Historique des réactions multicomposants
La synthèse d’α-aminoacides de Strecker , publiée en 1850, est généralement considérée comme la première réaction multicomposants (Laurent et Gerhardt l’auraient déjà effectuée douze ans plus tôt). Elle consiste en la condensation d’un aldéhyde et de chlorure d’ammonium en présence de cyanure de potassium pour aboutir à un α-aminonitrile qui est ensuite hydrolysé. La réaction de Bucherer-Bergs en 1929 est considérée comme une extension de la synthèse de Strecker, incorporant également le dioxyde de carbone. Mais la conversion est bien meilleure puisque l’étape supplémentaire est irréversible.
La formation des dihydropyridines de Hantzsch en 1882 est la première synthèse hétérocyclique multicomposants par condensation d’un aldéhyde avec deux équivalents de βcétoester en présence d’ammoniaque. Cette réaction, ainsi que la préparation de dihydropyrimidinones par Biginelli en 1891, à partir d’acétoacétate d’éthyle, d’un aldéhyde aromatique et d’urée en milieu acide, restent des méthodes de choix pour la synthèse de ces composés particuliers.
La réaction de Mannich (1912) entre le formaldéhyde, une amine et un composé carbonylé est encore largement d’actualité et a connu de nombreuses applications notamment pour la préparation de produits naturels. Elle est par exemple impliquée dans de nombreux processus aboutissant à des alcaloïdes.
Isonitriles
Synthèse
Les premiers isonitriles ont été synthétisés en 1859 par Lieke par substitution d’halogénures d’alkyles avec du cyanure d’argent. Il a d’abord cru avoir obtenu des nitriles, mais des formamides ont été formés par hydrolyse. Gautier a identifié par la suite la relation entre ces composés et les nitriles. Cette méthode est dite « synthèse de Gautier ».
La méthode carbylamine a été mise au point par Hoffman en 1867. Elle procède à partir d’amines primaires, de potasse et de chloroforme.
Ces deux préparations sont difficilement généralisables à un grand nombre de composés, les rendements sont faibles et un mélange de nitriles et isonitriles est obtenu la plupart du temps. Pendant de nombreuses années, la chimie des isonitriles a connu peu de développements, sûrement à cause de difficultés pratiques : problèmes de synthèse, odeur très désagréable.
Par la suite, la méthode la plus employée a été la déshydratation de formamides, qui a permis d’augmenter significativement les rendements. Gautier avait déjà réalisé une tentative, sans que la quantité trop faible de base ne permette la conversion. C’est en 1958 qu’Ugi a proposé l’utilisation du phosgène en présence d’une base. De bons résultats sont obtenus par cette voie, mais des précautions de manipulation sont nécessaires en raison de la toxicité de ce composé.
Réactions multicomposants
Description générale
Le mécanisme de cette réaction a donné lieu à de nombreuses discussions et est encore sujet à controverse. Ugi a proposé une solution, généralement admise aujourd’hui. Le produit final résulte du réarrangement dit de Mumm d’un intermédiaire imidoyle. Ce réarrangement est un transfert intramoléculaire d’un groupe acyle dont la force motrice est la formation de la liaison C=O.
Les interrogations portent sur la formation de cet intermédiaire. Deux éléments sont à prendre en compte : l’avancement de la réaction dépend des trois composés de départ et elle est accélérée dans les solvants peu polaires. La réaction simultanée des trois réactifs est peu probable. Un mécanisme ionique en trois étapes incluant protonation du carbonyle, formation de l’ion nitrilium et réaction avec le carboxylate est à exclure dans un solvant peu polaire. La possibilité la plus réaliste consiste en la formation d’un adduit entre l’acide carboxylique et le composé carbonylé. L’α-addition du carbone électrophile du carbonyle et de l’oxygène nucléophile de l’acide carboxylique sur l’isonitrile aboutit à un état de transition cyclique. La transacylation intramoléculaire déjà décrite termine le processus. C’est elle qui permet la formation du produit, toutes les étapes précédentes étant équilibrées. Le réarrangement final déplace ces équilibres pour aboutir à l’α-acyloxycarboxamide attendu.
Variantes de la réaction de Passerini
Nous allons maintenant nous intéresser à chaque partenaire en particulier et étudier quelles sont les modifications possibles. Le cas des isonitriles ne sera pas détaillé, une grande variété de ces composés a été testée et il existe peu de limitations.
Acides
La plupart des acides carboxyliques ont été engagés avec succès dans la réaction de Passerini. Elle peut en outre être étendue à des acides de différentes natures.
Divers acides minéraux peuvent être impliqués dans le couplage : acides chlorhydrique, bromhydrique, sulfurique, nitrique et phosphorique. Présents en quantité stoechiométrique, ils permettent d’obtenir des α-hydroxyamides avec de très bons rendements. Ces composés peuvent aussi être obtenus en présence d’acides carboxyliques comme les acides formique et trifluoroacétique. L’étape irréversible est alors le réarrangement de l’imidate en amide primaire.
De la même manière, de nombreux acides de Lewis ont été utilisés dans cette réaction que ce soit en quantité stoechiométrique ou catalytique. Nous citons ici seulement quelques exemples. Le tétrachlorure de titane, ajouté en quantité stoechiométrique, entraîne la formation de complexes stables de titane et chlorure d’imidoyle, ensuite hydrolysés.
Une variante intramoléculaire intéressante du couplage de Passerini qui permet la préparation de substances hétérocycliques actives sur le système nerveux central a été décrite . Le 1-(2-isocyanophényl)pyrrole réagit avec des composés carbonylés en présence de BF3.Et2O pour donner des 4-(1-hydroxyalkyl)pyrrolo[1,2-a]quinoxalines, le carbone du pyrrole en position 2 jouant le rôle de nucléophile.
L’inconvénient de l’utilisation de BF3.Et2O est la formation de 2,3- bis(alkylimino)oxétanes, réaction secondaire très fréquente. Le deuxième équivalent d’isonitrile joue le rôle de nucléophile.
Enfin, en additionnant un composé carbonylé, un isonitrile et l’acide hydrazoïque (HN3), des α-hydroxytétrazoles sont formés. Si la source d’azide est Al(N3)3, des composés carbonylés peu réactifs peuvent être amenés à participer au couplage ; TMSN3 constitue une source d’azide moins dangereuse. L’électrocyclisation finale est l’étape nécessaire au déplacement des équilibres précédents.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : RÉACTIONS MULTICOMPOSANTS
I1. Historique des réactions multicomposants
I2. Isonitriles
1-Synthèse
2-Réactivité
a- Interactions avec les radicaux
b- Acidité en α
c- Réactivité en α
I3. La réaction de Passerini
1- Description générale
2- Variantes de la réaction de Passerini
a- Acides
b- Composés carbonylés
c- Composés bifonctionnels
d- Réaction de Passerini énantiosélective
I4. Réaction de Ugi
1- Description
2- Variantes de la réaction de Ugi
a- Variation de l’amine
b- Variation du composé acide
c- Composés bifonctionnels
d- Autres variantes
CHAPITRE II : SYNTHÈSE D’INDOLIZINES
II1. Réactions de post-condensations
1- Réaction de Ugi et condensation
a- Ugi réaction / Déprotection / Condensation
b- Réaction de Ugi et condensation de Knoevenagel
c- Couplage de Ugi et réaction de Wittig
2- Couplage de Ugi et cycloaddition
a- Couplage de Ugi et cycloaddition [4+2]
b- Réaction de Ugi et cycloaddition [3+2]
3- Réaction de Ugi et couplage organométallique
a- Réaction de Ugi et RCM (Ring Closing Metathesis)
b- Réaction de Ugi et couplage de Heck
II2. Indolizines
1- Activité biologique
2- Méthodes de synthèse
a- Condensation d’alkylpyridines avec des anhydrides acides ou des cétones α-halogénées
b- Cycloadditions 1,3-dipolaires
c- Réaction multicomposants
d- Cyclisations intramoléculaires de cycles azotés portant un substituant alcyne
e- Addition de composés β-dicarbonylés sur des 2-halopyridiniums
II3. Nouvelle synthèse d’indolizines à partir de la réaction de Ugi
CHAPITRE III : THIOLS AROMATIQUES DANS LE COUPLAGE UGI-SMILES
III1. Le couplage Ugi-Smiles
III2. Le réarrangement de Smiles
III3. Développement du couplage Ugi-Smiles
III4. Synthèse de thioamides
1- À partir d’un amide
2- A partir d’un nitrile
3- N-Alkylation
4- Formation de la liaison b
5- Agents thioacylants et amines
III5. Le couplage Ugi-Smiles appliqué aux thiophénols
CHAPITRE IV : THIOLS HÉTÉROCYCLIQUES DANS LE COUPLAGE UGI-SMILES
IV1. Réarrangement de Smiles des hétérocycles
1- Réarrangement de Smiles
2- Couplage Ugi-Smiles des phénols hétérocycliques
IV2. Couplage Ugi-Smiles de mercaptopyrimidines et –pyridines
1- Préparation de thiols hétérocycliques
2- Couplage Ugi-Smiles de mercaptopyridines
3- Couplage Ugi-Smiles des mercaptopyrimidines
4- Couplage Ugi-Smiles du thiouracyle
IV3. Couplage Ugi-Smiles de mercaptoazoles
CHAPITRE V : COUPLAGE PASSERINI-SMILES
V1. Couplage Passerini-Smiles de l’o-nitrophénol
V2. Couplage Passerini-Smiles du p-nitrophénol
V3. Couplage de divers phénols
V4. Couplage Passerini-Smiles de phénols hétérocycliques
V5. Couplage de mercaptans
CONCLUSION GENERALE
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