Historique et biogéographie des chauves-souris de Madagascar

Les chauves-souris sont des mammifères dont la première apparition date de l’ère Tertiaire, pendant l’Eocène, il y a environ 50 millions d’années (Novacek, 1985 ; Simmons et al., 2008). Elles présentent des caractères qui leur sont propres (allongement considérable des métacarpes et des doigts formant les ailes, adaptées au vol actif) et sont dotées de sens très développés (ouïe, vision, odorat) leur permettant de maîtriser leur habitat naturel pendant la nuit. Les recherches entreprises sur les chiroptères n’ont cessé de révéler des nouveautés auparavant inconnues. En effet, la diversité spécifique mondiale est passée de 1001 espèces en 2001 (Hutson et al., 2001) à 1116 espèces en 2005 (Simmons, 2005). Les chauves souris constituent ainsi un cinquième des espèces de mammifères actuelles décrites dans le monde (Goodman, 2011). En outre, de nouvelles espèces pour la science ne cessent d’être découvertes grâce aux efforts entrepris pour mieux connaître et comprendre ces animaux (exemples : Goodman et al., 2007a, 2011 ; Kruskop & Eger, 2008 ; Stanley, 2008).

Historique et biogéographie des chauves-souris de Madagascar

La première étude des chauves-souris de Madagascar a été initiée par Geoffroy Saint Hilaire vers 1803 avec la description de Pteropus rufus. Toutefois, la première compilation de la faune chiroptérologique malgache n’est apparue que vers la moitié du XXème siècle (Dorst, 1947). Cette revue consiste en une clé de détermination des différentes espèces qu’il a pu documenter à Madagascar. Elle est notamment basée sur des caractères morphologiques et dentaires. Puis, vers la fin du même siècle, Peterson et al. (1995) ont associé les bases de données existantes avec celles qu’ils ont récoltées pour sortir une monographie basée sur des critères morphologiques (couleur du pelage, forme du museau, forme du tragus, …) et morphométriques pour distinguer les différentes espèces. Ces auteurs ont ainsi recensé 29 espèces de chauves-souris à Madagascar. Cependant, les études récemment entreprises ont confirmé l’absence de Mormopterus acetabulosus et de Miniopterus fraterculus dans la Grande Ile. En effet, Mormopterus acetabulosus est une espèce de l’île Maurice (Goodman et al., 2008a) et Miniopterus fraterculus est une espèce d’Afrique sub-saharienne (Goodman et al., 2007b). Certes, la monographie de Peterson et al. (1995) sur les chauves-souris de Madagascar a été un outil indispensable pour tous les chercheurs qui se sont intéressés à la diversité chiroptérologique malgache. Toutefois, les auteurs de cet ouvrage ont déjà souligné quelques ambiguïtés sur l’identité réelle de certains taxa malgaches. Tel est le cas du genre Miniopterus et Pipistrellus. Par la suite, les recherches sur les chiroptères de Madagascar se sont améliorées et les diverses investigations n’arrêtent pas de dévoiler des nouveautés sur la diversité de ce taxon dans la Grande Ile. Ainsi, par exemple, durant ces dernières années et grâce aux observations et analyses des différents paramètres évoqués plus haut, au moins cinq espèces de chauvessouris endémiques ont été identifiées et reconnues, il s’agit de Chaerephon jobimena, Myzopoda schliemanni, Pipistrellus raceyi, Scotophilus marovaza et S. tandrefana (Goodman & Cardiff, 2004 ; Bates et al., 2006 ; Goodman et al., 2005b, 2006, 2007a). Pour le genre Miniopterus, quatre espèces (dont M. gleni, endémique de Madagascar) ont été recensées à la fin du XXème siècle (Peterson et al., 1995 ; Eger & Mitchell, 1996). Toutefois, Peterson et al. (1995) ont avancé que M. manavi de Madagascar présente une variation géographique. Depuis, ce genre fait l’objet de recherches plus approfondies et grâce aux inventaires récemment entrepris et aux études moléculaires effectuées sur des échantillons de tissus provenant des spécimens muséologiques ou nouvellement collectés dans de nombreuses localités, des informations supplémentaires ont pu être rassemblées afin d’éclaircir certains problèmes taxinomiques (exemples : Goodman et al., 2007b, 2009a). Eger & Mitchell (1996) ont étudié la biogéographie des chauves-souris malgaches selon la systématique présentée par Peterson et al. (1995). Dans leurs analyses, 28 espèces ont été prises en compte en excluant Mormopterus acetabulosus des îles Mascareignes. Eger & Mitchell (1996) ont noté qu’étant donné la position de la Grande Ile entre les deux continents, Asie et Afrique, les espèces de chauves-souris malgaches seraient d’origine africaine et/ou asiatique : Eidolon et Triaenops seraient d’origine africaine et deux autres genres (Emballonura et Pteropus) sont d’origine asiatique. Le genre Miniopterus est largement répandu en Afrique, Asie et Australie. Outre les 44 espèces répertoriées au début de l’année 2011 (Goodman, 2011 ; Goodman et al., 2011), d’autres taxa restent encore cryptiques et méritent d’être élucidés.

Révision taxinomique des chauves-souris

Pendant plus de deux siècles, la majorité des biologistes ont accepté la répartition des chauves-souris en deux sous-ordres selon la classification de Dobson (1875) (Hutcheon & Kirsch, 2006). Cette taxinomie, au début, a été basée sur certains caractères externes. Plus tard, les biologistes ont aussi remarqué des différences anatomiques, physiologiques et des différences dans la capacité de chaque groupe à utiliser ou non le système d’écholocation. Ces deux principaux sous-ordres sont les Microchiroptera et les Megachiroptera. Toutefois, les critères de classification morphologiques ne sont pas toujours crédibles dans la description ou la reconnaissance d’une espèce. De ce fait, les chercheurs, travaillant sur les chauves souris, ont fait appel à la biologie moléculaire et les différents travaux entrepris en ce sens ont abouti à une nouvelle classification de l’ordre des Chiroptera en deux sous ordres : le sous-ordre des Yinpterochiroptera regroupant les Pteropodidae, les Hipposideridae, les Rhinolophidae, les Rhinopomatidae, les Craseonycteridae et les Megadermatidae et le sous-ordre des Yangochiroptera qui rassemble les autres familles (Springer et al., 2001 ; Jones & Teeling, 2006).

En outre, ces études moléculaires ayant été étendues jusqu’au niveau du sous ordre, il en ressort que le genre Miniopterus, classé auparavant dans la famille des Vespertilionidae, appartient désormais à la famille des Miniopteridae (Hoofer & Van Den Bussche, 2003 ; Miller-Butterworth et al., 2007). Onze espèces de Miniopterus  furent répertoriées à Madagascar à la fin de l’année 2011 et dans certains cas, elles peuvent être des espèces sœurs (comme M. gleni et M. griffithsi) ou des espèces paraphylétiques (comme M. manavi sensu lato) (Tableau 2). Miniopterus manavi sensu lato est composé d’au moins sept espèces morphologiquement similaires (d’après les mensurations externes, crâniennes et dentaires) et rassemble : M. aelleni, M. brachytragos, M. egeri, M. griveaudi, M. mahafaliensis, M. manavi et M. petersoni. Cependant, les études génétiques montrent que ces ressemblances ne sont, en général, que des signes de convergence. La distinction des espèces de ce complexe, sur le terrain, est basée sur la forme et la taille du tragus qui sont parfois caractéristiques de chaque espèce (Goodman et al., 2009a, 2009b).

Selon leur besoin écologique respectif, les espèces de la famille des Miniopteridae malgaches vivent en colonie monospécifique ou en sympatrie avec d’autres espèces. Par exemple, la grotte de Fandanana (région de Fandriana), abrite cinq espèces de chauves-souris dont quatre sont du genre Miniopterus : M. sororculus, M. majori, M. manavi et une autre espèce qui reste encore à déterminer (Ramasindrazana et al., 2011) ainsi qu’une espèce appartenant à la famille des Vespertilionidae (Myotis goudoti).

Système d’écholocation chez les chiroptères

Pendant des siècles, les biologistes se sont demandé comment les chauves-souris pouvaient s’orienter dans le noir (Spallanzani, 1794). Est-ce grâce à une vision exceptionnelle ou à un sens totalement différent que les autres mammifères n’ont pas pu acquérir au cours de l’évolution des êtres vivants ? A la fin du XVIIIème siècle, Spallanzani (1794), a démontré que certaines espèces de chauves-souris ont la capacité d’utiliser un sens, autre que la vision, pour s’orienter et se déplacer dans le noir et localiser leurs proies tout en évitant leur prédateur. Mais Griffin (1958) a réussi à améliorer ces expériences en utilisant un détecteur d’ultrasons. Il en déduit que certaines espèces de chauves-souris produisent des sons de haute fréquence, très rapides et directionnels. Ce phénomène est appelé « système d’écholocation » ou « localisation par l’écho ». L’écholocation désigne donc la réflexion du son ou « écho » qui est généralement inaudible à l’oreille humaine (Fenton, 2002). Ces sons inaudibles ou ultrasons sont également utilisés par d’autres groupes de mammifères (comme les Cétacés : dauphins, baleines), de micromammifères non-volants (musaraignes et tenrecs comme le genre Hemicentetes étudiés par Eisenberg & Gould en 1984) et même d’oiseaux (Schober & Grimmberger, 1991). Chez les chauves-souris, ces cris suraigus peuvent avoir une fréquence allant de 20 à 210 kHz (Schober & Grimmberger, 1991 ; Taylor, 2000). Les ultrasons émis renvoient des échos après avoir touché un obstacle et informent l’animal sur l’attitude à prendre. Du point de vue biologique, les ultrasons prennent naissance au niveau du larynx et le vent passant par la corde vocale modifie la fréquence du son. Puis, les cris sont émis par la bouche ou par les narines. Les espèces utilisant les narines comme organe d’émission ont souvent un nez complexe (Altringham, 2001). Tel est le cas des Hipposideridae (Annexe 1). Pendant leur vol, les chauves-souris émettent des ultrasons, en une série de pulsations, à intervalle plus ou moins régulier qui va leur permettre de définir de façon précise leur milieu. Elles peuvent ainsi créer une image tridimensionnelle de l’endroit qu’elles exploitent. La distance de l’individu par rapport aux obstacles ou aux proies est évaluée en fonction du temps de retour de l’écho. La direction est évaluée par le décalage de réception entre les deux oreilles. Pendant la chasse, les pulsations ultrasoniques émises à intervalle régulier deviennent de plus en plus rapides pour mieux situer et capturer les proies (Schnitzler & Kalko, 2001). Le tragus, une projection cartilagineuse située au niveau de l’oreille, crée un deuxième sentier qui permet au son de parcourir le canal de l’oreille en stimulant une deuxième ouverture menant à la membrane tympanique (Lawrence & Simmons, 1982). Chez certaines espèces du genre Rousettus (Pteropodidae), les pulsations ultrasoniques de basse fréquence proviennent du claquement de la langue.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I. CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE
I- 1. Historique et biogéographie des chauves-souris de Madagascar
I- 2. Révision taxinomique des chauves-souris
I- 3. Système d’écholocation chez les chiroptères
I- 4. Aperçu des études déjà entreprises
I- 4- 1. Régime alimentaire des chauves-souris malgaches
I- 4- 2. Etude bioacoustique et écologique
I- 4- 3. Répartition géographique des chauves-souris de Madagascar
I- 5. Importances et menaces potentielles des chauves-souris
I- 6. Caractéristiques des zones d’étude
I- 6- 1. Géologie
I- 6- 2. Climat et végétation de Madagascar
I- 6- 2- 1. Les régions humides
I- 6- 2- 1- 1. La région de l’Est
I- 6- 2- 1- 2. La région du Centre
I- 6- 2- 1- 3. La région du Sambirano
I- 6- 2- 2. Les régions sèches
I- 6- 2- 2- 1. La région de l’Ouest
I- 6- 2- 2- 2. La région du Sud
I- 7. Données disponibles sur la famille des Miniopteridae et les Hipposideridae
I- 7- 1. La famille des Miniopteridae
I- 7- 1- 1. Miniopterus de grande taille
Miniopterus gleni
Miniopterus griffithsi
I- 7- 1- 2. Miniopterus de taille moyenne
Miniopterus majori
Miniopterus sororculus
Miniopterus petersoni
I- 7- 1- 3. Miniopterus de petite taille
Miniopterus aelleni
Miniopterus brachytragos
Miniopterus egeri
Miniopterus griveaudi
Miniopterus manavi
Miniopterus mahafaliensis
I- 7- 2. La famille des Hipposideridae
Hipposideros commersoni
Triaenops
Triaenops auritus
Triaenops furculus
Triaenops menamena
CHAPITRE II. MÉTHODOLOGIE GENERALE
II- 1. Méthode de capture
II- 1- 1. Capture au filet japonais
II- 1- 2. Capture au piège harpe
II- 1- 3. Capture au filet papillon
II- 2. Méthode d’identification des individus capturés
II- 3. Morphométrie, pesage et conservation des spécimens
II- 3- 1. Morphométrie et pesage
II- 3- 2. Conservation des spécimens muséologiques
II- 4. Méthode de détection ultrasonique
II- 4- 1. Matériel de détection
II- 4- 2. Technique d’enregistrement
II- 4- 2- 1. Enregistrement dans un « flight cage »
II- 4- 2- 2. Le « zip line »
II- 5. Analyse des données
II- 5- 1. Analyse moléculaire
Analyse des séquences
II- 5- 2. Analyse des ultrasons
CHAPITRE III. DESCRIPTION DES ESPECES DE MINIOPTERUS SPP (CHIROPTERA : MINIOPTERIDAE) DE MADAGASCAR BASEE SUR LA BIOACOUSTIQUE, LA MORPHOLOGIE ET LA VARIATION MOLECULAIRE
III- 1. METHODOLOGIE
III- 1- 1. Période et sites d’étude
III- 1- 2. Capture et mensurations des chauves-souris
III- 1- 3. Enregistrement et analyse des écholocations de Miniopterus spp
III- 1- 4. Comparaison morphologique
III- 1- 5. Analyse moléculaire
III- 1- 6. Analyses statistiques
III- 1- 6- 1. Etude de la variation intraspécifique de Miniopterus griveaudi provenant des trois îles voisines (Madagascar, Anjouan et Grande Comore)
III- 1- 6- 2. Analyse discriminante linéaire des paramètres bioacoustiques
III- 2. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III- 2- 1. Morphologie externe
III- 2- 2. Variation géographique de Miniopterus griveaudi de Madagascar et de l’archipel des Comores
III- 2- 2- 1. Variation des mesures externes
III- 2- 2- 2. Variation des paramètres bioacoustiques
III- 2- 3. Etude moléculaire
III- 2- 4. Description de l’écholocation de Miniopterus spp. de Madagascar et de l’archipel des Comores
III- 2- 5. Identification des espèces de Miniopterus de Madagascar par analyse discriminante
III- 3. DISCUSSION
III- 3- 1. Variation intraspécifique de Miniopterus griveaudi des trois îles voisines
III- 3- 1- 1. Variation des mesures externes chez Miniopterus griveaudi
III- 3- 1- 2. Variation des paramètres bioacoustiques chez Miniopterus griveaudi
III- 3- 2. Variation interspécifique de l’écholocation de Miniopterus spp. de Madagascar et de l’archipel des Comores
III- 3- 3. Analyse discriminante
III- 3- 4. Analyse de la phylogénie de Miniopterus griveaudi des trois îles voisines
III- 4. CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE

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