Evaluation des activités de médecine humanitaire en période de conflit armé dans le cercle de Niafunké au Mali.
La guerre, les catastrophes naturelles et les sanctions économiques ont des conséquences désastreuses sur la santé et le bien-être des nations. Il a été montré que ces phénomènes ont causé plus de décès et d’incapacités que toute maladie d’importance majeure [1]. La guerre détruit des communautés et des familles et a trop souvent perturbé le développement du tissu économique et social d’une nation. Les effets des catastrophes et de la guerre incluent les atteintes physiques et psychologiques permanentes touchant les enfants et les adultes, ainsi que la diminution du capital matériel et humain [1]. L’imposition de sanctions économiques aux pays a également des conséquences négatives sur la santé, paralysant souvent le fonctionnement du secteur de la santé. L’évaluation de l’impact global des sanctions sur la santé dans les pays qui font l’objet d’un embargo est une tâche difficile, étant donné que les effets des sanctions sur la santé des populations n’apparaissent clairement que sur une longue période. Les décès dus aux guerres, aux catastrophes et aux sanctions ne constituent que la Partie visible de l’iceberg. Les autres conséquences, outre les décès, ne sont pas bien documentées et ne sont donc pas mesurés. Ces conséquences peuvent inclure la pauvreté endémique, la malnutrition, l’incapacité, le déclin économique/social et la maladie psychologique, pour n’en mentionner que quelques-unes [1]. Certains problèmes de santé sont fréquemment observés lors des crises humanitaires : blessures, rougeole, maladies diarrhéiques (choléra, dysenterie…), infections respiratoires sévères, paludisme. Des épidémies telles que la méningite, la fièvre jaune, l’hépatite virale et la typhoïde se manifestent dans ces situations qui par ailleurs favorisent l’apparition de problèmes psychiatriques et psychosociaux. Dans certains camps de réfugiés, les maladies diarrhéiques constituent plus de 40 % des décès, dont plus de 80 % des cas concernent des enfants âgés de moins de deux ans [2]. La mauvaise qualité de l’eau, le manque d’hygiène et la surpopulation seraient en grande partie responsables de cette situation. Les conditions alimentaires renforcent l’effet de ces morbidités, alors que la malnutrition et les carences nutritionnelles sont fortement associées aux risques d’infection et corrélées avec la mortalité [2]. Le dysfonctionnement des systèmes de santé, forcés d’interrompre les programmes de lutte contre la tuberculose, provoque la recrudescence soudaine de la maladie, également renforcée par la malnutrition, les mauvaises conditions d’hébergement, mais aussi par la densité et la mobilité de la population [3]. Une recrudescence de l’endémie tuberculeuse a été constatée dans les deux plus grandes villes de Congo Brazzaville (Brazzaville et Pointe-Noire) durant la guerre de 1997 à 1999.
Présentation du système de santé au Mali
La politique nationale de santé et de population
La constitution du Mali garantit le droit à la santé. Avant les indépendances la santé était gratuite au Mali. La libéralisation de la filière de santé en 1991, l’adoption de l’initiative de Bamako autorise l’exercice privé de la médecine, supprime le principe de gratuité des soins et abolit le monopole de l’Etat sur les importations de médicaments. La politique sectorielle de santé et de population adoptée par le gouvernement en 1990 définit les grandes orientations du développement sanitaire du Mali. Elle est fondée sur les principes des soins de santé primaires (SSP) et de l’initiative de Bamako adoptée en 1987. Elle a été mise en œuvre à travers : (i) le PSPHR (Projet santé, population et hydraulique rurale) qui a expérimenté et accompagné le développement de l’approche sectorielle jusqu’en 1998 et (ii) le PDDSS (plan décennal de développement sanitaire et social) 1998-2007 qui a définitivement consacré l’approche sectorielle par la matérialisation de ses principaux piliers dont la mise en place d’un cadre unique de planification, de mise en œuvre et de suivi-évaluation, la coordination de tous les acteurs à travers des organes de pilotage et une procédure financière préférentielle commune en lieu et place d’une multitude de procédures. La politique sectorielle de santé a été reconfirmée et consacrée par la Loi n°02– 049 du 22 Juillet 2002 portant Loi d’orientation sur la santé qui précise les grandes orientations de la politique nationale de santé. Ses principaux objectifs sont (i) l’amélioration de la santé des populations, (ii) l’extension de la couverture sanitaire et (iii) la recherche d’une plus grande viabilité et de performance du système de santé. Pour atteindre ces objectifs, les stratégies suivantes ont été énoncées :
• La différenciation des rôles et missions des différents échelons du système de santé. Celle-ci consiste à faire évoluer la notion de pyramide sanitaire d’une conception hiérarchique et administrative vers une conception plus fonctionnelle ;
• La garantie de la disponibilité et de l’accessibilité aux médicaments essentiels, la rationalisation de leur distribution et de leur prescription à travers la mise en œuvre de la réforme du secteur pharmaceutique ;
• La participation communautaire à la gestion du système et à la mobilisation des financements du système de santé y compris le recouvrement des coûts et l’optimisation de leur utilisation ;
• La promotion d’un secteur privé dynamique et d’un secteur communautaire complémentaires du système public.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de décentralisation, le Gouvernement de la République du Mali a transféré certaines compétences et ressources aux collectivités territoriales des niveaux communes et cercle suivant le décret 02-314/P-RM du 04 Juin 2002. La politique nationale de santé est renforcée dans sa mise en œuvre par l’élaboration de la politique de solidarité et des personnes âgées (1993), la politique de protection sociale (2002), la politique nationale de promotion de la femme et de l’enfant (2002) et la politique nationale genre (2010). L’initiative de Bamako correspond à une réforme de la gestion des systèmes de santé au Mali par la participation des communautés dans la prise en charge de leur propre état de santé. Des lois sont votées sur la mutualité qui a permis le développement de nombreuses mutuelles de santé qui contribuent actuellement au financement, à la fourniture et à l’accès aux soins de santé.
Un plan d’action nationale d’extension de la protection sociale a permis la mise en place d’un régime d’assurance maladie obligatoire (AMO) et d’un régime d’assistance médicale (RAMED). La gestion de l’AMO est assurée par la caisse nationale d’assurance maladie (CANAM). Le régime d’assistance médicale est géré par l’agence nationale d’assistance médicale (ANAM). Le fondement de la politique et de population repose sur la déclaration d’Alma Ata (Kazakhstan) du 12 Septembre 1978/OMS qui incite les gouvernements du monde entier à tout mettre en œuvre pour assurer l’accès de tous à la santé. Les soins de santé primaires (SSP) sont le moyen qui permettra d’atteindre cet objectif dans le cadre d’un développement conforme à la justice sociale. L’initiative de Bamako (1987) : adopté au Mali en 1990 sous forme de déclaration de la politique sectorielle de santé et de population, correspond à une reforme de la gestion des systèmes de santé au Mali par la participation des communautés dans les coûts des soins de santé primaires. La constitution du Mali adoptée en 1992 garantit le droit à la protection sanitaire et sociale pour tout citoyen conformément aux principes de la convention sur les droits de l’enfant. D’autres déclarations importantes en matière de santé ont été adoptées par le Mali que sont :
✔ La déclaration de Jakarta de Juillet 1997/OMS : adoption de la promotion de la santé au XXI siècle.
✔ La stratégie africaine de développement sanitaire adoptée au Mali le 22 Juillet 2002, loi d’orientation de la santé. La présente loi a pour objet de fixer les grandes orientations de la politique nationale de santé. Elle prend en compte les engagements internationaux auxquels la république du Mali a souscrit. Le plan décennal et le programme quinquennal de développement sanitaire et social servent de cadre de référence à la mise en œuvre de la politique sectorielle de santé.
✔ La déclaration de Ouagadougou du 28 au 30 Avril 2008, réaffirme les principes de la déclaration d’Alma Ata de septembre 1978, en particulier pour ce qui est de la santé en tant que droit humain fondamental et de la responsabilité incombant aux gouvernements de veiller à la santé de leurs populations.
Après avoir analysé les expériences des pays africains dans la mise en œuvre des soins de santé primaires au cours des trente dernières années ; la conférence exprime la nécessité pour les gouvernements, les partenaires et les communautés d’accélérer les mesures visant à améliorer la santé ; la conférence exprime en réaffirmant également la pertinence de l’implication de la participation et de l’autonomisation des communautés dans l’optique du développement sanitaire en vue d’améliorer leur bien-être ; la conférence reconnait l’importance des partenariats fondés sur la concertation, en particulier avec la société civile, le secteur privé et les partenaires au développement afin de traduire les engagements en actions.
Organisation du système de santé
Le système de santé est composé de l’ensemble des structures et organismes publics (Etat et collectivités territoriales), privés, communautaires (associations et mutuelles, fondations) et confessionnels ainsi que les ordres professionnels de la santé dont l’action concourt à la mise en œuvre de la politique nationale de santé. Au niveau institutionnel, le système de santé est structuré en trois niveaux:
• le niveau opérationnel : le cercle constitue l’unité opérationnelle chargée de planifier le développement de la santé, de la budgétiser et d’en assurer la gestion ;
• le niveau régional est celui de l’appui technique au premier niveau ;
• le niveau national est le niveau stratégique qui définit les orientations stratégiques et détermine les investissements et le fonctionnement. En outre il définit les critères d’efficience, d’équité et de viabilité. Il veille à l’application des normes et standards. Il s’efforce de mobiliser les ressources privées, celles de l’Etat et celles des bailleurs de fonds pour le financement des soins de qualité accessibles à tous. Les collectivités territoriales participent à l’administration de la santé dans les conditions définies par la loi n° 95-034 portant code des collectivités territoriales. Ainsi le conseil communal, le conseil de cercle et l’Assemblée régionale délibèrent sur la politique de création et de gestion des dispensaires, des maternités, des centres de santé communautaires et des hôpitaux régionaux. Ils délibèrent également sur les mesures d’hygiène publique, d’assainissement et de solidarité en direction des populations rurales.
Les ordres professionnels du secteur de la santé participent à l’exécution de la politique nationale de santé dans les conditions fixées par la loi. Au niveau des structures de prestations de soins, la pyramide sanitaire se décline en trois niveaux. Le niveau district sanitaire avec 2 échelons ; le premier échelon qui est la base de la pyramide ou premier niveau de recours aux soins, offre le paquet minimum d’activités (PMA) dans les centres de santé communautaires (CSCom) au nombre de 1087 en 2011. Il existe d’autres structures de santé: parapubliques, confessionnelles, dispensaires, maternités rurales et établissements de santé privés, environ 1308 en 2011 qui complètent le premier échelon. Le deuxième échelon qui offre la première référence, est constitué par les 60 Centres de Santé de Référence (CSRéf). Le niveau intermédiaire regroupe 7 établissements publics hospitaliers (EPH) assurant la 2ème référence à vocation générale et situés dans les chefs-lieux des différentes régions. A ceux-ci s’ajoute l’hôpital « Mère-enfant » le Luxembourg, un hôpital privé associé à la mission du service public hospitalier.
Situation sociale
La proportion de la population malienne considérée comme pauvre est passée de 55,6% en 2001 à 43,6% en 2010 sur la base d’un seuil de pauvreté en termes réels de 165 431 FCFA par an. Selon la même source, la baisse enregistrée dans l’incidence de la pauvreté monétaire au cours de la dernière décennie a été plus favorable au secteur rural (de 65% à 51%). Malgré cette baisse, l’extrême pauvreté (incapacité de satisfaire aux besoins nutritionnels de base) touche encore 22% de la population. Dans son classement basé sur l’IDH (Indice de Développement Humain), le PNUD a classé le Mali 175ème sur 187 pays en 2011. L’environnement au Mali est caractérisé par le faible accès à l’eau potable et aux services d’assainissement de base ; les conditions d’hygiène y sont précaires.
Situation épidémiologique
Sur le plan épidémiologique on note encore la prédominance des maladies infectieuses, parasitaires et carentielles. Les infections respiratoires aiguës (IRA), la fièvre et la déshydratation induite par des diarrhées sévères constituent les principales causes de décès d’enfants dans la plupart des pays en développement. Le système local d’information sanitaire (SLIS) montre que le paludisme est la première cause de morbidité avec 37,52% des cas, suivi des infections respiratoires aiguës basses avec 9,30% et des diarrhées infectieuses non choléra 5,38%. Les autres maladies sont aussi une source de préoccupation notamment les maladies cibles du PEV (programme élargi de vaccination), les traumatismes représentés surtout par les accidents de la voie publique, la malnutrition protéino-énergétiques (MPE), les grandes endémies (lèpre, tuberculose, onchocercose, dracunculose, etc.), les maladies pouvant entraîner la cécité, le VIH/SIDA et les complications de la grossesse et de l’accouchement. En 2008, il a été enregistré chez les enfants de 0 à 14 ans cent trente sept mille trois cent vingt huit (137 328) cas de diarrhées, douze mille soixante seize (12 076) cas de bilharziose urinaire, six cent trente quatre (634) cas de trachome et dix huit mille trois cent seize (18 316) cas de vers intestinaux. Le risque de mortalité infantile est évalué à 58‰. Ce niveau sedécompose de la manière suivante : 35‰ pour la mortalité néonatale et 23‰ pour la mortalité post néonatale. Le quotient de mortalité juvénile est estimé à 42‰. Globalement, le risque de mortalité infanto-juvénile, c’est-à-dire le risque de décès avant l’âge de 5 ans est de 98 ‰ pour l’ensemble des cinq régions du Sud, à savoir Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti et le district de Bamako. En d’autres termes, environ un enfant sur dix meurt avant d’atteindre l’âge de 5 ans.
Ressources humaines
Le ratio personnel médical/habitants en 2007 au Mali dans la région de Tombouctou était d’un (1) médecin pour dix neuf mille huit cent vingt six (19826) habitants [7] ; une (1) sage-femme pour cinquante quatre mille soixante douze (54 072) habitants et un (1) infirmier pour six mille quatre vingt seize (6 096) habitants [7]. En plus du personnel ci-dessus, le ministère de la santé et de l’hygiène publique compte aussi des agents d’hygiène et d’assainissement composés essentiellement d’ingénieurs sanitaires et de techniciens supérieurs d’hygiène. L’insuffisance qualitative et quantitative en personnel médical et paramédicale se caractérise par des ratios observés dans la fonction publique. Ces ratios sont de loin en dessous de ceux préconisés par l’organisation mondiale de la santé (OMS). Par ailleurs ce personnel en nombre réduit est soumis à des conditions de travails difficiles. En effet il est sous équipé, faiblement rémunéré, peu motivé et souffre d’insuffisance de formation et de recyclage. En outre, il est constaté une mauvaise répartition de ces ressources entre Bamako et le reste du pays d’une part et d’autre part entre les capitales régionales, les chefs lieux de cercles et la périphérie. De même la politique de privatisation des professions sanitaires mise en place en 1985 par la loi 85041, décret 93-106, arrêté 93-4319 et sensée améliorer la couverture sanitaire ne permet pas la résorption du flux de jeunes diplômés dont la majorité reste sans emploi.
Historique de la crise au Mali
Le Mali a connu entre 2012 et 2013 une situation militaro-politique ayant abouti à une occupation d’environ ⅔ du territoire national représentant les trois régions administratives du nord du pays (Tombouctou, Gao, Kidal) par des bandes armées. Elle a été suivie par un renversement du régime démocratique suite à un coup d’état militaire entrainant une situation de désordre et chaos institutionnelle. Cette situation a frappé tous les secteurs du développement du pays renforcé par un déplacement massif des populations des zones occupées à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
CONCLUSION
La survenue de guerre ou autres calamités détériorent un système de santé déjà fragilisé par des facteurs socio-économique et géographique. L’insuffisance d’intégration des soins et de coordination des interventions en temps de guerre expliquent le non prise en compte de certains besoins en santé des populations. Dans notre étude les missions étaient centrées uniquement sur la prise en charge des cas médicaux au niveau CSCom ; au même moment d’autres ONG intervenaient dans le domaine chirurgical au niveau CSRéf. Les populations désespérées en quête de soins se déplaçaient d’aire de santé en aire de santé, le respect de la pyramide sanitaire n’était plus à l’ordre du jour. Au regard des résultats obtenus, nous pouvons nous réjouir du fait que les missions ont contribuées à maintenir les indicateurs proche de ceux obtenus en temps de paix. Par conséquent, elles ont été salutaires pour ces populations restées sur place et loin des grandes structures de santé.
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Table des matières
I)INTRODUCTION
• Objectifs
II) GENERALITES
1. Présentation du système de santé au Mali
2. Historique de la crise au Mali
3. Impact des conflits sur la santé
4. Historique des missions humanitaires dans le monde
5. Historique de l’intervention de la mission Santé Mali Rhône Alpes au
Mali (SMARA)
III) METHODOLOGIE
1. Le cadre de l’étude
2. Le type et période
3. Echantillonnage
4. Critères d’inclusion et de non inclusion
5. La population d’étude
6. Recueil et analyse des données
7. Considérations éthiques
IV) Résultats
V) Commentaires/Discussion
Conclusion
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