HISTORIQUE DES RESINES COMPOSITES
Définition
Un matériau composite est un matériau composé de plusieurs matériaux de nature ou d’origine différentes et dont les caractéristiques mécaniques sont supérieures à celles des matériaux entrant dans sa composition. La cohésion de l’ensemble est assurée par des liaisons mécaniques, physiques ou chimiques. Ces matériaux sont en général constitués d’une matrice et d’un renfort (exemple : le béton armé.) En odontologie, on appelle RC un matériau constitué d’une phase organique résineuse et d’un renfort constitué de charges. La cohésion entre ces deux matériaux est assurée par un agent de couplage, le silane (Figure 1). C’est un polymère particulier, obtenu par synthèse, qui appartient à la famille des thermodurcissables dans la sous-famille des résines acryliques dont le monomère de base est un diméthacrylate.
Composition des résines composites
La phase organique
La phase organique constitue en moyenne 25 à 50% du volume (12 à 40% en poids) de la RC. Elle comprend la résine matricielle, les contrôleurs de viscosité (diluants), le système de polymérisation, les inhibiteurs de prise et les pigments. (3) La matrice résineuse joue un rôle de liant entre les charges et influence le coefficient d’expansion thermique, la rétraction de prise, l’absorption d’eau et la solubilité des résines composites. Le pourcentage et la chimie de cette phase organique influencent les propriétés physico-mécaniques des composites.
➤ Résine matricielle
La résine matricielle est le composant chimiquement actif de la RC. C’est au sein de celle-ci que se passe la réaction de polymérisation. Elles sont toutes composées de monomères « R-di méthacrylates » (à l’exception du silorane), rendant ainsi toutes les RC compatibles entre elles et avec les adhésifs. Dans toutes les RC à base de diméthacrylates, on trouve principalement les monomères bisGMA ou UDMA (diuréthane). Ce dernier est moins visqueux mais la rétraction de prise en est plus élevée. (3)
➤ Les contrôleurs de viscosité
Les monomères de Bis-GMA et de diuréthane diméthacrylate sont très visqueux dû à leur haut poids moléculaire. L’addition d’une grande quantité de charges provoque la formation d’un matériau de consistance trop épaisse cliniquement. Pour pallier ce problème, des monomères de faible viscosité (diluants) sont ajoutés :
– MMA : MéthAcrylate de Méthyle,
– EGDMA : Ethylène Glycol DiMéthAcrylate,
– DEGMA : DiEthylène Glycol diMéthAcrylate
– TEGDMA : TriEthylène Glycol DiMéthAcrylate (le plus utilisé)
Conséquences du diluant sur les propriétés physiques :
– augmentation de la rétraction de prise et donc réduit l’adaptation marginale des composites
– réduit la résistance à l’abrasion
– rend la résine plus flexible et moins cassante. (4)
➤ Le système de polymérisation
La polymérisation des composites repose sur la décomposition d’une molécule (initiateur/amorceur) en radicaux libres (R*), par un activateur. Ces radicaux libres provoquent l’ouverture de la double liaison carbone du monomère lors de la phase d’initiation et l’élongation du polymère lors de la phase de propagation .
Cette réaction de prise n’est jamais complète. Le taux de conversion de monomères en polymères est le plus souvent de l’ordre de 60 à 70%. Il reste toujours des monomères résiduels non activés ainsi que des additifs pouvant être libérés.
Les inhibiteurs de prise
Les inhibiteurs de prise permettent de conserver les RC. Les monomères peuvent polymériser par exposition à la lumière ambiante (ouverture seringue), ou par dégradation spontanée. Pour éviter cette réaction de prise, des dérivés du phénol sont ajoutés comme inhibiteurs de polymérisation :
– butyl-hydroxy-toluène ou BHT
– MEHQ
– hydroquinone (provoquait des dyscolorations)
Du fait du pouvoir inhibiteur de polymérisation des phénols, il sera contre indiqué de les utiliser en fonds de cavités (ciments temporaires à base de ZnOE) sous les résines.
Remarque : l’oxygène est un puissant inhibiteur de polymérisation. Les radicaux libres réagissent avec l’oxygène de l’air et entraîne l’absence de prise d’une fine couche d’oligomères (50 à 500 mm) à la surface des polymères quel que soit le mode de polymérisation. Cette partie superficielle peut être polymérisée en recouvrant la RC de glycérine, préalablement à la polymérisation. Autrement, cette couche disparaîtra lors du polissage de la restauration.
Les charges
Les charges constituent la partie inerte de la RC et permettent de la renforcer. Elles peuvent être minérales, organo- minérales et/ou organiques. Elles varient d’un composite à l’autre par leur nature, forme, taille et pourcentage. Elles sont liées à la matrice par l’intermédiaire d’un silane et permettent notamment d’augmenter les propriétés mécaniques (résistance à la traction, flexion, compression ; surtout si le taux de charges est > 60% en volume) (6). Elles diminuent également les contraintes dues au retrait de polymérisation, compensent le coefficient de dilatation thermique trop élevé de la phase matricielle (7) et donnent au matériau sa radio-opacité (contrôlée par addition de pigments de dioxyde de titane (TiO2)). (8) L’augmentation du pourcentage des charges et la diminution de la taille de celles-ci ont pour effets d’améliorer l’état de surface, ce qui améliore l’esthétique et diminue l’agressivité du matériau vis-à-vis du parodonte, et d’augmenter la résistance à l’usure du matériau. Par conséquent, plus les charges sont petites et nombreuses, plus les propriétés sont améliorées mais plus le composite devient visqueux et difficile à manipuler.
➤ La nature des charges :
Minérales : Elles sont formées de silice et de verre de métaux lourds. La silice peut être sous forme cristalline (quartz) ou non cristalline (verre boro-silicaté)
Organo-minérales : les charges possèdent un noyau minéral (silice vitreuse ou céramique) enrobé de matrice résineuse polymérisée. Les micro-charges sont utilisées sous cette forme ainsi que les charges OrMoCers. Il s’agit de macromonomères composés d’un noyau en silice inorganique greffé de groupements multifonctionnels de méthacrylate.
Organiques : On trouvera dans la RC des charges uniquement organiques constituées de triméthylolpropane triméthacrylate.
➤ La forme des charges
Afin de remplir le maximum d’espaces, les formes ont été diversifiées. Elles varient suivant le mode de fabrication ; elles peuvent être de forme arrondie, sphériques ou anguleuses.
➤ La taille des charges
La taille des particules varie de 5nm à 50 μm. On distingue :
– macro-charges : grosses particules de verre ou de quartz.
– micro-charges ≈ 0,04 μm (silice, SiO2)
– nano-charges ≈ 5-100nm
– hybrides .
➤ Le pourcentage des charges
La proportion de charges peut être exprimée en pourcentage massique (% poids) ou en pourcentage volumique (% vol). Ce dernier est au toujours inférieur au % massique. L’augmentation du taux de charges liées à la matrice améliore de nombreuses propriétés du composite et notamment les propriétés mécaniques (mais manipulation plus difficile au vu de sa viscosité qui augmente).
Agent de couplage organo-minéral (le silane)
Le silane est une molécule bifonctionnelle qui assure la cohésion entre les charges et la phase organique. Elle possède à une extrémité :
-un atome de Si qui se lie à trois groupements OH qui interagissent avec les fonctions OH libres de la surface de la charge.
-à l’autre, un groupement méthacrylate qui réagit avec la résine matricielle durant la polymérisation. L’hydrolyse des liaisons établies entres les charges et la matrice entraîne la décohésion des phases organique et minérale, entraînant le vieillissement prématuré et rapide de la résine composite.
Mécanisme de la réaction de polymérisation
Définition
Une polymérisation est une réaction dans laquelle des unités de monomères se lient les unes aux autres (par des liaisons chimiques) pour donner une molécule de haut poids moléculaire appelée polymère. Cette réaction peut se faire de différentes manières mais la plupart des polymérisations se font soit par addition soit par condensation. La polymérisation d’un composite dentaire qui se fait par addition, est une réaction de polymérisation en chaîne, dite radicalaire. Le point de départ est la décomposition d’un amorceur en radicaux libres, par un activateur. L’activation peut être d’origine thermique (thermopolymérisation), chimique (chémopolymérisation) ou photochimique (photopolymérisation). Dans les restaurations en technique directe, seules la chemo- et photopolymérisation sont utilisées. (4) Nous détaillerons ici la réaction de photopolymérisation. Cette réaction se décompose en trois étapes : amorçage (=initiation), propagation, terminaison.
✓ Phase d’initiation (=d’amorçage) :
C’est l’activation des monomères de di méthacrylate par les radicaux libres formés à partir du complexe activateur/ photosensibilisateur/initiateur. Dans cette réaction, l’initiateur est en général une amine tertiaire, le photosensibilisateur un dicétone, type camphoroquinone (ou encore aujourd’hui : lucirine, phénylpropanedione, Irgacure), et l’activateur des photons à partir d’une source lumineuse. Ces radicaux libres créés, provoquent l’ouverture de la double liaison carbone du monomère, qui se retrouve donc activé, et provoque la phase de propagation (4).
✓ Phase de propagation :
C’est l’addition, la croissance du polymère par addition successive d’unités monomériques.
✓ Phase de terminaison :
Arrêt de la croissance des chaînes par la rencontre de deux radicaux mais aussi, et surtout, à l’impossibilité des monomères résiduels à se lier du fait de la rigidification du système polymère qui se met en place.
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Table des matières
Introduction
I/ HISTORIQUE DES RESINES COMPOSITES
1/ Définition
2/ Composition des résines composites
2.1. La phase organique
2.2. Les charges
2.3. Agent de couplage organo-minéral (le silane)
3/ Mécanisme de la réaction de polymérisation
3.1. Définition
3.2. Propriété inhérente au mécanisme de prise : le retrait de polymérisation
3.3. Facteurs influençant les conséquences cliniques du retrait
4/ Classification des résines composites
II/ LES RESINES COMPOSITES « BULK FILL »
1/ Définition
2/ Principe des BF
2.1 La translucidité des BF
2.2. Optimisation des photo-initiateurs/sensibilisateurs
2.3. Utilisation d’un modulateur de contraintes de polymérisation
3/ Classification des BF
4/ Propriétés des BF
4.1 Propriétés physico-mécaniques
4.2 Propriétés physico-chimiques
4.3 Propriétés esthétiques
5/ Mise en œuvre des BF
6/ Pérennité des BF
III/ LES LIMITES DES BF
Conclusion