Le terme d’hydrocéphalie correspond à une dilatation active des cavités ventriculaires intracérébrales par augmentation de la quantité du liquide céphalorachidien (LCR) consécutive, soit à une hypersécrétion liquidienne, soit à une insuffisance de résorption, soit à un obstacle sur la voie d’écoulement du LCR. Le pluriel « hydrocéphalie » convient mieux pour exprimer la diversité de cette pathologie. Ensuite y adjoindre le « de l’enfant et de l’adulte » précise le spectre de l’affection selon l’âge du patient avec ses spécificités cliniques, étiologiques et ses résultats d’examen complémentaires [22]. Il existe deux types d’hydrocéphalie :
●hydrocéphalies communicantes (hydrocéphalies chroniques de l’adulte) : secondaires à une tension ou une dilatation du système ventriculaire par une insuffisance de résorption du LCR ;
●hydrocéphalies non communicantes : secondaires à une stase avec dilatation ventriculaire, causée par un obstacle empêchant de façon permanente la circulation du LCR.
Les examens neuroradiologiques (TDM et IRM cérébrales) font le diagnostic en mettant en évidence la cause et les conséquences de la dilatation. En revanche, il s’agit d’examens statiques qui ne renseignent pas sur la dynamique du LCS. Il faut toutefois compléter le bilan par des examens visant à enregistrer la pression, les possibilités de réabsorption et les mouvements du LCS (IRM de flux, test hydrodynamiques).
La connaissance de l’anatomie descriptive et surtout endoscopique du cerveau est une base fondamentale lors de la prise en charge de l’hydrocéphalie par la VCS. Quel que soit le mécanisme, il est toujours possible de traiter l’hydrocéphalie par une valve de dérivation qui conduit le LCS en accumulation dans un secteur apte à réabsorber les liquides (péritoine, oreillette droite). Le choix des méthodes chirurgicales est plus sélectif depuis les années 1990 grâce aux progrès de l’endoscopie qui évite les complications liées à la mise en place chirurgicale de matériel implantable. En effet la ventriculocisternostomie endoscopique, qui fait l’objet de notre étude, traite les hydrocéphalies obstructives en faisant communiquer les ventricules en amont de l’obstacle avec les espaces sous arachnoïdiens [22]. Cette dernière a pris une place considérable dans le traitement de l’hydrocéphalie. La fréquence des dysfonctionnements de valve de dérivation du LCS qui ont été pendant de nombreuses années le traitement quasi-unique de l’hydrocéphalie a poussé de nombreux chirurgiens à maitriser cette technique. Sur ce point, force est de constater que le raisonnement « hydrocéphalie non communicante = VCS ; hydrocéphalie communicante = valve » n’est pas toujours possible. L’hydrocéphalie est en effet une pathologie beaucoup plus complexe et moins binaire que ce raisonnement ne le laisse entendre. Sa définition même est matière de controverse .
Historique
Histoire de l’hydrocéphalie et de l’hypertension intracrânienne
L’hydrocéphalie est connue depuis la plus haute antiquité. Elle était décrite comme «de l’eau dans le cerveau » et cette description a donné son nom à cette entité pathologique. En grec, « hydro » signifie eau et « képhalé » signifie tête. Dès le début du XVIIème siècle, débuta une période d’étude des effets de l’hypertension intracrânienne : Lorry (1760) [8] en observant les effets de la compression expérimentale de la medulla oblongata conclut « sans crainte d’être dans l’erreur, que c’est dans la moelle allongée qu’il faut rechercher le siège de l’assoupissement». Von Bergman et Cramer [8] ont constaté en 1873, au cours d’expériences réalisées sur des chiens, que l’injection d’une substance gélatineuse dans le cerveau provoquait une hypertension artérielle et un ralentissement du pouls. Ils ont été les premiers à mesurer la pression veineuse cérébrale et à constater le mécanisme qui sera plus tard connu sous le nom de reflexe de Cushing. Duret (1878) puis surtout Kocher (1901) [8] proposèrent un schéma classique de l’évolution de l’hypertension intracrânienne en quatre stades :
●un stade de compensation pendant lequel la pression intracrânienne s’élève asymptomatiquement ;
●un stade de manifestations débutantes au cours duquel se développent des signes tels que céphalées et irritabilité ;
●un stade de manifestations majeures avec hypertension artérielle, bradycardie et bradypnée ;
●un stade de paralysie, où on voit le malade profondément comateux, tachycarde, et hypotendu, puis mourir en apnée.
Mais c’est surtout à Dandy que l’on doit les explorations physiopathologiques les plus importantes. De 1913 à 1922, ses expérimentations sur des chiens réussissent à produire différents types d’hydrocéphalies. Toutefois, si l’hydrocéphalie par blocage de la circulation du LCS dans les ventricules est alors bien connu, ce n’est que beaucoup plus tard qu’ont été comprises les hydrocéphalies par blocage extra ventriculaire, celle-ci possédant de nombreuses étiologies :
Les hydrocéphalies sur encéphalite de différents types ont été décrites par Sabin et Feldman en 1948 ,Wyatt et Tribby en 1952, et par Diezel en 1954. Une hydrocéphalie de ce type ayant pour origine une méningite intra-utérine a été relatée par Crosby en 1951. En 1960, Ransohoff Shulman et Fishman décrivirent comme cause les hémorragies sous-arachnoïdiennes par traumatisme obstétrical .
Histoire du traitement de l’hydrocéphalie
Dans son cours de pathologie et de thérapeutique chirurgicale (1793), Hevin écrit [56] : « les hydrocéphalies internes sont incurables et mortelles » ; tous les secours de l’art seraient infructueux ». Il semble que la ponction ventriculaire soit la première opération qu’on se soit hasardé à pratiquer dans l’hydrocéphalie. On en fait remonter l’intervention à Dean Swift en 1744. Les résultats n’étaient en général que transitoires malgré quelques cas de guérison définitive. Mais on savait dès lors que l’hydrocéphalie pouvait être traitée [107].
L’emploi du drainage externe après la ponction remonte à Lawson (1885). Le trocart est alors laissé en place et relié par un tube de caoutchouc à une bouteille placée plus bas. D’autres auteurs, conscients des effets d’un drainage trop brutal du LCS, ont même préconisé l’emploi de crins de cheval repliés en double de façon à obtenir un drainage plus lent.
Encore une fois, sur le plan du traitement chirurgical, Dandy fait figure de pionnier puisque c’est un précurseur de deux techniques encore utilisées actuellement. Dès 1920, il proposa l’abord direct du V4 et le cathétérisme de l’aqueduc (interventriculostomie), repris par Frazer en 1922, Ingebregsten en 1938, Leksell et Norlen en 1949. En 1922, il renonça à cette technique responsable d’une lourde mortalité et lui préféra l’ouverture du plancher de V3 [39]. En 1951, Nulson et Spitz utilisèrent pour la première fois et avec succès un systèmede dérivation ventriculo jugulaire avec valve [37]. La valve d’Holter est le premier système à base de silicone. John Holter était technicien en 1955 quand son fils est né avec myéloméningocèle et a présenté par la suite une hydrocéphalie. C’est pour son fils qu’il a imaginé un nouveau modèle de valve devenu par la suite d’utilisation courante, et encore utilisé aujourd’hui. La simplicité et l’efficacité de cette dérivation font alors abandonner les anciennes techniques mais la fréquence de leurs complications, malgré l’amélioration des matériels incitèrent quelques années plus tard de nombreux auteurs à remettre à l’honneur le traitement endoscopique de l’hydrocéphalie .
Histoire de la ventriculocisternostomie
La ventriculocisternostomie est devenue en quelques années le traitement de référence de l’hydrocéphalie non communicante dans la majorité des services de neurochirurgie. Le concept de visualisation des cavités du corps humain au travers des orifices naturels ou de petites incisions a vu le jour en 1806 avec Bozzini. Il a réalisé la première intervention sous endoscopie avec une lumière de bougie dirigée par des miroirs placés à 45°. Cette technique était alors utilisée pour l’étude de l’uretère et le rectum. En 1879, avec l’invention de l’ampoule électrique par Thomas Edison et l’invention du cystoscope par Nitze, l’ère de l’endoscopie débuta vraiment [83]. La neuroendoscopie a été développée dans le but d’offrir un traitement à l’hydrocéphalie. En 1910, Lespinasse (figure 2), un urologue, explora à l’aide d’un cystoscope les ventricules de deux enfants hydrocéphales pour coaguler les plexus choroïdes .
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. PREMIERE PARTIE : DONNEES FONDAMENTALES
1. HISTORIQUE
1.1. Historique de l’hydrocéphalie
1.2. Historique du traitement de l’hydrocéphalie
1.3. Historique de la ventriculocisternostomie
2. RAPPELS ANATOMIQUES
2.1. Anatomie descriptive
2.1.1. Les cavités ventriculaires
2.1.2. Les plexus choroïdes
2.1.3. Système extra ventriculaire
2.2. Anatomie endoscopique
2.2.1. L’entrée du troisième ventricule
2.2.2. L’anatomie endoscopique du troisième ventricule
2.2.3. Au-delà du troisième ventricule
3. DIQGNOSTIQUE DES HYDROCHEPHALIES
3.1. Signes clinique chez l’enfant et le nourrisson
3.2. Signes cliniques chez l’adulte
3.3. Méthodes d’exploration
3.3.1. ETF
3.3.2. Radiographie du crâne
3.3.3. Le scanner
3.3.4. L’IRM
3.3.5. Autres méthodes d’exploration
3.4. ETIOLOGIES DES HYDROCHEPHALIES
3.4.1. Chez le nourrisson et l’enfant
3.4.2. Chez l’adulte
4. TRAITEMENT DE L’HYDROCEPHALIE
4.1. Buts
4.2. Moyens
4.2.1. Traitement médical
4.2.2. Dérivation du LCS
4.2.2.1. Dérivation ventriculaire externe
4.2.2.2. Dérivations internes
4.3. Indications
4.4. Résultats et complications de la VCS
4.5. Suivi et Pronostic après VCS
III. DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Patients et méthodes
1.1. Cadre et type d’étude
1.2. Critères d’inclusion et d’exclusion
1.3. Recueil des données
1.4. Matériel et méthodes
1.4.1. Matériel utilisé
1.4.2. Technique chirurgicale
2. RESULTATS
2.1. Données préopératoires
2.1.1. Epidémiologie
2.1.2. Aspect clinique
2.1.3. Imagerie préopératoire
2.1.4. Causes de l’hydrocéphalie
2.2. Données per opératoires
2.2.1. Difficultés
2.2.2. Flux à travers la stomie
2.2.3. Incidents
2.2.4. Complications
2.3. Données post opératoires
2.3.1. Complications
2.3.1.1. Type
2.3.1.2. Fréquence
2.3.1.3. Nouveau traitement
2.3.2. Evolution et Suivi
2.3.2.1. Evolution clinique postopératoire
2.3.2.1.1. Amélioration clinique durable
2.3.2.1.2. Amélioration clinique transitoire
2.3.2.1.3. Absence d’amélioration clinique
2.3.2.1.4. Décès
2.3.2.2. Imagerie postopératoire
2.3.2.3. VCS et exérèse chirurgicale de lésion tumorale
2.3.2.4. Suivi
IV. TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS
1. Données préopératoires
1.1. Epidémiologie
1.2. Aspect clinique
1.3. Imagerie préopératoire
2. Données per opératoires
2.1. Indication de la VCS
2.2. Technique opératoire
2.3. Type et angle de l’endoscope
2.4. Difficultés
2.5. Flux à travers la stomie
2.6. Incidents
2.7. Complications
3. Données post opératoires
3.1. Complications
3.1.1. Les infections
3.1.2. L’écoulement de LCS
3.1.3. Atteinte neurologique
3.1.4. Lésions hypothalamiques et troubles neurovégétatifs
3.1.5. Collection sous durale
3.1.6. Morbi-mortalité
3.2. Evolution clinique postopératoire
3.2.1. Amélioration clinique durable
3.2.2. Amélioration clinique transitoire
3.2.3. Absence d’amélioration clinique
3.3. Imagerie postopératoire
3.4. VCS et exérèse chirurgicale de lésion tumorale
3.5. Succès de la VCS
3.6. VCS et âge-dépendance
3.7. Suivi
V. CONCLUSION