En France, 280 000 personnes sont chaque année directement concernées par le cancer qui est une des premières causes de mortalité. Seule la moitié de ces personnes environ pourra en guérir avec les armes thérapeutiques actuelles que sont la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. La radiothérapie permet de soigner à elle seule environ 12 % des patients et jusqu’à 18 % quand elle est couplée avec les autres traitements. La hadronthérapie, technique d’irradiation des cellules cancéreuses à l’aide d’ions, développée relativement récemment (1954) par rapport à la radiothérapie classique (1900), est en passe de devenir une nouvelle arme dans la lutte contre le cancer. La communauté a rapidement compris que les ions chargés, étant un vecteur de dépôt d’énergie important et localisé en fin de parcours, pouvaient être un outil efficace en thérapie. Depuis les années 1970, d’importantes recherches ont permis d’aboutir à la création d’un premier centre de thérapie par ions carbone au milieu des années 1990 au Japon. Cette technique spécifique n’en est qu’au début de son développement et n’a, à ce jour, traité que 5 000 patients dans le monde. Malgré les infrastructures volumineuses et le coût de construction de tels centres, plusieurs projets en Europe, dont ETOILE en France, montrent l’intérêt des pouvoirs publics pour cette thématique et contribuent à un réel essor de ce domaine tant du point de vue développement technologique que recherche appliquée en physique, biologie et médecine. Même si un important travail a d’ores et déjà permis la mise en exploitation de trois centres (HIMAC, HIBMC au Japon et HIT en Allemagne), d’importants travaux de recherches doivent être menées pour perfectionner les protocoles de traitement, inventer de nouveaux moyens de contrôle et valider l’intérêt thérapeutique des ions carbones sur différents types de tumeurs.
La thérapie par ions carbone
Historique de la hadronthérapie
Les différentes techniques de thérapie par rayonnements ionisants
La radiothérapie est une méthode de traitement utilisant les rayonnements ionisants pour détruire les cellules cancéreuses. Cette application est née dès la découverte des rayons X par W. C. Röntgen en 1895 et est utilisée depuis plus d’un siècle maintenant par le corps médical pour soigner les patients victimes de cancers. Au fil du temps, les technologies liées à la radiothérapie n’ont cessé de s’améliorer et différentes techniques sont apparues. l’arborescence des principales familles constituant la radiothérapie aujourd’hui. Ces familles se distinguent par la nature du projectile utilisé. Dans le cas de la radiothérapie classique, qui représente la grande majorité des traitements (200 000 patients par an en France) l’irradiation se fait par des photons (rayons X ou γ) ou par des électrons grâce à des accélérateurs d’électrons. Les hôpitaux utilisent des techniques comme par exemple la radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité (IMRT) ou plus récemment la tomothérapie.
La seconde famille regroupe l’ensemble des irradiations utilisant des hadrons comme projectile.
• Parmi les projectiles utilisés, le neutron fut le premier testé seulement six ans après sa découverte par J. Chadwick en 1932. Des essais cliniques dans les années 1975-1985 en ont posé les limites et les indications [Noë03]. Aujourd’hui, la neutronthérapie est proposée dans une demi-douzaine de centres répartis en Allemagne, en Russie, aux Etats-Unis et en Afrique de Sud. L’ensemble des ces centres sont basés sur l’accélération de protons ou deutérons envoyés sur une cible de béryllium qui produit un spectre secondaire de neutrons d’une cinquantaine de MeV en moyenne.
• Le second type d’hadrons testé fut le proton dans les années 1950 donnant naissance à la protonthérapie. A ce jour, 50 000 patients dans le monde ont été traités avec des protons et cela dans une vingtaine de centres répartis principalement aux USA, en Russie, au Japon et en Europe. Une liste des centres de protonthérapie est disponible dans la revue générale sur le domaine écrite par G. Kraft [Kra00].
• Les autres ions susceptibles d’être utilisés sont regroupés sous le terme générique de thérapie par ions « lourds ». Actuellement, seuls les ions carbone sont utilisés à des fins thérapeutiques. Il existe trois centres de ce type opérationnels en 2009, deux au Japon (HIMAC et HIBMC) et un en Allemagne (HIT). Un peu plus de 5 000 patients ont été traités par ions carbone à ce jour.
La hadronthérapie ne doit pas être vue comme une technique de remplacement de la radiothérapie classique mais comme un outil supplémentaire capable de traiter des pathologies autrement incurables. Typiquement, cela correspond à des tumeurs inopérables (cerveau), situées en profondeur et/ou proche d’organes sains à risque et/ou radio-résistantes. Le nombre de patients potentiellement concernés en France est estimé entre 3 000 et 5 000 par an.
Essor de la hadronthérapie
La hadronthérapie, et en particulier la thérapie par ions carbone, reste une technique expérimentale car relativement récente par rapport à la radiothérapie classique. En 1946, Robert. R. Wilson est le premier à proposer dans un article [Wil46] l’utilisation de protons et d’ions accélérés dans un but médical. Deux ans plus tard, l’accélération des particules à des énergies suffisantes pour traverser plusieurs centimètres de matière (plusieurs MeV/u) devient techniquement possible avec l’ouverture du premier synchrocyclotron inventé et construit au Lawrence Berkeley Laboratory (LBL). La première utilisation médicale d’hadrons commence au LBL en 1954 avec l’utilisation de protons. Très rapidement, un important travail de recherche technique et clinique dans des centres de recherche en physique nucléaire aux Etats-Unis, en Europe et au Japon a permis l’essor de la protonthérapie. L’ouverture du premier centre hospitalier de protonthérapie en Californie en 1990 marque le passage de cette technique au statut d’option de traitement contre le cancer. La recherche avec d’autres ions plus lourds continue en parallèle avec l’utilisation d’une multitude de particules différentes : neutrons, pions, antiprotons, hélium, lithium, bore, carbone, oxygène et néon. De 1975 à sa fermeture en 1992, le Bevalac (LBL) a permis de faire les premières recherches cliniques sur 433 patients avec des faisceaux de 20Ne (670 MeV/u) donnant des résultats encourageants [Pet94]. Au total, 1200 patients ont été traités au LBL avec des hadrons autres que les protons. En 1994, le Japon ouvre le premier centre de recherche en hadronthérapie par ions carbone (NIRS-HIMAC) à Chiba utilisant des techniques passives pour la conformation de la dose à la tumeur. Ce centre a été développé à partir des techniques et concepts inventés à Berkeley. Un second centre clinique (HIBMC) a ouvert ses portes à Hyōgo en 2000. Des essais cliniques viennent de débuter (mars 2010) dans un troisième centre à Gunma (GHMC). En 1997, une autre étude technique et clinique avec les ions carbone débute au GSI, centre de recherche en physique nucléaire situé en Allemagne. Cette recherche a permis le développement d’autres solutions technologiques comme l’« active scanning » qui permet une conformation de la dose à la tumeur par balayage d’un faisceau étroit. Cela a conduit à l’ouverture fin 2009 du centre clinique de hadronthérapie par ions carbone (HIT) à Heidelberg.
Effets biologiques – Dégâts des ions sur les cellules
Dose
La notion de dose est définie afin d’évaluer les dégâts liés au dépôt d’énergie dans la matière. La dose est le rapport entre la quantité d’énergie moyenne déposée dε dans un volume donné et la masse dm de ce volume.
Réponse cellulaire
Les ionisations induites par les particules chargées modifient la matière au niveau des liaisons électroniques entre les atomes et les molécules. Dans le cas de tissus cellulaires, ces modifications vont causer des dégâts biologiques. Les rayonnements ionisants peuvent avoir un effet direct sur les cellules en cassant ou en créant des liaisons covalentes entre les molécules. Mais la grande majorité des dégâts sont dus à un effet indirect : les molécules d’eau irradiées vont se décomposer en radicaux libres par radiolyse. Ces radicaux, OH. et H. , sont très réactifs car ils possèdent un électron non apparié sur leur couche externe et ils vont pouvoir casser les différentes molécules constituant les cellules. Les effets biologiques résultent principalement des dégâts engendrés par ces effets directs ou indirects sur l’acide désoxyribonucléique (ADN). Les lésions sur l’ADN peuvent être induites par des ruptures à différents niveaux de la molécule d’ADN et conditionnent la survie de la cellule. On retiendra que la rupture la plus grave engendrée par des ions est la rupture bicaténaire (cassure double brin) sur l’ADN. La cellule, suite à son endommagement, va réagir en tentant de se réparer . Si la réparation est fidèle, la cellule survit normalement. Si la réparation est fautive, la cellule mute ou meurt. Les cancers radio-induits sont dus aux mutations. Enfin, les dégâts peuvent être si importants qu’aucune réparation n’est possible, la cellule meurt alors de façon non contrôlée.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE PREMIER. LA THERAPIE PAR IONS CARBONE
A. HISTORIQUE DE LA HADRONTHERAPIE
1. LES DIFFERENTES TECHNIQUES DE THERAPIE PAR RAYONNEMENTS IONISANTS
2. ESSOR DE LA HADRONTHERAPIE
B. EFFETS BIOLOGIQUES – DEGATS DES IONS SUR LES CELLULES
1. DOSE
2. REPONSE CELLULAIRE
3. COURBE DE SURVIE
4. DOSE BIOLOGIQUE ET EFFICACITE BIOLOGIQUE RELATIVE
5. EFFET OXYGENE
C. THEORIE DES INTERACTIONS ION-MATIERE
1. DIFFUSIONS MULTIPLES SUR LES ELECTRONS DU MILIEU
a. Perte d’énergie électronique
b. Courbe de Bragg
c. Dispersion en énergie
d. Parcours d’une particule chargée
2. INTERACTIONS NUCLEAIRES ENTRE LE PROJECTILE ET LE NOYAU CIBLE
a. Collisions élastiques noyau-noyau
b. Interactions inélastiques – Fragmentation
D. EFFET DE LA NATURE DU PROJECTILE
1. AVANTAGES PHYSIQUES
2. AVANTAGES BIOLOGIQUES
CONCLUSION
CHAPITRE II. ANALYSE DES DONNEES EXPERIMENTALES
A. DISPOSITIF EXPERIMENTAL
1. DETECTION DES PARTICULES CHARGEES
2. DETECTION DES NEUTRONS
3. MONITORAGE FAISCEAU
4. ACQUISITION
B. TRAITEMENT DES DONNEES « PARTICULES CHARGEES »
1. CARACTERISTIQUES DES « RUNS »
2. IDENTIFICATION DES PARTICULES ET ETALONNAGE EN ENERGIE
a. Identification des particules chargées
b. Etude de la dérive des gains des télescopes
c. Sélection des particules
3. ETALONNAGE DES TELESCOPES EN ENERGIE
a. Etalonnage en énergie des jonctions en silicium
b. Etalonnage en énergie des scintillateurs
4. MISE EN FORME DES DONNEES
a. Prise en compte du temps mort des détecteurs
b. Bruit de fond
c. Normalisation des données et erreur statistique
d. Fusion des résultats des différents « runs »
e. Corrections apportées aux spectres en énergie
5. RESULTATS
a. Distributions angulaires
b. Distributions en fonction de l’épaisseur et en charge
c. Spectres en énergie
d. Calcul de Dose
C. TRAITEMENT DES DONNEES « NEUTRON »
1. REJECTION DES PARTICULES CHARGEES
2. ETALONNAGE EN TEMPS DE VOL
3. DISCRIMINATION NEUTRON / Γ
4. ETALONNAGE EN ENERGIE
5. ENERGIE CINETIQUE DES NEUTRONS
6. EFFICACITE DE DETECTION
7. RESULTATS
D. REMARQUES SUR LES PROBLEMES RENCONTRES ET AMELIORATIONS FUTURES
CONCLUSION
CHAPITRE III. SIMULATIONS DU DISPOSITIF EXPERIMENTAL ET ETUDE DE SON EFFICACITE DE DETECTION
A. CADRE GENERAL DES SIMULATIONS
B. SIMULATION DE L’EXPERIENCE
1. CARACTERISTIQUES GENERALES
2. EFFETS DE LA DETECTION ET DU DEPOUILLEMENT
C. ETUDE DE L’INFLUENCE DU MODELE ET DE LA PROCEDURE D’IDENTIFICATION SUR L’EFFICACITE DE DETECTION
1. DESCRIPTION DE LA SIMULATION
2. SIMULATIONS « PROTON »
a. Effet de l’énergie des protons sélectionnés
b. Effet de la technique d’identification sur le nombre de protons détectés
c. Effet du modèle sur le nombre de protons sélectionnés
3. SIMULATIONS «PARTICULES Α »
a. Effet de la technique d’identification sur les particules α
b. Effet du modèle sur le nombre de particules α sélectionnées
4. SIMULATION « CARBONE 12 »
CONCLUSION
CHAPITRE IV. COMPARAISON ENTRE SIMULATIONS ET DONNEES EXPERIMENTALES
A. DESCRIPTION DES DIFFERENTES « PHYSICSLIST » DE GEANT4 UTILISEES
1. ARCHITECTURE GENERALE DES TROIS « PHYSICSLIST »
2. MODELES INELASTIQUES INTEGRES DANS « LPC »
3. MODELES INELASTIQUES INTEGRES DANS « QGSP_BIC_EMY »
4. MODELES INELASTIQUES INTEGRES DANS « QMD»
B. MODELES NUCLEAIRES
1. VOIES D’ENTREE DES MODELES GENERAUX
a. G4BinaryLightIonReaction
b. G4BinaryCascade
c. G4QMDReaction
d. G4InelasticInteraction
2. MODELES DE VOIE DE SORTIES
a. G4PreCompoundModel
b. G4ExcitationHandler
3. SYNTHESE DES MODELES NUCLEAIRES UTILISES
C. COMPARAISONS AUX DONNEES EXPERIMENTALES
1. DISTRIBUTIONS EN CHARGE
2. DISTRIBUTIONS ANGULAIRES DES Z=1, 2 ET 4
3. CONTRIBUTIONS ISOTOPIQUES DES Z=1 ET Z=2
4. DISTRIBUTIONS EN ENERGIE DES Z=2
5. DISTRIBUTION DE DOSE
5. CONCLUSION
D. COMPARAISON DES VOIES DE SORTIE COUPLEES A QMD
1. DISTRIBUTION EN CHARGE
2. CONTRIBUTIONS ISOTOPIQUES
3. CONCLUSION
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE