L’appendicite est la plus fréquente des urgences chirurgicales digestives chez l’enfant [8]. L’abcès appendiculaire fait partie de ses complications les plus redoutables. Il est grave car il présente un risque de contamination péritonéale sous forme de péritonite et un risque de fistules digestives [28]. Les appendicites sont responsables d’une morbimortalité non négligeable particulièrement dans les pays en voie de développement. Celle-ci est souvent imputable aux formes compliquées [16,17]. En effet, le traitement chirurgical d’emblée des complications de l’appendicite notamment l’abcès appendiculaire est pourvoyeur de difficultés opératoires, de complications post-opératoires et d’un risque important de conversion en cas de laparoscopie. Depuis un siècle, le traitement de l’abcès appendiculaire reposait sur une appendicectomie d’urgence associée à un lavage et un drainage de la cavité péritonéale. Mais depuis presque trois décennies de nouveaux protocoles thérapeutiques ont vu le jour : c’est le concept du traitement médical initial avec plus ou moins un drainage extra péritonéal de l’abcès suivi d’une appendicectomie à froid [4, 8,14]. Dans la littérature, des succès ont été rapportés par plusieurs auteurs avec cette nouvelle méthode thérapeutique [7]. Toutefois, les indications et les modalités de cette prise en charge en deux temps restent toujours discutées chez l’enfant. En plus, la nécessité d’une appendicectomie secondaire est très débattue ; certains auteurs préfèrent adopter une attitude conservatrice en cas de succès du traitement médical initial [4]. Au Sénégal, ce protocole thérapeutique n’était pas encore expérimenté chez l’enfant. L’attitude opératoire immédiate reste toujours applicable avec une morbidité importante allant de la suppuration jusqu’à la fistule digestive et un séjour hospitalier qui est toujours long [16]. Devant ce contexte et les données de la littérature qui sont favorables avec ce protocole, nous avons jugé nécessaire de réaliser cette étude préliminaire, qui a pour objectif d’évaluer les résultats de la prise en charge des abcès appendiculaires chez l’enfant, par le traitement médical initial suivi ou non d’une appendicectomie secondaire.
HISTORIQUE DU TRAITEMENT MEDICAL DANS LES ABCES APPENDICULAIRES
L’appendicite aiguë est la plus fréquente des urgences chirurgicales, notamment chez l’enfant. Depuis un siècle, son traitement de référence a été la chirurgie avec une appendicectomie couplée, en cas de péritonite, à une toilette péritonéale. Depuis les années 80, des articles rapportent régulièrement des succès thérapeutiques, notamment en cas d’abcès appendiculaire, avec des protocoles d’antibiothérapie plus ou moins associée à un drainage de l’abcès. Depuis une quinzaine d’années, l’intérêt des cliniciens augmente pour le traitement médical initial des appendicites. Cela peut être imputé à plusieurs aspects :
– la crainte de difficultés opératoires et de complications en cas de plastron ou d’abcès appendiculaire opéré en urgence [25] ;
− le développement des techniques de drainage mini-invasif radioguidé [30];
− la généralisation du traitement antibiotique de certaines péritonites en chirurgie adulte avec un gain jugé important pour le patient (sigmoïdite perforée, salpingite…)[29];
− la possibilité de différer et de programmer une intervention réputée difficile, auparavant réalisée en urgence y compris la nuit ;
− et l’observation de guérison après crise d’appendicite aiguë par antibiothérapie en cas d’isolement géographique (sous-mariniers, navigateurs…) [29].
Pourtant, malgré la fréquence de cette pathologie, il n’existe pas de consensus aujourd’hui chez les chirurgiens pédiatres sur plusieurs points clés :
− à qui réserver le traitement médical et selon quelles modalités ?
− en cas de succès d’une attitude conservatrice, faut-il laisser en place l’appendice ? L’analyse de la littérature laisse apparaître une grande hétérogénéité des protocoles de prise en charge et de nomenclature (masse appendiculaire, abcès appendiculaire, plastron, appendicite compliquée, perforée, péritonite localisée…).
RAPPELS ANATOMIQUES
Anatomie descriptive de l’appendice iléo-caecal
L’appendice est un diverticule creux appendu à la surface interne du caecum (position latéro caecal interne), 3 cm au-dessous de l’abouchement iléal. Sa taille est variable de 3 à 10 cm de longueur, sur 6mm de diamètre et à 3 mm d’épaisseur. Il est vascularisé par l’artère appendiculaire, provenant de l’artère iléo-caeco-colo-appendiculaire (figure 1).
Variantes anatomiques
Des variantes physiologiques de la normale dues à la position de l’appendice par rapport au caecum (base d’implantation fixe mais direction variable) existent :
– Position rétro cæcale : elle est due à un développement asymétrique du bourgeon caudal ou à des accolements péritonéaux anormaux. L’appendice peut alors être fixé derrière le caecum et remonter derrière le colon ascendant, ou flotter en arrière.
− Position méso cœliaque : la partie médiane de l’appendice est transversale ou ascendante, rétro iléale. Il peut atteindre la région médiane.
− Position pelvienne : l’appendice est long avec un méso étiré, il plonge dans la cavité pelvienne.
D’autres variantes sont dues à la position du caecum :
− mésentère commun avec caecum à gauche (1%)
− position sous hépatique (1%)
− position haute, lombaire droite (3%)
− caecum en position pelvienne, devant le détroit supérieur, devant le pelvis (5%).
PHYSIOPATHOLOGIE
L’étiologie de l’appendicite est mal connue et semble être plurifactorielle. L’obstruction est le facteur prédisposant principal qui va aboutir à la stase, à la pullulation microbienne et à l’augmentation de la pression intraluminale entraînant une érosion de la muqueuse et la pénétration de germes dans la paroi [22]. Plusieurs mécanismes peuvent être incriminés :
− obstruction pariétale par une hyperplasie lymphoïde (plaques lymphoïdes de Peyer) entraînant un rétrécissement voire une déchirure de la muqueuse ou par une hypertrophie de la paroi dans les colites inflammatoires de type maladie de Crohn ;
− obstruction intrinsèque par un stercolithe constitué de résidus organiques pouvant se développer sur un corps étranger – rare cas d’obstruction par un parasite (oxyurose). Cette obstruction entraîne la rétention sous pression de la sécrétion muqueuse, avec deux conséquences :
− Une ischémie progressive de la paroi, qui explique les lésions histologiques comme la perforation ;
− Le développement d’une infection par les germes de la flore caecale : entérobactéries Gram négatifs (flore mono microbienne a colibacilles dans 60% des cas, Klebsielles, Enterobacter, Pseudomonas), entérocoques dont la présence fréquente ne doit pas être négligée lors du choix d’une antibiothérapie et un germe anaérobie presque exclusif, Bactéroides fragilis.
A moins d’un syndrome appendiculaire [23], et en l’absence de traitement, l’évolution de l’appendicite risque de se faire vers la perforation, puis une extension intra abdominale de l’infection, qui peut prendre l’aspect d’un abcès de topographie variable, le plus souvent iliaque droite, mais aussi pelvienne , mésocoeliaque ou rétrocaeacle, et dont les parois sont constituées par les anses de voisinage, le mésentère, le péritoine du cul de sac de Douglas et celui du dôme vésical.
En dehors de ces cas, l’infection peut se faire de façon exceptionnelle par voie hématogène lors des syndromes septiques, ou par contiguïté. L’évolution est en général moins grave que dans les cas d’obstruction .
ANATOMOPATHOLOGIE
La paroi appendiculaire (de type colique constituée d’une muqueuse tapissée d’élément glandulaire, d’une sous muqueuse riche en follicules lymphoïdes, d’une musculeuse et d’une séreuse) est progressivement envahie par la réaction inflammatoire. Différents stades sont décrits selon l’histologie [4,5] :
− Appendicite catarrhale : macroscopiquement, l’appendice est œdématié et hyper vascularisé. Microscopiquement il y a une atteinte localisée de la muqueuse voire de la sous muqueuse avec une infiltration de polynucléaires neutrophiles.
− Appendicite phlegmoneuse: macroscopiquement l’appendice est turgescent couvert de fausses membranes, sa lumière contient du pus et il se produit une nécrose suppurée de sa paroi. Microscopiquement, les pertes de substances sont diffuses avec une nécrose suppurée, diffuse, trans pariétale. Un enduit fibrino leucocytaire est quasi constant au niveau de la séreuse.
− Appendicite abcédée : macroscopiquement, cela correspond à un aspect de pseudo tumeur inflammatoire. Microscopiquement, l’appendice est ulcéré, suppuré avec une réaction péri appendiculaire inflammatoire et une paroi infiltrée de micro abcès.
− Appendicite gangréneuse : macroscopiquement est constaté un aspect verdâtre avec apparition de plages nécrotiques menant à la perforation. Microscopiquement, il s’agit d’une forme hémorragique et nécrosante de la paroi, d’origine ischémique.
EPIDEMIOLOGIE
Les appendicites aiguës restent une des urgences chirurgicales les plus fréquentes chez l’enfant. Autres études montrent que l’appendicite aigue représente 15 à 20% de l’ensemble des douleurs abdominales aiguës admises aux secteurs d’urgences des hôpitaux d’enfants [23]. En général, l’appendicite aiguë s’observe à tout âge, avec une fréquence maximale pour le jeune enfant par rapport au nourrisson. Le pic de fréquence maximale correspond à l’âge de 10 ans. Donc elle se révèle être une maladie de l’enfance, par contre elle est exceptionnelle avant 2ans et très rare avant 5ans [13]. L’appendicite aigue se voit dans les deux sexes ; cependant, de nombreuses études faites précédemment montrent une prédominance masculine [26].
DIAGNOSTIC POSITIF DE L’ABCES APPENDICULAIRE
Circonstances de découverte
Il s’agit d’une symptomatologie non spécifique. La douleur abdominale aigue(moins de 72 heures) : spontanée, parfois de début épigastrique puis se localisant en fosse iliaque droite, permanente, fixée, et d’intensité variable, souvent croissante, sans irradiation en absence de forme compliquée ; cette douleur est exacerbée à la marche. Des Vomissements alimentaires, nausées, refus alimentaire et parfois des Troubles du transit (diarrhée réactionnelle) sont associés aux douleurs abdominales. Des signes d’irritation vésicale (brûlures mictionnelles, impériosité mictionnelle)sont parfois présents.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS ET REVUEDE LA LITTERATURE
I. HISTORIQUE DU TRAITEMENT MEDICAL DANS LES ABCES APPENDICULAIRES
II. RAPPELS ANATOMIQUES
1. Anatomie descriptive de l’appendice iléo-caecal
2. Variantes anatomiques
III. PHYSIOPATHOLOGIE
IV. ANATOMOPATHOLOGIE
V. EPIDEMIOLOGIE
VI. DIAGNOSTIC POSITIF DE L’ABCES APPENDICULAIRE
1. Circonstances de découverte
2. Examen clinique
2.1. Signes généraux
2.2. Signes physiques
3. Paraclinique
3.1. Biologie
3.2. Imagerie
3.2.1. Echographie abdominale
3.2.2. Tomodensitométrie
VII. TRAITEMENT
1. But
2. Moyens et méthodes
2.1. Moyens médicaux
2.2. Moyens instrumentaux
2.3. Moyens chirurgicaux
2.3.1. Appendicectomie laparoscopique
2.3.2. Appendicectomie par laparotomie
3. Indications
4. Complications post opératoires
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. CADRE D’ETUDE
1. Description des lieux
2. Personnel
2.1. Le personnel médical
2.2. Le personnel paramédical
2.3. Personnel administratif de soutien
3. Activités du service
II. PATIENTS ET METHODES
1. Critères d’inclusion
2. Critères d’exclusion
3. Population d’étude
4. Type d’étude
5. Sources des données et paramètres étudiés
5.1. Sources des données
5.2. Paramètres étudiés
III. RESULTATS
1. Aspects épidémiologiques
1.1. Fréquence
1.2. Age
1.3. Sexe
1.4. Origine géographique
1.5. Délai d’évolution
2. Aspects cliniques et paracliniques
2.1. Les antécédents
2.2. Température à l’entrée
2.3. Le taux de leucocytes
2.4. La C- Reactiv-Protein
2.5. Echographie
2.5.1. Volume de l’abcès
2.5.2. Stercolithe
3. Aspects thérapeutiques et évolutifs
3.1. Traitement médical
3.1.1. Antibiothérapie
3.1.2. Analgésie
3.2. Evolution du traitement médical
3.2.1. Groupe A (Appendicectomie secondaire)
3.2.2. Groupe B (Traitement conservateur)
IV. DISCUSSION
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES