Historique et évolution :des “fossiles vivants”
Evolution : 400 millions d’années d’adaptation
L’évolution des requins ne peut se faire sans parallélisme avec l’histoire géologique de la Terre. En effet, il est à noter que le plus ancien fossile de requin est trois fois plus âgé que celui du premier dinosaure : ainsi, les océans du monde préhistorique étaient peuplés de requins bien avant que les premiers vertébrés aient conquis la terre ferme, que les premiers insectes aient pris leur envol et même que de nombreuses plantes aient entrepris de coloniser les continents.
En fait, si l’on pouvait se transporter aussi loin dans le temps, les requins seraient une des rares familles d’animaux qui nous paraîtrait familière dans un monde peuplé d’organismes étranges… Certains genres et espèces modernes existaient déjà il y a 180 millions d’années mais, pour la plupart, ils sont le fruit d’une adaptation évolutive réussie de près de 400 millions d’années, âge qu’ils ont traversé pour nous livrer aujourd’hui près de 350 espèces. Pourtant, cette évolution porte à controverse, l’ancienneté de cet animal y étant pour beaucoup.
A l’ère primaire, les Chondrichtyens ont été précédés par un groupe de vertébrés aquatiques primitifs, les Placodermes (dont la tête et le corps étaient recouverts de fortes plaques dermiques protectrices) à partit desquels ils ont très probablement évolués. Trois grandes périodes ont alors caractérisé leur évolution :
1- La première, à l’ère primaire, est marquée par la radiation du groupe des requins archaïques incluant l’apparition des chimères.
2- La deuxième, à l’ère secondaire, voit la radiation du groupe des Hybodontes et l’apparition des premières raies.
3- La troisième, du Tertiaire à nos jours, voit la domination des Carcharhiniformes et la radiation de certains groupes de raies.
Dans cette évolution, on distingue une étape adaptative très importante. Les “Proto-Requins” étaient ossifiés, du moins partiellement. [138] Les requins modernes quant à eux ont allégé le poids de leur corps en conservant un squelette cartilagineux, ce qui, de plus, leur confère une souplesse de mouvement que ne possèdent pas les Ostéichtyens (= Poissons osseux). Ainsi, la nature cartilagineuse de leur squelette est une adaptation secondaire, donc un progrès évolutif, et non une marque d’archaïsme.
Malgré cela, les requins sont de tous les Vertébrés des temps anciens, ceux qui ont subi le moins de transformations et cette qualité leur vaut d’être employés comme animaux de référence standard dans les cours d’enseignement élémentaire d’anatomie et de physiologie. [99] Ce chapitre s’appuie sur les travaux de John G. MAISEY [125], spécialiste des requins fossiles et de leurs cousins, qu’il étudia à l’American Museum of Natural History de New- York, de ceux de R.H JOHNSON [115] ainsi que ceux du chercheur Bernard SERET et spécialiste des requins, antenne IRD (Institut de Recherche pour le Développement), Laboratoire d’Ichtyologie au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris.
Les “Proto-Requins” : des Placodermes aux Hybodontes 2)
Il faut d’abord savoir que l’histoire évolutive des requins n’est que partiellement connue car les paléontologues ne disposent, pour retrouver le diagramme phylogénétique des requins ou plutôt du Requin, que de traces fossilisées de leur passage : des dents, des épines et des denticules cutanés, d’autant plus difficile à interpréter que les variations ontogénétiques (= différences morphologiques liées à l’âge) et le dimorphisme sexuel sont fréquents chez les requins. Mais d’un autre côté, vu la production de dents au cours de la vie d’un requin, elles comptent parmi les fossiles de Vertébrés les plus fréquents, leur solidité et leur résistance favorisant cette fossilisation. [121] . Et malgré ce matériau presque idéal, à partir duquel on arrive aujourd’hui à savoir l’âge, l’habitat, le régime alimentaire et, bien sûr, la taille du requin, l’origine de ce groupe reste bien mystérieuse. [154]
L’hypothèse la plus communément admise est celle d’une parenté avec les Placodermes, les deux groupes pouvant avoir évolué à partir d’un groupe de vertébrés sans mâchoires, à corps recouvert d’écailles de type placoïdes. En effet, dans les couches du Silurien inférieur (420 millions d’années) de Mongolie, ont été découvertes des écailles de Chondrichtyens, ressemblant aux denticules des requins actuels, mais jamais aucune dent n’a été trouvée en association. Le premier Chondrichtyen “à dents” connu date du Dévonien inférieur ; découvert dans plusieurs gisements européens et antarctiques, il s’agit de Leonodus.
Puis on découvre Antarctilamma, également dans l’Antarctique, petit requin de 40 cm de long à la forte épine dorsale et aux dents à cuspides latérales ; mais également, Memurdodus dans des gisements d’Australie. Puis on découvre le Cladoselache, forme la mieux connue d’un requin de deux mètres, au corps fusiforme, avec cinq fentes branchiales de chaque côté, deux nageoires dorsales toutes deux précédées d’une épine dorsale, une nageoire caudale symétrique avec deux carènes à la base, une bouche terminale garnie de dents à forte pointe centrale, flanquée de cuspides latérales ; en résumé, un vrai “proto-requin” vieux de 400 millions d’années.
C’est un ensemble de spécimens très bien conservés dans les strates dévoniennes de l’Ohio, du Kentucky et du Tennessee, qui jadis constituaient les boues tapissant le fond d’un océan peu profond recouvrant la plus grande partie de l’Amérique du Nord, qui ont permis ces connaissances. On a retrouvé des poissons entiers avalés queue la première, preuve de la vitesse et de l’agilité du Cladoselache.
Systématique
La taxinomie (du grec “taxis”= arrangement, et “nomos”= loi) est la classification des organismes vivants en groupes hiérarchisés. Chaque espèce possède un nom scientifique, issu de la nomenclature binaire, admis par la communauté scientifique internationale, le premier terme rappelant le genre et le second l’espèce (exemple : Carcharhinus leucas). Chaque espèce possède également une ou plusieurs appellations (courantes ou commerciales), dites nom(s) vernaculaire(s) (exemple : Requin bouledogue ou Requin du Zambèze). En ce qui concerne les requins, leur taxinomie ou systématique ont posé de nombreux problèmes, notamment à cause de la diversité des espèces existantes, des multiples noms attribués à tort et à travers et surtout de notre profonde méconnaissance de ces animaux ; d’autant plus que chaque pays a tendance à gratifier une espèce de son originalité, ce qui amène une seule espèce à avoir de nombreux noms différents…
Il fallait y mettre de l’ordre pour éviter de comptabiliser plusieurs espèces au lieu d’une seule ; ainsi, L.J.V. COMPAGNO prouva que la seule espèce Galeorhinus galeus (ou Requinhâ) avait reçu quatre noms vernaculaires qui avaient malencontreusement été chapeautés par autant de noms scientifiques. On choisira ici la systématique anglo-saxone de L.J.V. COMPAGNO [35], qui semble être la plus satisfaisante, la plus accréditée, celle de la F.A.O., et qui de plus n’est pas figée et est amenée à être complétée voire remaniée par les nombreuses recherches phylogénétiques et découvertes d’espèces passées et à venir. Cela a d’ailleurs été le cas pour cette systématique établie en Afrique du Sud en 1973, 1977, 1984 et récemment révisée en 1996. Cette systématique présente les huit ordres majeurs des requins identifiables par certaines caractéristiques morphologiques externes. Chaque ordre comporte une ou plusieurs familles.
En tout, trente familles englobent quelques 350 espèces. Ils sont ici passés en revue selon la famille et l’ordre auxquels ils appartiennent et ce, dans une succession quasi phylogénétique. Toutefois, et dans le souci d’adopter une présentation adaptée à notre étude, on tirera de chaque ordre les principales caractéristiques morphologiques externes pour simplement et facilement situer n’importe quelle espèce dans un des huit ordres de requins ; on dégagera de même l’importance quantitative de chaque ordre (ainsi les deux ordres des Squaliformes et des Carcharhiniformes totalisent 77 % des 350 espèces, soit environ 274 espèces) ; enfin, grâce à des dessins simples et explicites, on mettra en évidence l’importance qualitative de chaque ordre en dessinant les espèces dangereuses qui nous intéresseront par la suite (soit une quarantaine d’espèces en tout), en insistant sur la diagnose à partir d’éléments morphologiques externes
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Table des matières
Table des annexes
Table des illustrations
Introduction
1- QUI SONT-ILS ? (CRITERES DE DIAGNOSE)
1-1 : Historique et évolution :des “fossiles vivants”
1-1-1 : Historique : du mythe à la réalité
1-1-2 : Evolution : 350 millions d’années d’adaptation
1-2 : Classification et systématique
1-2-1 : Classification
1-2-2 : Systématique
1-2-2-1 : Ordre des Hexanchiformes
1-2-2-2 : Ordre des Squaliformes
1-2-2-3 : Ordre des Pristiophoriformes
1-2-2-4 : Ordre des Squatiniformes
1-2-2-5 : Ordre des Hétérodontiformes
1-2-2-6 : Ordre des Orectolobiformes
1-2-2-7 : Ordre des Lamniformes
1-2-2-8 : Ordre des Carcharhiniformes
2- OU VIVENT-ILS ? (LOCALISATION DES DIFFERENTES ESPECES IDENTIFIEES DANS LA PREMIERE PARTIE)
2-1 : Les attaques de requin dans le monde : présentation
2-1-1 : Naissance des recensements d’attaques de requin
2-1-2 : Cahier des charges : Disparité des données et difficultés d’harmonisation
2-2 : Résultats et interprétations
2-2-1 : Définition
2-2-2 : Facteurs de risque
2-2-2-1 : Activité de la victime
2-2-2-2 : Distribution horaire
2-2-2-3 : Localisation géophysique et isolement
2-2-2-4 : Visibilité
2-2-2-5 : Synthèse : Portrait du risque maximal d’attaque
2-2-3 : Facteurs sans incidence sur le risque
2-2-3-1 : Conditions météorologiques
2-2-3-2 : Température de l’eau
2-2-3-3 : Phases lunaires
2-2-3-4 : Distribution hebdomadaire, mensuelle et annuelle
2-2-3-5 : Temps passé dans l’eau avant l’attaque
2-2-3-6 : Nature du relief sous-marin
2-2-3-7 : Sexe de la victime
2-2-3-8 : Age de la victime
2-2-3-9 : Couleur de la peau de la victime
2-2-3-10 : Couleur des vêtements
2-2-3-11 : Leash
2-2-3-12 : Réactions des victimes ou témoins
2-2-4 : Gravité des accidents
2-2-4-1 : Localisation des morsures
2-2-4-2 : Pronostic
2-2-4-3 : Mortalité
2-2-5 : Fréquence des attaques
2-2-5-1 : Fréquence des attaques par rapport à d’autres risques
2-2-5-2 : Fréquence des attaques par rapport à la population et au littoral exposés
2-3 : Classification des attaques par océan
2-3-1 : Atlantique
2-3-1-1 : Nord Est et Mer du Nord
2-3-1-2 : Méditerranée
2-3-1-3 : Nord Ouest
2-3-1-4 : Sud Ouest
2-3-1-5 : Sud Est
2-3-2 : Indien
2-3-2-1 : Sud Ouest
2-3-2-2 : Centre
2-3-2-3 : Nord Ouest
2-3-2-4 : Nord Est
2-3-2-5 : Sud Est
2-3-3 : Pacifique
2-3-3-1 : Sud Ouest
2-3-3-2 : Centre
2-3-3-3 : Nord Ouest
2-3-3-4 : Nord Est
2-3-3-5 : Sud Est
2-3-4 : Synthèse : Tableau et carte mondiale des attaques de requins
3- QUE FAIRE ? (COMPORTEMENTS A ADOPTER EN CAS DE RENCONTRE)
3-1 : Ethologie et règles élémentaires
3-2 : Mesures techniques de protection
3-2-1 : Pêcheurs sous-marins, “Feeding”
3-2-2 : Surfeurs, Windsurfeurs, …
3-2-3 : Baigneurs
3-2-3-1 : Le “Meshing”
3-2-3-2 : Alternatives au “Meshing”
3-2-4 : Le tout-venant : Nageurs, Plongeurs, Apnéistes, Naufragés
3-2-4-1 : Techniques individuelles passives
3-2-4-1-1 : Culturelles
3-2-4-1-2 : La cage métallique
3-2-4-1-3 : Les combinaisons protectrices
3-2-4-1-4 : Le “Shark screen”
3-2-4-1-5 : Les substances chimiques
3-2-4-2 : Techniques individuelles actives
3-2-4-2-1 : Le pistolet à surfactant
3-2-4-2-2 : Le lupara
3-2-4-2-3 : Les autres flèches
3-2-4-2-4 : Le débordoir
3-2-4-2-5 : Le “Shark P.O.D.”
3-3 : Synthèse
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
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