Historique de la THA et situation actuelle
La THA ou maladie du sommeil ne se rencontre qu’en Afrique subsaharienne du 14ème degré de latitude nord au 29ème degré de latitude sud, dans les limites de la distribution géographique des glossines (OMS, 1998).
Les premières descriptions de la maladie
La maladie du sommeil semble être connue depuis plusieurs centaines d’années en Afrique et la première mention écrite d’un cas de THA remonte au 14ème siècle (1375) quand l’historien Ibn Khaldoun rapporte la mort du sultan Maariy Djazaa, au Mali, aux environs du fleuve Niger, après une maladie se terminant dans un état de sommeil continu. Il faut attendre 1734 et l’ouvrage « The Navy Surgeon » de John Atkins pour trouver une description plus précise de l’affection que l’auteur nomme » sleeping distemper « . Par la suite et jusqu’au début du 19ème siècle, la maladie est signalée dans diverses parties de l’Afrique de l’Ouest par des observateurs anglais, français et portugais. Winterbottom, en 1803, dans sa description du « Iethargus » remarque l’importance de l’hypertrophie des ganglions du cou. Ce signe était non seulement connu des « négriers », qui refusaient d’acheter des esclaves porteurs d’adénopathies cervicales, mais aussi de plusieurs tribus africaines qui pratiquaient l’ablation systématique des ganglions cervicaux à des fins curatives. Dans le courant du 19ème siècle, de nombreux cas sont signalés en Afrique de l’Ouest et Centrale, mais sans que l’on puisse quantifier l’importance de la maladie. Une première épidémie est alors décrite dans les années 1880-1890, notamment au Congo, en République Centrafricaine et en Ouganda. De nombreux villages sont décimés par la maladie (Martin et al., 1909). Plusieurs milliers de morts du Sénégal au Zaïre sont aussi attribués à la » léthargie ». A cette époque l’agent responsable de l’affection n’est toujours pas connu et beaucoup pensent que la maladie a une origine infectieuse et qu’elle est contagieuse. Les malades sont alors souvent exclus des villages pour éviter les contaminations.
Identification de ragent pathogène
Pour Brault & Lapin (1898), /1 l’agent pathogène pourrait être un protozoaire sanguicole dans le genre du trypanosome ». Les trypanosomes étaient déjà connus puisque les premières descriptions remontent au début des années 1840 (voir Dutton, 1903). En 1901, Forde observe des /1 vermicules mobiles » dans le sang d’un capitaine de bateau faisant du trafic fluvial depuis 6 ans en Gambie. Forde & Dutton identifient l’agent pathogène: c’est un trypanosome que Dutton décrit en 1902 sous le nom de Trypanosoma gambiense (découvert en Gambie). En 1903, Dutton et Todd retrouvent plusieurs fois le même trypanosome chez des africains en Gambie (Dutton, 1903; Dutton & Todd, 1906), et la même année, Castellani trouve en Ouganda des trypanosomes dans le Liquide CéphaloRachidien (LCR) des malades atteints de THA. Il pense alors qu’il existe deux espèces différentes de trypanosomes humains, l’une sanguicole, peu pathogène et l’autre se localisant dans les centres nerveux et responsable de la maladie du sommeil; il nomme cette dernière espèce: Trypanosoma ugandense. Mais toujours en 1903, Bruce & Nabarro constatent que les trypanosomes sanguicoles sont identiques à ceux du système nerveux et qu’ils constituent le premier stade de la maladie. Bruce confirme alors que Trypanosoma gambiense est l’agent étiologique de l’endémie sommeilleuse et fournit la preuve expérimentale que les glossines de l’espèce Glossina palpalis sont les vecteurs de la maladie (Bruce et al., 1909; 1911). En 1903, une enquête effectuée par Kermorgant fait ressortir qu’à l’époque, la Casamance (Sénégal), le pays lobi et le Yatenga (Haute-Volta, actuel Burkina-Faso), le Wasulu (Guinée) et l’intérieur de la Côte d’Ivoire, étaient particulièrement concernés par la maladie du sommeil. A partir de 1908, on rapporte d’Afrique de l’Est, des cas de maladie du sommeil remarquables par leur sévérité et leur courte durée. Stephens & Fantham (1910) étudient une souche isolée sur un des premiers cas reconnu de cette nouvelle forme de maladie et constatent qu’elle diffère de T. gambiense par sa grande virulence pour les animaux de laboratoire. Ils nomment ce nouvel agent pathogène Trypanosoma rhodesiense (découvert en Rhodésie). En 1912, Kinghorn et Yorke démontrent le rôle de Glossina morsitans dans la transmission de ce parasite, pendant qu’Emile Roubaud et Gaston Bouet prouvent en 1913, que le cycle du trypanosome chez la glossine varie en fonction des espèces de parasites.
Evolution de la maladie au cours du 20ème siècle
Malgré ces importantes découvertes, la maladie du sommeil continue de sévir intensément en Afrique noire. Une épidémie est déclarée en Afrique de l’Ouest et Centrale au début des années 1920 et la situation devient dramatique dans les années 1924-1926, notamment au Cameroun où 45% des décès lui sont imputables. C’est en 1926, devant l’ampleur de la situation que le médecin militaire français Eugène Jamot (1879-1937) développe les premières équipes mobiles de dépistage et de traitement, qui vont sillonner toutes les zones touchées par l’épidémie entre 1926 et 1932. Ces campagnes d’éradication vont permettre de contenir l’affection et dans les années 1960, les enquêtes épidémiologiques menées dans la plupart des pays d’Afrique noire ne décèlent plus que quelques rares cas de THA (figure 1). La méthode proposée par Jamot pour combattre la maladie du sommeil reste le modèle de lutte contre une (( grande endémie 11 en zone tropicale (Gentilini,1993).
L’élimination presque totale de la maladie a conduit au cours de ces années 60 à l’abandon du dépistage de masse actif, et il n’est pas surprenant, que suite à la rupture des systèmes de contrôle, la maladie ait « ré-émergée» et soit redevenue un problème majeur de santé publique. La reprise de l’endémie se fait progressivement à partir de 1970 dans la plupart des foyers historiques. Certains pays réussissent à maintenir un contrôle sur la maladie mais de nombreux autres, ayant abandonné toute surveillance effective, doivent faire face à une situation redevenue épidémique et dramatique. C’est notamment le cas pour la République Démocratique du Congo (ROC, ex-Zaïre), l’Angola, l’Ouganda ou le Sud Soudan .
Situation actuelle de la THA
ParmÎ les 36 pays d’Afrique « infestés par les glossines »), 30 sont touchés par l’endémie sommeilleuse (figure 2) mais de façon très hétérogène. Les foyers d’un pays sont généralement dispersés (figure 3) et le niveau d’endémicité peut varier considérablement d’un foyer à j’autre, et même au sein .d’un foyer, d’une zone à J’autre (Courtin et al., 2005). On distingue les foyers résiduels où le nombre de cas reste faible et constant pendant une longue période (situation endémique) et les foy.ers .en activité où le nombre de cas augmente considérablement (situation épidémique’), De nombreux foyers sont actuellement actifs en Afrique de l’Est (Hide, 1999; MacLean et al., 2004 ; Piccozzi et al., 2005; fèvre et al., 2005) mais surtout en Afrique Centrale (Smith & Bailey, 1997, Simo et al., 2005) .
Actuellement, on estime que 60 millions de personnes sont exposées au risque de contracter la THA, parmi lesquels moins de 4 millions sont sous surveillance réguUère tOMS, 2002). Au début des années 2000, le nombre de personnes infectées était estimé entre 300 000 et 500 000 par l’OMS. En 2004, après un effort conskiérable de survelHance en Afrique Centrale notamme nt, environ 25 000 cas ont été rapportés et l’OMS en 2005 annonçait la possibilité d’élimination de la maladie du sommeil (Jannin, 2005). En 2008, 14000 nouveaux cas ont été reportés {Simarro et al., 2008} Si cette situation semble de plus en plus encourageante, ces chiffres ne reflètent que partiellement la réalité du fait de nombreuses zones à risque qui demeurent sans surveillance comme dans certains pays d’Afrique de l’Ouest: Libéria, Sierra Léone, Ghana ou Guinée Bissau. les données les plus récentes de surveillance épidémiologiques dans la sous-région ouest-africaine montrent que la Guinée et la Côte d’Ivoire sont les deux pays les plus touchés (Cecchi et al., 2(09). Par exemple, en Guinée et en Côte d’Ivoire, les récentes prospections médicales (2000 à 2008) ont permis de dépister plusieurs centaines de malades notamment dans les foyers de Boffa et Dubreka en Guinée (Camara et al., 2005), et dans les foyers de Bonon, Sinfra, Oumé en Côte d’ivoire .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Historique de la THA et situation actuelle
1.1. Les premières descriptions de la maladie
1.2. Identification de l’agent pathogène
1.3. Evolution de la maladie au cours du 20ème siècle
lA. Situation actuelle de la THA
II. l’agent pathogène de la THA : le trypanosome, un parasite
Il.1.Taxonomie
Il.2.Morphologie et cycle évolutif
Il.3 Manifestations cliniques
liA Le diagnostic
II. 4. 1. Examens sérologiques
Il.4.2. Examens parasitologiques
11.5 Le diagnostic de phase et le traitement
DEUXIEME PARTIE: PROBLEMATIQUE
1. Nécessité d’améliorer le diagnostique de la THA
II. Apport de l’outil moléculaire dans le diagnostic de la THA
TROISIEME PARTIE: MATERIELS ET METHODES
1. Zone d’étude: le foyer de Dubréka (Guinée)
II. Prospection médicale
III. Echantillonnage
IV. Extraction d’ADN
V. Polymerase Chain Reaction (PCR)
VI. Aspects éthiques
QUATRIEME PARTIE: RESULTATS
1. Résultats de la prospection médicale
II. Résultats des tests diagnostiques effectués sur le terrain
III. Résultats de la PCR
CINQUIEME PARTIE: DISCUSSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES A
Annexe 1. Questionnaire épidémiologique et clinique A
Annexe 2. Protocole d’extraction d’ADN à partir de sang total par le kit DNeasy C
Annexe 3. Résultats recensement / cartographie D
Annexe 4. Résultats bruts de tous les tests effectués sur les 39 malades et 39 séropositifs
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