Décrit pour la première fois par Théodore Bilharz en 1851 [1], le Schistosoma hematobium (SH), le ver responsable de la bilharziose urinaire est à l’origine d’une parasitose endémique dans plusieurs régions d’Afrique et d’Asie. C’est un parasite des plexi veineux péri viscéraux urinaires et génitaux. La ponte ovulaire par les vers femelles, dans la sous muqueuse des organes cibles, provoque des réactions cellulaires de type inflammatoire (granulome) qui évolue vers une fibrose sclérosante et/ou des calcifications. Ces lésions tissulaires irréversibles sont surtout observées en cas d’infections massives et répétées. EIles sont responsables de sténoses des voies excrétrices et de cancers de la vessie [55]. Même dans les zones où la prévalence est faible, la BUG peut être responsable de lésions sévères et redoutables [80].
Le traitement de la bilharziose urogénitale par les schistosomicides est inefficace au stade de fibrose ou de calcifications. Le traitement chirurgical peut être proposé dans ces cas. Au Sénégal, la bilharziose urogénitale (BUG) est endémique. Le Ministère de la Santé Publique du Sénégal a initié en 2004 un programme national de lutte contre les bilharzioses (PNLB). Ce programme avait pour objectif principal de détecter et d’évaluer la charge parasitaire en SH sur les enfants âgés de 9 à 14 ans sur toute l’étendue du territoire national [79].
Historique de la bilharziose urogénitale
Les schistosomes possèdent une longue histoire de vie commune avec l’organisme humain. La bilharziose a été décrite sur un papyrus (datant d’environ 1900 avant J.C), retrouvé dans les ruines de la ville de Kahun en Egypte [69]. Déjà citée dans le papyrus d’Eber (1500 avant JC), l’existence de la bilharziose à Schistosoma haematobium a été établie par la découverte d’œufs calcifiés dans la vessie d’une momie égyptienne de la vingtième dynastie (plus de 1000 ans avant JC) [69]. Au moyen âge, les médecins arabes parlaient de «pissements de sang» des caravaniers revenant de Tombouctou pour évoquer le symptôme cliniquement remarquable de la bilharziose urinaire qu’est l’hématurie. Ces hématuries étaient également signalées par les chirurgiens de l’armée de Bonaparte en Egypte [38]. En 1749, le bulin (Bulnus), mollusque hôte intermédiaire de Schistosoma haematobium, était déjà connu d’Adanson au Sénégal [38]. En 1851, un médecin parasitologue Allemand du nom de Théodore Bilharz identifia dans la veine porte d’un paysan égyptien des petits vers blancs au cours d’une autopsie réalisée au Caire. Il nomma cette première espèce de schistosome : Distomum haematobium dénommé plus tard Schistosoma haematobium. En 1910, Sir Armand Ruffer décrivait les œufs typiques de Schistosoma haematobium trouvés dans les reins de deux momies égyptiennes datant de 120 à 1000 ans avant JC. En 1913, KenosureMiyari et Masatsuki découvrirent l’hôte intermédiaire et reconstituèrent le cycle biologique du parasite chez l’escargot. De 1915 à 1918, les travaux de Leiper menés au Japon et en Egypte ont permis d’aboutir à la description du cycle complet des schistosomes, montrent l’existence d’espèces distinctes de gastéropodes appartenant à des sous familles différentes et que les parasites pénètrent à travers la peau de l’homme sous forme de larvaire.
Au Sénégal, selon Diallo [21], la présence de la bilharziose a été mentionnée pour la première fois par A. Le Dantec au début du 20ième siècle et les premiers travaux ont été effectués en 1908 par Bouffard et Neveux sur 20 cas de la bilharziose vésicale à Bakel [21]. De nombreux travaux sur des cas particuliers de la bilharziose urogénitale ont été réalisés avant et après la seconde guerre mondiale, mais c’est en 1958 que les premières enquêtes de terrain furent menées dans le pays. En 1965, l’existence de la bilharziose sur toute l’étendue du territoire, excepté la zone semi-aride du Ferlo, a été affirmée par Diallo [21]. Depuis le début des années 70, de nombreuses enquêtes ont été menées à travers tout le pays surtout dans la région de Saint Louis.
Parasitologie
Le parasite
Schistoma haematobium (S. haematobium) est un métazoaire de l’embranchement des plathelminthes, de la classe des trématodes, de la famille de Schistosomatidae et du genre Schistosoma. Il existe sous deux formes durables, le ver adulte et l’œuf et des formes éphémères : la cercaire et le schistosmule. Sexués à l’état adulte, les vers se présentent sous forme de mâles et de femelles d’aspects bien différenciés. Les œufs de S. haematobium sont grands mesurant en moyenne 150 mm sur 60 mm. Ils sont de forme ovalaire, réguliers et présentent un éperon terminal. Ils contiennent un embryon cilié mobile, le miracidium, qui disparait s’il ne peut éclore dans milieu favorable. Les œufs deviennent alors irréguliers et peuvent, s’ils ne sont pas détruits ou éliminés, se calcifier et être ainsi retrouvés dans le reste de son hôte, plusieurs siècles après le décès. Les stades intermédiaires correspondent aux cercaires et aux schistosomules qui constituent de brèves étapes de métamorphose dans le cycle parasitaire.
Le cycle de transmission de la schistosomiase
Quand des œufs de schistosoma excrétés par un individu malade se retrouvent dans la nature, ils restent viables au-delà de 7 jours. En contact avec l’eau douce, les œufs éclosent et libèrent une forme larvaire appelée miracidium. Ce dernier cherche un mollusque d’eau douce et s’y loge [39]. Le mollusque ou hôte intermédiaire diffère d’une forme de bilharziose à une autre. Pour Schistosoma haematobium, il s’agit du bulin appartenant au genre Bulinus. Au sein du mollusque, le miracidium se multiplie de façon asexuée en des larves appelées sporocystes. Les sporocystes après maturités deviennent des furcocercaires (cercaires à queue fourchue) et le mollusque les libères 4 à 6 semaines après qu’il a été infesté. Un mollusque infesté par un seul miracidium peut relâcher des milliers de furcocercaires par jour et ceci pendant plusieurs mois. Ces derniers restent viables 72 heures ou plus dans l’eau. La pénétration du furcocercaire chez l’hôte définitif (homme) se fait par transcutannée lors de périodes de baignades en eau douce et stagnante. Deux à quatre jours après avoir infesté un homme, le furcocercaire qui a subi des modifications morphologiques et biochimiques (notamment la perte de sa queue) se transforme en schistosomule. Ce dernier quitte le derme, gagne la lumière d’un vaisseau lymphatique ou sanguin puis arrive au cœur et aux poumons où il séjourne quelques jours. Il quittera les poumons pour regagner le système circulatoire péri hépatique où il se différencie en schistosome adulte mâle ou femelle sexuellement mûr. La femelle atteint sa maturité sexuelle dès lors qu’elle se loge dans canal gynécophore du mâle. Le couple migre alors dans le lieu où il se localisera définitivement. Chez l’homme, les vers adultes manifestent un tropisme électif pour les plexi veineux péri-vésicaux. La femelle pondra des œufs à éperon terminal en continu (jusqu’à 400 œufs par jour) dans les parois rectales et vésicales [39]. Et cela, pendant toute la durée de vie du couple qui varie entre 3 et 5 ans en moyenne mais qui excède parfois 30 ans. Une partie des œufs produits reste piégée dans les tissus et est responsable de la maladie. L’autre partie des œufs est excrétée dans les selles ou es urines et se trouve ainsi dans le milieu extérieur environ deux mois après l’infestation pour redémarrer un autre cycle de développement.
Rappels épidémiologiques
La fréquence et répartition géographique
La bilharziose touche plus de 200 millions de personnes en zone rurale ou périurbaine dont 120 millions présente les symptômes de la maladie et 20 millions doivent faire face à des conséquences graves [63]. Dans de nombreuses régions, une grande proportion d’enfants de moins de 14 ans sont infectés. On estime que dans le monde 650 millions de personnes vivent en zone d’endémie [63]. Par ailleurs, 85% des infections sont localisées en Afrique subsaharienne soit 165 millions de cas [63]. La bilharziose uro-génitale est présente dans 53 pays d’Afrique. On estime à 70 millions le nombre de personnes souffrant actuellement de la maladie et chez lesquelles, la présence de sang dans les urines témoigne d’une atteinte de la vessie ou du système urinaire [35].
Au Sénégal (figure 3), la bilharziose uro-génitale est essentiellement rencontrée dans les zones d’irrigation, les barrages et le long des cours d’eaux [79]. Les différentes enquêtes nationales réalisées sur les schistosomiases montrent que les zones de fortes prévalences se trouvent dans les régions du Nord (83% dans le district de Dagana) et de l’Est (76% dans le district de Goudiry) [64].
Rappels anatomiques
Anatomie de l’appareil urinaire
Les reins
Les reins sont au nombre de deux, droit et gauche. Chaque rein à la forme d’un haricot à deux faces lisses, deux pôles, un hile interne, au niveau duquel cheminent les vaisseaux rénaux (artère et veine) et le bassinet qui se poursuit vers le bas par l’uretère. Le rein, dont le grand axe est oblique en bas et en dehors mesure environ 12 cm en hauteur (3,5 vertèbres), 6 cm en largeur et 3 en épaisseur. Les reins sont des organes rétro-péritonéaux, situés de part et d’autre de la colonne vertébrale, entre la 11ième vertèbre dorsale et la 3ième vertèbre lombaire. Le rein droit est plus bas que le gauche. Ils sont vascularisés par l’artère rénale qui naît de l’aorte, et par la veine rénale qui se jette dans la veine cave. Les reins sont contenus dans une loge fibreuse, entièrement close, appelée la loge rénale. Les séquelles de bilharziose urogénitale touchent rarement le rein.
L’uretère
C’est un canal musculo-membraneux, cylindrique de 25 à 30 cm de long qui fait suite au bassinet et s’abouche à la vessie sur face postérieure, au niveau du trigone vésical par les méats urétéraux (système anti-reflux). Son diamètre est de 0,5 cm environ, et présente des rétrécissements peu accusés au niveau de la jonction avec le bassinet (jonction pyélo-urétérale), du croisement avec les vaisseaux iliaques et à son entrée dans la vessie. On lui distingue 3 segments:
● Lombaire (10 cm)
● Iliaque (3 cm)
● Pelvien (12 cm)
L’uretère est un organe entièrement rétro et sous péritonéal. Il a une direction verticale dans l’ensemble. Il est soumis à des ondulations péristaltiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. Historique de la bilharziose urogénitale
II. Parasitologie
II.1. Le parasite
II.2. Le cycle de transmission de la schistosomiase
III. Rappels épidémiologiques
IV. Rappels anatomiques
IV.1. Anatomie de l’appareil urinaire
IV.2. Anatomie de l’appareil génital masculin
V. Physiopathologie
VI. Anatomie pathologie
VII. Diagnostic des séquelles de bilharziose urogénitale
VII.1. Diagnostic positif
VII.1.1. Circonstances de découverte
VII.1.2. Examen physique
VII.1.3. Examens complémentaires
VII.2. Les lésions vésicales scléreuses
VII.2.1. Circonstances de découverte
VII.2.2. Examen physique
VII.2.3. Examens complémentaires
VII.3. Le carcinome épidermoïde
VII.3.1. Circonstances de découverte
VII.3.2. Examen clinique
VII.3.3. Examens complémentaires
VII.3.4. Bilan d’extension
VII.4. Diagnostic différentiel
VIII. Traitement des séquelles de la bilharziose urogénitale
VIII.1. Buts
VIII.2. Moyens et méthodes
VIII.3. Indications
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. Méthodologie
I.1. Type d’étude
I.2. Durée de l’étude
I.3. Cadre de l’étude
I.4. Critères d’inclusion
I.5. critères de non inclusion
I.6. Collecte de données
I.7. Analyse des données
II. Résultats
II.1. Effectif
II.2. Age
II.3. Sexe
II.4. Pays d’origine
II.5. Siège des lésions
II.6. Types de lésion vésicale
II.7. Types de lésion urétérale
II.8. Types de lésions génitales
II.9. Types de traitement effectués
II.10. Résultats histologiques des masses vésicales
II.11. Evolution
DISCUSSION
1. Nombre de cas
2. Age
3. Sexe
4. Origine géographique des patients
5. Siège de la lésion
6. Type de lésions
7. Traitement
CONCLUSION
REFERENCES