Historique du terme de « Récitation » à l’école

Historique du terme de « Récitation » à l’école

A travers mes différentes étapes de documentation concernant l’étude d’un point de vue historique de la récitation de poésie, j’ai pu constater de nombreux points communs avec mes propres considérations ou préconceptions mais également avec mes propres pratiques initiales. Lors de mes premières séances de récitations réalisées en classe, je n’ai fait inconsciemment que reproduire une procédure assez conventionnelle que j’ai dû vivre lors de ma scolarité en école primaire : n’ayant pas  eu le temps de me pencher davantage sur la réalisation d’une séquence détaillée autour de la poésie, puisque assez préoccupé par toutes  les obligations du début d’année en tant que stagiaire, j’ai lancé un peu par défaut un schéma minimal cristallisant de nombreuses représentations communes, comme j’ai pu le constater. George Jean restitue bien ici l’esprit de ces procédés :

J’ai souvent fait le procès de ce que l’on nomme parfois la vieille « récitation ». Les personnes de ma génération savent bien de quoi il s’agit. L’institutrice, l’instituteur, les professeurs, nous proposaient (nous imposaient le plus souvent) un texte en vers (rarement de la prose, jadis) et il fallait quelques jours plus tard, le « réciter » c’est-à-dire le redonner à haute voix, et sans livre ni document, « par cœur » quoi ! Le maître mettait une note. Il tenait compte de la mémorisation et également, dans les meilleurs cas, de ce que l’on appelait alors « le ton ».

Il est compliqué de distinguer les objectifs liés à la pratique de la récitation puisqu’ils apparaissent variés et sont modifiés au gré des différentes Instructions Officielles qui évoluent suivant les années. En dehors de la fonction d’entraînement de la mémoire, d’autres objectifs sont ciblés dans les textes officiels de la fin du XIXe siècle. Il s’agissait d’abord d’enseigner aux enfants la morale par un choix plutôt strict et rigoureux de textes. Puis, à partir de 1880, la récitation vise également à alimenter la construction d’un imaginaire et d’un patrimoine nationaux. Ces recommandations de mémorisation ne se limitent pas aux textes littéraires seuls mais concernent également les textes documentaires (récitations de leçons). Au cours des modifications des programmes, à partir d’un corpus de poésie conventionnelle, intégrant principalement le vers classique, la récitation avait aussi pour objectif d’apprentissage la prosodie, la prononciation correcte de l’alexandrin, en respectant coupes, césures et accentuations.

Parfois la récitation devenait l’aboutissement d’une pratique de lecture qui avait pour fonction de permettre aux élèves d’illustrer leurs « compos » grâce à leur réservoir de citations mémorisées, de leur fournir des connaissances en histoire littéraire, de leur insuffler des références communes leur permettant de « former » leur goût, de corriger les prononciations incorrectes ou de leur constituer un sens moral censé être transmis par les poèmes sélectionnés.

Ce n’est qu’avec le plan de Rénovation de 1972 que l’approche de la poésie s’est diversifiée puisqu’il permettait un élargissement du choix des poèmes ainsi qu’une appréciation davantage personnelle de l’élève. Les Instructions Officielles relatives à l’enseignement du français à l’école élémentaire consacrent pour la première fois de leur histoire, tout un chapitre à la pédagogie de la poésie. La démarche entreprise insistait plutôt sur la diction que sur la mémorisation tout en promouvant une démarche de création se voulant essentiellement ludique et recommandant des exercices d’écriture. George Jean résume cette progression de la sorte :

Toute une histoire serait maintenant à faire, pour percevoir comment, sous les influences obstinées de quelques pédagogues, Célestin Freinet par exemple, et sous la pression lente, mais certaine de projets d’instructions (le plan dit « plan Rouchette» par exemple), les consignes officielles évoluèrent. On parle maintenant de poésie dans les textes officiels, et en insistant plus sur les aspects « culturels » (former le goût) et moraux (donner un supplément d’âme) de la poésie à l’école.

Définition du terme

La récitation (du latin recitatio) est aujourd’hui traditionnellement liée à la mise en voix d’un poème restitué intégralement grâce à la mémoire. Le dictionnaire indique quant à lui : « action, manière de réciter (qqch. ». Ce qui nous permet de faire le lien avec la définition de « réciter » (du latin recitare) : « Dire à haute voix (ce qu’on sait de mémoire) ».

En m’attachant à la définition stricte du terme de « récitation », j’ai voulu développer ces critères principaux (le « dire à haute voix » et la mémorisation) qui la définissent, en intégrant toutefois une réflexion sur la phase de compréhension des textes rencontrés car travailler sur cet aspect, qui permet aux élèves d’appréhender au mieux les poèmes, me paraît être une étape indispensable pour pouvoir continuer sur une pratique convenable de mémorisation ou mise en voix. J’ai choisi d’aborder ces différentes parties en choisissant un ordre qui me permettrait d’abord de me consacrer à la compréhension, puis dans un second temps à la mémorisation et enfin à la mise en voix, même s’il conviendrait de ne pas trop cloisonner ces points car ils possèdent tous des liens étroits qui motivent l’apprentissage lorsqu’ils sont sollicités en interaction plutôt qu’isolés indépendamment.

Il ressort donc que la récitation est principalement animée par deux traits majeurs, la retranscription orale d’un savoir par la sollicitation de la mémoire. Comme je l’ai souligné plus haut dans ma première partie, bien que la récitation ne soit pas liée à un genre littéraire particulier et que, durant une longue période la récitation était utilisée pour déclamer tout type de leçon (concernant divers domaines comme la morale, l’histoire, la géographie, la littérature), aujourd’hui l’évocation du terme « récitation » fait particulièrement ressortir des représentations presque inhérentes à la poésie, en tout cas à la restitution orale d’un poème. Inversement, la poésie se confond souvent elle-même avec la récitation comme le constate Martine Boncourt dans La poésie à l’école : l’indispensable superflu :

Toujours est-il que, lorsqu’on demande aujourd’hui aux enseignants de définir les formes par lesquelles ils abordent la poésie avec leurs élèves, ils nomment dans leur grande majorité la récitation (60% des personnes interrogées par nos soins) ou plus volontiers la « mémorisation de poèmes », signe manifeste que si la pratique a revêtu de nos jours un caractère désuet, il n’en reste pas moins que la plupart des enseignants y sont encore très attachés. Pour sauver la face et rester moderne, il suffit de changer l’appellation !

Ce mode de représentation de la récitation au sein de l’image collective (qu’on pourrait presque résumer par « la récitation c’est la poésie » ou inversement) permet bien souvent de constater qu’il cache bien souvent la seule vraie porte d’entrée de la poésie dans une classe ou en tout cas la principale modalité d’appropriation d’un poème pour les élèves alors que la pluralité des enjeux liés à la poésie ainsi que la constante instabilité de ses formes devrait davantage pousser instinctivement à envisager la multiplication, l’ouverture des procédés d’investigation. A travers diverses activités quotidiennes, il serait intéressant de déconstruire peut-être déjà certaines représentations ou hiérarchisations établies par les élèves où la valeur d’un poème s’illustrerait principalement par la récitation magistrale.

Compréhension

J’ai placé ce point concernant la compréhension des poèmes abordés avant les autres, en partant d’une réflexion simple, c’est qu’il m’est apparu approprié de développer ce point avant de me pencher par la suite sur les phases de mémorisation ou de mise en voix qui interviennent peut-être dans un second temps puisqu’elles dépendent d’une certaine compréhension du texte, aussi minime soit elle. De fait, comme je le précise, il est possible de revenir sur cette compréhension plus tardivement, pour soutenir la mémorisation ou prolonger la mise en voix. C’est pourquoi il m’est difficile de choisir un ordre pour ces différents points puisqu’ils me semblent tous étroitement liés, en tout cas dépendants les uns des autres. Il conviendrait donc au préalable de clarifier davantage le sens qui est mis derrière « le travail de compréhension d’un poème ». En effet si l’on porte le regard sur la compréhension de poèmes au collège ou en élémentaire, le travail qui est réalisé est sensiblement différent.

Le langage poétique nécessite un rapport presque intime entre le sens du texte et la musicalité du mot, du vers, de la strophe. Dans son Art poétique, Paul Verlaine recommandait : « De la musique avant toute chose ». Sans laisser tomber pour autant toute tentative d’éclaircissement d’un terme, d’un vocabulaire inconnu ou compliqué, il faut laisser la musicalité du poème dominer. La question de la compréhension se complexifie alors puisqu’elle entre en relation bien souvent avec «l’explication de texte » qui n’est sans doute pas la meilleure passerelle pour parvenir à une véritable expérience poétique. La compréhension littérale de ce qu’on pourrait alors appeler « l’objet texte » reviendrait à questionner mécaniquement une émotion qui se veut par définition indomptable, musicale ou sauvage. Il peut apparaître important de désamorcer dès lors, comme pour la non exclusivité du choix de la récitation dans l’appréciation d’un poème, certaines images préconstruites (ou qui seront amenées à se former peut-être plus tard lors de leur parcours scolaire) selon lesquelles l’analyse presque scientifique du poème déboucherait sur une compréhension totale et donc un plaisir intégral. Procédé qui peut même se répéter et déteindre parfois à terme sur la construction de leur regard porté sur une peinture ou une œuvre artistique, même éloignée du domaine de la poésie. Jean-Pierre Siméon le représente ainsi :

Il y a plus grave peut-être : la volonté de clarification qui sous-tend l’exercice d’explication et qui ressortit explicitement à un rêve d’élucidation de l’énigme, modélise une stratégie de lecture de type enquête dont le protocole imperturbable est donné comme une clé universelle. Outre que cela induit un comportement de lecteur stéréotypé, la dernière chose qu’il faille pour un objet aussi variable que le poème, cela conforte l’idée reçue à la Bouvard et Pécuchet, que le poème est un coffre fort dont le propriétaire a caché la clef .

La distribution de quelques clés initiales, par exemple sur la structure des poèmes, le terme de strophe, de vers, de pied, de rime, tous ces outils qui permettent de traiter davantage la forme plus que le sens propre, « déplace » les risques (et constitue des modalités d’évaluation confortables pour l’enseignant) mais il faut veiller à ne pas rentrer dans une démarche de déconstruction récurrente, systématique et mécanique. Par ailleurs, ces informations éclairées peuvent permettre aux élèves de baliser l’apprentissage du poème ou faciliter l’étape de mémorisation ou de mise en bouche. Elles sont intéressantes, cependant elles ne doivent jamais empiéter sur les représentations ou l’imaginaire développés spontanément par les élèves mais plutôt en permettre l’approfondissement comme l’indique George Jean : Tout le problème est de ne pas faire, de ces informations, un préalable à la première lecture du texte, mais au contraire une suite qui va éclairer la lecture et le ton de la lecture. […] Le tout est de savoir avec des enfants se limiter à l’essentiel.

Dans une démarche plus traditionnelle, la lecture du texte pourrait gagner à être développée et travaillée par rapport à la compréhension du texte. Le texte serait alors distribué en intégralité à tous les élèves ou recopié dès les premières séances pour permettre une lecture approfondie, qui travaillerait déjà le rythme, le son, les variations vocales, la présence corporelle (respiration, appui au sol), l’intentionnalité interprétative (pour que les élèves trouvent des manières personnelles de mettre en relief un aspect du poème). J’ai repris ces points mais à travers une démarche différente puisque les poèmes que nous avons abordés ont été intégrés progressivement, dans l’objectif de permettre à tous les élèves d’avancer collectivement au même rythme d’apprentissage et de mémorisation, en évitant un travail personnel ou mécanique qui creuserait les écarts en fonction des méthodes de travail des élèves.

Déjà la conception initiale de la progression de la séquence peut faire naître les premières difficultés pour certains et faire apparaître les premiers écarts. Je trouve qu’il est donc intéressant de découvrir collectivement et progressivement le texte, sans pour autant priver la classe d’une lecture intégrale, de premiers questionnements ou interprétations. Même s’il existe un certain intérêt à trouver dans la manipulation fréquente (quotidienne) des strophes acquises graduellement, dans la mise en lien ou en perspective des nouvelles strophes avec celles déjà intégrées, il est nécessaire de trouver un rythme de cheminement adéquat pour éviter de stagner trop longtemps sur une partie du poème et couper la classe d’une considération intégrale du texte qui ferait apparaître clairement les différentes structures et qui permettrait d’accéder au principal réservoir d’activités visant à manipuler le poème.

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Table des matières

Introduction
1. A propos de la récitation
1.1. Historique du terme de « Récitation » à l’école
1.2. Définition du terme
1.2.1. Compréhension
1.2.2. Mémorisation
1.2.3. Mise en voix
1.3. La place de la récitation dans les instructions officielles
1.4. Dans ma classe
2. Comment j’ai travaillé, la mise en œuvre.
2.1. Organisation de la séquence
2.2. Construction collective d’un barème de notation
2.3. De la nécessité d’une écoute active
2.4. Une situation ludique favorisant l’articulation
2.5. L’enregistrement sonore comme support de pratique
2.6. La récitation par groupe
3. Retour critique et analyse
3.1. Quelques pistes de réflexion pour alimenter mes futures démarches
3.2. Diverses constatations issues de ma pratique en classe
3.3. Le choix du corpus de textes dans la progression
3.4. La place de l’écoute dans l’activité de récitation
3.5. Réflexion sur l’utilisation du support sonore
Conclusion
4. Bibliographie
Annexe 1 – Corpus de poèmes
Annexe 2 – Barèmes élaborés en classe
Annexe 3 – Cahiers d’élèves
Annexe 4 – Exercices de prononciation

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