La santé de la mère et de l’enfant est un sujet préoccupant dans le monde, notamment en Afrique ou les conditions socio-économiques défavorables exposent à de nombreuses complications liées à la grossesse et à l’accouchement. « La grossesse et l’accouchement ont depuis l’origine des temps fait courir à la femme un risque mortel » déclarait Rivière en 1959 [57]. Cette assertion de Rivière reste une vérité non seulement de son temps mais aussi de nos jours. Ce risque qui hante chaque obstétricien explique l’importance des recherches et travaux réalisés depuis longtemps afin d’assurer les issues les plus favorables à la grossesse et à l’accouchement.
Le risque de la grossesse lié à la parité a longtemps préoccupé les obstétriciens. Le concept d’un seuil de risque pour la relation entre la parité et la grossesse est une question préoccupante depuis des décennies. Dans certaines études, des associations ont été trouvées entre la parité et l’issue défavorable de la grossesse ; d’autres ont conclu que la parité n’influençait pas l’issue de grossesse [3]. La pensée constante de l’obstétricien de faire naître un enfant indemne d’anoxie ou de traumatisme le rend beaucoup plus large dans les indications, ceci d’autant plus chez la primipare qui n’a pas encore fait la preuve de sa capacité d’accoucher par les voies naturelles.
Définition de la césarienne
La césarienne est une intervention chirurgicale qui permet d’extraire le fœtus par voie abdominale après incision de la paroi abdominale (laparotomie) et de l’utérus (hystérotomie).
Historique de la césarienne
Dès l’antiquité, sont évoquées des naissances par voie abdominale au sein de sociétés différentes et dans des zones géographiques éloignées les unes des autres. Une tablette cunéiforme évoque ainsi l’adoption d’un garçon né par voie abdominale par le roi HAMMURABI de Babylone (1795-1750 avant J-C) [43]. Dans la mythologie grecque, on retrouve également traces de naissance par voie abdominale. Ainsi, Zeus, ayant tué SEMELE enceinte de 6 mois, retira DYONISOS du corps sans vie de sa mère et le réimplanta dans sa cuisse jusqu’à maturité [67]. Néanmoins, aucun traité de médecine Grecque de l’antiquité ne décrit de technique de césarienne. Cela pourrait s’expliquer car les cas de césariennes post-mortem à cette époque étaient confiés aux esclaves [25]. Les hébreux évoquent aussi la possibilité d’une césarienne post-mortem dans le TALMUD : « si une femme meurt pendant qu’elle est en travail, il faut prendre un couteau et lui ouvrir le ventre pour extraire l’enfant. En général, l’enfant meurt déjà avant la mère… mais il est arrivé que l’enfant ait encore bougé 3 fois après la mort de sa mère » [1]. L’influence de la religion en Europe pendant le Moyen-Age est à la fois à l’origine de la limitation de certains travaux anatomiques et de l’absence de rapports de tentatives de césariennes post-mortem mais également la raison pour laquelle certains documents ont été réalisés sur l’accouchement par voie abdominale. Le but recherché à cette époque n’était néanmoins pas la survie fœtale ni celle de la mère, mais de pouvoir décider de la nécessité ou non de baptiser le fœtus. Le concile de Trève en 1310 note ainsi que : « Lorsqu’une femme meurt en couches, il faut tenter sans délai l’opération césarienne et baptiser l’enfant s’il vit encore. S’il est mort, il faudra l’enterrer en dehors du cimetière. Si on peut présumer que l’enfant est mort dans le sein de la mère, il n’y a pas lieu de faire l’opération et on ensevelira la mère et l’enfant dans le cimetière »[1].
Les premières tentatives de naissance par voie abdominale que l’on a rapportées, réalisées sur femmes vivantes, datent du XVIème siècle [4]. Jacques NÜFER un éleveur de porcs suisse serait le premier à avoir réalisé cette intervention en l’an 1500. La femme de ce dernier étant resté de longues heures sans mettre au monde l’enfant malgré l’intervention d’une bonne douzaine de sages-femmes, et après avoir demandé l’assentiment des autorités de l’époque, il décida de pratiquer luimême une incision abdominale dans le but d’extraire le nouveau-né. L’enfant vécut, la femme également. Elle donna naissance par la suite à 5 enfants par voie basse. Si la paternité de la première césarienne lui est contestée, c’est que le récit évoque très probablement un cas de grossesse abdominale à terme. D’autres praticiens peuvent être les pères de la première césarienne réussie sur femme vivante, mais il est parfois difficile d’authentifier les récits de l’époque. On cite néanmoins les cas de Cristopheres Bainus en 1540 ou de Trautmann et Seest en 1610. Dans le dernier cas, Trautmann reçut une patiente enceinte dans les suites d’un traumatisme. Il constata la présence de l’utérus sous la peau. Il put extraire l’enfant par voie abdominale et laissa l’utérus marsupialisé à la peau. L’utérus involua. L’enfant survécut, mais la patiente mourut brutalement 15 jours après l’intervention dans un tableau clinique évocateur d’une embolie pulmonaire [25]. Le terme de « césarienne» lui-même a été utilisé pour la première fois lors de cette même époque par François Rousset en 1581 dans un livre intitulé Traité nouveau de l’hystérotomotokie ou enfantement caesarien : « Qui est extraction du ventre et matrice de la femme grosse ne pouvant autrement accoucher. Et ce, sans préjudicier à la vie de l’un ni de l’autre ; ni empêcher la fécondité maternelle par après ». Aucun élément ne nous permet de savoir à ce jour pourquoi il a choisi d’utiliser ce terme. Trois principales hypothèses sont actuellement retenues :
• la première hypothèse fait référence au texte romain qui légalisait l’opération ; la Lex Regia. Après la chute de la royauté et l’avènement des Césars, cette loi fut nommée Lex Caesarea [12] ;
• la seconde hypothèse fait du mot « césarienne » une dérivation du mot latin caedere qui veut dire couper [59] ;
• la dernière hypothèse fait également appel à la période latine en souvenir de la naissance de Jules César qui aurait eu lieu, selon un mythe lié la traduction d’un texte de Pline l’ancien, par césarienne. En fait, Jules César n’est probablement pas né par voie abdominale car sa mère, de nombreux documents historiques en attestant, a survécu des années après son accouchement, ce qui est parfaitement incompatible avec les moyens chirurgicaux et les conditions d’hygiène de l’époque. En outre, Pline l’ancien avait en fait écrit que le premier des césars était né par césarienne. Or, pour Pline, le premier des césars n’était probablement pas Jules César mais Scipion l’Africain à qui fût décerné le titre de César après sa victoire sur Carthage à Zama .
Ce n’est réellement que vers le milieu du XIXème siècle, avec l’évolution du matériel chirurgical, des connaissances anatomiques, l’apparition de l’asepsie et de l’anesthésie, mais également avec le souci de chercher une autre possibilité de la voie basse dans certaines indications, que le corps médical envisage à nouveau les possibilités d’améliorer le pronostic effroyable lié à une naissance par voie abdominale. La suture de l’hystérotomie était, au cours du XIXème siècle, considérée comme dangereuse car se compliquant d’infection et empêchant un bon drainage. Porro eut l’idée de pratiquer dans les suites immédiates de la césarienne une hystérectomie subtotale. Il mettait également en place un garrot hémostatique sur le segment inférieur. La première intervention qu’il pratiqua le 21 mai 1878 sur une naine rachitique dont la disproportion foeto-maternelle rendait impossible un accouchement par voie basse fut un succès avec survie de l’enfant et de la mère. Si l’hystérectomie était le prix à payer lors de cette intervention, la diminution de la mortalité rendait pour la première fois cette intervention acceptable. En 1907, Truzzi recense 1097 interventions de Porro avec une survie maternelle de 75,2% et une survie fœtale de 78% .
Rappels anatomiques de l’utérus gravide
Au cours de la grossesse, le pelvis subit de nombreuses modifications physiologiques :
❖ augmentation majeure de la vascularisation artérielle et veineuse ;
❖ hypertrophie du péritoine viscéral ;
❖ clivage des plans anatomiques facilité par l’imbibition gravidique des tissus ;
❖ évolution des rapports entre l’utérus gravide et les différents organes pelviens.
La hauteur utérine à terme est de 30 à 34 cm (longueur du corps utérin dans son axe longitudinal), ce qui amène le fond utérin en contact avec les coupoles diaphragmatiques. Mais plus encore que l’augmentation globale du volume de l’organe, c’est la formation du segment inférieur qui est la modification anatomique la plus spectaculaire de la région .
Le segment inférieur est une entité propre à l’utérus gravide, correspondant à la partie basse, amincie, de l’utérus gravide située entre le corps et le col utérin [38]. Il se constitue à partir du 6ème mois chez une primipare, beaucoup plus tard chez une multipare, aux dépens de l’isthme et de la partie supérieure du col. Sa minceur, sa vascularisation réduite et son caractère éphémère en font une région de choix pour l’incision des césariennes. La paroi antérieure qualifiée de face chirurgicale par Kamina mesure environ 8 cm de hauteur sur 10 cm de largeur. Son épaisseur est de 0,3 à 0,5 cm. La minceur est d’autant plus marquée que la présentation est engagée. Sa limite supérieure est délimitable et correspond à la limite inférieure de l’accolement du péritoine sur l’utérus. Elle est parfois marquée par l’inconstante veine coronaire de l’utérus. Le segment inférieur est formé de trois tuniques (de Tourris) :
✓ la séreuse est faite du péritoine viscéral qui tapisse tout l’utérus ; en cette zone il est décollable ;
✓ la musculeuse a deux couches :
o la couche superficielle composée de fibres longitudinales est très réduite ;
o la couche profonde est constituée par l’archéo-myomètre et le paléomyomètre dont les fibres sont à direction principalement transversale et enserrent des plexus veineux beaucoup moins développés qu’au niveau du corps utérin. La direction de ces veines est également transversale.
Cette disposition anatomique justifie l’hystérotomie segmentaire transversale qui se fera dans le sens des fibres, d’autant plus que celle-ci sera de petite taille, élargie secondairement par digitoclasie « atraumatique » dans un axe. Il faut souligner que :
• le segment inférieur est riche en éléments conjonctifs ce qui favorise la cicatrisation;
• la muqueuse est ici moins épaisse ;
• le segment inférieur est recouvert étroitement par le fascia pré-segmentaire, émanation du fascia pré-cervical; cette lame blanc-nacrée toujours facilement clivable représente l’élément essentiel de la solidité de la cicatrice d’hystérotomie.
La vascularisation du segment inférieur est moins riche que celle du corps utérin.
Les artères du segment inférieur sont essentiellement des branches des cervicovaginales plus nombreuses, sinueuses, de direction transversale.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. Définition de la césarienne
II. Historique de la césarienne
III.Rappels anatomiques de l’utérus gravide
IV.Indications et classification des césariennes
1. Indications selon l’entrée en travail
o Indications portées en salle de naissance
o Césarienne prophylactique ou programmée
2. Classification de Maillet et Boisselier
3. Classification selon le degré d’urgence : Classification de Lucas
4. Classification selon les caractéristiques de la patiente : Classification de Robson
V. Techniques de la césarienne
1. Préparation du chirurgien
2. Matériel chirurgical
3. Préparation de la malade
4. Choix du type d’incision
5. Technique de Misgav Ladach (ML) dite de Cohen-Starck
6. Autres techniques
7. Cas particuliers
VI.Complications de la césarienne
1. Complications anesthésiques
2. Complications per opératoires
3. Complications post-opératoires
VII. Risques obstétricaux liés à la parité
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. Objectifs
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
II. Cadre d’étude
1. Description du site d’étude
2. Description du centre de santé Philippe Maguilen Senghor
III.Patientes et méthode
1. Type d’étude
2. Période d’étude
3. Critères d’inclusion
4. Collecte et analyse des données
5. Paramètres étudiés
6. Définitions opérationnelles
IV.Résultats
1. Résultats descriptifs
1.1. Données épidémiologiques et antécédents
1.2. Données de la grossesse et de l’accouchement
1.3. Données néonatales
1.4. Pronostic maternel
2. Résultats analytiques
2.1. Mode d’admission et parité
2.2. Age gestationnel à l’accouchement et parité
2.3. Présentation fœtale, mode d’accouchement et parité
2.4. Score d’Apgar à la première minute et parité
2.5. Poids fœtal à la naissance et parité
2.6. Indications principales de césarienne et parité
2.7. Complications obstétricales et parité
V. Discussion
1. Limites de l’étude
2. Poids du nouveau-né et parité
3. Taux de césarienne
4. Indications de césarienne
5. Complications obstétricales et parité
6. Létalité
CONCLUSION
REFENCES