Les privatisations dans les pays développés
La politique de la privatisation existe déjà dans les années 1950 . Mais, à l’époque, la privatisation n’est pas un élément des « politiques publiques » . Par ailleurs, la privatisation devient un « leitmotiv » de la politique économique grâce aux réformes de Margaret Thatcher en Angleterre. Dès lors, nous présentons d’abord, le modèle anglo-saxon où la privatisation, apparaît comme une politique économique, permet de lutter contre l’inflation.
Puis, nous esquissons brièvement les privatisations Françaises pour enfin exposer les privatisations dans les pays en développement à travers la mondialisation des politiques d’ajustement et de relance économique.
Le modèle anglo-saxon
Le modèle anglo-saxon des privatisations est impulsé par la « théorie classique économique » . Ainsi, suite à la crise que connaît le Royaume uni, en 1975, Margaret Thatcher met en place une politique de réformes en réaction à un « socialisme et un interventionnisme public rampant au Royaume-Uni entre 1945 et 1975». Ces réformes placent l’individu en tant qu’être rationnel le seul capable de juger et de décider ce qui est bon pour lui. Ainsi, chaque individu poursuit son intérêt particulier (utilitarisme) par la maximisation des satisfactions et la minimisation de l’effort. Les pays de « droit coutumier anglo-saxon » dans lequel,
La culture veut que chacun soit libre de faire ce que bon lui semble, […] Et ensuite on voit ce qui se passe ! C’est seulement si quelqu’un se plaint du comportement d’un autre, ou se plaint d’un dommage subi qu’alors les situations sont examinées par la justice. Et à cette occasion, celle-ci procède en vérifiant: – quelles sont les obligations convenues entre les parties ; – si ces obligations ont été respectées ou non ; – si le comportement de tel ou tel individu est fautif ou non ; – s’il y a lieu à réparation ou non .
Dans cette optique, l’interventionnisme de l’Etat est considéré comme pervers. Ainsi, l’individu poursuit son intérêt particulier (utilitarisme) par la maximisation de la satisfaction et la minimisation de l’effort (hédonisme). Cette volonté de redresser l’économie est marquée par des multiples risques de « la récession de 1980 à 1982 et la baisse de la dépense publique de 43% du PIB en 1979 à 38,6% en 1990 ».
Margaret Thatcher lance un vaste programme de privatisation qui touche tous les grands secteurs tels que la houille, le chemin de fer, l’aérien, les télécommunications, le gaz et l’électricité. La première privatisation débute avec celle de la British Télécom (1984). Par la suite, les privatisations des compagnies British Streal et British Airways suivent. Du coup, pour Pierre-François Gouiffès, « 29 entreprises employant 800.000 salariés sont rendues privées. Ce programme s’attaque aussi à la dérégulation des banques » . Aussi, sur le plan fiscal, elle promeut une politique de baisse des impôts. Les capitaux étant libérés, les grands groupes étrangers rachètent 100% des actions d’entreprises britanniques cotées mais aussi les commissions sur les échanges des titres sont supprimées : c’est le « big-bang » de la finance de 1986.
Cette politique, dont l’objectif fut de comprimer « l’inflation » par la suppression de l’encadrement des salaires et des prix, le contrôle des syndicats ultra socialistes entraîne la limitation du monopole syndical sur les embauches et la fixation des salaires Les résultats sont nets en ce qui concerne l’encadrement du droit de grève et le chômage grâce à l’usage massif des emplois à temps partiel. La privatisation devient dès lors, un outil de la politique publique en ce qu’elle permet de réguler « les politiques d’emploi, la règlementation, les réformes d’assurance-chômage ».
Les privatisations françaises
La France s’inscrivant dans « l’interventionnisme de l’Etat » où le capitalisme d’État est avant tout attaché à promouvoir une croissance par la modernisation et l’expansion des entreprises publiques. Mais les privatisations françaises sont liées au rythme de la gouvernance politique. Ainsi, la première vague de privatisations intervient avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Dès lors « la cohabitation du premier septennat de François Mitterrand de 1986 à 1988 » , le gouvernement Chirac institue la loi du 6 août 1986 qui retient 65 entreprises publiques dont 41 relevant du secteur bancaire dont treize (13) du secteur des assurances, huit (8) du secteur industriel et deux (2) du secteur des communications (Havas et TF1). Le secteur public Français ne représente plus que 1,35 millions de salariés, c’est-à-dire 7,2 % de l’emploi salarié total contre respectivement 1,86 millions en 1985. Malgré la politique du « ni-ni » , de la Gauche au pouvoir en 1988, un second programme de privatisations entre en vigueur à la seconde cohabitation.
La loi de juillet 1993 renforce les mesures prises en 1986 et les adaptent aux nouvelles conditions économiques. Le retour de la Gauche au pouvoir en 1997 impulse les privatisations de : « France Télécom cédée à hauteur de 22,5 % au privé. La privatisation de Thomson s’est également poursuivie à travers ThomsonCSF, ST Microelectronics et Thomson Multimédia » . Il est significatif que: « parmi les facteurs pouvant conduire à des gains d’efficacité la concurrence et la déréglementation ont plus d’influence que le mode de propriété » . La privatisation introduit les mécanismes du marché libéral notamment la composition de l’actionnariat d’où le modèle du « noyau dur » pour lequel : « […], Il est possible de ranger le « modèle français » des privatisations plutôt dans une « approche théorique non standard que standard ».
Mais avant la privatisation, Pierre Dubois prône « l’adoption d’un modèle de gestion tout autre : l’autogestion » . C’est également l’objet du « Rapport NORA » qui fait le bilan économique des entreprises publiques en ce qu’elles investissent beaucoup par rapport à leur valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée étant plus faible que la valeur ajoutée moyenne des entreprises privées. Mais en dépit de cette position, Dominique Decèze revenant sur la privatisation de France Télécom évoque le dégraissage des effectifs en ces termes :
Dans une économie mondialisée, écrivent Albert Durieux et Stéphène Jourdain, dans l’Entreprise barbare, la position du salarié est devenue très inconfortable ». On chasse les employés permanents pour les remplacer par des individus au contrat provisoire, on pratique des saignées préventives, on recherche la flexibilité totale.
La privatisation ne détruit pas seulement les emplois, elle détruit également les travailleurs qui perdent leurs emplois mais aussi leurs dignités. Sans emploi, l’individu perd sa place dans la société. La perte d’emploi par la privatisation à son cortège de conséquence. Il importe de présenter l’approche de la mondialisation de la privatisation afin d’esquisser les conséquences.
La mondialisation de la privatisation
Le mouvement de privatisations devient un phénomène mondial qui touche la plupart des pays du monde. Ce mouvement ne concerne pas uniquement les pays industrialisés du Nord, il concerne aussi les pays en voie de développement. Ainsi, la privatisation devient alors le mobil de la modernisation du tissu productif de l’ensemble des pays africains. La Banque Mondiale et le FMI vont jouer un rôle influent dans la promotion des privatisations des entreprises publiques africaines. En 1980, le secteur public africain est aussi important que le secteur privé moderne. Pour Béatrice Hibou, la privatisation modifie par le biais de la mondialisation non seulement, les modes de gestion du gouvernement, elle apparaît aussi comme une adaptation de l’État aux contraintes internes et externes. La privatisation contribue à la « redéfinition du rôle de l’Etat » sans toucher à la souveraineté de « l’Etat-nation » . La privatisation n’est donc pas synonyme de domination des intérêts privés. Ainsi, « Quelles nouvelles formes de gouvernementalité se construisent derrière l’apparent retrait de l’Etat (selon des processus varié de privatisation comme de criminalisation), dans les pays d’Afrique ou d’Asie (postcoloniaux ou postcommuniste pour la plupart) ?» .
Donc, « ce « retrait » n’en est pas un, la déliquescence souvent déplorée n’existe qu’en apparence, il s’agit en fait de redéploiement ; l’Etat d’une certaine façon se renforce là même où croit qu’il s’affaiblit » . Mais qu’en est-il de l’analyse de la privatisation au Gabon ? L’intérêt tout azimut pour la privatisation au Gabon fut la conditionnalité aux prêts accordés par le FMI. À la question : « Concernant les politiques de privatisations, est ce qu’on peut dire que ces politiques ont été imposées par le FMI et de la Banque Mondiale ? », l’extrait de entretien réalisé au Comité de privatisation précise que :
Le FMI et la Banque mondiale sont précurseurs d’une certaines manières de penser, de gérer le monde. Bon, on fait avec. Mais, les dirigeants nationaux ne veulent pas prendre eux-mêmes les mesures pour que leur économie avance, ben, il faudrait que quelqu’un prenne la décision à leur place .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I.1 : L’état de la question
I.2 : Intérêt du sujet
I.3 : Notre problématique
II.1 : L’univers d’enquête et population de l’étude
II.2 : La collecte des données d’enquête
III.1 : La réorganisation du travail
III. 2 : La privatisation
III.3 : La « bonne gouvernance »
IV : Les théories en faveur de la privatisation
Partie 1 : Approches théoriques de la privatisation
Introduction de la partie 1
Chapitre 1er : Historique de la privatisation dans le monde
1.1 : Les privatisations dans les pays développés
1.1.1 Le modèle anglo-saxon
1.1.2 : Les privatisations françaises
1.1.3: La mondialisation de la privatisation
1.2 : Les privatisations au Gabon
1.2.1 : Les raisons de la privatisation des entreprises publiques
1.2.2 : Les données empiriques de la privatisation au Gabon
1.2.3 : Les contours de la privatisation au Gabon
2.1 : La chronologie des actes de la privatisation au Gabon
2.1.1 :L’étude technique
2.1.2 : Les étapes de la privatisation
2.1.3 : Les conditions de la privatisation des EP rendues privées
2.2 : Domaine des privatisations au Gabon
2.2.1 : Les monopoles naturels rendus privées
2.2.2 : La vente des parts minoritaires de l’Etat
2.2.3 : Les typologies des privatisations
Conclusion de la partie 1
Partie 2 : L’entreprise publique en crise au Gabon
Introduction de la partie 2
Chapitre 3 : La gestion étatique et le déclin de l’EP Gabonaise
3.1 : La remise en cause de la gestion étatique
3.1.1 : La dette des finances publiques
3.1.2 : De la « rationalité objective » à la « rationalité subjective » : l’analyse des « dysfonctions » bureaucratiques
3.2 : Vers la recherche de solutions
3.2.1 : La privatisation de l’EP Gabonaise quels enjeux ?
3.2.2: Le recours à l’APD dans la promotion de l’initiative privée au Gabon
3.3 : Le rejet du recrutement sociaux et la réduction des sureffectifs
3.3.1: Les évolutions des effectifs à la SEEG
3.3.2 : Les évolutions des effectifs à la SETRAG-Gabon
3.3.3 : Les évolutions des effectifs à la SUCAF-Gabon
Chapitre 4 : La privatisation et l’explosion de la sous-traitance au Gabon
4.1 : L’externalisation des emplois vers la sous-traitance dans les EP rendues privées
4.1.1 : La sous-traitance et réduction des agents d’exécution dans les EP rendues privées
4.1.2 : La sous-traitance et la diminution des agents d’exécution dans les EP rendues privées
4.1.3 : la sous-traitance d’exécution
4.2 : La fragilisation des travailleurs dans la sous-traitance
4.2.1 : La sous-traitante de la tâche
4.2.2 : La sous-traitance de métier et /ou de spécialisation
4.2.3 : Etat, Patronat et syndicat : quels rôles dans la protection des travailleurs dans la sous-traitance ?
Conclusion de la partie 2
Partie 3 : Privatisation et restructuration d’emploi
Introduction de la partie 3
Chapitre 5 : La structuration de l’emploi au Gabon
5.1 : Le rôle de convention collective dans la planification du travail et de l’emploi
5.1.1 : La planification des qualifications et des salaires de base conventionnelles
5.1.2 : La flexibilité et/ou la marchandisation du travail
5.1.3 : L’ouvrier de métier
5.2 : Rejet de la formation initiale
5.2.1 : La formation initiale dans les EP rendues privée
5.2.2 : Les conventions avec les grandes écoles
Chapitre 6 : La privatisation et dysfonctionnements dans la satisfaction des clients
6.1 : L’improbable satisfaction des clients
6.1.1 : De la CCDE à la SEEG
6.1.2 : Quel bilan de la privatisation de la SEEG ?
6.1.3 : Les dysfonctions et la continuité de service à la SEEG
6.2 : DE la SOSUHO à la SUCAF-Gabon
6.2.1: Historique de la SOSUHO
6.2.2 : La pénibilité du travail à la SUCAF-Gabon
6.3 : De l’OCTRA à la SETRA G
6.3.1 : Historique du CFT
6.3.2 : La maintenance de la voie CFT
6.3.3 : Le nouveau projet : la SETRAG
Conclusion de la 3ème part
CONCLUSION GENERALE