Historique de la technologie des nitrures
La progression des composés III-V (AlN, GaN et InN) a été très spectaculaire. En 1862, le premier échantillon de nitrure d’aluminium (AlN) a été élaboré par Briegleb et Geuther lors d’une association directe de l’aluminium avec l’azote à 700°C (13). Plus tard ont été trouvé d’autres techniques de synthèse qui ont abouti à l’obtention de poudres d’AlN. Aujourd’hui, nous nous intéressons aux procédés de production de couches épitaxiales d’AlN qui sont utilisées en microélectronique (14). Le premier échantillon nitrure de gallium (GaN) a été synthétisé avec un mélange de gaz ammoniac condensé et de tribromure de gallium, par Johnson et al. (15) en 1932, et par Juza et Hahn (16) qui déterminent en 1938 que la structure cristalline était wurtzite dans des conditions standard de pression et de température. Les toutes premières applications de GaN sont apparues en optoélectronique avec le modèle de diode électroluminescente par Pankove et al. (17).
Néanmoins, les obstacles rencontrés, tels que la disposition d’un substrat adéquat et la croissance de couches de qualité optimale indispensables au développement de ses composants, ont retardé les travaux de recherche dans le domaine du GaN. Il faudra attendre les années 1970 pour que le développement du premier transistor soit mis au point, et 1993 pour voir le premier transistor AlGaN/GaN de Khan et al. (18). Ce retard est expliqué par la difficulté rencontrée dans la synthèse du AlN massif, qui n’a pas encore trouvé de solution satisfaisante. La qualité du GaN a été optimisée par la technique MOCVD (Metal Organic Chemical Vapor Deposition) sur un substrat de saphir en employant une couche tampon d’AlN. En 1986, Amano et al. ont réussi à faire croître une couche de GaN avec des propriétés morphologiques, optiques et électriques fortement améliorées par une croissance MOCVD sur un substrat de saphir et par le biais d’une couche de nucléation d’AlN au début de la période de croissance pour permettre de fabriquer des couches de bien plus haute qualité (19). La technologie GaN a été remplacée au début des années 1980 par celle du magnésium (20) (21), ce qui a naturellement conduit à la réalisation de diodes électroluminescentes (LED) telles que les LED UV (22) (23), les LED violettes (24) et les lasers (25). L’histoire de l’InN a été plus tourmentée. En 1910 (26), l’InN a été synthétisé pour la première fois. Plus tard en 1972, il a été élaboré à l’aide d’un procédé de pulvérisation par radio-fréquence (27).
En 2001, Kuzmík (28) a suggéré de remplacer l’AlGaN par de l’InAlN ternaire afin d’améliorer la fiabilité des HEMTs. Les systèmes InAlN/GaN offrent en effet plusieurs avantages prévisibles par rapport aux hétérostructures AlGaN/GaN. Plus particulièrement, en variant le rapport Al sur In, on peut faire varier la déformation, en préservant une densité de feuillets électroniques élevée, et en réduisant la dégradation du dispositif liée à la relaxation de la déformation observée dans les HEMTs AlGaN/GaN. Cette déformation peut être totalement supprimée par la croissance d’hétérostructures à réseau apparié InAlN/GaN. On peut trouver beaucoup plus d’autres détails dans les revues de Jan et al. (29), Bhuiyan et al. (30), et Vurgaftman et al. (31). A présent, la recherche sur ces matériaux nitrurés, notamment l’alliage InAlN, a connu des avancées notables, encourageant la production et la commercialisation de composants optoélectroniques et électroniques de haute performance. Cependant, malgré les efforts de recherche intenses déployés dans le monde entier, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la qualité des dispositifs à base de nitrure. En particulier, pour les matériaux AlN et leurs alliages InAlN, ils souffrent de déséquilibres de réseau et du manque de substrats adaptés, ce qui engendre des contraintes internes importantes et des séparations de phase, ou des défauts préjudiciables aux propriétés structurelles et physiques.
Propriétés des matériaux III-V
Les matériaux nitrures se distinguent par plusieurs caractéristiques.Une forte énergie de bande interdite entraîne un champ de claquage important, ce que l’on peut considérer comme un atout pour les applications de puissance. L’AlN est un excellent candidat et offre de nombreuses opportunités. Seulement, la disponibilité en taille raisonnable avec des propriétés électriques bien maîtrisées paraît être délicate, ce qui limite son élaboration. En outre, l’AlN a une haute vitesse de saturation, idéale pour les utilisations à haute fréquence. En effet, même si la valeur de la mobilité de AlN est relativement inférieure à celle de GaN, elle est suffisante pour un fonctionnement à haute puissance. De plus, la conductivité thermique est un critère important pour définir la chaleur susceptible d’être dissipée par le composant. L’augmentation de la chaleur rend difficile le fonctionnement à très haute température, il est par conséquent indispensable que les dispositifs aient une très bonne conductivité thermique. La valeur de la conductivité thermique de l’AlN est plus élevée que celle de l’InN et du GaN.
Propriétés cristallines
Les matériaux semi-conducteurs à base de nitrure binaires se cristallisent sous deux formes : la structure type zinc-blende (phase cubique) et la structure type wurtzite (phase hexagonale). L’obtention d’une structure cristalline est liée aux conditions de croissance ainsi qu’à la symétrie de surface du substrat. La structure cubique zinc-blende thermodynamiquement métastable qui peut être obtenue par croissance dans des conditions hors équilibre thermodynamique (basse température) ne sera pas abordée.
La structure de la wurtzite est la forme cristalline utilisée de préférence pour la production de composants électroniques car elle est la plus stable sur le plan thermodynamique et dispose de propriétés physiques intéressantes, telles que la présence de champs de polarisation piézoélectrique et spontanée. Le caractère ionique de la liaison III-N offre une stabilité élevée à la structure, en raison de la forte électronégativité de l’atome d’azote.
Propriétés optoélectroniques
Les propriétés optiques et électroniques sont gouvernées par la structure de bandes électroniques, qui est le paramètre essentiel pour la réalisation de dispositifs. Un des points importants de la structure de bande est la valeur de l’énergie séparant le maximum de la bande valence et le minimum de la bande de conduction, qui nous donne la valeur de la bande interdite (ou gap du semi-conducteur).
L’énergie de bande interdite directe des nitrures d’éléments III varie de 0.7 eV pour InN (38) à 3.4 eV pour GaN (39) et atteint 6.2 eV pour AlN (40) (à température ambiante ? = 300?). Ce qui permet de former facilement des alliages qui couvrent un très large spectre de longueurs d’onde allant de l’infrarouge (1.55 µm) jusqu’à l’ultraviolet profond (200 nm) en passant par toute la gamme visible .
Effet de polarisation
La structure wurtzite est le siège de polarisations spontanées et piézoélectriques qui influent sur le fonctionnement des dispositifs à base de matériaux nitrures.
Polarisation spontanée
Dans le cas de semi-conducteurs de type wurtzite fortement ioniques, la distribution des densités électroniques autour des différents atomes chargés négativement et positivement fait que les barycentres des charges positives et négatives ne coïncident pas. La somme vectorielle des moments dipolaires ??⃗⃗ de chaque liaison Al-N forme un moment dipolaire ?⃗ parallèle à l’axe c . Cela donne lieu dans le cristal à un ensemble de dipôles orientés suivant le même axe qui sont à l’origine d’une polarisation macroscopique non nulle. Cette polarisation est appelée polarisation spontanée car ce phénomène existe en l’absence de toute contrainte extérieure. L’effet de cette polarisation spontanée dans l’AlN se traduira par la création d’une succession de dipôles électriques suivant la direction [0001] qui sont à l’origine d’un champ électrique ?⃗ dans le sens opposé à cette polarisation. En volume, la symétrie suivant l’axe c fait que le gradient de la polarisation et la densité de charges liées au volume sont nuls. Par contre la discontinuité de cette polarisation spontanée va entraîner la création de charges surfaciques .
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Table des matières
Introduction générale
Matériaux InAlN et la famille des III-N
Historique de la technologie des nitrures
Propriétés des matériaux III-V
Propriétés cristallines
Propriétés élastiques
Propriétés optoélectroniques
Effet de polarisation
Polarisation spontanée
Polarisation piézoélectrique
Propriétés des alliages InAlN
Paramètre de maille
Energie de la bande interdite
Polarisation spontanée et piézoélectrique
Problèmes de croissance et défauts structuraux
Défauts ponctuels
Défauts étendus
Méthodes de simulation
Introduction
Modélisation moléculaire
Algorithme d’intégration
Conditions aux limites périodiques
Potentiels semi-empiriques : Stillinger-Weber (SW)
Paramètres du potentiel de Stillinger-Weber pour l’AlN, GaN et InN
Méthodes ab initio d’étude de la structure électronique
Equation de Schrödinger
Les approximations de la fonctionnelle d’échange-corrélation
Approximation de la densité locale (LDA)
Approximation du gradient généralisé (GGA)
Pseudopotentiels
Calculs effectués dans le cadre de la thèse
Positionnement de l’étude et définition de l’énergie d’interaction
Conclusion
Interaction entre deux défauts ponctuels dans les matériaux III-V
Méthode de modélisation
Interaction indium – indium dans l’alliage InAlN
Energie d’interaction pour In_In-AlN
Energie d’interaction par DFT (SIESTA)
Energie d’interaction par le potentiel Stillinger-Weber
Energie d’Interaction dans les autres nitrures III-N
Relaxation des contraintes
Analyse des longueurs de liaisons
Analyse des angles de liaisons
Interaction entre une lacune d’azote et un atome d’indium dans un alliage InAlN
Interaction entre une lacune d’azote et un atome d’indium dans une
matrice AlN
Energie d’interaction : code SIESTA
Energie d’interaction : potentiel Stillinger-Weber
Interaction entre une lacune d’azote et un atome d’aluminium dans une
matrice InN
Energie d’interaction dans les autres nitrures III-N
Positions favorables
Relaxation des contraintes
Longueurs de liaisons
Angles des liaisons
Discussion et conclusion
Formation et croissance des clusters InN dans InAlN
Procédure de simulation
Formation des petits clusters
Interaction d’un cluster de deux atomes d’indium avec un troisième atome
d’indium
Interaction de l’atome InS avec un cluster formé par une lacune Nv entourée
par quatre atomes métalliques (C2InN_Nv)
Energie d’interaction du cluster C2MN_Nv avec l’atome métallique
Identification des positions favorables et non favorables
Répartition de l’excès d’énergie des atomes dans une supercellule
Effet de taille et de la concentration d’indium de cluster
Energie d’interaction du C8AlN_Nv et AlS dans un matériau InN
Identification des positions favorables et non favorables
Répartition de l’excès d’énergie potentielle
Répartition de l’excès d’énergie d’un cluster C8InN_Nv seul
Répartition de l’excès d’énergie d’un atome d’indium seul dans AlN
Répartition de l’excès d’énergie de C8InN_Nv_In-AlN : cas de la position de l’énergie minimum (TC1)
Répartition de l’excès d’énergie de C8InN_Nv_In-AlN : cas de la position de l’énergie maximale (TC2)
Répartition de l’excès d’énergie de C8InN_Nv_In-AlN : cas de la position de l’énergie d’interaction nulle (TC3)
Cas d’un cluster InN sans lacune d’azote
Conclusion
Conclusion générale