Historique de l’étude des nitrures et leurs applications
Depuis les années 1970, les matériaux nitrures d’éléments III : GaN, AlN, InN et leurs alliages ont été présentés comme des semiconducteurs intéressants pour le développement de dispositifs optoélectroniques. La recherche dans ces matériaux a été déclenchée en observant particulièrement certaines de leurs caractéristiques: leur large bande interdite directe, leur haute conductivité thermique, le champ de claquage élevé, leur grande stabilité mécanique, leur résistance aux radiations etc. Leur bande interdite est originellement l’une des propriétés les plus attrayantes. En effet, elle varie entre ~0.7 eV pour l’InN et 6.2 eV pour l’AlN couvrant ainsi une gamme de longueurs d’onde unique concernant les semiconducteurs, de l’infrarouge proche jusqu’à l’ultraviolet lointain.
Les premières synthèses de nitrures d’éléments III datent du début du 20iéme siècle. En 1907, Fichter et al. [Fic07] synthétisent de l’AlN polycristallin, suivra le GaN en 1932 par Johnson et al. [Joh32]. La recherche dans le domaine de la fabrication de ces matériaux s’est accéléré dans les années 60-70 avec les premières couches de GaN obtenues par épitaxie en phase vapeur d’hydrures (HVPE – Hydride Vapor Phase Epitaxy) [Mar69, Pan71] et avec précurseurs métalorganiques (MOVPE – MetalOrganic Vapor Phase Epitaxy) [Man71] puis par épitaxie par jets moléculaires (EJM ou plus couramment MBE – Molecular Beam Epitaxy) [Yos75]. Ces premières couches de matériaux monocristallins, bien que très défectueuses, ont permis les premières mesures expérimentales du gap du GaN [Din71, Ile72] et la synthèse du premier dispositif à base de nitrures, une LED (Light Emitting Diode) consistant en une structure Schottky métal/isolant/semiconducteur [Pan71].
Ensuite, pendant plusieurs années, les avancées dans le domaine des nitrures d’éléments III ont été relativement limitées en comparaison aux autres semiconducteurs. Plusieurs problèmes technologiques empêchent leur développement : l’absence de substrat en accord de maille avec le GaN, les difficultés pour doper de type p et le dopage résiduel de type n trop élevé. Un changement radical a lieu en 1983 quand l’équipe de Yoshida [Yos83] réussit la synthèse par MBE de GaN de bonne qualité en utilisant une couche intermédiaire d’AlN, réalisée à basse température, sur le substrat de saphir. Cette méthode, appliquée à la MOVPE, est affinée et perfectionnée par Alasaki et Amano entre 1986 et 1989 [Ama86, Ama88, Ama89].
Aujourd’hui, les hétérostructures à base de nitrures permettent la fabrication de nombreux dispositifs utilisant les caractéristiques présentées dans le premier paragraphe. Ces dispositifs vont des émetteurs de lumière dans le visible et l’ultra-violet jusqu’aux transistors de puissance en passant par les photodétecteurs UV aveugles à la lumière visible (« solar-blind ») etc. La plupart de ces dispositifs, les commerciaux en particulier, ont été réalisés par MOVPE. Toutefois, depuis 2004, les premières diodes laser à base de nitrures fabriquées par épitaxie par jets moléculaires ont été mises au point par S. E. Hooper [Hoop04]. Les intérêts de la MBE, qui seront développés par la suite, sont multiples et font de cet outil un candidat intéressant pour le développement de nouvelles structures .
Propriétés des matériaux III-Nitrures
Le potentiel des matériaux nitrures d’éléments III pour des applications dans les domaines de l’électronique et de l’optoélectronique est reconnu depuis les années 1970. Cependant, le développement des diodes électroluminescentes et diodes lasers émettant dans le visible (bleu et vert) à la fin des années 90 a provoqué un fort intérêt du monde de la recherche pour les semi-conducteurs nitrures. Le GaN, l’AlN et l’InN cristallisant dans la phase wurtzite sont en effet des matériaux très adaptés pour les applications optoélectroniques grâce notamment à leur gap direct. En utilisant les alliages ternaires ou quaternaires de ces matériaux (GaInN, GaAlN, GaInAlN), il est possible d’ajuster leur gap direct à des valeurs intéressantes dans le domaine spectral depuis le proche infrarouge à l’ultraviolet. D’autres propriétés telles que leur haute stabilité thermique et mécanique, les coefficients piézo électriques importants ou encore l’existence d’un champ électrique interne intense dû à la polarisation spontanée et piézo-électrique rendent les matériaux nitrures d’éléments III très attractifs pour le développement d’une variété de dispositifs, telles que les transistors et les rectificateurs à haute puissance ou les capteurs chimiques et biologiques. Un récent intérêt dans le domaine de la recherche sur les semiconducteurs nitrures est apparu avec l’étude des propriétés des transitions intrabandes, qui promettent des vitesses de fonctionnement, pour des composants basés sur ce type de transitions, très importantes.
Propriétés structurales
Phases cristallines
Les nitrures d’éléments III : GaN, AlN, InN et leurs alliages se présentent principalement sous deux phases cristallines : la structure wurtzite (hexagonale) et la structure zincblende (cubique). Ces composés, forment des structures tétracoordonnées avec des liaisons intermédiaires entre la liaison ionique et la liaison covalente.
La structure wurtzite présente une symétrie hexagonale avec un paramètre de maille c correspondant à la hauteur du prisme et un paramètre de maille a correspondant au coté de l’hexagone de base. Cette structure appartient au groupe d’espace P63mc, et résulte d’un empilement de couches compactes de type ABAB selon la direction [0001] . Le réseau cristallin complet peut être représenté par deux réseaux hexagonaux compacts décalés de (0 0 0 3/8c), un réseau constitué d’atomes d’azote interpénétrant un même réseau constitué d’atomes d’éléments du groupe III, tels que des atomes de gallium, d’aluminium ou encore d’indium.
La structure zincblende quant à elle présente une symétrie cubique appartenant au groupe d’espace F43m . Elle peut être représentée sous forme de deux réseaux cubiques faces centrées, l’un occupé par des atomes d’azote et l’autre par des atomes d’éléments III, décalés de (1/4a 1/4a 1/4a), où a est le paramètre de maille correspondant au coté du cube unité. Cette structure est obtenue par un empilement de plans compacts de type ABCABC selon la direction .
La phase wurtzite et la phase zincblende sont très proches car les premiers voisins d’un atome sont identiques dans les deux structures. Elles ne se distinguent qu’à partir du troisième voisin. Une structure hexagonale (cubique) se transforme en une structure cubique (hexagonale) par une rotation du deuxième tétraèdre de 60° autour de l’axe [0001] ([111]). Cependant, d’un point de vue thermodynamique, la phase wurtzite constitue la phase la plus stable [Yeh92]. La phase cubique est formée, soit par la présence de défauts structuraux (fautes d’empilement) au sein de la phase hexagonale, soit par épitaxie sur des substrats de symétrie cubique tels que (001)3C-SiC [Dau98, Mar02] ou (001)GaAs [As97, Sun99].
Polarité
La structure wurtzite ne présente pas de centre de symétrie. Les directions [0001] et [0001] ne sont donc pas équivalentes. La polarité est définie selon le sens de la liaison GaN (Al-N ou In-N) suivant l’axe [0001]. Ainsi par convention, la direction de l’axe c est définie comme positive, il s’agit du vecteur partant d’un atome de métal et pointant vers le plus proche atome d’azote voisin. Les structures épitaxiées le long de l’axe [0001] sont dites de polarité gallium et celles épitaxiées le long de l’axe [0001] de polarité azote.
La polarité des couches influe fortement sur sa morphologie de surface et sur sa stabilité thermique et chimique. Ainsi, il a été démontré que les couches épitaxiées de GaN présentant la polarité azote sont moins stables et peuvent être attaquées chimiquement contrairement aux couches de GaN polarité gallium [Hel98, Hua02, Rou97]. Il a été également observé que la rugosité de surface et des interfaces est plus marquée dans le cas du GaN polarité azote [Pon96, Dau96, Rou98]. Ce mémoire s’est focalisé dans l’étude des hétérostructures nitrures polarité métal.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Historique de l’étude des nitrures et de ses applications
1.2 Motivations et objectifs de la thèse
1.3 Structure de la thèse
Bibliographie
2 Propriétés des matériaux III-nitrures
2.1 Propriétés structurales
2.2 Propriétés mécaniques
2.3 Propriétés électroniques
2.4 Propriétés des hétérostructures GaN/AlN
Bibliographie
3 Croissance des matériaux III-nitrures
3.1 Introduction : Epitaxie par jets moléculaires
3.2 Principe de la croissance par épitaxie
3.3 Présentation de l’équipement
3.4 Substrats
3.5 Croissance de nitrures
3.6 Conclusion
Bibliographie
4 Etude de structures à puits quantiques GaN/Al(Ga)N
4.1 Introduction
4.2 Paramètres de croissance
4.3 Propriétés optiques des superréseaux de puits
4.4 Optimisation des échantillons, études d’effets annexes
4.5 Conclusion
Bibliographie
5 Etude de structures à boites quantiques GaN/AlN
5.1 Introduction
5.2 Paramètres de croissance
5.3 Caractérisation structurale
5.4 Caractérisation optique
5.5 Effet de paramètres de croissance
5.6 Conclusion
Bibliographie
6 Fabrication et caractérisation de composants unipolaires GaN/Al(Ga)N
6.1 Introduction
6.2 Dispositifs basés sur l’absorption intrabande
6.3 Dispositifs émetteurs de lumière
6.4 Conclusion
Bibliographie
7 Conclusions