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Les écoles de l’Abbé de l’Epée au 18ème
L’Abbé de l’Epée, prêtre français, s’affiche comme un disciple de Bonet lorsqu’il découvre l’art de faire parler certains sourds, et adopte en partie ses signes manuels auxquels on donne le nom de « dactylologie ». C’est également l’un des précurseurs de l’enseignement spécialisé dispensé aux sourds. Il inaugure une nouvelle période : la création des écoles. Il est emblématiquement reconnu comme le premier instituteur public : il fonde la première école “gratuite” en 1760, chez lui. Au 18ème siècle, deux conceptions s’affrontaient, l’articulation et la mimique. En fait, ces deux conceptions pédagogiques masquaient deux visions différentes de la place des sourds dans la société : le but qu’il s’était donné n’était pas de les faire parler mais « de leur apprendre à penser avec ordre, et à combiner leurs idées ». L’Abbé l’Epée crée “les signes méthodiques” : c’est un système de gestes naturels qu’il ordonne selon la syntaxe de la langue française. Par « signes méthodiques » il entendait non seulement les gestes naturels de ses élèves pour exprimer des choses ou des idées mais aussi les autres signes de son invention (signes grammaticaux) pour indiquer le temps, les personnes, les genres et les fonctions grammaticales du français. Cette méthode a été un échec : bien que les signes méthodiques fussent une méthode efficace de dictée visuelle, elle n’était pas une langue. De ce fait les élèves comprenaient rarement ce qu’ils écrivaient en français. L’Abbé l’Epée est considéré comme le « Charlemagne des sourds ». Il a été le premier à baser l’enseignement des sourds sur des gestes qui venaient des sourds eux-mêmes. Il s‘est battu et a réussi à imposer à l’opinion l’idée que les sourds sont des hommes comme les autres.
Le 19ème siècle, la domination de l’oralisme
Ferdinand Berthier devient l’un des premiers professeurs sourds en 1829. Il représentera à la fois la figure de l’intellectuel sourd et du militant pour la langue des signes. Même si le 19ème siècle est l’âge d’or pour la culture sourde en France, (de nombreuses écoles privées s’ouvrent, parfois à l’initiative de sourds-muets ; la plupart sont aidées par les municipalités, les départements et dans toutes ces écoles, l’enseignement était fait en langue des signes), les méthodes d’éducation des jeunes sourds changent. Des nouveaux directeurs arrivent à l’institut créé par l’Abbé de l’Epée et développent alors des méthodes basées sur la rééducation de la parole nommées « oralisme » dont les signes sont complètement absents, et contre lesquelles, naturellement, se battent les intellectuels sourds, dont Berthier, qui défend un bilinguisme langue des signes / français écrit. L’oralisme consiste en fait pour la personne sourde à s’exprimer verbalement. Un des attraits de la méthode orale pour les enseignants était d’avoir des balises mieux identifiées que pour la mimique, sans leur imposer l’apprentissage de la langue. L’enseignement individuel, le choix des élèves, étaient des atouts importants pour la méthode orale. Parallèlement, les premières prothèses auditives voient le jour : elles se composent d’un microphone en charbon, d’une pile, d’un atténuateur, d’un écouteur et parfois d’un vibreur pour stimuler la voie osseuse. La méthode oraliste gagne donc en influence grâce à cette invention, et en 1880, durant le Congrès de Milan, il est décidé que cette méthode est la meilleure pour éduquer les enfants sourds. La méthode bilingue avec la langue des signes jusque-là reconnue devient la méthode à bannir en faveur de l’oralisme pur. La langue des signes devient alors clandestine et on assiste à un retour en arrière des représentations sociales considérant les sourds comme des êtres à nouveaux inférieurs. Durant un siècle, jusque dans les années 1980, la langue des signes est méprisée, et marginalisée aux seules associations de sourds.
L’école républicaine
En 1975, la loi sur l’obligation éducative pour les enfants handicapés est mise en place. En 1982, une loi sur l’intégration souligne que les enfants handicapés doivent être scolarisés dans le milieu ordinaire le plus tôt possible. Ce n’est qu’en 1991, par la loi Fabius, que l’Assemblée nationale autorise l’utilisation de la langue des signes française pour l’éducation des enfants sourds et permet la liberté de choix entre une communication bilingue (LSF et français) et une communication orale dans le domaine de l’éducation. Le 18 novembre 1991 sont créées les CLIS (Classe d’intégration scolaire, aujourd’hui ULIS Ecole) dont certaines sont spécialisées pour les enfants sourds et malentendants, et en février 2005, on abandonne le terme « d’intégration » au profit de celui « d’inclusion » qui signifie que c’est à l’école de s’adapter à l’enfant et non l’inverse. C’est également le 11 Février 2005, grâce à la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée, que la langue des signes adopte le statut de langue à part entière.
Le langage permet la transmission des idées, et donc le développement de l’intelligence. Le langage est un moyen, la communication est le but. Tout au long de l’histoire de la scolarisation des enfants sourds et malentendants, entrent en conflit ceux qui insistent sur le moyen, et ceux qui veulent avant tout atteindre le but. En fait, pour la plupart des enfants, les deux méthodes (celle de la mimique et de la méthode orale) ne pouvaient donner que des résultats imparfaits car elles comportaient le même problème : la prise en charge vers 8 à 10 ans, beaucoup trop tardive. Il fallut attendre les années 1970 pour prendre conscience de l’importance d’une prise en charge très précoce rendue possible grâce à une meilleure connaissance de ce déficit.
La surdité et les troubles de l’audition
D’où viennent les troubles de l’audition ?
La surdité et les troubles de l’audition sont très variés. L’oreille est un organe complexe, et peut être atteinte de bien des manières et en raison de causes diverses. La perte auditive qui s’ensuit, qu’elle soit totale ou partielle, nécessite des examens précis pour être identifiée, et entraîne des moyens de compensation ou de correction différenciés. La surdité est définie, selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) comme une diminution (unilatérale ou bilatérale) de l’acuité auditive provoquant une gêne dans la conversation ou l’abolition complète du sens de l’ouïe. Selon le Secrétariat d’Etat à la Santé, 5 millions de personnes en France seraient concernées par des problèmes d’audition, 200 enfants naissent sourds chaque années, et 800 surdités sont reconnues chaque année. Il faut savoir que, contrairement aux idées reçues, la surdité ne touche pas que les personnes âgées, puisque 2 millions des personnes malentendantes ont moins de 55 ans. Certaines maladies, avant ou après la naissance, rendent sourd. C’est le cas de la méningite, de la toxoplasmose, des oreillons et de certains virus… Certaines surdités sont héréditaires ou génétiques. Quelqu’un de la famille est malentendant ou les deux parents entendants portent tous les deux un gène de la surdité. Pour le savoir, on consulte un médecin généticien. Parfois il y a une malformation ou des lésions de l’oreille moyenne ou externe qui empêchent certains sons de traverser l’oreille. Il y a aussi des cas où l’on ne sait pas d’où vient la surdité. On regroupe sous le terme de déficience auditive différents degrés de perte d’acuité auditive. C’est un handicap qui peut survenir à n’importe quel moment de la vie. Chez le jeune enfant, lorsque l’atteinte est bilatérale, elle perturbe l’acquisition et le développement du langage oral et écrit. Dans tous les cas, elle modifie la communication et les relations sociales.
Les différents types de surdités
Il existe deux grands types de surdité infantile :
– Les surdités de transmission : Elles sont dues à des atteintes de l’oreille moyenne et/ou externe. Ce sont les plus fréquentes. Les surdités de transmission les plus fréquentes sont souvent acquises dans la petite enfance : otites séreuses, perforation du tympan, etc.
– Les surdités de perception : Elles sont dues à une atteinte de l’oreille interne et/ou des voies et centres nerveux. Elles sont moins fréquentes. Elles peuvent être acquises (infection pendant la grossesse, médicaments, pathologie à la naissance, méningites, etc.) ou génétiques (isolées ou associées à d’autres atteintes, visuelles par exemple).
Parfois, les deux types de surdité sont combinés : on parle alors de surdité mixte. Selon l’INPES, la surdité peut être légère, moyenne, sévère, et elle peut également être profonde. Cette dernière est la plus forte (cf. figure 1).
La surdité peut s’installer :
– Avant la naissance, on dit qu’elle est congénitale. Elle est présente à la naissance, qu’elle soit d’origine génétique ou acquise par maladie pendant la grossesse.
– À la naissance, la surdité est dite néonatale.
– Après la naissance, la surdité est dite post-natale.
Une aide indispensable : l’implant cochléaire
L’implant cochléaire est une invention importante destiné aux enfants qui présentent une surdité sévère à profonde bilatérale qui n’est pas améliorée par des appareillages prothétiques classiques. Il est composé de deux parties : l’implant, qui est placé chirurgicalement ; et une partie externe : le processeur vocal. Ce dernier capte les sons grâce à des microphones et les code en informations numériques. Ce signal codé est ensuite transmis à la partie interne, par le biais d’une antenne communiquant à travers la peau. L’implant va alors reproduire ce signal électrique via une série d’électrodes placées directement dans la cochlée et qui stimulent les fibres du nerf auditif. Le coût d’un implant est autour de 20 000 euros et est pris en charge par la sécurité sociale. Il est important de signaler que plus l’implant est installé tôt, mieux c’est pour l’enfant. L’âge recommandé est 1 an, voire un peu avant. On commence tout de même par un appareillage classique avant l’âge de 6 mois, quel que soit la surdité de l’enfant.
Surdité et scolarisation aujourd’hui
Selon la DREES, Direction de la Recherche, des Etudes, et de l’Evaluation et des Statistiques (enquête de fin aout 2014), il y aurait 216 000 enfants de 6 à 25 ans scolarisés qui présentent des limitations fonctionnelles auditives moyennes à totales. Une forte majorité des enfants suit son parcours en classe ordinaire, 70% entre 6 et 18 ans. Les progrès techniques réalisés au cours de ces dernières années permettent d’effectuer un diagnostic de surdité fiable dès le plus jeune âge. Tout enfant, qu’il soit sourd ou malentendant, est en droit d’avoir accès à une scolarisation dès l’âge de trois ans. Au-delà des apprentissages, l’école est le lieu où l’enfant découvre le « vivre ensemble ». Le cadre actuel de la scolarité des jeunes sourds s’organise à partir d’une volonté “d’inclusion des élèves handicapés”, dans le milieu scolaire ordinaire. La loi de 2005 définit le cadre de la scolarisation des enfants en situation de handicap, comme c’est le cas des enfants sourds. « …dans l’éducation et le parcours scolaire des jeunes sourds la liberté de choix entre une communication bilingue, langue des signes et langue française, et une communication en langue française est de droit » (code de l’éducation L.112-3)
Plusieurs formes de scolarités
L’enfant sourd peut être scolarisé de deux façons différentes :
– La scolarisation individuelle à l’école : l’enfant sourd est accueilli dans son école de secteur, dans une classe ordinaire avec les adaptations prévues par le PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation). Il suit alors l’enseignement donné à l’ensemble de la classe. La présence d’un codeur LPC ou d’un interprète en langue des signes peut être utile, en fonction du projet linguistique, du niveau scolaire et des difficultés de chacun.
– La scolarisation collective dans une ULIS école (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire) ou en classe délocalisée d’un établissement spécialisé : Cette classe spécialisée est intégrée dans un groupe scolaire ordinaire. Les élèves sourds partageront avec les élèves entendants certains cours, les récréations et les repas ; Les établissements spécialisés quant à eux, n’accueillent que des enfants sourds et malentendants. L’enseignement est confié à des enseignants entendants et/ou sourds qui ont reçu une formation spécifique. Que ce soit en Ulis école ou en établissement spécialisé, l’enseignement pourra être dispensé en français oral et écrit avec ou sans code LPC, ou en français oral et écrit et en langue des signes française (LSF). Le contenu et la présentation des cours sont adaptés aux besoins des élèves.
Depuis la loi du 18 janvier 1991, reprise par la loi du 11 février 2005, les parents peuvent choisir le mode de transmission des connaissances : le français oral et écrit, ou le bilinguisme : le français oral et écrit et la langue des signes. L’apprentissage de la langue française devra être maintenu dans tous les cas. La loi donne le choix, mais les réalités locales limitent parfois les possibilités. Les classes bilingues : les premières ont été créées il y a un peu plus de vingt-six ans, quelques années après la fin de l’interdiction de la langue des signes dans l’éducation. Entre 1984 et 1985, six classes bilingues sont créées. Au sein de ces classes, la langue des signes a une place très importante. Elle est considérée comme un accès aux savoirs mais favorise également la socialisation par une communication plus aisée. La langue des signes et le français sont séparément étudiés, et le français écrit trouve progressivement sa place. Selon le degré de surdité de l’élève, celui-ci aura une maîtrise plus ou moins rapide du français écrit, voire du français parlé. Au sein de l’équipe éducative, il y a une majorité d’enseignants et d’éducateurs sourds. On permet également aux parents d’accéder facilement à l’apprentissage de la langue des signes, ce qui est important car l’enfant ne doit pas se sociabiliser et communiquer seulement à l’école, mais également au sein de sa famille. Aujourd’hui, en France, il y a 8 écoles qui disposent d’une ou de plusieurs classes bilingues. On parle également de « classes signantes ».
La création des PASS (Pôles d’Accompagnement à la Scolarisation des élèves Sourds) en 2010 permet à tous les élèves sourds, quel que soit le mode de communication choisi, de suivre un enseignement au plus près possible d’une scolarisation ordinaire sans se focaliser sur la seule LSF. Ce sont en fait les anciens Pôles Ressources en LSF (créés en 2008). L’un des objectifs affiché est le renforcement de l’apprentissage du français écrit et oral, par un renforcement de son enseignement hebdomadaire. Selon l’Académie de Versailles, la création d’un pôle d’accompagnement à la scolarisation des sourds PASS a vu le jour à la rentrée 2011 dans chaque département. Les caractéristiques du pôle sont notamment :
– Des enseignements adaptés en langue française orale et écrite utilisant les nouvelles technologies.
– Un enseignement spécifique de la langue des signes française.
– Un accompagnement pédagogique par des Auxiliaires de Vie Scolaire (individuels ou collectifs selon les dispositions du projet de scolarisation).
– Une continuité du parcours à tous les niveaux de scolarité.
– Un partenariat étroit avec les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).
– Une attention forte portée à la future insertion professionnelle (relation école-entreprise, convention).
L’adaptation nécessaire de l’enseignant lors de l’inclusion de l’élève malentendant dans sa classe
Rappelons que l’élève sourd ou malentendant peut être scolarisé en milieu ordinaire, soit en intégration individuelle, soit en intégration collective où il sera dans une ULIS école mais pourra suivre certains cours avec des élèves entendants.
L’attention et la créativité que demande la prise en compte d’un enfant sourd ou malentendant exigent de la réflexion, du temps et du travail supplémentaire. Si la classe est surchargée, si des enfants difficiles en font partie, la fonction de l’enseignant se trouve transformée. En repensant ses pratiques il accepte, en quelque sorte, de modifier ses “représentations habituelles” pour faire autrement et guider l’enfant de façon adaptée et plus individualisée. Avant d’accueillir un enfant sourd dans la classe, une information concernant le fonctionnement neurosensoriel, linguistique et affectif de l’élève sourd s’avère nécessaire. La surdité d’un enfant peut passer inaperçue dans les interactions ordinaires et être sous-estimée par l’enseignant non préparé. Concernant les autres élèves, il est important de les informer sur les particularités de leur camarade sourd. La surdité engendre des aménagements que les autres élèves ne doivent pas considérer comme des privilèges : mobilité (besoin de vérifier des informations), attention particulière de l’enseignant, présence d’un codeur… Il ne faut pas stigmatiser l’élève sourd par rapport à ses camarades, ni l’infantiliser, le surprotéger. Il est important qu’il acquière l’autonomie dont il aura besoin dans sa vie future. Il ne faut pas oublier de tenir compte de l’emploi du temps de l’élève qui est souvent bien lourd (rendez-vous à l’extérieur, chez l’orthophoniste, l’ORL, l’audioprothésiste, le soutien scolaire…). Dans la communication avec l’élève sourd, il faut toujours avoir en tête que la lecture labiale et l’expression du visage sont deux éléments essentiels pour la réception et la compréhension du message. En effet, il faut adopter une attitude expressive, mimer au besoin ce qui peut l’être, ne pas trop circuler en parlant, éviter d’arpenter la classe et de disparaitre du champ de vision de l’élève… Ce n’est pas toujours évident et facile de penser à attirer l’attention de l’élève avant de parler, d’éviter de parler les mains devant la bouche, ou bien en écrivant au tableau. Ce sont des attitudes qui ne s’acquièrent pas d’un seul coup.
Les conséquences de la surdité à l’école
Il est important pour les jeunes sourds de « développer précocement et durablement une langue dans sa dimension phonologique, syntaxique, lexicale et pragmatique » (Colin, Ecalle & Magnan, 2015)
Les conséquences de la surdité à l’école peuvent être multiples : difficultés de lecture, de perception, de communication et de compréhension seront abordées successivement dans les points suivants.
« Jadis, les enfants sourds étaient réputés pour être de mauvais lecteurs, c’est-à-dire au niveau d’un enfant entendant de 9 ans. » (Leybaert & Colin, 2015, p.399) Ceci est aujourd’hui devenu faux, puisque grâce aux implants cochléaires et aux moyens visuels de communication (langage parlé complété ou langage des signes), « les enfants sourds peuvent suivre un cursus dans l’enseignement ordinaire, et y obtenir des résultats comparables ou moins performants par rapport à ceux des enfants entendants, avec des mécanismes de traitements similaires. ». Le rapport Gillot estimait en 1998 à 80% le taux de personnes sourdes illettrées en France. L’absence d’exposition précoce à une langue structurée expliquerait en grande partie ces difficultés en lecture. (Charlier & Leybaert, 2000). Les enfants sourds nés de parents entendants auraient des difficultés à acquérir avant l’acquisition de l’écrit, les dimensions phonologique, syntaxique, lexicale et pragmatique de leur langue (Hamm, 2008 ; Marscharck, 2007). L’étude de Colin, Ecalle & Magnan (2015, p.441) sur la comparaison du niveau de lecture entre les enfants sourds et les enfants entendants, montre que « les scores des sourds sont significativement inférieurs à ceux des entendants pour la compréhension de textes, marginalement inférieurs en compréhension de phrases écrites ». Les résultats sont également bien inférieurs en ce qui concerne le vocabulaire. Cependant, les enfants sourds obtiennent de meilleurs résultats pour ce qui est de l’identification de mots écrits ce qui mène à penser que « les sourds IC sont capables d’utiliser les deux procédures de lecture (recodage phonologique et adressage) de façon efficiente ». La prise en compte des informations morphosyntaxiques est reconnue problématique chez les sourds (Hage, 2005). Or elles sont nécessaires pour accéder au sens de la phrase, puis du texte. Concernant les difficultés de vocabulaire, cela est expliqué par le fait que les personnes sourdes ne peuvent pas accéder aux conversations qui ne leur sont pas adressé. Il faudrait leur enseigner un lexique de plus en plus riche tout au long de leur scolarité.
Concernant la perception, l’enfant sourd n’a accès à ce qui est hors de sa vue que parce qu’il entend ou le perçoit par la vibration, ce qui le fait éventuellement se retourner, se déplacer pour aller voir ce qui se passe. Le plus souvent, il va prêter une attention accrue aux informations visuelles et vibratoires qui lui permettront d’explorer, de comprendre et de surveiller son environnement. De fait, la perception que l’élève sourd aura du monde sera différente de celle de l’élève entendant, sans qu’on puisse dire systématiquement qu’elle sera moins bonne. Une surdité légère peut passer inaperçue, elle perturbe la perception des sons les plus aigus de la langue et affecte peu la compréhension des échanges oraux. Une surdité moyenne affecte la perception des sons les moins forts. Dans certaines circonstances, par exemple, si la voix de son interlocuteur est faible ou si elle est masquée par des bruits de fond, l’élève aura des difficultés à reconnaître ce qui est dit. Il sera plus à l’aise dans les situations de communication duelle, au calme, que dans un grand groupe. Une surdité sévère compromet plus lourdement la perception et la compréhension des sons de la parole, certains sons ne seront pas perçus, même en élevant la voix. Les risques de confusion, de contresens sont accrus. Dans le cas d’une surdité profonde, les sons de la parole ne sont pas perçus.
L’acquisition du langage suit les mêmes étapes chez tous les enfants quel que soit leur environnement (Kail & Fayol, 2000). L’enfant développe des formes de communication bien avant l’émergence du lexique (Guidetti, 2003). Les échanges avec la famille, l’entourage y participent grandement. Cette communication prélinguistique constitue chez l’enfant entendant un prérequis à la communication langagière (Bruner, 1983). Il est donc nécessaire que l’enfant soit exposé précocement au langage, ce qui est plus compliqué pour les enfants sourds. L’implant cochléaire favorise un échange de meilleure qualité, et permet à l’enfant de communiquer avec autrui. Ce n’est pas parce que l’enfant sourd ne prononce pas de mots qu’il ne cherche pas à communiquer ou qu’il n’a rien à dire et qu’on ne peut pas communiquer avec lui. En ce sens, toute communication doit être reconnue et valorisée. Dès lors que l’on est directement impliqué dans une communication avec un élève sourd, il arrive fréquemment que le handicap soit partagé entre les deux interlocuteurs.
En ce qui concerne la compréhension, l’implant cochléaire ne permettrait pas de distinguer les mots qui sont proches phonologiquement. Les syllabes PA, BA, MA sont régulièrement confondues. Pour cela l’enfant sourd peut avoir recours à la Langue Française Parlée et Complétée (LfPC) qui est un système d’aide à la perception de la parole, capable de rendre visible tous les contrastes phonologiques de la langue orale à l’aide de gestes manuels accompagnant la lecture labiale (sur les lèvres). Cette LfPC améliore grandement la compréhension et la perception de la parole, surtout si son utilisation est précoce. Plus de 90% du message oral serait perçu via l’information délivrée par la LfPC associée à la lecture labiale, alors que seulement 30% du message serait visible via la lecture labiale seule (Alegria, Charlier & Mattys, 1999).
Méthodologie
Prise de contact et participants
Afin de trouver un(e) enseignant(e) qui accepte de nous laisser filmer dans sa classe, nous avons envoyé des courriers électroniques à une dizaine d’écoles susceptibles d’accueillir des enfants sourds et malentendants. En effet, de bouche à oreille, nous nous sommes renseignés afin de savoir si des ULIS 2 (ULIS accueillant spécifiquement des élèves présentant des troubles auditifs importants) étaient présentes au sein des écoles que nous contactions. Dans le courrier était expliquée la procédure que nous avions choisi d’adopter : venir filmer une séance d’au moins une heure dans une classe qui accueille un ou plusieurs enfants sourds ou malentendants, puis avoir un entretien avec l’enseignant de la classe. Un enseignant-directeur nous a répondu qu’il était d’accord, et que c’était lui qui assurait l’inclusion au sein de son école. Il nous a donc autorisés à venir une première fois dans sa classe pour prendre contact avec les élèves et distribuer les autorisations parentales pour pouvoir filmer. Il nous informe que deux élèves malentendants sont alors présents dans sa classe. Nous sommes revenues deux semaines plus tard pour l’observation filmée, et malheureusement, un des élèves malentendants était malade. Un seul élève est donc présent sur la vidéo.
Participants
L’observation filmée est menée auprès d’une classe de primaire (CE2/CM1) d’un enseignant qui accueille un ou plusieurs enfants malentendants. Cette classe se situe dans un établissement scolaire public, en ville. L’école a deux ULIS (une ULIS 2 et une autre que l’enseignant ne nous a pas détaillées). La classe est composée de 26 élèves : il y a 14 élèves de CE2 et 11 élèves de CM1. La séance observée est une séance de maths d’une heure, qui se déroule sur le temps du matin (de 8h45 à 9h45). Un élève malentendant est présent lors de la séance. C’est un garçon de niveau CE2, qui présente une surdité plutôt modérée d’après l’enseignant, et qui porte un appareil auditif, ainsi qu’une oreillette reliée à un micro placé au niveau du col de chemise de l’enseignant. Cet élève est inclus deux fois par semaine, le même jour (le jeudi), pour une séance de maths le matin, et de sciences l’après-midi. Pour la séance de maths, il y a donc normalement deux élèves malentendants, et pour la séance de sciences, ils peuvent venir au nombre de trois ou quatre élèves. Ceux-ci sont inclus dans des matières qu’ils maitrisent plutôt correctement. Ils sont également inclus dans cette classe parce qu’elle correspond à leur niveau scolaire. Lorsqu’ils ne sont pas inclus, les élèves malentendants sont dans une classe spécialisée (l’ULIS 2 de l’école), avec une enseignante spécialisée qui détient un diplôme de CAPA-SH. Les élèves sont au nombre de dix environ (l’effectif d’une ULIS Ecole est limité à 12 élèves). L’enseignant quant à lui enseigne depuis déjà plusieurs années. Il est également directeur de l’école, et enseigne donc dans cette classe seulement le jeudi.
Le choix des outils
Afin de vérifier nos hypothèses, nous avons réalisé une démarche en trois étapes auprès de l’enseignant :
La première étape consiste à filmer une séance d’une heure dans la classe accueillant un ou plusieurs enfants sourds ou malentendants. Deux caméras sont utilisées afin de filmer la séance : une est placée de façon à filmer les élèves de face, et l’autre est placée de façon à filmer l’enseignant de face (et donc les élèves de dos). La séance est une séance de maths et le moment a été convenu avec l’enseignant, car c’est l’un des seuls moments de la journée où les élèves malentendants sont inclus dans la classe. Le jour de l’observation, un seul enfant malentendant est présent, le deuxième étant malade.
La deuxième étape est l’analyse de la vidéo, qui se fait à part, complètement détaché de la première étape. Cela consiste à regarder la vidéo plusieurs fois, et prendre des notes sur des points qui nous posent question. L’enseignant n’est pas présent. En effet, cette étape est plutôt un questionnement, une sélection de certains passages qui sont représentatifs de la séance, ou parce qu’ils questionnent certains points de la partie théorique qui nécessitent d’être explicités lors de l’entretien avec l’enseignant qui suit.
La troisième et dernière étape est un entretien de co-explicitation mené auprès de l’enseignant de la classe. Cet entretien est enregistré, et un petit questionnaire est élaboré à l’avance pour pouvoir cibler certains sujets précis. Durant cet entretien, certains moments précis et choisis à l’avance sont montrés à l’enseignant, pour lui poser des questions sur sa pratique, lui demander son avis, attendre son analyse personnelle…
La séance filmée permet surtout d’analyser le comportement de l’élève, tandis que l’entretien avec l’enseignant permet d’analyser sa pratique à lui, d’avoir son ressenti par rapport à l’inclusion de l’enfant malentendant dans sa classe.
Résultats
Analyse de la séance observée
Afin de mieux décrire la séance, nous appellerons l’élève malentendant « T. ». L’enseignant porte un micro pour que T. puisse mieux « l’entendre ». Le codeur utilise le langage parlé complété, car c’est le langage utilisé dans l’école dans une logique d’élève « oraliste », que nous détaillerons dans l’analyse de l’entretien de co-explicitation. Nous rappelons que T. présente une surdité plutôt modérée selon l’enseignant, et qu’il porte un appareil auditif (ainsi qu’une oreillette reliée au micro que porte l’enseignant).
Nous détaillerons dans le tableau suivant les activités de la classe, ainsi que les activités de T. par « temps importants », c’est-à-dire les moments qui nous sont semblés pertinents de décrire, de prendre en compte.
Discussion
Inclure des élèves handicapés dans les classes ordinaires n’étaient pas commun il y a encore quelques années comme nous l’avons témoigné avec l’historique de la scolarisation des jeunes sourds. Aujourd’hui nous pouvons affirmer que cette pratique est de plus en plus récurrente.
Après avoir observé, analysé la séance filmée, et discuté de l’inclusion avec l’enseignant, nous pouvons affirmer la plus grande partie de notre hypothèse. En effet, nous nous attendions à observer un cours ordinaire, avec un codeur pour les enfants malentendants : celui-ci était effectivement bien présent pour traduire les paroles de l’enseignant. Nous nous attendions également à observer un enseignant attentif à ses élèves, à leurs besoins, et qui s’adapte à leur handicap : c’est effectivement l’attitude qu’il a eu en adaptant sa posture, ses gestes, sa voix… Par contre, deux points de l’hypothèse sont infirmés : celui de la différenciation au niveau des exercices (adaptation des consignes, gestion de temps différente…), mais également celui de l’inclusion préparée en amont. En effet, l’inclusion n’est pas spécialement préparée avant. C’est plutôt l’enseignante spécialisée qui décide de la matière dans laquelle ses élèves vont être inclus, et à quelle fréquence. Finalement, l’enseignant qui accueille n’a pas beaucoup de contact avec l’enseignante spécialisée à ce sujet. Son travail est « simplement » d’accueillir les élèves malentendants dans sa classe.
Nous avons pu constater que l’une des premières conséquences importantes de l’inclusion est qu’elle favorise le vivre ensemble, la tolérance, le respect entre élèves dans la classe mais aussi dans l’école. En effet, la présence d’ULIS au sein de l’école primaire permet de banaliser le handicap, d’accepter la différence, mais permet aussi une ouverture d’esprit des parents qui « mettent le pied dans l’école ».
Au sein de la classe, après avoir sensibilisé les élèves au bon fonctionnement des inclusions, et aux attitudes correctes à adopter, l’enseignant se doit d’instaurer un climat de confiance et de respect : chacun peut prendre la parole, en levant la main, et en parlant fort pour que tout le monde puise entendre. Les moqueries sont bien sûr interdites, et l’entraide est la bienvenue. Pour T. et ses camarades malentendants, il s’agit d’être inclus dans une matière dans laquelle ils se sentent à l’aise et où ils vont être mis en réussite. Il est important de s’assurer que l’inclusion ne porte pas préjudice à l’élève. Dans ce cas, l’inclusion ne serait pas considérée comme bénéfique et serait arrêtée.
Concernant l’enseignant, nous avons pu observer comme dans notre partie théorique qu’il se doit d’adopter une attitude « correcte » et adaptée : en effet, il fait attention à sa posture, à sa place dans la classe. Il parle devant T. et articule ; il veille à ne pas le mettre à l’écart par rapport aux autres, à l’interroger comme les autres… La présence du codeur reste indispensable pour une bonne compréhension des notions, et la langue française parlée et complétée semble être un bon moyen pour communiquer. On ne constate que très peu de troubles de compréhension. Des observations dans d’autres matières auraient pu être intéressantes afin de constater si des difficultés pouvaient existées dans d’autres apprentissages. Les difficultés de lecture pour l’enfant malentendant expliquées dans la partie théorique ne peuvent finalement pas s’observer en inclusion, puisque la maitrise de la langue s’étudie en classe spécialisée.
Nous n’avons pas constaté beaucoup d’inconvénients à l’inclusion si ce n’est qu’accueillir des élèves sourds et malentendants c’est également accueillir un codeur donc une personne de plus.
Il faut accepter la présence d’un autre adulte dans sa classe. Il faut également tenir compte des emplois du temps spécifiques aux élèves : ce sont des emplois du temps qui changent souvent, avec des rendez-vous à l’extérieur. Cela nécessite donc de s’adapter un minimum, même si ce point-là est généralement plus gênant pour l’enseignante spécialisée des élèves. Il est important de signaler que la surdité observée était modéré, mais que dans le cas d’une surdité profonde, l’inclusion serait surement plus compliquée.
Nous avons pu constater que l’implant cochléaire est une aide de plus en plus précieuse puisqu’il favorise nettement les capacités de compréhension de l’enfant sourd. On tend vers une augmentation encore plus grande de cette technologie, ce qui pourrait permettre de plus en plus d’inclusion, et de plus en plus de scolarisation réussie des enfants malentendants. L’inclusion est peut-être plus difficile lorsque le handicap est plus lourd comme les troubles autistiques ou l’hyperactivité par exemple : cela ne demande pas la même attention, la même adaptation aux élèves. Il est important de signaler que le handicap auditif est moins contraignant en terme d’adaptation et de prise en charge qu’un autre, ce qui rend l’inclusion plus facile pour des enseignants, qui rappelons le, ne sont pas formés pour accueillir des élèves handicapés.
Ce mémoire de recherche est le résultat de l’observation d’une seule inclusion : il aurait été pertinent et plus intéressant d’observer plusieurs classes, avec différents fonctionnements, pour pouvoir les comparer. Peut-être que certaines inclusions ne se passent pas aussi bien. Il aurait également été intéressant d’interroger des élèves sourds et malentendants pour savoir comment ils perçoivent leur inclusion en classe ordinaire.
Conclusion
Pour conclure, l’observation que nous avons mené nous a permis de constater qu’une inclusion se fait au bénéfice de l’élève et qu’elle se prépare selon ses capacités et ses besoins. L’enseignant gère cette inclusion en adaptant ses pratiques au handicap. Il doit s’y adapter surtout par sa posture lorsqu’il enseigne. Il se doit également d’instaurer un bon climat de classe car les troubles de l’audition restent un handicap et peuvent être source de moqueries des autres élèves. L’importance du respect est de la tolérance est de rigueur pour une bonne inclusion. Le handicap auditif reste le moins fréquent dans les écoles, et il est pertinent de se questionner à ce sujet pour accueillir au mieux les élèves afin qu’ils bénéficient d’une scolarité normale au même titre que les autres. Ce mémoire de recherche peut donc être une aide à destination des futurs enseignants, ou enseignants débutants, accueillant des enfants d’ULIS dans leurs classes. Il peut les aiguiller dans leurs pratiques, et les aider à mieux connaître ce handicap. Il peut être un outil de formation pertinent pour un début de carrière grâce à l’entretien de co-explicitation qui nous a permis d’avoir le regard d’un enseignant sur l’inclusion, et grâce à l’analyse de la séance filmée qui nous permet d’observer véritablement comment cela se passe en réalité.
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Table des matières
Sommaire
Remerciements
Introduction
1. Fondements théoriques
1.1 Historique de la scolarisation des enfants sourds ou malentendants
1.1.1 De la période ancienne jusqu’au 18ème siècle
1.1.2 Les écoles de l’Abbé de l’Epée au 18ème
1.1.3 Le 19ème siècle, la domination de l’oralisme
1.1.4 L’école républicaine
1.2 La surdité et les troubles de l’audition
1.2.1 D’où viennent les troubles de l’audition ?
1.2.2 Les différents types de surdités
1.2.3 Une aide indispensable : l’implant cochléaire
1.3 Surdité et scolarisation aujourd’hui
1.3.1 Plusieurs formes de scolarités
1.3.2 L’adaptation nécessaire de l’enseignant lors de l’inclusion de l’élève malentendant dans sa classe
1.3.3 Les conséquences de la surdité à l’école
1.3.4 Les aides et acteurs de la scolarisation :
2. Problématique et hypothèses
3. Méthodologie
3.1 Prise de contact et participants
3.2 Participants
3.3 Le choix des outils
4. Résultats
4.1 Analyse de la séance observée (cf. Annexe 4)
4.2 Analyse de l’entretien de co-explicitation (cf. Annexe 5)
5. Discussion
Conclusion
6. Bibliographie
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