HISTORIQUE ET DECOUVERTE DU CYCLE DES PLASMODIUM
Au cours de son évolution, l’homme a toujours été confronté à des pathologies dont la fièvre est la principale manifestation clinique. C’est en Egypte, en 1600 avant J.C. que sont décrits les premiers signes cliniques que l’on peut relier au paludisme : fièvres mortelles associées à des frissons et à des splénomégalies. Hippocrate, au IVème siècle avant J.C, dresse un tableau clinique classique de l’accès palustre « Frissons – Sueur – Fièvre » avec une manifestation des symptômes quotidiens, tous les deux ou trois jours. Au IIème siècle avant J.C, la maladie est associée à la proximité des marécages par les grecs et les romains. Le dernier quart du XIXe siècle et le début du XXe siècle constituèrent un véritable âge d’or pour les découvertes des sciences naturelles et médicales et en particulier les parasites et leurs vecteurs. Il ne s’écoula guère plus de cinquante ans entre la découverte du Ver de Guinée chez les Cyclops par Fedschenko en Ukraine en 1869 et la description des cycles des principales maladies parasitaires (filarioses, trypanosomiases, paludisme) et bactériennes (peste) transmises par des arthropodes.
Le rôle des moustiques dans la transmission du paludisme avait été pressenti dès 1717 par Lancisi du fait de leur abondance dans les marais qui associe l’origine du paludisme à un poison des marais transmis par les moustiques. En 1881, Alphonse Laveran médecin militaire français, démontre la nature parasitaire de l’infection en détectant « des éléments pigmentés dans les globules rouges des malades, qui se présentent sous forme de croissant, de sphères, de flagelles ». Il introduit le terme « paludisme en 1893 se référant à l’étymologie latine du mot « palud » qui signifie marais. La découverte de Laveran fut confirmée aux Etats-Unis par Osler (1882), Abbott (1885) et Sternberg (1886). A la même époque, les travaux des italiens Golgi, Grassi, Faletti, Welch, Marchiafava et Celli confirment l’origine parasitaire du paludisme. Aux Etats-Unis, Mac Callum met en évidence les formes sexuées du stade sanguin chez P. falciparum en 1898. En Italie, Marchiafava, après avoir nié la nature parasitaire des plasmodies, décrivit en 1885 les Plasmodium et Golgi en 1886, nomma plus précisément Plasmodium vivax (P. vivax) et Plasmodium malariae (P. malariae) peu après, en 1889. Celli et Marchiafava décrivirent P. falciparum. Ce n’est qu’en 1922 que la quatrième espèce de plasmodies humaines, Plasmodium ovale (P. ovale) fut identifié par Stephens.
On constate au début du XXème siècle, que les parasites inoculés par le moustique disparaissent de la circulation sanguine une heure environ après leur inoculation. D’où l’hypothèse d’un stade préliminaire de développement en dehors de la circulation sanguine.
Le cycle exo-érythrocytaire sera découvert chez les oiseaux en 1938 par Kikuth et Mudrow, puis chez l’homme par Shortt et Garnham en 1948. Les hypnozoïtes de P. vivax (1948) ne furent décrits qu’en 1972. Mac Callum aux Etats-Unis, observa en 1897 l’exflagellation des gamétocytes mâles de P. falciparum et leur pénétration dans le gamétocyte femelle. En 1898, Ross, bactériologiste britannique, démontre que le paludisme est transmis par le moustique. Son travail est récompensé par le prix Nobel de médecine en 1902. En 1898, Grassi et Bignami infectèrent un volontaire par P. falciparum, avec des anophèles récoltés dans la région très impaludée de la compagne romaine. Trois expériences similaires furent réussies par Bastianelli, Grassi et Bignani en 1899 qui publièrent le cycle des Plasmodii chez les anophèles.
EPIDEMIOLOGIE DU PALUDISME
L’incidence du paludisme dans le monde ne cesse d’augmenter et est estimée à 300- 500 millions de cas clinique par an. On estime en outre, que 1,5 à 2,7 millions de personnes meurent chaque année du paludisme (www.who.int). Les pays où il sévit sont souvent en proie à de grandes difficultés économiques ou sociales quand des guerres ne les bouleversent pas. D’où des infrastructures sanitaires en déliquescence. De plus, il semble que le paludisme regagne du terrain dans des régions du monde d’où il avait disparu, comme la Turquie, le continent indien ou le sud de l’ex-Union soviétique. L’Afrique tropicale subit à plus de 90% de l’incidence totale du paludisme et compte la grande majorité des décès qui lui sont imputables (OMS, 2003, www.who.int/malaria). Plusieurs facteurs concourent au maintien de cette parasitose et au développement de ses manifestations cliniques dans la zone afro-tropicale:
• Les vecteurs qui assurent l’essentiel de la transmission du paludisme (complexe An. gambiae, An. funestus, An. pharoensis…) sont très efficaces: longévité élevée, durée cycle gonotrophique court, degré d’anthropophilie élevé, et par conséquent une capacité vectorielle élevée
• L’espèce plasmodiale la plus répandue est P. falciparum qui est l’agent la plus pathogène
• Les conditions socio-économiques et climatiques favorable à la transmission continue du paludisme
• Les faibles ressources économiques ne permettant pas une efficacité optimale des stratégies de lutte contre le paludisme .
Face à cette situation, d’importants efforts afin de réduire son incidence sont actuellement menés par des organismes internationaux, à leur tête l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
PALUDISME ET PAUVRETE
En Afrique, on reconnaît aujourd’hui que le paludisme est à la fois une maladie due à la pauvreté et une cause de pauvreté (Sachs and Malaney 2002). La carte des pays pauvres avec un faible PIB est superposable à celle du paludisme montrant ainsi l’étroite relation entre paludisme et pauvreté .
La croissance économique annuelle dans les pays de forte transmission palustre a toujours été inférieure à celle des pays sans paludisme. Les économistes attribuent au paludisme un déficit de croissance annuel pouvant atteindre 1,3% dans certains pays d’Afrique. Le paludisme a un important coût direct et indirect sur le développement économique de l’Afrique. Le coût direct du paludisme recouvre les dépenses individuelles (achats de moustiquaires imprégnées d’insecticide, les honoraires médicaux, les antipaludiques, le transport jusqu’aux services de santé…) et publiques (entretien des services de santé et des infrastructures sanitaires, la lutte antivectorielle, l’éducation et la recherche relevant du secteur public…) pour la prévention et le traitement de la maladie. Le coût indirect inclut la perte de productivité ou de revenu associée à la maladie ou au décès. Le risque de contracter le paludisme dans les zones d’endémie peut dissuader les investisseurs nationaux ou étrangers et affecter les décisions personnelles ou familiales de nombreuses façons avec répercussions sur la productivité et la croissance économique. Par exemple, la stagnation de l’industrie du tourisme faute de voyageurs, stagnation des marchés liée au refus des responsables commerciaux de se rendre dans les zones impaludées.
POPULATIONS A RISQUE
Les femmes enceintes et les enfants en bas âge constituent les populations les plus touchées. L’OMS estime à plus de 25 millions le nombre de grossesses par an dans la région tropicale africaine. Parmi ces femmes, chaque année on enregistre 10.000 décès liés à P. falciparum. On évalue également à 200.000 le nombre de décès de nourrissons liés au paludisme maternel (OMS, global malaria programme 2006). Dans cette partie du monde, le paludisme est la première cause de décès chez les enfants de 0 à 5 ans, 1 million d’enfants meurent tous les ans de paludisme (OMS, Africa malaria report 2003).
EPIDEMIOLOGIE DU PALUDISME AU SENEGAL: CAS DES REGIONS DE SAINT-LOUIS ET LOUGA
Toutes les informations contenues dans ce chapitre ont été tirées du document intitulé « Plan stratégique pour faire reculer le paludisme au Sénégal de 2001 à 2005 ». Ce document a été élaboré par le Programme Nationale de Lutte contre le Paludisme (PNLP) au Sénégal. Le paludisme sévit à l’état endémique dans tout le Sénégal. Toutefois, son épidémiologie est caractérisée par la grande hétérogénéité des niveaux d’endémicité et des modalités de la transmission. Les zones de faible endémicité sont exposées au risque de survenue d’épidémie de paludisme dès que les conditions de la reprise de la transmission sont réunies. Les facteurs déclenchants cette reprise sont essentiellement d’ordre climatique, environnemental et socio-économique. La disponibilité de l’eau, suite à une bonne pluviométrie et/ou une bonne maîtrise des eaux de surfaces, est au premier rang des facteurs climatiques. En effet, elle est à l’origine de la prolifération durable des vecteurs, de l’apparition ou du retour de certaines espèces de vecteurs qui avaient plus ou moins disparues. La pression démographique en ville oblige les populations à s’installer dans les zones inondables. Les concentrations humaines par suite de conflits sociaux ou de mouvements internes favorisent également l’apparition d’épidémie de paludisme dans de nombreuses régions. Le peuplement anophélien du Sénégal est riche d’une vingtaine espèces. Le rôle de vecteur du paludisme humain a été établi chez quatre d’entre elles: complexe Anopheles gambiae (An. gambiae s.s.; An. arabiensis; An. melas), Anopheles funestus (An. funestus) « vecteurs majeurs » et suspecté chez d’autres espèces comme Anopheles pharoensis (An. pharoensis), Anopheles nili (An. nili) « vecteurs secondaires ». La distribution des espèces du complexe An. gambiae au Sénégal est classique. An. gambiae s.s. et An. arabiensis sont symétriques dans tout le pays et leur fréquence relative est fonction des conditions climatiques. An. arabiensis est mieux représenté dans les savanes sèches (zones sahéliennes et soudano-sahéliennes), alors qu’An. gambiae s.s. prédomine dans les zones de savane humide, mais on le rencontre dans la zone sahélienne, le long du Fleuve Sénégal et il est présent sur le littoral.
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Table des matières
Introduction
Généralités sur le paludisme
I- Historique du paludisme et épidémiologie
I-1. Historique et découverte du cycle des Plasmodium
I-2. Epidémiologie du paludisme
I-2-1. Paludisme et pauvreté
I-2-2. Populations à risque
I-3. Epidémiologie du paludisme au Sénégal : cas des régions de Saint-Louis et Louga
I-3-1. Delta en aval de Richard-Toll
I-3-2. Moyenne Vallée
I-3-3. Le lac de Guiers
II- Cycle du Plasmodium chez l’homme et les anophèles vecteurs
II–1. La phase asexuée chez l’homme
II–1–1. Cycle exo-érythrocytaire
II–1–2. Cycle érythrocytaire
II–1–2–1. Schizogonie érythrocytaire
II–1–2–2. Gamétocytogénèse
II–2. La phase sexuée chez l’Anophèle
III- La pathogenèse du paludisme à P. falciparum
III–1. Infection asymptomatique
III-2. Accès simple
III–3. Accès sévère
III–3–1. Anémie sévère
III–3–2. Accès cérébral
IV- Stratégies de lutte contre le paludisme
IV-1. Assurer un diagnostic précoce des cas de paludisme
IV-2. Assurer un traitement rapide et efficace des cas de paludisme
IV-3. Quelques mesures de prévention
IV–3-1. Réduction de la densité des moustiques
IV-3-1-1. Une lutte anti-larvaire
IV-3-1-2. Une lutte imagocide
IV-3-1-3. Réduction du contact homme – vecteur
IV-3-1-3-1. Moustiquaires imprégnées d’insecticides
IV-3-1-3-2. Rideaux imprègnes
IV-3-1-3-3. Répulsifs et aérosols
IV-3-1-4. Les traitements préventifs intermittents
IV-4. Les difficultés de l’éradication du paludisme
IV-4-1. Le polymorphisme parasitaire
IV-4-1-1. Diversité génétique des populations de Plasmodium falciparum
IV-4-1-2. Variation antigénique
IV-4-2. La chimioresistance à Plasmodium falciparum
IV-4-3. Résistances aux insecticides
IV-5. En attendant le vaccin: perspectives et réalité
IV-5-1. Pourquoi nous avons besoin d’un vaccin contre le paludisme ?
IV-5-2. Un vaccin efficace contre le paludisme : utopie ou objectif réaliste ?
IV-5-3. Vaccins antipaludiques : pléthore de candidats, petit nombre d’antigènes
IV-5-3-1. Vaccins contre les stades pré-érythrocytaires
IV-5-3-2. Vaccins contre les stades sanguins asexués
IV-5-3-3. Vaccins bloquant la transmission
IV-5-3-4. Nouvelles approches pour le développement de vaccins antipaludiques et nouvelles recherches
V– Les facteurs d’exposition et de résistance au paludisme
V–1. Les facteurs individuels dont les hémoglobinopathies
V–2. Les facteurs environnementaux
V–2-1. Notion de complexe pathogène du paludisme
V–2-2. Facteurs écologiques humains
V–2-3. Facteurs entomologiques
V–2-4. Facteurs parasitaires
VI- Réponses immunes à Plasmodium falciparum
VI–1. Immunité innée
VI–2. La réponse cellulaire
VI–3. La réponse humorale
VII– Méthodes d’évaluation de l’exposition et la transmission
Conclusion