HISTORIQUE ET DECOUVERTE DE LA DREPANOCYTOSE
La drépanocytose est connue et décrite sous différents termes en lien avec la douleur ou avec les os. En 1904, Herrick James a fait la première description médicale de la maladie en examinant un jeune étudiant noir hospitalisé pour toux et fièvre (Herrick B. J. 1910). L’observation du frottis sanguin montre des globules rouges en forme de faucille. Il s’en suivra, depuis cette époque, de nombreux travaux de recherche. Ainsi : En 1917, Emmel met en évidence la falciformation in vitro des globules rouges chez un parent de malade drépanocytaire et évoque le caractère familial de la maladie. Cette découverte a permis la mise au point d’un test de dépistage : le test de falciformation provoquée (Emmel V. E. 1917). En 1927, Hahn et Gillepsie démontrent que la falciformation des hématies est réversible et n’apparait que lorsque la pression en oxygène est inférieure à 50 mm Hg (PO2 ˂ 50mm Hg) (Hahn E. V. et col, 1927) En 1947, Neel définit le trait drépanocytaire à partir de l’existence des formes homozygotes héritées des parents hétérozygotes. Il établit le mode de transmission génétique selon les lois de Mendel (Neel J. V. 1949). En 1949, Pauling, Itano, Singer et Wells mettent en évidence une différence de migration électrophorétique entre l’hémoglobine drépanocytaire S et l’hémoglobine A de l’adulte. Cela constitue ainsi le premier exemple d’une maladie moléculaire (Pauling L. et col, 1949) En 1959, Ingram démontre par l’utilisation de la technique des finger prints, le remplacement de l’acide glutamique par la valine en position 6 de la chaine polypeptidique β (Ingram V. M. 1959). En 1963, Guthrie R. publie une méthode permettant d’envisager un dépistage néonatal systématique des maladies métaboliques (Gutherie R. et col, 1963) En 1972, Kan et Coll envisagent le diagnostic prénatal de la drépanocytose (Kan Y.W., 1977).
EPIDEMIOLOGIE
La drépanocytose est surtout répandue dans les populations d’origine africaine subsaharienne (Figure 1), des Antilles, d’Inde, du Moyen-Orient et du bassin méditerranéen. Elle est considérée comme l’hémoglobinopathie la plus fréquente et concerne des millions de familles (Bourré, 2012). Selon l’OMS, on dénombre entre 0,1 et 19 sur 1000 nouveaux nés portant une anomalie génétique de l’Hb avec plus de 80 % de ces naissances survenant dans les pays à ressources limitées. La prévalence de ces anomalies de l’Hb est de 5,2 % dans la population mondiale. Plus de 350 000 nouveaux nés portent des formes majeures d’hémoglobinopathies contribuant pour 3,4 % des décès avant l’âge de 5 ans. En Afrique, la drépanocytose est l’anomalie génétique la plus fréquente ; 10 à 40 % sont porteurs de l’Hb S et on dénombre entre 200 000 et 300 000 nouveaux nés par an atteints d’un syndrome drépanocytaire majeur (Diop, 2012). Au Sénégal, la drépanocytose touche des milliers de personnes. Environ 1,2 million de personnes sont porteurs du gêne de la maladie soit 10% de la population. Chaque année, le Sénégal compte près de 1700 naissances d’enfants présentant la forme grave de la drépanocytose c’est-à-dire la forme SS. En plus 50% des enfants qui naissent drépanocytaires, meurent avant l’âge de cinq ans (Diagne, 2013).
MODE DE TRANSMISSION GENETIQUE
L’hémoglobine humaine est constituée de plusieurs chaînes dont les gènes sont situés dans deux chromosomes. Au niveau du chromosome 11, se trouvent les gènes qui codent pour les chaînes globines β, δ et, ε alors que dans le chromosome 16 se trouvent les gènes qui codent pour les chaînes globines α1, α2[(figure 2)(Mehta A.B. et col, 2003)].
La transmission de ce gène βS par les deux géniteurs détermine le génotype SS chez l’enfant. Les gènes qui codent pour la synthèse des chaînes polypeptidiques de l’hémoglobine (α, β, γ et λ) sont autosomiques. La transmission de l’anomalie est indépendante du sexe (Maniatis T. et col, 1980 ; Neel J.V., 1949) Les transmetteurs possèdent deux gènes β globine codominants : Le gène normal βA Le gène muté βS. Chacun des gènes codera pour la synthèse d’hémoglobine, c’est-à dire une hémoglobine normale et une hémoglobine mutée. Dès lors, les hétérozygotes pour une hémoglobine anormale ont deux hémoglobines différentes (Maniatis T. et col, 1980 ; Neel J.V., 1949) On distingue ainsi 3 génotypes majeurs : AA homozygote normal, AS hétérozygote asymptomatique, SS homozygote drépanocytaire malade. Il est donc possible de prévoir le risque d’atteinte des enfants en fonction du génotype des parents. La drépanocytose se transmet essentiellement sous le mode autosomique récessif. Ainsi cette figure ci-dessous permet de prévoir le risque d’avoir des enfants atteignant la drépanocytose en fonction du génotype des parents.
En effet :
➤ le risque de la drépanocytose homozygote est nul dans les familles où seul l’un des conjoints est malade ;
➤ Les parents porteurs d’hémoglobines anormales différentes sont susceptibles de donner naissance à des enfants atteints d’hémoglobinopathies doubles hétérozygotes, dont les expressions cliniques sont liées à la nature des hémoglobines associées ;
➤ Les enfants issus des parents normaux sont toujours sains ;
➤ Les gènes de l’hémoglobine S n’étant pas liés au sexe, mais portés par un autosome ; le nombre de sujets masculins ou féminins porteurs de l’hémoglobine anormale est lié au hasard.
PHYSIOPATHOLOGIE
La drépanocytose est liée à une mutation génétique ponctuelle responsable d’une substitution sur la chaîne β de la globine d’un acide aminé l’acide glutamique (Glu) par un autre acide aminé, la valine (Val) en position 6. Le gène responsable de cette mutation est situé sur le bras court du chromosome 11. Il s’agit du gène S (S comme « sickle cell » en raison de la déformation en faucille de l’hématie). L’hémoglobine anormale S (Hb S) hydrophobe ne diffère de l’hémoglobine A (Hb A) hydrophile que par un acide aminé en position 6 sur la chaîne β.
La polymérisation de la désoxyhémoglobine S n’est que le mécanisme initiateur des manifestations pathologiques de la drépanocytose. Cette polymérisation aboutit à la formation d’un gel par les molécules de désoxyhémoglobine S.
Gélification
La formation du gel n’est pas un phénomène instantané : elle est précédée d’une période de latence qui correspond à la formation du noyau de cristallisation des molécules désoxygénées d’hémoglobine S qui s’agrègent selon une cinétique dépendant de leur concentration. Les conditions physico-chimiques favorables à la gélification sont (Lawrence C. et col, 1991; Maier RM. et col, 2004):
– La concentration en hémoglobine S, c’est le paramètre le plus important, il existe ainsi une « concentration minimale de gélification » (CMG) à partir de laquelle peut s’effectuer la réaction de polymérisation. Pour la désoxyhémoglobine S pure, elle est de 24 g/dl à 20 °C ;
– Le niveau de désaturation en oxygène est également un facteur déterminant puisque la forme oxygénée de l’hémoglobine S reste parfaitement soluble ;
– L’acidité du milieu intérieur ;
– Une concentration élevée de 2,3-diphosphoglycétate (2,3-DPG) ;
– L’élévation de la température entre 10 °C et 25 °C;
– Une concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine élevée.
Falciformation
C’est la conséquence directe de la gélification et elle correspond à la déformation morphologique des hématies en “faucille” ou en “croissant de lune” appelées drépanocytes. La falciformation peut être réversible ou irréversible si les facteurs déclenchants persistent. Cette irréversibilité peut aussi être due à une altération progressive, elle-même due à des cycles répétés de désoxygénation/oxygénation des hématies. Les phénomènes de réversibilité et d’irréversibilité de la falciformation des hématies sont le fait d’une agression physique de la membrane par les fibres d’hémoglobines S. Cette agression serait liée à une diminution du contenu en ATP ase avec perturbations des mouvements ioniques (Na+ et K+) et à de l’eau. Le drépanocyte perdant ainsi ses propriétés d’élasticité et de déformabilité qui lui sont nécessaires pour passer à travers les petits vaisseaux de l’organisme, sera détruit, ce qui explique l’anémie hémolytique.
SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES DE LA DREPANOCYTOSE
Signes cliniques
Signes cliniques dans la forme homozygote
La drépanocytose homozygote se manifeste par une anémie hémolytique chronique entrecoupée de crises vaso-occlusives. Elles peuvent se compliquer d’anémie aigue, d’infections, d’accidents vaso-occlusifs graves et diverses complications chroniques. Les premiers signes cliniques s’expriment habituellement dans le deuxième ou troisième trimestre après la naissance. En effet, du fait du rôle protecteur de l’HbF, parfois ces signes ne sont pas précocement identifiés ce qui contribue à retarder le diagnostic et la prise en charge (Wajcman H., 2004). Ainsi on distingue deux principales situations cliniques : la phase inter-critique et la phase critique.
a) Phase inter-critique
Elle est caractérisée par une anémie d’intensité variable, un ictère plus ou moins franc, une splénomégalie avant l’âge de cinq ans et souvent un retard staturopondéral (Coly JI., 2007). L’hépatomégalie est inconstante et peut persister longtemps dans l’enfance.
b) Phase critique
Elle est caractérisée par la survenue de crises vaso-occlusives qui dominent la symptomatologie de la maladie. Le signe principal est la douleur. Les crises peuvent être spontanées (une fois sur deux) ou provoquées par un facteur déclenchant comme l’infection, le froid, la fièvre, la déshydratation, et toute situation entrainant une hypoxie (Lopez BL. et col, 2000). Les crises se présentent sous différentes formes suivant leur siège et l’âge du patient. Ainsi on distingue :
❖ Le syndrome pied-main observé principalement chez le nourrisson et le très jeune enfant drépanocytaire. Il est caractérisé par une tuméfaction douloureuse des mains et/ou des pieds qu’il ne mobilise plus (Elsayegh D. et col, 2007).
❖ Les crises douloureuses abdominales qui sont retrouvées chez l’enfant. Elles peuvent correspondre à des infarctus intéressant la rate et le mésentère : le tableau caractéristique est celui de l’iléus paralytique avec un météorisme abdominal et des vomissements. Les coliques hépatiques révèlent souvent une lithiase (Serjeant GR., 2001 Ariel ; M. et col, 2007).
❖ Les crises douloureuses des os longs : Retrouvées en général chez le grand enfant et l’adolescent. Elles correspondent à des infarctus et touchent préférentiellement le fémur et l’humérus qui sont chauds, oedématiés, extrêmement douloureux, immobiles. Le sujet peut être fébrile et il existe parfois un épanchement articulaire contigu. Plus rarement, l’infarctus osseux peut intéresser les vertèbres et les côtes.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LA DREPANOCYTOSE
I. HISTORIQUE ET DECOUVERTE DE LA DREPANOCYTOSE
II. EPIDEMIOLOGIE
III. MODE DE TRANSMISSION GENETIQUE
IV. PHYSIOPATHOLOGIE
IV.1 Gélification
IV.2 Falciformation
V. SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES DE LA DREPANOCYTOSE
V.1 Signes cliniques
V.1.1 Signes cliniques dans la forme homozygote
a) Phase inter-critique
b) Phase critique
V.I.2 Signes cliniques de la forme hétérozygote
V.2 Signes biologiques
V.2.1 Dans la forme homozygote
V.2.2 Dans la forme hétérozygote
VI. COMPLICATION DE LA DREPANOCYTOSE
VI.1 Complications aiguës
VI.1.1 Complications vaso-occlusives graves
VI.1.2 Complications infectieuses
VI.1.3 Complications anémiques
VI.2 Complications chroniques
VI.2.1 Ulcères de jambes
VI.2.2 Complications ophtalmiques
VI.2.3 Complications pulmonaires et cardiaques
VI.2.4 Complications rénales
VI.2.5 Atteintes ostéoarticulaires chroniques
VII. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
VII.1 Tests d’orientations
VII.1.1 Test d’emmel (Labie D. et col, 2003)
VII.1.2 Test d’Itano
VII.2 Tests de confirmations
VII.2.1 Electrophorèse de l’hémoglobine
VII.2.2 Isoélectrofocalisation
VII.2.3 Chromatographie en phase liquide à haute performance (CLHP)
VII.2.4 Diagnostic anténatal
VIII. TRAITEMENT
VIII.1 Traitement des crises vaso-occlusives
VIII.1.1 Priapisme
VIII.1.2 Syndrome thoracique aigu (STA)
VIII.1.3 Complications infectieuses
VIII.1.4 Anémie aiguë
VIII.2 Traitement de fond
VIII.2.1 Programme transfusionnel
VIII.2.2 Hydroxycarbamide ou hydroxyurée
VIII.2.3 Greffe de la moelle
VIII.2.4 Place de la médecine traditionnelle dans la prise en charge de la drépanocytose
CHAPITRE II : GENERALITES SUR CARICA PAPAYA LINN
I. DESCRIPTION BOTANIQUE
I.1 Aspect général
I.2 Fleurs
I.3 Fruit
I.4 Latex
I.5 Graines
II. REPARTITION GEOGRAPHIQUE
III. VARIETES DE PAPAYES
IV. DENOMINATIONS DIVERSES
V. COMPOSITION CHIMIQUE DU PAPAYER
V.1 Fruit
V.2 Graines
V.3 Feuilles
V.4 Latex
V.5 Ecorce
VI. UTILISATIONS DE CARICA PAPAYA L. EN MILIEU TRADITIONNEL
VII. PHARMACOLOGIE
VII.1 Propriétés anti-oxydantes
VII.2 Propriétés antimicrobiennes
VII.3 Propriétés anti-ictériques
VII.4 Propriétés anti-inflammatoires
VII.5 Propriétés antidiabétiques
VII.6 Propriétés diurétiques
VII.7 Propriété anti-fertilité
VII.8 Propriétés anti-cancéreuses
VII.9 Propriétés anti-plasmodiales
VII.10 Propriétés anti-drépanocytaires
DEUXIEME PARTIE ETUDE EXPERIMENTALE
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE
II. CADRE DE L’ETUDE
III. MATERIEL ET METHODES
III.1 Matériel
III.1.1 Matériel végétal
III.1.2 Matériel de laboratoire
III.1.3 Réactifs et solvants
III.2 Méthodes
III.2.1 Extraction des phénols
III.2.2 Extraction des tanins
III.2.2 Extraction des Tanins
III.2.3 Extraction des saponosides
III.3 Dosages des phénols totaux
IV. DETERMINATION DE L’ACTIVITE ANTIFALCEMIANTE DES EXTRAITS
IV.1 Principe
IV.2 Préparation des solutions
IV.2.1 Préparation de la solution tampon phosphate à pH 7,4
IV.2.2 Préparation des extraits à tester
IV.2.3 Mode opératoire
V. RESULTATS ET DISCUSSION
V.1 Résultats
V.1.1 Rendement des différents extraits
V.1.2 Détermination de la teneur en phénols totaux de l’extrait
V.1.3 Résultats des tests biologiques
V.2 Discussion
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES