Historique de l’éducation à la santé
L’éducation à la santé trouve son fondement dans les courants hygiénistes du 19ème siècle, les fléaux sanitaires de cette époque pousse les pouvoirs publics à promouvoir la santé comme un bien à préserver, grâce à des campagnes de propagande sur les bonnes habitudes et les bons reflexes. Les politiques de santé publiques successives légitiment ces interventions de prévention primaire, grâce à un décret instituant l’enseignement de l’hygiène à l’école dès 1865, ainsi qu’à la loi relative à l’hygiène public en 1902. Les pouvoirs publics se sont attachés à la préservation de la santé publique en créant par exemple l’office national d’hygiène sociale en 1924 puis les centres régionaux d’éducation sanitaires en 1941 suivis, en 1945, par un centre national d’éducation sanitaire. (6)
A partir de 1945, l’éducation à la santé consiste en la diffusion d’informations, par ces nouvelles structures, dans le but principal de lutter contre les fléaux sanitaires de
l’époque (tuberculose, syphilis, alcoolisme…). Malgré ces évolutions, le manque de financement laisse une place majeure aux associations thématiques privées. En 1953, le professeur Pierre Delore, médecin très influent, décrit le rôle éducatif de plusieurs professionnels de santé : « Tout médecin praticien doit se considérer d’abord comme conseiller et éducateur de santé […], devant un cas pathologique, il doit tenir compte des facteurs ou des fautes d’hygiène qui ont pu intervenir dans la genèse de la maladie et qui sont susceptibles de compromettre la guérison stable. Il doit en tirer la conclusion éducative. » . L’éducation à la santé ne se limite pas aux frontières françaises, en 1956 est crée l’union internationale de prévention et d’éducation pour la santé (7). Il faudra cependant attendre 1972 pour que les politiques de santé publique en matière d’éducation s’appuient davantage sur les pédagogies participatives et actives ainsi que sur la responsabilisation de l’individu. La création du comité français d’éducation pour la santé (CFES), le 28 avril 1972, donne une cohérence à l’action nationale. Cette période prend davantage en compte l’épidémiologie et les sciences humaines : les opérateurs de l’éducation à la santé se concentrent donc sur les comportements à risques et, grâce aux média, lancent des grandes campagnes de prévention (ex : le tabac en 1975) (7). L’éducation à la santé change de cap en 1982 pour s’orienter vers l’implication collective et pour la première fois, des crédits spécifiques sont alloués à la promotion de la santé : création en 1988 du fonds national de prévention, d’éducation et d’informations sanitaires (FNPEIS) (8). En effet, Les sciences humaines et sociales vont souligner l’importance des déterminants sociaux et environnementaux et ainsi permettre une éducation adaptée aux besoins et à l’environnement de chaque collectivité. La démarche éducative souhaite donc être participative en favorisant les approches par milieu et par population (9). En parallèle, la charte d’Ottawa, considérée comme le texte fondateur de la promotion de la santé, est adoptée par l’OMS en 1986. Celle-ci rappelle que : « La bonne santé est une ressource majeure pour le développement social, économique et individuel et une importante dimension de la qualité de la vie. (…). La promotion de la santé a précisément pour but de créer, grâce à un effort de sensibilisation, les conditions favorables indispensables à l’épanouissement de la santé. » (10) Par la suite, la promotion de la santé est restée au cœur des politiques de santé publique avec par exemple, la publication en 2001 du plan national d’éducation à la santé et la création en 2002 de l’INPES, qui remplace le CFES.
Contexte législatif
Le conseil de l’Europe a souligné la nécessité de la promotion de l’éducation à la santé. Des recommandations de bonne pratique sont éditées en 2013 afin de promouvoir la santé grâce à l’éducation de la population et à la connaissance sur son état de santé (11). En France, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades permet la création de l’INPES et définit des objectifs de prévention « qui tend notamment à développer (…) des actions d’éducation à la santé ».
De plus, la loi relative aux politiques de santé publique, du 9 août 2004, souligne le caractère prioritaire des actions de prévention et prévoit un plan national d’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques. Cette loi prend donc en compte la nécessité d’accompagner les patients atteints de maladies chroniques afin de les aider à vivre de manière optimale, par le biais de l’éducation thérapeutique. De plus, cette loi élargit les missions de l’INPES à la formation en éducation à la santé (12). En outre, La loi Hôpital-Patient-Santé Territoire (HPST) en 2009, place la démarche éducative comme la pierre angulaire des actions de santé publique. En ce sens, elle réaffirme l’objectif de l’éducation thérapeutique, elle-même faisant partie du cadre de l’éducation à la santé : « L’éducation thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie » (13). Enfin, même si elle est antérieure car votée en 2008, la loi sur le financement de la sécurité sociale reconnaît l’éducation en santé en mettant en place une rémunération pour des activités de ce type. Cette loi s’applique tardivement : en 2010 pour six régions de France et en 2011 pour le reste du pays (14). Afin d’illustrer le concept d’éducation à la santé et plus précisément l’éducation thérapeutique hors de la maïeutique, nous avons choisi de présenter l’exemple du diabète.
L’éducation thérapeutique hors de la maïeutique, l’exemple du diabète
Le diabète est une des pathologies reconnues en 2008, dans un rapport du ministère de la santé, comme nécessitant une prise en charge prioritaire par des activités d’éducation thérapeutique. Dans cette liste, figurent également l’insuffisance cardiaque, les maladies coronaires, l’asthme et l’obésité (15). L’éducation thérapeutique dans le cas du diabète est divisée en plusieurs compétences à acquérir, au fil des séances. Par ailleurs, cette éducation doit être personnalisée et spécifique en fonction des besoins du patient, de ses ressources et de son entourage. En effet, « L’éducation thérapeutique n’est ni une simple information, ni un simple apprentissage, ni un simple accompagnement. C’est à la fois un apprentissage pratique et spécialisé pour l’acquisition de compétences thérapeutiques et une aide au changement de comportement de soins pour atteindre des objectifs personnalisés. » (16). La personnalisation de la démarche éducative a lieu au sein de compétences spécifiques : la première séance a pour but de faire connaître ses besoins, de déterminer des objectifs en collaboration avec les soignants et d’informer l’entourage, c’est le diagnostic éducatif. S’en suit une phase d’apprentissage sur son corps, sa maladie afin d’expliquer la physiopathologie du diabète, comprendre le traitement et les répercutions socio-familiales. Puis une analyse des symptômes d’alerte de l’hypoglycémie, des situations à risque par le biais des auto-mesures glycémiques, de la tension artérielle, de la respiration. Ces différentes séances posent les bases de la maladie afin que le patient soit prêt à intégrer les conduites à tenir en situation d’urgence, en cas de crise hypoglycémique ou hyperglycémique. Cette démarche permet ensuite d’adapter son traitement, ses compétences et ses soins, à son quotidien et ses spécificités : aménager son environnement, son équilibre diététique, prévenir les accidents, pratiquer les gestes d’urgence et les techniques. Enfin, l’éducation thérapeutique permet également aux patient de connaître ses droits, savoir où consulter, où chercher les informations utiles et de connaître des associations de patients. (16) Dans les maladies chroniques, comme dans la santé dans sa globalité, l’objectif est que le patient devienne acteur de sa santé pour la préserver au maximum : « Le patient doit peu à peu avoir confiance dans sa capacité à gérer la maladie et avoir la conviction que cela en vaut la peine. » (17). Dans le cas de maladies chronique, tout comme dans un contexte physiologique, il est intéressant de se demander comment l’entourage peut être incluse dans cette démarche, afin de soutenir les personnes éduquées.
Rôle de l’entourage dans l’éducation à la santé
Dans le cadre de l’éducation thérapeutique, les recommandations de la HAS indiquent que celle-ci peut-être proposée à tout patient souffrant d’une affection chronique mais également aux proches de celui-ci, s’il souhaite les impliquer et si ses proches acceptent d’y participer (18).
L’inclusion de l’entourage du patient dans l’éducation thérapeutique permet à celui-ci d’avoir des personnes ressources autour de lui, capable de le soutenir dans l’amélioration de ses comportements dans la vie courante. En effet, en cas de doute ou de manque de motivation dans le suivi des traitements ou dans les changements de comportement au quotidien, le patient pourra trouver de l’aide auprès de ses proches. L’objectif final est d’améliorer l’observance du patient vis-à-vis de l’éducation thérapeutique qu’il a reçu. En ce sens, une étude réalisée en 2012, dans la région italienne : Les Marches, sur l’éducation socio-sanitaire de l’entourage des patients atteint de maladie pulmonaire obstructive chronique, a montré que la formation de l’entourage du patient permet leur inclusion dans la prise en charge de la pathologie et ainsi une meilleure adaptation du quotidien du patient par rapport à sa maladie. En effet, grâce à cette formation, une meilleure acceptation et gestion de la maladie est retrouvée chez ces patients (19). Dans le domaine de la maïeutique, des formations d’éducation en santé ont été orientées vers l’entourage des patientes, sur le thème de l’allaitement maternel. En effet, une étude menée à Bristol (Royaume-Unis) en 2004, a montré l’efficacité d’une formation à l’allaitement maternel pour les pères et les grand-mères, permettant d’augmenter la durée de celui-ci. Cette étude a également permis de mettre en évidence la motivation de l’entourage des femmes sur ce sujet et pour l’éducation en santé en général. En effet, les proches se sont montrés aidant au quotidien, tant sur le plan émotionnel que pratique, grâce à des conseils techniques précis sur l’allaitement, mais également heureux de réaliser cette formation (20). L’entourage de la personne éduquée a un rôle de soutien au quotidien et permet, si celui-ci est également formé, d’améliorer l’efficacité de l’éducation en santé. En effet, l’entourage peut influencer les changements de comportements dans la vie courante et permettre une meilleure observance des conseils d’éducation en santé. Nous allons maintenant nous intéresser à l’application de l’éducation en santé dans le domaine de la maïeutique.
La démarche éducative en obstétrique et périnatalité en France
De la psychoprophylaxie obstétricale à la préparation à la naissance et à la parentalité
Dans les années 1950, le professeur russe A.P. Nikolaiev propose les premiers accouchements sans douleur basés sur la méthode du physiologiste Pavlov. En effet, le système nerveux participants aux mécanismes de la douleur, leur postulat était qu’une éducation des femmes à la gestion de leur système nerveux, permettait l’abolition de la douleur en temps voulu. Dans le cadre d’une mission médical, le docteur Lamaze de la maternité des Bluets à Paris, assiste à un accouchement sans douleur et décide d’apporter le concept en France. Ainsi, il met en place les premier cours pendant la grossesse en apportant des connaissances sur la physiologie de la grossesse et de l’accouchement : la psychoprophylaxie obstétricale (PPO). (21)
Au fil du temps, les progrès en analgésie au cours de l’accouchement ont éclipsés cette méthode mais les cours de PPO ont démontré leur intérêt sur d’autres points : amélioration du vécu de la grossesse et de l’accouchement grâce à une meilleure information, apprentissage de la gestion du pré-travail par le biais de postures, de technique de gestion de la douleur, exposition des choix de suivi à la naissance, et informations sur l’allaitement maternel. Ces séances de PPO étaient avant tous un espace de confiance où les parturientes pouvaient poser leur question et prendre confiance en leurs capacités. Actuellement, la PPO est remplacée par la PNP, il s’agit d’avantage de préparation choisie et adaptée à chaque patiente (22).
Les recommandations
Tout au long de la grossesse, les couples sont pris en charge par des professionnels notamment des sages-femmes et plusieurs possibilités leur sont présentées. Les séances de préparation à la naissance et à la parentalité (PNP), l’entretien prénatal précoce (EPP) et l’entretien postnatal précoce (EPNP), sont des exemples de ces accompagnements proposés aux couples (23). Toutes ces démarches sont développées dans le plan de périnatalité de 2005-2007, il identifie d’ailleurs comme « mesure prioritaire la mise en place d’un « entretien prénatal précoce », dénommé « entretien systématique psychosocial » par la loi sur la protection de l’enfance de mars 2007. » (3). L’objectif est de contribuer à l’amélioration de l’état de santé des femmes, des couples et du nouveau-né par une « approche éducative et préventive» (23). Les recommandations HAS ont pour but de promouvoir « une approche plus humaniste de la naissance qui favorise la participation active de la femme et du couple dans leur projet de naissance. » (4). Cette démarche doit prendre en compte les spécificités du couple : leurs désirs, leur environnement et leur contexte de vie, afin que la démarche soit la plus efficace possible, dans une relation de confiance avec le professionnel. Cette personnalisation permet également de repérer les femmes ou les couples les plus vulnérables et, ainsi, leur apporter un soutien adapté. Cette approche « contribue à renforcer l’estime de soi, le sens critique, la capacité de prise de décision et la capacité d’action de la femme ou du couple». Dans ces recommandations professionnelles, la HAS développe les objectifs spécifiques et le contenu de la formation en énonçant huit compétences :
– Faire connaître ses besoins et définir des buts en collaboration avec les professionnels de santé,
– Comprendre et s’expliquer,
– Repérer et analyser,
– Faire face et décider,
– Résoudre un problème de prévention et aider à anticiper une situation,
– Pratiquer et faire,
– Adapter et réajuster,
– Utiliser les ressources du système de soin et faire valoir ses droits.
Au sein de chaque compétence, la HAS développe le contenu indispensable du cursus de PNP et donne des exemples (annexe 3). D’après les recommandations, les différentes propositions (EPP, PNP, EPNP) sont à proposer systématiquement au cours de la grossesse et du post-partum pour l’EPNP (4).
Structure de l’éducation à la santé
L’entretien prénatal précoce
La première proposition de la démarche éducative lors de la grossesse, est l’entretien prénatal précoce : « moment essentiel d’écoute et d’échange avec les parents, sur des sujets qui sortent du “médical“ ». Cet entretien avec la femme et son conjoint, s’il souhaite participer, d’une durée moyenne de 45 minutes est organisé de préférence au premier trimestre, permet de faire le point de manière approfondie sur le contexte social, environnemental, familial, de cette grossesse. Il permet également de répondre aux questions des interlocuteurs, de revenir sur le vécu d’une précédente grossesse si besoin, d’organiser un suivi psychologique de la patiente si elle le souhaite. Les objectifs sont donc d’informer, d’éduquer et d’orienter la patiente pour la suite de la grossesse. C’est également le moment d’aborder le sujet du projet de naissance, afin que le couple ait le temps nécessaire pour se l’approprier. L’EPP est proposé systématiquement à la femme par le professionnel de santé qui suit sa grossesse, il est ensuite réalisé par ses soins ou par un autre professionnel médical formé (sage-femme ou médecin) (3). L’EPP est considéré comme la première séance de préparation à la naissance et à la parentalité. Le professionnel de santé doit être à l’écoute de la patiente, en empathie, et doit pouvoir aborder la grossesse dans sa globalité, « dans ces trois dimensions : médicale, sociale, psychique » (24).
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Table des matières
Introduction à l’étude
1. Historique de l’éducation à la santé
2. Contexte législatif
3. L’éducation thérapeutique hors de la maïeutique, l’exemple du diabète
4. Rôle de l’entourage dans l’éducation à la santé
5. La démarche éducative en obstétrique et périnatalité en France
5.1. De la psychoprophylaxie obstétricale à la préparation à la naissance et à la parentalité
5.2. Les recommandations
5.3. Structure de l’éducation à la santé
5.4. L’éducation à la santé lors de la formation initiale des sages-femmes
5.5. L’évaluation de la PNP
Question de recherche
Matériel et méthode
1. Objectifs
2. Type d’étude
3. Outils méthodologiques
4. Déroulement de l’enquête
5. Population cible
6. Variables étudiées
7. Stratégie d’analyse
8. Diagrammes de Flux
8.1. Première phase de l’enquête
8.2. Deuxième phase de l’enquête
Résultats et analyses
1. Taux de participation
2. Description de la population d’étude
3. Organisation de l’éducation à la santé lors en anténatal
3.1. La découverte de la PNP
3.2. Différentes modalités de PNP
3.3. Implication des professionnels
3.4. Présence des femmes aux cours de PNP
3.5. Durée des séances
3.6. Constitution des séances
3.7. Supports pédagogiques utilisés
3.8. Thèmes abordés
4. Besoins des femmes à propos de la PNP
5. Attentes et souhaits autour de la PNP
6. Satisfaction des femmes concernant leur cursus
7. L’influence de la présence de l’entourage
7.1. Présence du conjoint lors des séances de PNP
7.2. Implication et rôle du conjoint en post-natal
7.3. Présence et rôle de la famille
7.4. Autres personnes ressources
8. Apprentissages de la démarche éducative
8.1. Connaissances apportées par la PNP, en anténatal
8.2. Connaissances des soins du nouveau-né, appliquées au retour à domicile
8.3. Questions lors du retour à domicile
8.4. Difficultés lors du retour à domicile
8.5. Reflexes face aux pleurs du nouveau-né
8.6. Informations complémentaires et professionnels ressources
Discussion
1. Discussion de la méthodologie
8.3. Les points forts
8.4. Limites et biais
2. Discussion des principaux résultats
2.1. Organisation de l’éducation à la santé pendant la grossesse
2.2. Entourage et personnes ressources
2.3. Impact de la démarche éducative en postpartum
3. Implications et perspectives
Conclusion