Des concepts clés pour la compréhension des relations hôte – microbiote – environnement
Holobionte et théorie de l’hologénome
La première description de l’holobionte est réalisée par Lynn Margulis en 1981. L’auteure émet l’hypothèse d’un monde microbien omniprésent et obligatoire à chaque organisme vivant, jouant un rôle majeur dans sa santé, et, expliquant en partie leur évolution. Sa théorie est reprise successivement par plusieurs auteurs (Theis et al., 2016; Bordenstein and Theis, 2015; Zilber-Rosenberg and Rosenberg, 2008), qui l’enrichissent de définitions et d’un cadre méthodologique. L’holobionte est donc constitué d’un hôte et de l’ensemble des microorganismes qui le colonise.
En 2007, Ilana Zilber-Rosenberg et Eugene Rosenberg définissent le terme d’hologénome, comme étant l’ensemble des informations génétiques de l’holobionte, et exposent leur théorie de l’évolution selon l’hologénome (Zilber-Rosenberg and Rosenberg, 2008; Margulis, 1993), à partir de leurs travaux réalisés sur les coraux (Rosenberg et al., 2007). Ainsi, leur théorie renvoie à quatre principes :
❖ il existe des relations symbiotiques entre les hôtes et leurs microorganismes ;
❖ une partie de ces symbiontes sont transmis aux générations suivantes ;
❖ ces associations symbiotiques contribuent à la santé et l’homéostasie de l’hôte ;
❖ face à des stress environnementaux, des variations de l’hôte et/ou de ses microorganismes confèrent une grande « souplesse » adaptative à l’holobionte.
Dans la théorie de l’hologénome reprise par Bordenstein et Theis en 2015 et Theis et al. en 2016, holobiontes et hologénomes constituent des unités biologiques fonctionnelles (fig. 1), qui co-évoluent (O’Brien et al., 2019; Theis, 2018; Theis et al., 2016; Bordenstein and Theis, 2015). Il est précisé que les gènes de l’hôte et /ou de son microbiote associé, peuvent affecter le phénotype de l’holobionte. Ceci confère à l’holobionte une plasticité génétique et une capacité d’adaptation plus importante face à des changements environnementaux (Rosenberg and Zilber-Rosenberg, 2016; Zilber-Rosenberg and Rosenberg, 2008 ; Rosenberg et al., 2007).
Le microbiome
Le microbiome désigne « l’ensemble des microorganismes caractéristiques d’un habitat, qui a des propriétés physico-chimiques distinctes, ainsi que son théâtre d’activité » (Berg et al., 2020; Marchesi and Ravel, 2015; Whipps, 2001) .
La définition de ce microbiome met en avant le recours aux approches multi-omics. En effet, le microbiome est donc composé de la somme des communautés bactériennes appartenant à un même « habitat », mais également de leurs informations génétiques, de leurs produits de synthèse, et des facteurs de l’environnement (Berg et al., 2020; Apprill, 2017) (fig. 2). Dans ce microbiome, les microbiotes sont étudiés par des techniques de métagénomique voire des techniques culturedépendantes, et le théâtre d’activités par différentes approches telles que la protéomique, la métabolomique ou encore la transcriptomique (Limborg et al., 2018).
Microbiote : un ou des microbiotes
Définitions et généralités
Le microbiote est défini comme l’ensemble des microorganismes associés à un hôte eucaryote. La présence de ce microbiote contribue à l’homéostasie de l’animal (Bordenstein and Theis, 2015; Moran and Sloan, 2015; Moran, 2007). La composition du microbiote peut varier, en terme de diversité et d’abondance, en fonction de différents facteurs, de l’environnement, de l’hôte, ou du microbiote lui-même. Il peut être étudié à différentes échelles, depuis le microbiote « total » d’un organisme entier, souvent déterminé lorsqu’il est impossible de différencier les structures anatomiques (embryons, larves, corps mou…), ou bien à une échelle anatomique donnée de l’hôte (organe, système) (Ling et al., 2013). Ainsi, les microbiotes cutanés et gastro-intestinaux sont les plus communément étudiés, quelle que soit l’espèce (Petersen and Osvatic, 2018) (fig. 3).
Ainsi, chez l’homme, et plus globalement chez les vertébrés, il existe de nombreux microbiotes différenciés tels que :
❖ le microbiote cutané (Boxberger et al., 2021; Byrd et al., 2018),
❖ les microbiotes associés au système respiratoire (Santacroce et al., 2020) :
❖ pulmonaire (Man et al., 2017; O’Dwyer et al., 2016),
❖ nasal (Lemon, 2020),
❖ buccal (Gao et al. 2014),
❖ les microbiotes liés au système digestif :
❖ gastrique (Thursby and Juge, 2017)
❖ intestinal (Doré and Corthier, 2010)
❖ le microbiote génital (Diop et al., 2019).
Transmissions
Il existe différents modes de transmission du microbiote, par transmission verticale, c’est-à-dire d’une génération à l’autre, et/ou par transmission horizontale, par imprégnation avec l’environnement (Rosenberg and Zilber-Rosenberg, 2018; Theis et al., 2016; Bordenstein and Theis, 2015). La transmission verticale est bien décrite chez les mammifères, notamment pour le microbiote gastrointestinal (Sarkar et al., 2020; Moeller et al., 2018). Les vecteurs – ou moments clés – de transmission verticale peuvent être : l’allaitement (Wang et al., 2020) et plus globalement l’alimentation de la progéniture (Ding et al., 2020), l’accouchement ou la mise bas (Reyman et al., 2019), ou le contact pendant les soins apportés à la progéniture. Chez les organismes aquatiques, la transmission verticale est plus controversée mais démontrée chez certains poissons, par l’alimentation des juvéniles avec le mucus des parents (Sylvain and Derome, 2017). Ensuite, la transmission horizontale est réalisée par imprégnation avec l’environnement, tout au long de la vie des hôtes. La transmission peut être effectuée selon différentes voies : par contact (avec les substrats, le sol, eau de mer…), par voie aérienne (aérosols), et par alimentation. Chez les organismes aquatiques, l’imprégnation dans l’environnement est omniprésente, avec l’eau de mer comme vecteur privilégié de transmission horizontale.
De l’équilibre des communautés bactériennes du microbiote à la dysbiose
Certains microorganismes présents dans le microbiote vont avoir un effet positif, négatif ou neutre sur l’hôte. Ainsi, il a été défini trois types de microbiote : le microbiote dit « bénéfique », le microbiote « neutre » et le microbiote « opportuniste et/ou pathogène » (Berg et al., 2020; Rosenberg et al., 2007).
Le microbiote bénéfique est décrit le plus souvent comme commensal et/ ou symbiotique, il interagit de façon positive avec l’hôte en contribuant à sa santé (Butt and Volkoff, 2019). Ce microbiote « positif » est associé à l’évolution de l’hôte. A l’opposé, il existe des microorganismes opportunistes voire pathogènes, constituant le « pathobiome », qui vont entraîner des perturbations du microbiote, et entrainer une dysbiose (Berg et al., 2020; Hedayat et al., 2020; Appanna, 2018) (fig. 4). Une dysbiose peut être définie comme un déséquilibre du microbiote, caractérisé par une modification des compositions des communautés bactériennes du microbiote, entraînant par la même des modifications métaboliques et fonctionnelles, et pouvant conduire à une pathologie (Hedayat et al., 2020). Les microorganismes des microbiotes de l’hôte interagissent entre eux, qu’ils soient positifs, neutres ou pathogènes, et l’équilibre ou la balance entre ces populations microbiennes et leur diversité contribuent à la santé de l’hôte.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. INTRODUCTION GENERALE
1.1 DES CONCEPTS CLES POUR LA COMPREHENSION DES RELATIONS HOTE – MICROBIOTE – ENVIRONNEMENT
1.1.1 HOLOBIONTE ET THÉORIE DE L’HOLOGÉNOME
1.1.2 LE MICROBIOME
1.1.3 MICROBIOTE : UN OU DES MICROBIOTES
DEFINITIONS ET GENERALITES
TRANSMISSIONS
DE L’EQUILIBRE DES COMMUNAUTES BACTERIENNES DU MICROBIOTE A LA DYSBIOSE
DEFINIR UN « CORE MICROBIOTE »
LES TECHNIQUES D’ANALYSE DU MICROBIOTE : AVANCEES ET LIMITES
1.2 LE MICROBIOTE DES « INVERTEBRES MARINS »
1.2.1 DIVERSITÉ DES MODÈLES D’ÉTUDE CHEZ LES INVERTÉBRÉS MARINS
1.2.2 FACTEURS INFLUENÇANT LES MICROBIOTES DES INVERTÉBRÉS MARINS
1.2.3 EXPLORATION DU MICROBIOTE DES INVERTÉBRÉS MARINS AU REGARD DES NGS
UN MICROBIOTE SPECIFIQUE DE L’HOTE
UNE COMPARTIMENTATION DES MICROBIOTES
CONTRIBUTION DE L’HABITAT A LA SELECTION DU MICROBIOTE DE L’HOTE
DYNAMIQUE TEMPORELLE DES MICROBIOTES
EVOLUTION ET TRANSMISSION DU MICROBIOTE AU COURS DU CYCLE DE VIE
EFFET DU REGIME ALIMENTAIRE SUR LE MICROBIOTE GASTRO-INTESTINAL
PATHOLOGIE ET CONSEQUENCES SUR LE MICROBIOTE
IMPACT DES PRESSIONS ANTHROPIQUES SUR LES MICROBIOTES
DES ASSOCIATIONS FONCTIONNELLES CHEZ LES INVERTEBRES MARINS
1.3 DU MICROBIOTE A L’HOTE HOLOTHURIE
1.3.1 LE PHYLUM DES ÉCHINODERMES
CLASSIFICATION
BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE DES ECHINODERMES
LES HOLOTHURIES : DES ANIMAUX TRES CONVOITES
L’HOLOTHURICULTURE
1.3.2 HOLOTHURIA FORSKALI, UNE NOUVELLE ESPÈCE D’INTÉRÊT POUR L’AQUACULTURE ET LES BIOTECHNOLOGIES
1.3.3 LES MICROBIOTES DES HOLOTHURIES
GENERALITES
MICROBIOTE GASTRO-INTESTINAL
MICROBIOTE CŒLOMIQUE
UN MICROBIOTE SOURCE DE SOUCHES PROBIOTIQUES
1.4. OBJECTIFS DE LA THESE
1.4.1 OBJECTIFS
1.4.2 MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE
1.4.3 LE PROJET HOLOFARM
2. CHAPITRE 1 : SPECIFICITE DU MICROBIOTE CŒLOMIQUE DE TROIS ECHINODERMES : LE CONCOMBRE DE MER HOLOTHURIA FORSKALI, L’ETOILE DE MER MARTHASTERIAS GLACIALIS, ET L’OURSIN SPHAERECHINUS GRANULARIS
2.1 PREAMBULE
2.1.1 LE LIQUIDE CŒLOMIQUE, UN COMPARTIMENT CLÉ POUR L’IMMUNITÉ DE L’HÔTE
2.2 PUBLICATION 1 (SOUMISE AEM): PLASTICITY AND SPECIFICITY OF THE CŒLOMIC MICROBIOTA AMONG THREE ECHINODERMS: THE SEA CUCUMBER HOLOTHURIA FORSKALI, THE SEA STAR
MARTHASTERIAS GLACIALIS, AND THE SEA URCHIN SPHAERECHINUS GRANULARIS
ABSTRACT
IMPORTANCE
INTRODUCTION
RESULTS
SEQUENCING INFORMATION AND QUALITY CONTROL
COMMUNITY COMPOSITION OF THE CŒLOMIC MICROBIOTA
ALPHA-DIVERSITY
BETA DIVERSITY ANALYSIS
SPECIFIC OTUS
FROM SPECIFICITY TO A COMMON CORE MICROBIOTA AMONG ECHINODERMS
ENUMERATION OF CULTURABLE MICROBIOTA
SCREENING FOR ANTIBACTERIAL ACTIVITY IN CULTURABLE STRAINS
DISCUSSION
CONCLUSION
MATERIALS AND METHODS
SAMPLE COLLECTION
ANALYSIS OF CŒLOMIC MICROBIOTA USING 16S METABARCODING
ANALYSIS OF CŒLOMIC MICROBIOTA WITH CULTURABLE APPROACHES
REFERENCES
SUPPLEMENTARY MATERIALS
2.3 CONCLUSION DU CHAPITRE ET PERSPECTIVES
3. CHAPITRE 2 : ETUDE DES MICROBIOTES ANATOMIQUES DE H. FORSKALI
3.1 PREAMBULE
3.2 PUBLICATION 2 (DRAFT): MULTISCALE ANALYSIS OF THE SEA-CUCUMBER H. FORSKALI MICROBIOTA EXHIBITED AN ANATOMICAL-SPECIFIC MICROBIOTA AND SPATIOTEMPORAL VARIATIONS
SUMMARY
INTRODUCTION
MATERIAL AND METHODS
ANIMAL COLLECTION
RECOVERY OF BIOLOGICAL FRACTIONS
MICROBIOTA ANALYSES WITH METABARCODING 16S
RESULTS
DATA DESCRIPTION AND PREPROCESS ON SEQUENCING DATA
ALPHA-DIVERSITY
BETA-DIVERSITY
COMPOSITION OF BACTERIAL COMMUNITIES OF THE THREE ANATOMICAL MICROBIOTA OF H. FORSKALI AND THE ENVIRONMENT
ANATOMICAL-ASSOCIATED CORE MICROBIOTA
ANATOMICAL-SPECIFIC MICROBIOTA
DIFFERENTIAL ABUNDANCE ANALYSIS
DISCUSSION
BACTERIAL ASSEMBLAGES LINKED TO ANATOMICAL MICROBIOTA AND TEMPORALLY-VARIABLE
A GASTRO-INTESTINAL MICROBIOTA HIGHLY DIVERSE, REVEALING THE FEEDING BEHAVIOUR OF THE HOST
A SKIN MICROBIOTA MIRROR OF ITS ENVIRONMENT
THE COELOMIC FLUID, THE KEY COMPARTMENT IN ECHINODERMS
FROM BACTERIAL COMPOSITION TO CORE SPECIFIC MICROBIOTA, ASSOCIATED TO ANATOMICAL COMPARTMENT
CONCLUSION
REFERENCES
SUPPLEMENTARY MATERIALS
3.3 CONCLUSION DU CHAPITRE ET PERSPECTIVES
4. CHAPITRE 3 : EVOLUTION DU MICROBIOTE DE H. FORSKALI AU COURS DE SON CYCLE DE VIE
4.1 PREAMBULE
4.2 PUBLICATION 3 (DRAFT): MICROBIOTA IN AQUACULTURE: DIVERSITY, TRANSMISSION AND PLASTICITY OF THE MICROBIOTA AMONG THE LIFE CYCLE OF THE SEA CUCUMBER H. FORSKALI (ECHINODERMATA, HOLOTHUROIDEA)
SUMMARY
INTRODUCTION
MATERIAL AND METHODS
SAMPLING COLLECTION AND PREPARATION
DNA EXTRACTION AND SEQUENCING
PRE-PROCESSING ON MICROBIOTA DATA
STATISTICAL ANALYSIS
RESULTS
SEQUENCING RESULTS
ALPHA-DIVERSITY ANALYSIS
BETA-DIVERSITY
COMPOSITION OF BACTERIAL COMMUNITIES
DIFFERENTIAL ABUNDANCE ANALYSIS ON FIRST STAGES
A TEMPORAL CORE MICROBIOTA ASSOCIATED WITH A LIFE STAGE
HORIZONTAL AND VERTICAL TRANSMISSION: SHARED OTUS
EFFECT OF CAPTIVITY IN THE COMPOSITION OF BROODSTOCK MICROBIOTA
DISCUSSION
A DIVERSE AND DISTINCT MICROBIOTA, FROM THE EMBRYOS TO THE BROODSTOCK
HORIZONTAL AND VERTICAL TRANSFER
SPECIALIZATION OF THE MICROBIOTA CORRELATED WITH THE LIFE CYCLE
THE CAPTIVITY INFLUENCED THE COELOMIC MICROBIOTA OF H. FORSKALI
CONCLUSION
REFERENCES
SUPPLEMENTARY MATERIALS
4.3 CONCLUSION DU CHAPITRE ET PERSPECTIVES
CONCLUSION