Historique sur les inhibiteurs de corrosion
Tout comme pour bien d’autres domaines, il est difficile de déterminer l’origine exacte de l’inhibition considérée comme une technologie à part. Néanmoins, il y a quelques décennies, il a été observé que le dépôt calcaire formé à l’intérieur des conduites transportant certaines eaux naturelles protégeait cette conduite; plutôt que d’améliorer sans cesse la résistance à la corrosion des conduites en agissant directement sur ces dernières, il s’avère plus pratique d’ajuster les concentrations minérales des solutions transportées, qui sont à l’origine des dépôts calcaires << protecteurs>>. En 1945, on comptait moins de 30 papiers traitant de l’inhibition. Dans un article de 1948 [Gomma, 1998], Waldrip se référait à un rapport datant de 1943 au sujet de sa discussion concernant la protection contre la corrosion des puits de pétrole. De nombreux articles concernant l’inhibition ont été rédigés durant la période allant de 1945 à 1954: ceux-ci traitaient entre autres de l’inhibition dans les domaines de l’aviation, des chaudières, des circuits de refroidissement, des moteurs diesel, des sels de déneigement, des raffineries de pétrole, des pétroliers…. Les articles publiés durant cette période témoignent d’un grand développement technologique en matière d’inhibition.
Durant les quarante dernières années, un nombre croissant de résumés, d’articles et autres ouvrages évoquant ce sujet a été recensé : au total, en 1970, 647 articles traitant de l’inhibition sont dénombrés [Popova et al, 2003]. Les inhibiteurs de corrosion ont été largement utilisés durant ces deux dernières décennies, parmi les plus connus, le nitrite de sodium Ca(NO2)2 a été utilisé en 1958 par l’Union Soviétique comme un inhibiteur de corrosion d’acier dans les produits de l’autoclave pour la réduction de l’alcalinité du béton. Cette innovation d’usage du Ca(NO2)2 devient une stratégie de protection contre la corrosion causée par les sels de déverglaçage. Au Japon et aux Etats-Unis, le Ca(NO2)2 a été utilisée pendant plusieurs année Le premier brevet a été accordé à une compagnie en 1977 pour application commerciale d’inhibiteur à base de nitrite [Soylev et al, 2008].
La composition de l’inhibiteur
a) Les inhibiteurs organiques : Les molécules organiques sont promises à un développement plus que certain en termes d’inhibiteur de corrosion : leur utilisation est actuellement préférée à celles des inhibiteurs inorganiques pour des raisons d’écotoxicité essentiellement. Les inhibiteurs organiques sont généralement constitués de sous-produits de l’industrie pétrolière [Chetouani et al, 2002]. Ils possèdent au moins un atome servant de centre actif pour leur fixation sur le métal tel que l’azote (amines, ammoniums quaternaires, amides, imidazolines, triazoles…), l’oxygène (alcools acétyléniques, carboxylates, oxadiazoles…), le soufre (dérivés de la thiourée, mercaptans, sulfoxydes, thiazoles…) ou le phosphore (phosphonates), l’une des limitations dans l’utilisation de ces produits peut être l’élévation de température, les molécules organiques étant souvent instables à chaud [Elhadi, 2009].
b) Les inhibiteurs minéraux : Les molécules minérales sont utilisées le plus souvent en milieu proche de la neutralité, voire en milieu alcalin, et plus rarement en milieu acide. Les produits se dissocient en solution et se sont souvent leurs produits de dissociation qui assurent les phénomènes d’inhibition (anions ou cations). Les cations inhibiteurs sont essentiellement Ca2+ et Zn2+ et ceux qui forment des sels insolubles avec certains anions tels que l’hydroxyle OH- [Elhadi, 2009]. Les principaux anions inhibiteurs sont les oxo-anions de type XO4 n- tels les chromates, molybdates, phosphates, silicates,…. Le nombre de molécules utilisés actuellement dans ce domaine se restreigne car la plupart des produits efficaces présentent un coté néfaste pour l’environnement. Dans ce cadre, F.BENTISS et al ont mis au point, en collaboration avec la Société Nouvelle des Couleurs Zinciques (SNCZ), un procède de préparation de nouveaux complexes organiques de chrome III et d’autres cations (Zn2+, Ca2+, Mg2+, Mn2+, Sr2+, A12+, Zr2+, Fe2+ ) efficaces contre la corrosion et non toxiques [Ivanov, 1986].
Les mécanismes d’action électrochimique
a) Les inhibiteurs anodiques : Ce sont des composés dont l’anion peut former avec les cations issus de la corrosion un complexe insoluble qui précipite à la surface du substrat [Fiaud, 1990]. Il faut alors fournir plus d’énergie au système pour que la réaction anodique se produise, ce qui entraine une augmentation de la valeur du potentiel de corrosion. Il existe deux catégories d’inhibiteurs anodiques : -Les ions oxydants qui peuvent passiver l’acier en absence d’oxygène : nitrites NO2 – , chromates CrO4 2-, molybdates MoO4 2-, tungstates WO4 2-, vanadates VO4 3-. L’inhibition se fait par adsorption des anions à la surface du fer. Dans ce cas, il y a une diminution de la surface anodique et une augmentation de la surface cathodique. La réaction cathodique est alors accélérée et le potentiel du fer va vers des valeurs plus électropositives d’ou la formation d’une couche protectrice du type Fe2O3- [Oly, 2011].
– Les ions non oxydants qui nécessitent la présence d’oxygène tel que : les phosphates-, les borates, les silicates et carbonates. Une des particularités de ces ions est que leur hydrolyse libère des ions hydroxydes qui auront pour effet d’augmenter le pH du milieu et ainsi de passiver l’acier. De plus, en présence d’oxygène, les anions vont former avec le cation du métal un phosphate de fer III trés peu soluble qui va colmater la surface anodique et déplacer la réaction cathodique de réduction [Oly, 2011]. Tous ces ions se consomment lentement et il est donc nécessaire de contrôler périodiquement que la concentration en inhibiteur soit suffisante afin d’atteindre l’intensité critique de passivation [Oly, 2011]. En effet, une concentration insuffisante provoquera une accélération de la corrosion, souvent sous la forme de piqures (phénomène du type grande cathode – petite anode). La concentration requise en inhibiteur passivant, souvent de l’ordre de 10-4 a 10-5 mol/L [Buchler, 2005], dépend en fait de nombreux facteurs tels que la température, le pH, la présence d’ions depassivants comme les chlorures ou réducteurs comme le soufre S2- [Helie, 2015]. De cette optique, nous avons préconisé l’étude de l’influence de pH et la température sur la cinétique de l’inhibition de la corrosion des armatures dans le béton.
b) Les inhibiteurs cathodiques : Les inhibiteurs du type cathodique quant à eux doivent empêcher l’oxygène de capter les électrons à la cathode de façon à déplacer le potentiel de corrosion vers des valeurs moins nobles. Leur mode d’action se fait par précipitation à la surface de la cathode, d’un sel ou d’un hydroxyde sous l’action des ions hydroxyles (OH-) produits par la réduction de l’oxygène dissous lors de la réaction cathodique de la corrosion. Selon Fiaud [Fiaud, 1990], on retrouve dans cette catégorie :
L’inhibition de la corrosion par des produits à base de phosphates
L’utilisation d’inhibiteurs de corrosion à base de phosphates (orthophosphates et polyphosphates de sodium) pour lutter contre la corrosion de la fonte. On confére à ces produits de nombreuses propriétés, notamment celle de former un film protecteur a la surface de la paroi de la conduite ce qui inhibe ou ralentit la vitesse de corrosion. Les solutions de poIyphosphates disponibles dans le commerce peuvent être sous forme de pyrophosphate de sodium (Na4P2O7), tripolyphosphate de sodium (Na5P3O10), ou bien sous forme de solutions vitreuses de phosphates de composition indéfinie. Les polyphosphates sont souvent des chaînes linéaires ayant un nombre variable de monomères orthophosphates (PO3- 4) lié les uns aux autres par des atomes d’oxygène. La chaîne est habituellement constituée de 4 à 18 atomes de phosphore [Holm et al, 1991]. Selon Boffardi (1993) les polyphosphates de sodium sont des inhibiteurs cathodiques car ils interférent avec la réaction de réduction de l’oxygène (équation 1) au niveau des sites cathodiques : O2 + 2H2O + 4e- 4OH- Eq (1.3) Le phosphate comme produit chimique inorganique est le sel d’acide phosphorique.
Les phosphates sont destinés pour obtenir les phosphorus utilisés pour l’agriculture et l’industrie. A températures élevées et en état solide, les phosphates se condensent pour former des pyrophosphates [Mercier, 2000]. L’ajout d’inhibiteurs à base de phosphate influe largement à la fois la corrosion du béton et le dépôt du tartre au niveau des pipes. Dans ce contexte, Kashyap [Kashyap, 2008] a étudié l’effet d’inhibiteurs à base de phosphates (orthophosphate et polyphosphate) contre la corrosion dans le béton. Il a trouvé que le polyophosphate était plus efficace à réduire la corrosion dans le béton à concentrations très élevées de 12 mg/l. D’après les résultats de cette recherche ; à pH supérieur à 8.3 les orthophosphates, et les polyphosphates sont incapables de réduire la corrosion. Le zinc se comporte comme meilleur inhibiteur lorsqu’il est utilisé conjointement avec du phosphate. L’ajout de 0.25 mg/l de Zn procure une réduction du taux de corrosion de 33 % (par rapport à un échantillon de contrôle). Une augmentation du dosage du zinc (0.5 à 1mg/l de Zn) fournit une protection meilleure du béton contre la corrosion [Kashyap, 2008].
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre 1 : Généralités sur les inhibiteurs de corrosion à base de phosphate dans le béton
1.1: Introduction
1.2 : Définition de la corrosion
1.3 : Les différents types de corrosion
1.3.1 : La corrosion générale ou uniforme
1.3.2 : La corrosion localisée
1.3.3 : La corrosion galvanique
1.3.4 : Corrosion par effets de crevasses ou corrosion caverneuse
1.3.5 : Corrosion intergranulaire
1.3.6 : Corrosion érosion ou corrosion cavitation
1.4: La corrosion des armatures dans le béton
1.5: Les Moyens de protection contre la corrosion
1.5.1 : Protection cathodique
1.5.2 : Protection par revêtements
1.5.3 : Protection par les inhibiteurs
1.6 : Les inhibiteurs de corrosion
1.6.1 : Définition
1.6.2 : Historique sur les inhibiteurs de corrosion
1.6.3 : Les classes des inhibiteurs de corrosion
1.6.4 : L’inhibition de la corrosion par des produits à base de phosphates
1.7 : Méthodes de mesures de la corrosion
1.7.1 : Mesures gravimétriques
1.7.2 : Mesures électrochimiques
1.7.3 : Méthodes d’analyses physico-chimiques
1.8 : Conclusion
Chapitre 2 : Phase expérimentale : Etude cinétique de l’inhibition de la corrosion par mesures gravimétriques
2.1 : Introduction
2.2 : Principe des mesures gravimétriques
2.3 : Matériel utilisé et Procédés
2.3.1 : Préparation des pièces
2.3.2 : Préparation des Solutions
2.3.3 : Mesure à temps final
2.4 : Milieu d’étude
2.5 : Résultats obtenus
2.6 : Conclusion
Chapitre 3 : Etude des isothermes d’adsorption
3.1 : Introduction
3.2 : Définition des isothermes d’adsorption
3.3: Modélisation mathématique des isothermes d’adsorption
3.3.1 : Modèle de Langmuir
3.3.2 : Modèle de Frumkin
3.3.3 : Modèle de Temkin
3.3.4 : Modèle de Freundlich
3.4 :Calcul des isothermes
3.5 : Discussion des résultats
3.6 : Conclusion
Chapitre 4: Influence de la température et du pH sur la cinétique de l’inhibition de la corrosion
4.1 : Influence de la température
4.1.1 : Introduction
4.1.2 : Méthode et mesures
4.1.3 : Résultats obtenus
4.1.4 : Conclusion
4.2 : Influence du pH
4.2.1 : Introduction
4.2.2 : Méthodes et mesures
4.2.3 : Résultats obtenus
4.2.4 : Conclusion
Conclusion Générale
Références Bibliographiques
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