Historique, politique et caractéristiques des HTR
Contexte énergétique
La croissance démographique mondiale est aujourd‘hui telle que les besoins en énergie vont subir un boom au cours du XXIème siècle [1,2], avec une croissance énergétique moyenne mondiale de 1,7 % par an jusqu‘en 2030. La production d‘électricité représente la part majoritaire de la production d‘énergie. Le charbon restera ainsi leader dans la production d‘électricité (39 % en 2002 et 38 % en 2030 selon les estimations) d‘après l‘Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Le gaz devrait gagner une part importante (19 % en 2002 à 29 % en 2030) tandis que le pétrole passera de 7 à 4 % sur la même période. Les énergies propres comme l‘hydraulique et le nucléaire verront leur part diminuer respectivement de 16 à 13 % et de 17 à 9 %. Les prochaines décennies connaîtront l‘essor de nouvelles sources d‘énergie comme la biomasse / les déchets ménagers et surtout les énergies renouvelables (passant de 1 % à 4 %). Ces prévisions semblent aller quelque peu à l‘encontre du protocole de Kyoto qui prévoit de diminuer les rejets de gaz à effet de serre dans l‘atmosphère. Le recourt aux énergies fossiles peut notamment s‘expliquer par le développement de pays émergeants qui possèdent sur leur sol les ressources nécessaires, solution énergétique facile et peu technologique. Même si la part du nucléaire tend à diminuer dans le futur, sa production globale d‘énergie va augmenter. Au 31 décembre 2007, trente et un pays étaient nucléarisés, produisant 372 GWe sur 439 unités [3], les réacteurs à eau pressurisée (REP) dominant largement cette production (243 GWe sur 265 unités). À l’heure actuelle, il n’existe cependant aucun HTR en service.
Les générations de réacteurs
La génération d’un réacteur correspond à sa maturité technologique permettant son déploiement industriel. La classification des réacteurs en générations a été créée en 2001 par le Forum International pour la Génération IV (GIF).
Des exemples de la Ière génération, les prototypes UNGG et HTR
Les réacteurs de la Ière génération sont des prototypes construits avant 1970. En France, les réacteurs dits Uranium Naturel Graphite Gaz (UNGG) ont conjointement été développés par Électricité De France (EDF) et le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) après le Seconde Guerre Mondiale. Les UNGG, comme leur nom l’indique, utilisent un combustible à base d’uranium non enrichi, ils sont modérés par le graphite, et sont refroidis par du gaz, le CO2. Dix UNGG ont ainsi été construits : G1, G2 et G3 à Marcoule, A1, A2 et A3 à Chinon, A1 et A2 à Saint Laurent, un à Bugey et un à Vandellos en Espagne. Au Royaume-Uni, l’équivalent de cette filière est le MAGNOX (Magnesium Oxide) où vingt-six réacteurs de ce type ont été construits.
En plus de ces deux principaux types de réacteurs a été développé, à une échelle plus internationale, un autre type de réacteurs, celui des réacteurs à haute température refroidis au gaz (HTGR). En fait, les projets actuels de réacteurs HTR descendent de l‘héritage de projets de HTGR passés [4-6] qui sont principalement :
● le Projet DRAGON à Winfrith au Royaume-Uni (de 1964 à 1976),
● Peach Bottom (de 1966 à 1974) et Fort Saint Vrain, FSV (de 1966 à 1989) aux États-Unis,
● l‘Arbeitsgemeinschaft Versuchs Reaktor, AVR (de 1967 à 1988) au ForschungsZentrum Jülich (FZJ) et le Thorium-Hochtemperaturreaktor, THTR (de 1985 à 1989) à HammUentrop en Allemagne.
À la fin des années 50, le concept des HTR, s’il justifiait ses attentes, a été considéré comme un réacteur thermique avancé qui se situe entre les réacteurs thermiques comme les REP et REB (réacteur à eau bouillante), et les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium. Il était prévu que les HTR offriraient une meilleure efficacité thermique, une meilleure utilisation de l’uranium, que ce soit avec de l’uranium faiblement enrichi, ou fortement enrichi avec le thorium [7]. La sécurité intrinsèque devait être renforcée et les coûts par unité de puissance abaissés. Tous ces avantages potentiels des HTR peuvent aujourd‘hui être réellement obtenus, bien qu‘au démarrage des projets ce point de vue n‘était pas unanimement partagé. Les projets des années 60-80 concernaient des réacteurs prototypes permettant un développement des connaissances de cette nouvelle filière nucléaire. Treize pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) ont participé au projet DRAGON, ce qui montre l’engouement international.
Parallèlement, KWU (Siemens) a conçu un autre design depuis 1979, le HTR Modul dont le design est basé sur l’AVR. Après une décennie de procédures technique et réglementaire, sa licence lui est accordée mais le projet est stoppé en 1989 suite aux mouvements anti-nucléaires et à la chute du mur de Berlin. Sa grande force est pourtant sa sûreté inhérente. C’est avec ce design que sont proposés des exemples de modularité d’applications (d’où son nom). En effet, grâce aux hautes températures atteintes, des applications autres que la production d’électricité sont possibles, comme les industries chimiques, la raffinerie, la désalinisation… Bien que ce réacteur n’ait pas été construit en Allemagne, il a permis à Siemens de s’associer notamment avec l’Institute of Nuclear and new Energy Technology (INET) en Chine. Leur collaboration a ainsi abouti à la construction de l’HTR10 à l’Université de Tsinghua. Dans un souci de gestion de l’énergie nucléaire, le Japon a également accélérer sa R&D sur les HTGR. Le JAERI (Japan Atomic Energy Research Institute) a fait le choix de la géométrie prismatique américaine en développant le High Temperature engineering Test Reactor (HTTR), à Oarai. Des informations supplémentaires sur le HTR-10 chinois et le HTTR japonais sont données au paragraphe 5. En plus des cinq projets cités précédemment, d’autres projets ont vu le jour. Pour les Pebble Bed Reactors (PBR) [11,12], il s’agit de :
● ASTRA à l’Institut Kurchatov en Russie,
● CESAR II à Cadarache en France, par le CEA et le KernForschungsAnlage, KFA (entre 1964 et 1974),
● GROG à l’Institut Kurchatov en Russie (depuis 1980),
● HTR-PROTEUS au Paul Scherrer Institut (PSI) en Suisse, par l’AIEA (années 90),
● KAHTER au FZJ en Allemagne (en 1973),
● Siemens-Argonaut Reactor (SAR) au Technische Universität Graz (TUG) en Autriche.
Pour les blocs prismatiques, on trouve en plus de DRAGON, Peach Bottom 1 et FSV [11,12] :
● des expériences de Gulf General Atomic, GGA (années 60) ; HITREX-1 (années 60-70 au Berkeley National Laboratory, BNL) et HTLTR (entre 1968 et 1972 au BNWL) aux ÉtatsUnis,
● MARIUS-IV en France,
● SHE et VHTRC au Japon,
● NESTOR/HECTOR au Royaume-Uni.
Pour le réacteur MARIUS-IV, construit à Cadarache, environ 85000 compacts ont été fabriqués par CERCA (Compagnie pour l‘Étude et la Réalisation de Combustibles Atomiques), utilisant des taux de charge allant jusqu’à environ 50 % volumique. Depuis ce réacteur, aucun autre HTR n’a été expérimenté en France, qui s’est résolument tournée vers les réacteurs refroidis à l’eau ordinaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
Préface
Chapitre 1 : Historique, politique et caractéristiques des HTR
1 Contexte énergétique
2 Les générations de réacteurs
2.1 Des exemples de la Ière génération, les prototypes UNGG et HTR
2.2 Les générations II et III en cours
2.3 Le futur est déjà là
3 Le GIF
4 Caractéristiques des HTR
4.1 Généralités et applications
4.2 La production d’hydrogène
4.3 Un composant clé : l’IHX
5 Coopération de recherche sur les HTR : projets actuels et futurs
Chapitre 2 : Description et gestion du combustible / Caractérisation de nos matériaux
1 La particule TRISO
2 L’assemblage de combustible : compact et pebble
3 Le graphite nucléaire
3.1 Propriétés du graphite
3.2 Spécificités du graphite nucléaire
4 Effet des irradiations sur les particules TRISO et le graphite
4.1 TRISO irradiées
4.2 Graphite irradié
5 Options de gestion des déchets
5.1 Cas du graphite
5.2 Cas des éléments de combustible HTR
5.2.1 Option entreposage et/ou stockage
5.2.2 Option séparation
5.3 Objectifs de la thèse
6 Caractérisation des matériaux fourni par AREVA NP
6.1 DRX
6.1.1 Méthode
6.1.2 Données cristallographiques
6.1.3 Mesure de l’anisotropie du graphite
6.2 Microscopies électroniques
6.3 Pycnométrie et Porosimétrie
6.4 Analyse thermogravimétrique
6.5 Essais mécaniques
6.5.1 Charge à la rupture des TRISO
6.5.2 Propriétés mécaniques des compacts
6.6 Conclusions des caractérisations
Chapitre 3 : Séparations graphite / particules TRISO et kernel / gangue
1 Séparation par jet d‘eau haute pression
1.1 Présentation de la technique
1.2 Matériel utilisé
1.2.1 Accessoire
1.2.2 Système haute pression
1.2.3 Robot
1.3 Tests sur les compacts
1.3.1 Test n°1 : choix d‘une pression arbitraire
1.3.2 Test n°2 : augmentation de la pression
1.3.3 Test n°3 : durée plus longue
1.3.4 Test n°4 : changement d‘orientation du jet
1.3.5 Test n°5 : idem test n°3, avec compact 20 %
1.4 Résultats
1.5 Conclusions sur le jet d‘eau
2 Séparation par choc thermique et traitement thermique
2.1 Théorie des chocs thermiques
2.2 Méthode et résultats
2.3 Conclusion des chocs thermiques
2.4 Oxydation totale du graphite des compacts
3 Séparation par intercalation d’acide dans le graphite
3.1 Définitions et applications
3.2 Expériences d’intercalation
3.2.1 Par micro-ondes
3.2.2 Expériences sous conditions douces
3.3 Bilan de l’intercalation et de l’exfoliation du graphite
3.4 Séparation finale des particules TRISO
4 Séparation par les ultrasons
4.1 Généralités
4.1.1 La cavitation
4.1.2 Application des ultrasons
4.2 Expériences d‘érosion de compacts en bac à ultrasons
4.2.1 Effet du dégazage de l’eau sur l‘érosion
4.2.2 Effet de la température sur l‘érosion
4.2.3 Effet des inclusions sur la vitesse d‘érosion
4.2.4 Bilan des ultrasons à faible puissance
4.3 Expériences avec générateur d’ultrasons de haute puissance
4.3.1 Description de l’équipement
4.3.2 Calibration de l’appareil
4.3.3 Effet des gaz dissous sur la vitesse d’érosion du graphite
4.3.4 Détermination du seuil énergétique à l’érosion de compacts
4.3.5 Vitesse d’érosion, énergie totale et limites
4.3.6 État des particules après traitement
4.4 Modification d’état du graphite par les ultrasons
4.4.1 Aspects granulométriques
4.4.2 Aspects morphologiques
4.4.3 Aspects cristallographiques
5 Séparation du kernel de la gangue
5.1 Séparation par broyage fin en bol
5.2 Séparation par broyage aux ultrasons
5.3 Séparation par broyage très grossier
6 Bilan des différentes étapes de séparation
Chapitre 4 : Sonochimie du graphite
CONCLUSION