes d’inversion numérique qui nécessitent un minimum de calculs dans l’espace de Laplace–Carson. La méthode de collocation, permettant d’approcher un comportement viscoélastique linéaire non vieillissant complexe par un modèle de Maxwell généralisé, s’avère utile dans notre cas. Cette méthode est présentée sous plusieurs formes ; l’approche de Lévesque est adoptée dans le présent travail. Cette dernière, contrairement à la définition classique de la méthode de collocation, considère les temps caractéristiques du modèle de Maxwell généralisé indépendants des points de collocation (où la transformée est évaluée). La difficulté de cette approche est qu’elle présente un nombre important de paramètres, qui rendent délicate son application objective et automatisée. Le présent travail présente une méthodologie de choix des points de collocation et propose d’améliorer la qualité de l’inversion par optimisation des temps caractéristiques du modèle de Maxwell généralisé. L’indépendance entre les temps caractéristiques et les points d’évaluation présente un avantage considérable pour le calcul avec la méthode de l’inclusion équivalente : l’optimisation des temps caractéristiques ne nécessite aucune évaluation supplémentaire dans l’espace de Laplace–Carson. Pour autant, l’optimisation des temps caractéristiques n’est pas sans difficultés. Les algorithmes utilisés dépendent le plus souvent du point de départ et l’erreur quadratique optimisée devient rapidement très faible et très sensible aux erreurs de virgule flottante, ce qui limite la qualité de l’optimisation. À défaut d’atteindre l’optimum, l’optimisation des temps caractéristiques permet dans tous les cas d’améliorer la qualité de l’inversion moyennant un calcul à faible coût relativement au coût de l’application de la méthode d’homogénéisation utilisée. Finalement, on a présenté le principe d’utilisation de la méthode de l’inclusion équivalente dans le cadre de la viscoélasticité linéaire sans vieillissement. En parallèle avec l’amélioration de la précision de la méthode d’inversion de la transformée de Laplace–Carson, les tenseurs d’influence ont le grand avantage de s’écrire de manière à découpler les termes relatifs aux matériaux et ceux relatifs à la géométrie. Cela signifie que les calculs coûteux peuvent être faits une seule fois pour une géométrie donnée (et les résultats éventuellement stockés) et la matrice du système est obtenue par combinaison linéaire de ces grandeurs purement géométriques. L’assemblage dans le cadre de la viscoélasticité linéaire non vieillissante devient à cet effet comparable à l’assemblage en élasticité linéaire.

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Table des matières

Introduction
1 La méthode de l’inclusion équivalente 
1.1 Équation de Lippmann–Schwinger 
1.1.1 Équation de Lippmann–Schwinger en domaine borné
1.1.1.1 L’opérateur de Green d’ordre 4 en domaine borné
1.1.1.2 Équation de Lippmann–Schwinger
1.1.1.3 Principe de Hashin et Shtrikman
1.1.2 Équation de Lippmann–Schwinger modifiée
1.1.2.1 Opérateur de Green du milieu infini et l’approximation de Willis (1977)
1.1.2.2 Conditions aux limites mixtes
1.1.2.3 Principe de Hashin et Shtrikman associé à l’équation de Lippmann– Schwinger modifiée
1.2 Formulation variationnelle de la méthode de l’inclusion équivalente
1.2.1 Forme faible de l’équation de Lippmann–Schwinger
1.2.2 Discrétisation de type Galerkin
1.2.3 Estimation de la déformation et de la contrainte dans les inclusions
1.3 Forces et faiblesses de la méthode de l’inclusion équivalente
1.3.1 Calcul de propriétés apparentes
1.3.2 Calcul de champs locaux
1.3.2.1 Comparaison des champs de déformation
1.3.2.2 Portée des interactions élastiques
2 Extension aux inclusions ellipsoïdales 
2.1 Tenseur d’influence de deux ellipsoïdes 
2.2 Développement limité d’ordre 2 du tenseur d’influence 
2.3 Intégration numérique du tenseur d’influence 
2.3.1 Principe du calcul
2.3.2 Schéma d’intégration numérique
2.4 Validation des deux approches
2.4.1 À propos des deux approches
2.4.2 Analyse de la précision de l’intégration numérique
2.4.3 Analyse de la précision du développement multipolaire
2.4.4 Première détermination d’une distance de transition
2.5 Application : « portée » des interactions élastiques 
2.5.1 Inclusions plongées dans un domaine infini
2.5.2 Microstructure à inclusions sphériques
2.5.3 Microstructure à inclusions ellipsoïdales
3 Application en viscoélasticité linéaire non-vieillissante 
3.1 Homogénéisation en viscoélasticité linéaire 
3.1.1 Problème d’homogénéisation en viscoélasticité linéaire sans vieillissement
3.1.1.1 Comportement viscoélastique linéaire non vieillissant
3.1.1.2 Problème d’homogénéisation
3.1.2 Utilisation du principe de correspondance
3.1.3 Le modèle de Burgers pour la matrice cimentaire
3.2 Inversion de la transformée de Laplace–Carson – État de l’art 
3.2.1 Méthode de Stehfest
3.2.2 Inversion par collocation
3.2.2.1 Méthode de Schapery
3.2.2.2 Méthode de Lévesque
3.2.2.3 Méthode de Rekik – Optimisation non linéaire des temps caractéristiques
3.2.3 Méthode directe
3.3 Optimisation de la méthode de Lévesque 
3.3.1 Calculs de référence
3.3.1.1 Schéma de Mori-Tanaka avec un biphasé de Maxwell incompressible
3.3.1.2 Schéma de Mori-Tanaka avec matrice de Burgers et inclusions élastiques
3.3.1.3 Schéma auto-cohérent avec un biphasé de Maxwell incompressible
3.3.2 Choix des points de collocation ps
3.3.3 Optimisation des temps caractéristiques
3.3.4 Évaluation de l’optimisation pour des cas de référence
3.3.5 Réalité physique des temps de collocation
3.3.6 Isolation de la composante transitoire d’une fonction viscoélastique
3.3.6.1 Calcul semi-analytique
3.3.6.2 Calcul par moindres-carrés généralisés
3.3.6.3 Calcul par théorème des valeurs aux limites
3.4 Homogénéisation numérique en viscoélasticité linéaire non-vieillissante par la méthode de l’inclusion équivalente 
3.4.1 Principe du calcul
3.4.1.1 Calcul de base et confrontation aux éléments finis
3.4.1.2 Méthode de l’inclusion équivalente en viscoélasticité linéaire sans vieillissement
3.4.2 Implémentation
3.5 Application : relaxation macroscopique de microstructures constituées d’inclusions ellipsoïdales 
3.5.1 Microstructures isotropes
3.5.2 Microstructure anisotrope
Conclusion et perspectives
Conclusion
Perspectives
Annexes

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