HISTORIQUE DES CONSERVATOIRES BOTANIQUES ET DE LA PROTECTION DE LA FLORE ET DE SES HABITATS
Les précurseurs
En France, dès le début du XXème siècle, on assiste à une première prise de conscience de la rareté et des menaces pesant sur certaines espèces végétales, notamment en raison de cueillettes abusives. Par exemple, l’Edelweiss (Leontopodium alpinum) a été interdit à la cueillette par un arrêté du préfet de la Haute-Savoie dès 1901. Il faudra cependant attendre la deuxième moitié du XXème siècle pour qu’apparaisse au niveau national la volonté de sauvegarder le patrimoine naturel. Dans les années soixante, la France est marquée par de profondes mutations de société : l’espace rural se modifie suite au remembrement, l’agriculture intensive s’étend et le tourisme de masse se développe. La destruction et la perturbation des milieux naturels deviennent perceptibles. La décennie qui suit est marquée par l’avènement des prises de conscience, nationales comme internationales (Club de Rome, conférence de Stockholm, rapport « notre avenir à tous » réalisé par le groupe de réflexion animé par Madame Harlem Gro Brundtland, Premier ministre suédois). En France, G.-G. AYMONIN est le premier à lancer un cri d’alarme sur la régression de la flore. En novembre 1973, le colloque international d’Arc-et-Senans sur les espèces végétales menacées en Europe, organisé par le Ministère de l’environnement avec le concours de la Société botanique de France, constitue le véritable point de départ des politiques actives de protection de la flore en France et en Europe. Les résolutions abordées (nécessité de collecter des données et localisations précises sur les espèces menacées, nécessité d’établir des listes d’urgence, rôle potentiel des Jardins botaniques dans leur fonction de banque de gênes,…) définissent les grands axes d’une politique à long terme pour la conservation de la flore Française. L’histoire des Conservatoires Botaniques, quant à elle, commence également au début des années 1970, peu après celle du Ministère de l’environnement. Alors que les Jardins botaniques français de l’époque se sentent peu concernés par la conservation des espèces rares ou menacées autochtones, certains botanistes comme Jean-Yves LESOUEF se consacrent exclusivement aux espèces en voie de disparition. Ces botanistes mettent l’accent sur la nécessité de constituer, en parallèle à la conservation dans la nature, de véritables copies de sauvegarde, mises à l’abri au sein d’établissements spécialisés. Le premier Conservatoire Botanique est créé à Brest en 1975, grâce à la volonté conjointe de la Direction de la protection de la nature du Ministère de l’environnement, de la Société d’Etude et de Protection de la Nature en Bretagne et de la Communauté urbaine de Brest. Les créations des Conservatoires Botaniques de Porquerolles puis de Nancy interviennent quelques années plus tard. La vocation de ces trois Conservatoires Botaniques (qui ne s’appelaient pas encore nationaux à cette époque) est d’emblée conçue comme internationale. Leur tâche est donc très conséquente mais les données scientifiques indispensables à leurs actions sont rares. Leur premier rôle va donc être de rassembler et d’exploiter les données disponibles sur les plantes rares, en particulier sur leur répartition, et de « mettre à l’abri » les espèces jugées prioritaires.
La protection réglementaire des espèces végétales et de leurs habitats
Parallèlement à la création des premiers Conservatoires Botaniques, se met en place la loi fondatrice sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 (Loi n° 76-629) ainsi que ses décrets d’application qui vont permettre d’établir des listes d’espèces protégées (art. 4), de créer des réserves naturelles (art. 16) et de soumettre les projets d’aménagement à des études d’impact (art. 2).
Depuis la loi de 1976, il existe 4 sources réglementaires concernant la protection des espèces végétales :
– internationale (protection découlant de la Directive communautaire n°92-43-CEE du Conseil du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage et protection découlant de la Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe) ;
– nationale (arrêté du 20 janvier 1982 relatif à la liste des espèces végétales protégées sur l’ensemble du territoire, modifié par les arrêtés du 15 septembre 1982 et du 31 août 1995) ;
– régionale (arrêtés relatifs à la liste des espèces végétales protégées dans chaque région) ;
– préfectorale (arrêtés préfectoraux pris en application de l’arrêté du 13 octobre 1989 modifié par l’arrêté du 5 octobre 1992 relatif aux espèces végétales pouvant faire l’objet d’une réglementation préfectorale permanente ou temporaire, notamment pour limiter ou interdire leur récolte).
Face à ces textes réglementaires de protection de la flore, apparaissent des listes sans caractère juridique mais qui apportent des éléments sur la connaissance de la flore patrimoniale d’un territoire : les Listes rouges des espèces rares et menacées et les listes des espèces déterminantes* pour les ZNIEFF.
En complément des listes de protection réglementaire des espèces, un certain nombre de dispositions de protection et de gestion des espaces permettent de protéger les espèces patrimoniales dans leur milieu naturel :
– arrêtés préfectoraux de protection de biotope (décret d’application du 21 novembre 1977 de la loi du 10 juillet 1976 relatif à la préservation des milieux de vie d’espèces animales et/ou végétales protégées) ;
– réserves naturelles nationales (articles L 332-1 et 332-2 du Code de l’environnement relatifs à l’interdiction et à la réglementation de toute action susceptible de nuire à la conservation du milieu naturel dans les secteurs classés en réserves naturelles nationales), réserves naturelles volontaires (articles L 332-11 et 332-12 du Code de l’environnement) et réserves biologiques domaniales ou forestières (respectivement convention générale du 3 février 1981 et convention générale du 14 mai 1986) ;
– sites classés (loi du 2 mai 1930 modifiée le 28 décembre 1967 relative aux sites dont la conservation est d’intérêt général) ;
– réseau écologique européen « Natura 2000 » (application de la Directive « HabitatsFaune-Flore » de 1992, désignation de Zones Spéciales de Conservation pour les habitats naturels d’intérêt communautaire inscrits à l’annexe I et des espèces d’intérêt communautaire inscrits à l’annexe II) ;
– ZNIEFF (secteurs du territoire national dans lesquels ont été identifiés des éléments remarquables du patrimoine naturel ; aucune portée juridique).
QU’EST-CE QU’UN CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL ?
Un Conservatoire Botanique National est « un établissement qui a choisi de consacrer tout ou partie de son activité à la connaissance et à la conservation du patrimoine végétal sauvage français dans une diversité aussi large que possible, ainsi qu’à l’éducation du public » (in Cahier des charges générales pour les conservatoires botaniques nationaux, Ministère de l’Environnement, 1990).
Missions des Conservatoires Botaniques Nationaux
C’est en 1988 que le ministère de l’Environnement définit par décret la notion actuelle de Conservatoire Botanique National. Pour être agréé par l’actuel Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable (MEDD) comme CBN, un établissement doit poursuivre conjointement quatre objectifs (article D416-1 du Code de l’Environnement modifié par le Décret n°2004-696 du 8 juillet 2004 relatif aux conservatoires botaniques nationaux, Annexe 1) :
1) La connaissance de l’état et de l’évolution de la flore sauvage et des habitats naturels et semi-naturels, appréciés selon des méthodes scientifiques. Les conservatoires conduisent des inventaires, gèrent une banque de données sur la flore sauvage présente sur leur zone d’agrément et sont à même de hiérarchiser leur intérêt patrimonial (régional, national et international). Ces informations sont nécessaires à la mise en œuvre des politiques nationales et régionales de protection de la nature.
2) L’identification et la conservation des éléments rares et menacés de la flore sauvage et des habitats naturels et semi-naturels. Dans le cadre de cette mission, les CBN élaborent et proposent des listes d’espèces à protéger, notamment au niveau régional, et en suivent l’application sur le terrain. Ils interviennent dans la protection in situ des espèces en proposant des mesures pertinentes, juridiques ou contractuelles, pour protéger les plantes menacées dans leur milieu naturel. Dans le domaine de la conservation ex situ, les CBN mettent en œuvre des techniques de conservation par la culture et de conservation des semences par le froid (banque de gènes) pour éviter la disparition des espèces les plus menacées et disposer de stocks de semences pour diverses utilisations (recherche, valorisation, réintroduction dans le milieu naturel…).
3) La fourniture à l’Etat, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, dans leurs domaines respectifs de compétences, d’un concours technique et scientifique. Bien souvent, ce concours prend la forme de missions d’expertise dans le cadre de dossiers d’études d’impact (réalisation de contre-expertises dans le cas de dossiers aux informations floristiques improbables, pour les secteurs reconnus ou potentiels d’accueil d’habitats ou d’espèces remarquables et/ou menacées).
4) L’information et l’éducation du public à la connaissance et à la préservation de la diversité végétale. Les conservatoires éditent des documents et conduisent des programmes de vulgarisation et de sensibilisation du public à la protection de la flore sauvage. Ces actions sont dirigées tant vers le grand public que vers des publics plus spécialisés (élus locaux, certaines catégories socioprofessionnelles…).
Les missions d’un conservatoire botanique, au titre de l’agrément national, sont clairement définies par le cahier des charges. Cependant, chaque établissement agréé reste autonome sur le plan juridique et continue donc de mener les actions qu’il souhaite en plus de celles qui relèvent de l’agrément des CBN. Ces actions supplémentaires se réalisent dans la mesure où les missions fondamentales sont remplies et où l’établissement trouve les financements nécessaires. C’est ainsi que le CBN de Brest mène de nombreuses actions internationales et que le CBN de Porquerolles et le CBN Alpin entretiennent des collections de variétés fruitières. Ces activités relèvent de la politique propre de l’établissement et n’entrent pas dans l’agrément des CBN.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. HISTORIQUE DES CONSERVATOIRES BOTANIQUES ET DE LA PROTECTION DE LA FLORE ET DE SES HABITATS
I.1. Les précurseurs
I.2. La protection réglementaire des espèces végétales et de leurs habitats
II. QU’EST-CE QU’UN CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL ?
II.1. Missions des Conservatoires Botaniques Nationaux
II.2. Agrément des Conservatoires Botaniques Nationaux
II.3. Cadre juridique, partenaires et financements des Conservatoires Botaniques Nationaux
II.4. Modalités de contrôle des Conservatoires Botaniques Nationaux
II.5. Fédération des Conservatoires Botaniques Nationaux
III. PRESENTATION DES DIFFERENTS CONSERVATOIRES BOTANIQUES
III.1. Les Conservatoires Botaniques Nationaux
III.2. Les Conservatoires Botaniques émergents
IV. LES CONSERVATOIRES BOTANIQUES ET LEURS ACTIONS EN FAVEUR DES ESPECES ET DES HABITATS HUMIDES ET AQUATIQUES
IV.1. Définitions
IV.2. Méthode d’acquisition des données
IV.3. Actions du Conservatoire Botanique National du Massif Central
IV.4. Actions du Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien
IV.5. Actions du Conservatoire Botanique de Franche-Comté
V. BILAN SYNTHETIQUE DE L’ACTION DES CONSERVATOIRES BOTANIQUES EN FAVEUR DES ESPECES ET DES HABITATS HUMIDES ET AQUATIQUES
V.1. Actions générales
V.2. Actions spécifiques aux espèces et aux habitats humides et aquatiques
V.3. Limites rencontrées par les conservatoires botaniques dans la préservation d’espèces ou d’habitats humides et aquatiques
VI. LIMITES DE L’ETUDE
CONCLUSION
Glossaire
Bibliographie
Sites Internet consultés
Table des matières
Table des figures et des tableaux
Sommaire des Annexes
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