Historique de la circulation extracorporelle

La circulation extra-corporelle (CEC) est une technique de suppléance de la fonction cardiaque par une pompe, de la fonction pulmonaire par un oxygénateur et un échangeur thermique, après avoir dévié le sang du bloc cœur poumon. Elle permet une chirurgie sur un cœur exsangue et inactif [34]. Que de temps parcouru depuis l’époque où la chirurgie à cœur ouvert était considérée comme utopique, voire même insensée [112]. Malgré son essor pourtant récent, au début du siècle précédent [5], la CEC s’impose aujourd’hui comme un outil incontournable de la chirurgie cardiaque moderne et de la chirurgie cardiaque pédiatrique en particulier. Pourtant, la CEC entraîne de multiples modifications physiologiques des grandes fonctions de l’organisme (neurologique, respiratoire, rénale, hématologique, cardiovasculaire…). La genèse de ces modifications ne peut être dissociée de la chirurgie cardiaque en elle-même, mais également de la procédure de CEC, des techniques d’anesthésie réanimation, des comorbidités du patient et de l’état cardiovasculaire préopératoire [81]. Les stratégies d’économie de sang sont les techniques d’épargne sanguine tant pharmacologiques que mécaniques visant à réduire le recours aux produits sanguins homologues lors de la chirurgie cardiaque [74]. Se basant sur ces constats, nous nous proposons d’étudier les complications secondaires à l’utilisation de la CEC en chirurgie cardiaque pédiatrique et les stratégies d’économie de sang qui l’accompagnent. Notre étude a pour cadre le nouveau centre de chirurgie cardio pédiatrique CUOMO qui a débuté ses activités en Janvier 2017 à Dakar au Sénégal. Nous étudierons le cas des patients opérés sous circulation extra-corporelle de janvier à décembre 2017. Notre étude est rétrospective et a pour support les dossiers des patients opérés.

Généralités

Historique de la circulation extra-corporelle

L’idée d’une perfusion artificielle revient au physiologiste français Jean-Jacques Le Gallois qui avait perfusé la tête de lapins décapités pour prouver que la circulation du sang maintenait la fonction de l’organe. Le prototype de machine cœur-poumon avec contrôle de la température a été imaginé en 1884 par Von Frey et Gruber, mais c’est Hooker, en 1915, qui a construit le précurseur des oxygénateurs à film: il s’agissait d’un disque de caoutchouc sur lequel le sang se répandait en un film oxygéné par contact direct avec un flux d’O2. Ces montages avaient peu de succès, car le sang coagulait très rapidement. En effet, il a fallu attendre la découverte de l’héparine en 1916 et celle de la protamine 20 ans plus tard pour que ce problème soit résolu. Ce n’est qu’en 1937 que John Gibbon créa la première machine de circulation extra corporelle (CEC) complète qui permette la survie d’animaux en laboratoire; l’oxygénateur était un écran à disques rotatifs. Le 5 avril 1951 à Minneapolis, Dennis utilisait pour la première fois une machine de CEC en clinique pour procéder à la correction d’un canal atrioventriculaire chez un enfant de 6 ans; ce fut un échec chirurgical. L’année suivante, la deuxième tentative (fermeture de CIA) se solda également par le décès de l’enfant. Cependant, le 20 mai 1953, à Philadelphie, la machine de Gibbon permit de fermer avec succès une CIA chez un patient de 18 ans au cours d’une CEC de 45 minutes. Pour Gibbon, c’était l’aboutissement de 23 ans de recherche et de conceptions de circuits extracorporels. Il devint ainsi le «père de la CEC» et le premier perfusionniste de l’histoire. Les premiers circuits de CEC étaient encombrants et dangereux; ils requéraient un amorçage avec plusieurs litres de sang, et fonctionnaient avec un oxygénateur fait de grands disques plongeant partiellement dans le sang et tournant dans une chambre pleine d’oxygène. Le tout était lavé et réutilisé pour un autre patient. Seuls les tuyaux étaient à usage unique. C’était le cas de la première machine lausannoise, celle de Livio-Mettraux, qui date de 1960. Le problème de l’oxygénateur restait lancinant, car les modèles à disques causaient d’innombrables ennuis et manquaient d’efficacité. Dès 1956, DeWall et Lillehei dessinèrent un système réalisable en plastique et consistant en une chambre où le sang était oxygéné par barbotage de bulles d’oxygène, surmontée d’une chambre de débullage remplie d’un agent anti-mousse et d’un réservoir hélicoïdal. Le premier appareil de ce type largement utilisé en Europe fut celui de Rygg et Kyvsgaard; c’était un sac de polyéthylène jetable contenant l’ensemble des éléments; il fut très répandu jusqu’à la fin des années soixantedix parce qu’il était simple, efficace et bon marché. Mais l’oxygénateur à bulles restait une cause majeure d’embolies gazeuses; de plus, dès que la CEC dépassait une heure, le contact direct du sang avec l’air entraînait une dénaturation protéique et une activation du complément qui étaient la cause d’un syndrome inflammatoire systémique massif et très souvent d’un SDRA (syndrome de détresse respiratoire aigüe), que l’on appelait le pumplung. Comme les membranes de dialyse rénale étaient performantes, l’idée vint de les utiliser pour la diffusion de l’O2 sans que ce dernier soit en contact direct avec le sang. On utilisa des plaques d’éthyl-cellulose, puis de silicone, arrangées en couches ou en tubules. Bien que les problèmes de contact air-sang soient résolus, les oxygénateurs à membranes ont mis du temps à s’imposer à cause de leur complexité et de leur prix. Actuellement, leurs perfectionnements et leur facilité d’utilisation en font les seuls systèmes utilisés dans les machines de CEC; ils consistent en un bloc comprenant l’oxygénateur, le réservoir veineux, l’échangeur thermique. A l’exception de la pompe, tous les éléments de la CEC sont maintenant à usage unique. Le circuit comprend également de nombreux systèmes de sécurité qui n’existaient pas sur les premiers modèles: moniteur de bulles, filtres artériels et veineux, monitorage de SaO2 et de SvO2, asservissement de la pompe au niveau  du réservoir, etc. Les travaux actuels portent essentiellement sur l’amélioration de la biocompatibilité des surfaces de contact et sur la miniaturisation de tout le système.

La circulation extracorporelle

La machine et les circuits de CEC

Schéma général 

Le but du cœur-poumon artificiel est de prendre en charge de façon temporaire la circulation et l’hématose d’un patient. Ainsi, l’ouverture des cavités cardiaques devient possible et la chirurgie est réalisée sur un cœur exsangue et arrêté. Le sang du patient est dérivé du cœur droit veineux vers l’oxygénateur, qui étant couplé à un échangeur thermique, permet son oxygénation et sa décarboxylation, en même temps que son refroidissement ou son réchauffement. Il est ensuite propulsé par une pompe, dite artérielle, vers l’aorte. Les matériaux : canules, tubing, réservoir de cardiotomie, oxygénateur, filtre sont à usage unique. À côté de ces éléments clés, sont rassemblées, sur une console mobile, une ou plusieurs pompes assurant la récupération du sang épanché en intrathoracique et intracardiaque, et la décharge des cavités cardiaques à certaines phases de l’intervention. Un circuit indépendant est utilisé pour effectuer la cardioplégie. Les autres principaux éléments du circuit sont, d’une part, des éléments de sécurité : filtre artériel, alarmes, prise de pression, et d’autre part, des éléments permettant un monitorage en continu des paramètres biologiques et biochimiques du patient. Enfin, si nécessaire, un hémoconcentrateur peut être placé en parallèle.

Circuit artériel, filtres et shunt

Deux matériaux différents sont utilisés pour les tuyaux: le polychlorure de vinyle (PCV) et les silicones. Le PCV, transparent, rejette peu de particules mais présente une tenue limitée à la traction et à l’étirement. Le silicone respecte mieux la déformabilité des globules rouges et diminue l’agrégation plaquettaire, mais libère facilement des particules. Comme les surfaces étrangères et le contact avec l’air sont les sources principales des altérations de la coagulation, de l’hémolyse et du syndrome inflammatoire systémique post-pompe, la recherche autour des améliorations possibles des circuits de CEC est très active. On suit actuellement plusieurs pistes, parmi lesquelles:

➤ Les circuits préhéparinés: l’adhésion sélective de protéines plasmatiques sur la surface étrangère conduit à la création d’un film moléculaire qui empêche la progression de la cascade de la coagulation. L’adhésivité plaquettaire est réduite, de même que l’activation du complément et l’adsorption des facteurs de coagulation. On peut diminuer l’ACT (Activated Clotting Time) requis à 250-300 sec, mais le sang ne peut pas stagner dans le circuit, car le risque de voir se former des thrombi dans le réservoir ou l’oxygénateur est élevé. Il faut donc maintenir la circulation dans la CEC au moyen d’un court-circuit entre la canule artérielle et la canule veineuse.
➤ Les circuits rendus biocompatibles par imprégnation de polymères (poly2 méthoxy-éthyl-acrylate, phosphorylcholine, siloxane) ou de molécules anti-inflammatoires (facteur H inhibant le complément C3a, phospholipides de la membrane plaquettaire). Ces substances freinent la cascade du complément et l’activation leucocytaire.

Concernant les canules: après le tuyau de 3/8 pouce qui la relie à la pompe, l’extrémité de la canule artérielle est l’endroit le plus étroit de tout le circuit (diamètre interne: 7-8 mm). C’est donc le lieu du gradient de pression le plus élevé. Normalement, ce gradient ne doit pas dépasser 100 mm Hg à un débit de 2.5 L/min/m2 ; au-delà, le risque d’hémolyse et de dénaturation protéique est excessif. La canule artérielle est dotée d’un système de fixation à la paroi vasculaire et d’un robinet à trois voies pour purger l’air et, accessoirement, y mesurer la pression. Lorsque la canule aortique est en place et fixée, on laisse refluer le sang artériel pour éliminer les débris et les bulles d’air par le robinet de purge. Le contrôle de la pulsatilité du sang dans la canule assure que la position est correcte dans la lumière de l’aorte; si la canule est intrapariétale (dissection), le sang qui reflue n’est pas pulsatile. La canule artérielle est implantée le plus souvent dans l’aorte ascendante. Il en existe deux types :

● La canule à embout rigide coudé à angle droit ; introduite perpendiculairement à la paroi aortique antérieure, elle débite dans l’axe au niveau de la racine aortique ;
● La canule souple de type Bardic™ : introduite tangentiellement, elle débite plus distalement dans la crosse.

Un filtre micropore (40 microns) couplé à un “piège à bulles” est installé sur le circuit artériel, comme dernière étape avant l’aorte du malade. Il a pour but d’éliminer les particules qui pourraient emboliser, et de supprimer tout risque d’embolie gazeuse artérielle. La trappe à bulle peut être ouverte à l’air ambiant pour éviter que le système ne se mette sous pression, ou purgée en continu (200 mL/min), le sang étant renvoyé dans le réservoir veineux. On monte également un filtre du côté veineux (20-40 microns), parce que les aspirations que l’on utilise dans le champ opératoire une fois le malade hépariné ramènent le sang dans le réservoir veineux. Ce sang contient des cellules, des débris et des procoagulants qu’il faut éliminer. On doit prévoir des systèmes de shunt pour court-circuiter certains éléments en cas de défaillance. Un shunt est aussi nécessaire pour faire circuler le liquide d’amorçage avant que la machine soit connectée au malade. Ce sont :
● Le shunt du filtre artériel: il maintient la perfusion artérielle au cas où le filtre se boucherait, ce qui est rarissime ;
● Le shunt distal entre la canule artérielle et la canule veineuse: il sert à faire circuler le liquide d’amorçage. Il est obligatoire dans les circuits préhéparinés qui fonctionnent avec des ACT de 250 secondes.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. Généralités
1.1. Historique de la circulation extracorporelle
1.2. La circulation extracorporelle
1.2.1 La machine et les circuits de CEC
1.2.1.1 Schéma général
1.2.1.2 Circuit artériel, filtres et shunts
1.2.1.3 Drainage et réservoir veineux
1.2.1.4 L’oxygénateur et l’échangeur thermique
1.2.1.5 Les circuits d’aspiration
1.2.1.6 Les pompes
1.2.1.7 Le liquide d’amorçage
1.2.1.8 La cardioplégie et la protection myocardique
1.2.1.9 L’hémofiltration
1.2.1.10 L’anticoagulation en CEC
1.2.1.11 Mini – CEC
1.2.2 La physiopathologie de la CEC
1.2.2.1 Les aspects hématologiques
1.2.2.2 Le syndrome inflammatoire systémique
1.2.2.3 L’hémodynamie : pression artérielle moyenne, débit de la pompe et transport d’oxygène
1.2.2.4 L’hypothermie
1.2.2.5 Les embolies gazeuses
1.2.2.6 Le bilan hydrique et métabolique
1.2.2.7 La fonction cérébrale : protection cérébrale, surveillance neurologique, séquelles neurologiques
1.2.2.8 La fonction rénale : insuffisance rénale et protection rénale
1.2.2.9 La fonction hépato-splanchnique
1.2.2.10 La fonction pulmonaire et ventilation
1.2.3 L’installation, le déroulement et le sevrage de la CEC
1.2.3.1 La préparation du malade
1.2.3.2 L’installation chirurgicale de la circulation extracorporelle
1.2.3.3 Le mise en route et déroulement de la CEC
1.2.3.4 Le sevrage de la CEC
1.2.4 Les spécificités de la CEC chez l’enfant
1.3 Les complications de la CEC
1.3.1 Les incidents et accidents per-CEC
1.3.2 Les complications post-CEC
1.3.2.1 Les complications neurologiques
1.3.2.2 Les complications pleuropulmonaires
1.3.2.4 Les complications rénales
1.3.2.5 Les complications cardio-vasculaires
1.3.2.6 Les complications hépatosplanchniques
1.3.2.7 Les complications infectieuses
1.3.2.8 Les complications hydro-électrolytiques et métaboliques
1.3.2.9 Les complications hématologiques
1.4 Les stratégies d’économie de sang
1.4.1 L’augmentation de la masse globulaire préopératoire
1.4.2 La récupération du sang épanché et réinfusé
1.4.3 L’hémodilution normovolémique
1.4.4 Les antifibrinolytiques
1.4.5 Autres stratégies d’économie de sang
DEUXIÈME PARTIE
2.1 Le type d’étude
2.2 Population d’étude
2.3 Le cadre de l’étude
2.4 Déroulement de l’étude
2.5 Méthodologie
2.6 Analyse des données
3 Résultats
3.1 Etude synthétique
3.1.1 Données démographiques
3.1.2 Données cliniques et paracliniques
3.1.3 Type d’intervention
3.1.4 Données opératoires
3.1.5 Complications post CEC
3.1.6 Durée du séjour en réanimation
3.2 Etude analytique
4 Discussion
4.1 Données démographiques
4. 2 Données cliniques et paracliniques
4.3 Données opératoires
4.4 Complications post-CEC
4.4.1 Complications métaboliques
4.4.2 Complications hématologiques
4.4.3 Complications cardiovasculaires
4.4.4 Complications pulmonaires
4.4.5 Complications infectieuses
4.4.6 Complications hépato-splanchniques
4.4.7 Complications rénales
4.4.8 Complications neurologiques
4.4.9 Durée du séjour en réanimation et mortalité postopératoire
4.5 Stratégies d’économie de sang
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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