Les polyoxométallates (POM) sont des anions polyatomiques formés à partir d’oxoanions de métaux de transition {MOy} tels que le tungstène ou le molybdène. Ces oxyanions de métaux de transition, structurés en édifices de la taille du nanomètre, possèdent une grande variété de structures et de charges. L’assemblage des octaèdres [MOy] conduit à un petit nombre de structures, dont dérive la majorité des structures classiques de POM. Ces structures POM standards peuvent notamment intégrer d’autres types de métaux des blocs d ou p afin de combler les lacunes électroniques momentanées. Il est alors possible de former des structures plus complexes appelées POM hybrides, et comportant la partie inorganique du POM, et une autre partie (généralement organique) dans leur structure. Ces systèmes hybrides de POM constituent un domaine de la chimie en plein essor depuis quelques années et permettent d’ajouter de nouvelles propriétés aux structures de départ, telles que la capacité d’auto assemblage en présence de cations métalliques . Dans notre cas, l’équipe E-POM (IPCM, Sorbonne Université) a ainsi fonctionnalisé plusieurs séries de POM hybrides avec des fonctions pyridines ou terpyridines, de façon à pouvoir réaliser des auto-assemblages spontanés via la partie fonctionnalisée du POM en présence de cations métalliques, par formation de complexes de coordination. La caractérisation de ces structures de POM standards ou des systèmes hybrides s’avèrent être un véritable challenge. La spectrométrie de mobilité ionique couplée à la spectrométrie de masse (IMS-MS) a récemment connu un essor important grâce au développement d’appareils commerciaux. La spectrométrie de mobilité ionique (IMS) est une technique de séparation et d’identification des ions en phase gazeuse en fonction de leur mobilité dans un gaz tampon. Cette technique repose sur la séparation des ions en phase gazeuse au sein d’un tube de dérive rempli de gaz tampon en présence d’un champ électrique. Sous l’effet du champ électrique appliqué au tube de dérive, les molécules ionisées seront accélérées mais aussi ralenties par des collisions avec le gaz tampon, et ainsi séparées en fonction de leur charge et de leur section efficace de collision (CCS en Ų).
L’IMS est de plus en plus utilisée pour des applications analytiques, notamment grâce au couplage avec la spectrométrie de masse, permettant alors une séparation, selon le rapport m/z et le temps de dérive (tD) . Le temps de dérive permet d’accéder à la CCS directement ou bien en utilisant un étalonnage préalable avec des composés de CCS connues.
Les polyoxométallates
Les polyoxométallates (abrégés en POM) forment une classe remarquable d’oxydes métalliques inorganiques et anioniques structurés en édifices de la taille du nanomètre, avec une grande variété de structure et de charges. Les POM sont constitués par l’assemblage de polyèdres d’oxydes métalliques {MOy}, (ou M est un métal de transition du groupe 5 ou 6 à un haut degré d’oxydation, tel que MoVI ou WVI) reliés entre eux par des atomes d’oxygènes communs afin de former des structures tridimensionnelles très compactes. Il existe deux grandes familles de POM actuellement reconnues, pouvant être représentées par les formules générales suivantes :
❖ [MmOy]p- pour les isopolyanions, composés d’un seul type de métal et d’oxyde;
❖ [XxMmOy]q- pour les hétéropolyanions, composés d’un type de métal et d’oxyde, et d’un hétéroélement X (phosphate, silicate, etc.).
En règle générale, les POM sont chargés négativement et leur formation résulte d’un processus de condensation, par création de pont oxo et hydroxo entre les cations métalliques avec élimination d’eau :
M-OH + M-OH2 → M-OH-M + H2O (olation)
M-OH + M-OH → M-O-M + H2O (oxolation)
Il existe cependant de nombreuses exceptions aux règles énoncées précédemment, comme l’existence de POM neutres ou cationiques par exemple, ou encore la présence de plusieurs types de métaux au sein d’une structure de POM. La manière dont les polyèdres d’oxydes métalliques s’arrangent en solution est fortement dépendante du pH, mais également de nombreux autres paramètres expérimentaux tels que la force ionique, la concentration, la stœchiométrie ou la température. L’arrangement des polyèdres conduira ainsi à de nombreux types de structures.
Historique des polyoxométallates
Historiquement, Berzelius fut le premier à reporter un POM dans la littérature en 1826 . Il s’agissait d’un anion dodécamolybdophosphate [PMo12O40]3- en sel d’ammonium. Ce composé fut notamment utilisé pour la détermination gravimétrique et volumétrique du phosphore par Svanberg et Struve en 1848 . Ce n’est cependant qu’en 1933 que sa structure sera déterminée par diffraction des rayons X, grâce aux travaux de Keggin sur un anion phosphotungstate similaire à celui du phosphomolybdate . Suite à cette découverte, des centaines, voire des milliers d’autres structures de POM ont été découvertes.
Structures des polyoxométallates
Structures classiques
Bien qu’il existe de nombreuses structures possibles issues de l’assemblage d’octaèdres [MOy], la plupart des structures possibles pour les composés POM dérivent généralement d’un petit nombre de structures atypiques. Il est ainsi possible de citer parmi ces structures atypiques les isopolyanions de Lindqvist, de formule générale [M6O19]n-, le décavanadate [V10O28]6- ou le décatungstate[W10O32]4- . Parmi les hétéropolyanions, les assemblages [MO6] autour de l’hétéroélement X conduisent à trois structures prédominantes : la structure de Keggin [Xn+M12O40] (8-n)-, la structure de WellsDawson [Xn+ 2M18O62] (16-2n)- et la structure d’Anderson [Xn+M6O24] (12-n)- , avec X l’hétéroélement (Si, P…) et M le métal de degré d’oxydation +VI (VVI, MoVI, WVI…) .
Polyoxométallates à structures hybrides
Il est possible de former à partir des structures standards de POM des structures plus complexes appelées POM hybrides. En effet, les POM standards peuvent facilement intégrer d’autres types de métaux du bloc d, des éléments du bloc p ou encore des lanthanides ou actinides afin de combler les lacunes électroniques. On appelle alors POM hybrides un POM comportant une partie inorganique et une autre partie (généralement organique) dans sa structure.
De plus, les systèmes hybrides constituent un domaine de la chimie en plein essor depuis quelques années . Les POM n’y échappent pas, et l’intérêt de former des systèmes hybrides incluant une partie inorganique et une partie organique a montré un réel intérêt, notamment pour l’ajout de nouvelles propriétés aux structures de départ. Ces systèmes hybrides sont ainsi capables d’apporter de nouvelles fonctionnalités aux POM, tel que pour le dépôt de surface, la reconnaissance cellulaire ou l’apport de propriétés optiques par exemple.
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Table des matières
Introduction générale
Références
Etat de l’art
Chapitre 1 : Les polyoxométallates
I. Introduction
I.1. Historique des polyoxométallates
I.2. Structures des polyoxométallates
I.2.1. Structures classiques
I.2.2. Polyoxométallates à structures hybrides
I.3. Synthèse des polyoxométallates et des systèmes hybrides
I.4. Activités et applications
I.4.1. Activités catalytiques
I.4.2. Applications en chimie analytique
I.4.3. Applications biomédicales
I.4.4. Utilisation nano-technologique
I.4.5. Autres domaines d’applications
II. POM de l’étude
II.1. Structures classiques
II.2. Structures hybrides
II.3. Réaction d’auto-assemblage
Références
Chapitre 2 : Analyse de polyoxométallates par spectrométrie de masse et spectrométrie de mobilité ionique
I. Polyoxométallates et spectrométrie de masse
I.1. Principe de la spectrométrie de masse
I.2. Utilisation de la spectrométrie de masse pour l’analyse de polyoxométallates
I.3. Source d’ionisation electrospray
I.4. Analyseur hybride Q-TOF
I.4.1. Analyseur quadripolaire
I.4.2. Analyseur à temps de vol (TOF)
I.4.3. Analyseur hybride Q-TOF
II. Polyoxométallates et spectrométrie de mobilité ionique
II.1. Principe de la spectrométrie de mobilité ionique
II.2. Mouvement des ions en mobilité ionique
II.3. Types de mobilité ionique
II.3.1. Drift Tube Ion Mobility Spectrometry (DTIMS)
II.3.2. Traveling Wave Ion Mobility Spectrometry (TWIMS)
II.3.3. Analyse de polyoxométallates par couplage IMS-MS
Références
Chapitre 3 : Aspect computationnel
I. Optimisation de structures par théorie de la fonctionnelle de la densité
I.1. Théorie de la fonctionnelle de la densité
I.1.1. Fonction d’onde et équation de Schrödinger
I.1.2. Approche de Kohn-Sham
I.1.3. Fonctionnelles d’échange corrélation et fonctions de base
I.1.4. Fonctions de base
I.1.5. Charges atomiques
II. Calcul de CCS théoriques
II.1. Méthodes de calculs du logiciel MOBCAL
II.1.1. Projection Approximation (PA)
II.1.2. Exact hard sphere scattering (EHSS)
II.1.3. Trajectory method (TM)
II.2. Paramètres de calculs modifiables dans MOBCAL
Références
Résultats et discussions
Partie 1 : Etude de polyoxométallates standards par spectrométrie de masse couplée à la spectrométrie de mobilité ionique et chimie computationnelle
Chapitre 4 : Analyse de polyoxométallates standards par spectrométrie de masse
I. Massifs isotopiques, masses moyennes et masses monoisotopiques
II. Analyse par spectrométrie de masse de polyoxométallates standards
II.1. Analyse du POM TBA2Mo6O19 par spectrométrie de masse
II.2. Analyse du POM TBA4W10O32 par spectrométrie de masse
II.3. Analyse du POM TBA3PMo12O40 par spectrométrie de masse
II.4. Analyse du POM TBA3PW12O40 par spectrométrie de masse
II.5. Analyse du POM TBA6P2W18O62 par spectrométrie de masse
II.6. Analyse du POM TBA9P2Nb3W15O62 par spectrométrie de masse
III. Etude MS/MS des ions adduits tetrabutylammonium
III.1. Analyses MS/MS du POM TBA4W10O32
III.2. Analyses MS/MS du POM TBA3PMo12O40
III.3. Analyses MS/MS du POM TBA6P2W18O62
III.4. Analyses MS/MS du POM TBA9P2Nb3W15O62
IV. Comparaison des trois appareillages utilisés
V. Récapitulatif des ions des six POM standards observés par spectrométrie de masse
Références
Chapitre 5 : Spectrométrie de mobilité ionique des polyoxométallates standards
I. Sections efficace de collision expérimentales de polyoxométallates standards dans l’azote
II. Sections efficace de collision expérimentales de polyoxométallates standards dans l’hélium
III. Comparaisons entre les DTCCS(He) et les DTCCS(N2)
III.1. Comparaisons de nos DTCCS(He) avec les DTCCS(He) de la littérature
III.2. Comparaisons des DTCCS(He) avec nos DTCCS(N2)
Références
Conclusion générale