Historiographie de la bande dessinée au sein de la discipline de l’Histoire

Historiographie de la bande dessinée au sein de la discipline de l’Histoire

Naissance de la bande dessinée

La création originale d’un pédagogue 

Voyant le jour au cours des années 1820, la bande dessinée, ou « roman illustré » apparaît pour la première fois dans les œuvres de Rodolphe Töpffer . Pédagogue et écrivain genevois, il va être l’un des grands pionniers à l’initiative de cette innovation au sein du champ littéraire. Il va ainsi construire de nouveaux romans en mêlant des illustrations successives, créant des séquences d’actions, mêlées à des dialogues et des textes. Le dessin va avoir pour caractéristique de montrer la progression et les mouvements des personnages. On a l’idée ici de rendre plus vivants les romans que l’on connaissait jusque là. Son œuvre Monsieur Jabot , publiée en 1833 est considérée comme la première bande dessinée de l’histoire littéraire. Ce premier roman illustré raconte « la volonté » de Monsieur Jabot, une sorte de « bouffon sot », d’intégrer le beau-monde, en adoptant les manières et les expressions de cette classe sociale. Avec ce personnage, Rodolphe Töpffer est considéré comme étant le premier à utiliser cette nouvelle forme d’expression, utilisant fortement le dessin, et en y ajoutant quelques lignes de dialogue à coté. Il explique, dans un article de 1837, la nécessité d’utiliser ces deux outils complémentaires. Il souligne l’absurdité de séparer l’un de l’autre. Le dialogue n’aurait plus de sens sans l’image qui le complète et inversement. Cette mixité va permettre une certaine originalité dans la conception des œuvres pour enfants. Ce roman illustré deviendra par la suite l’ancêtre de la bande dessinée contemporaine, qui sera reprise par bon nombre d’auteurs.

Le développement des romans illustrés au sein de la presse du XIXe 

Suite à l’émergence de la presse de masse, de la baisse du prix du papier, et du développement de l’alphabétisation, les journaux, devenus bon marché, se développent et envahissent les classes sociales modestes et populaires. Afin de captiver et de « fidéliser » les lecteurs à un journal, les rédactions vont mettre en place les romans-feuilletons. Ces histoires populaires, publiées de manière quotidienne, doivent donner envie au lecteur de lire la suite du récit le lendemain. Afin de vendre plus, et d’attirer les lecteurs, les rédactions vont rendre plus «vivants » ces récits. Les journaux vont ajouter à leurs romans-feuilletons des images, qui vont très vite se développer sous forme de planches quadrillées. Ce procédé se développant, on va ainsi retrouver dès le début XXe siècle des journaux qui vont publier une planche entière par édition. On peut prendre exemple ici du journal La Petite Suzette , journal pour enfants, qui, en 1905, va publier les aventures d’une petite bretonne nommée Bécassine. Sous la plume de plusieurs auteurs, dont Languereau et Pichon, ce personnage atypique va permettre aux jeunes lecteurs de découvrir le monde et certains événements, notamment la Première Guerre mondiale. On peut remarquer que la BD à cette période est représentée par, ce que l’on appelle des images d’Épinal, où le texte de narration qui est très présent et les dialogues se situent en dessous des images. Quelques années plus tard en 1928, le supplément Le Petit XXe , de l’hebdomadaire Le XXe Siècle va publier des planches entières de récit, relatant les exploits d’un reporter belge Tintin. On commence à voir apparaître à cette période les « bulles » de dialogues qui n’existaient pas auparavant. Le créateur de Tintin, Georges Rémi, dit « Hergé », développera par la suite son personnage pour en faire un héros d’albums. Parallèlement aux romans-feuilletons, les journaux vont également développer les caricatures et les « strip ». Ces derniers, que l’on peut qualifier de courtes histoires, dessinées sur une bande horizontale dans la plupart des cas, où y figurent 3 à 4 images, doivent utiliser l’humour et l’ironie pour faire rire les lecteurs. Il y a derrière ce procédé un objectif de divertissement afin de donner le sourire aux lecteurs.

L’image auprès du public

Un support littéraire délaissé….

La bande dessinée, après son apparition sous forme de périodique dans les journaux puis par la suite en album cartonné, est assez délaissée dans le milieu littéraire avant la Seconde Guerre mondiale. En effet, dans certains pays, notamment en France, où la littérature fait parti intégrante du patrimoine culturel, la bande dessinée n’est vue qu’en tant qu’œuvre mineure. Le monde de la littérature, n’est guère enclin à accepter l’arrivée de telles nouveautés qui remettent en question la traditionnelle littérature chère à la langue de Molière. Les illustrations sont mêlées au dialogue, le texte est réduit aux seuls dialogues présents dans des bulles, avec une narration réduite. La bande dessinée est considérée comme étant destinée aux cancres et aux enfants ne sachant pas correctement lire. Les adeptes de cette idée se justifient par le fait qu’il y ait autant d’images que de texte dans les albums. Or, certains auteurs expliquent que la bande dessinée n’est pas plus facile à lire qu’un roman, mais que sa lecture est différente et qu’elle nécessite des « mécanismes » autres. Il n’y a pas de hiérarchie entre les différents types d’œuvres littéraires. Alors qu’en Europe, la bande dessinée peine à se développer, aux États Unis, elle devient un enjeu financier. En effet, les journaux ont compris que la bande dessinée est très prometteuse et accentue le nombre de lecteurs. Tandis que les journaux se livrent à de véritables batailles médiatiques, les comics se développent. L’un des personnages les plus connus du monde du cinéma, Mickey Mouse, fait son apparition en 1930 dans la BD. Les personnages de Popeye, puis dans les années 30, de Batman et Superman sont créés, offrant un nouveau type de BD, les Détectives Comics.

…qui se popularise progressivement auprès du jeune public 

Cette défiance envers la bande dessinée va peu à peu se dissiper à l’après guerre en France, lorsque le jeune public va s’y intéresser notamment, avec la création de collections d’albums, aujourd’hui devenus des classiques. Comme nous le rapporte Antoine Roux, en France, « pour la plupart des adultes, presse enfantine équivaut à bande dessinée ». Cette vision n’est pas présente au sein d’autres pays, comme les États-Unis. Il explique que « La bande dessinée est une des formes de la littérature enfantine, mais c’est d’abord un mode d’expression en soi ». Le monde de la BD va alors fortement évoluer et venir changer les mentalités. Le public va s’attacher à des personnages de plus en plus mythiques. Tintin, qui déjà, a fait son apparition 20 ans plus tôt, va être redécouvert par un nouveau public, et devenir une star inconditionnelle de la BD belge. Edgar J. Jacobs va développer son duo Black et Mortimer dès 1946. Le personnage de Lucky Luke fait son apparition en 1947 alors que Uderzo et Gosciny vont eux, créer le fameux personnage Astérix en 1959, la même année que Boule et Bill.

La bande dessinée ne cesse de se développer à partir des années 1960, jusqu’à devenir aujourd’hui un des principaux secteurs de l’édition française. Comme nous l’énonce Colombine Depaire, la BD « voit apparaître de nouveaux auteurs, de nouveaux genres, de nouveaux thèmes, nouveaux schémas narratifs, nouvelles approches graphiques, nouvelles influences, nouveaux formats ». On parle aujourd’hui d’enracinement de la bande dessinée dans la culture.

L’émergence de la bande dessinée comme document historique 

Certains chercheurs et historiens, comme Pascal Ory, vont s’intéresser dès les années 1970 à la bande dessinée. Lisant et commentant les bandes dessinées pour le magazine L’Histoire, Pascal Ory « s’efforce de transformer la bande dessinée en objet d’Histoire » . Depuis les milieux des années 1990, le monde universitaire reconnaît la bande dessinée comme source historique. Cette reconnaissance est due dans un premier temps à l’histoire culturelle et sociale des représentations. Comme le souligne Jack Mak6 , « Étudier de manière scientifique dans le cadre des centres de recherche universitaire, ou l’enseigner dans le milieu scolaire, c’est inéluctablement entrer par un biais spécifique dans le passé des sociétés et leurs productions culturelles ». Il ajoute également que « la bande dessinée n’est pas qu’un simple artefact populaire de divertissement, elle est également inscrite, par ses quelques 180 années d’existence, comme un objet culturel en relation à l’histoire des sociétés et des hommes ». Comme le rapporte Ivan Jablonka, depuis les années 2000, « l’intérêt des chercheurs est un peu plus prononcé ». De ce fait, un colloque s’est déroulé à Pau en 2011 avec pour sujet « la bande dessinée historique ». C’est ainsi que la bande dessinée devient un document historique au même titre que les autres, et ce, pour plusieurs raisons.

Un contenu source de savoir historique ? 

Dans un premier temps, le contenu en lui même est source de savoir. Il peut apporter un regard nouveau, une illustration, voire une représentation d’un fait historique, permettant de visualiser et de raconter un événement. L’image rétablit le contexte de l’histoire, son décor, les costumes des personnages et la chronologie des actions. Tous ces éléments sont essentiels pour la compréhension. Naturellement, comme tout document, le contenu est important. Mais comment attester de la véracité de son contenu ? Odette Mitterrand souligne qu’il est très rare que les dessins présents dans les bandes dessinées ne reflètent pas la réalité historique. Les scénaristes, les dessinateurs et les auteurs prennent soin de se documenter avant de réaliser quelque chose qui pourrait être caricaturé, grossièrement représenté ou en décalage avec la véracité historique. Elle souligne que les éléments de second plan, comme par exemple le paysage urbain au Moyen-Age  , les uniformes de la Grande Armée napoléonienne , ou encore les manières de table à l’époque moderne, sont des éléments qui fascinent les dessinateurs. De ce fait, la précision de leur travail pour reproduire à l’exactitude ces éléments est telle qu’il y a tant de précisions dans les dessins des bandes dessinées historiques, que cela provoque, dans certains cas, un manque d’intérêt pour le reste de l’œuvre comme la trame du scénario, les dialogues etc.

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Table des matières

Introduction
1. Historiographie de la bande dessinée au sein de la discipline de l’Histoire
1.1 Naissance de la bande dessinée
1.1.1 La création originale d’un pédagogue
1.1.2 Le développement des romans illustrés au sein de la presse du XIXe
1.2 L’image auprès du public
1.2.1 Un support littéraire délaissé
1.2.2 …qui se popularise progressivement auprès du jeune public
1.3 L’émergence de la bande dessinée comme document historique
1.3.1 Un contenu source de savoir historique ?
1.3.2 Le contexte de réalisation : une nouvelle dimension d’analyse
1.4 Un outil délaissé dans l’enseignement ?
1.4.1 Incompatibilité entre éducation et bande dessinée ?
1.4.2 La place de la bande dessinée dans les politiques éducatives
1.4.3 Un outil d’apprentissage encore loin de l’Histoire : outil de la langue
1.4.4 Une intégration progressive de la BD en Histoire : les manuels
1.5 La bande dessinée dans l’enseignement en Histoire, un intérêt pédagogique et didactique ?
1.6 La bande dessinée de reportage : un outil pour l’Histoire du temps présent ?
1.7 Les limites de la bande dessinée dans l’enseignement de l’Histoire
1.7.1 De la fiction à la vérité historique : producteur de représentations
1.7.2 Un outil de représentation intéressant pour des élèves ?
2. Démarche d’enquête et d’expérimentation de l’utilisation de la bande dessinée en classe de Terminale
2.1 Comment choisir un niveau ?
2.2 Choix du programme pour l’expérimentation
2.2.1 Un sujet complexe
2.2.2 Étude d’un événement précis dans le programme
2.3 Choix du support utilisé
2.3.1 Pourquoi cette bande dessinée ?
2.3.2 Le choix des planches à travailler en classe
2.4 Questionnements et hypothèses
2.5 Protocole de l’expérimentation : les différentes étapes
2.5.1 La réalisation de la séance d’expérimentation
2.5.2 Comparaison et confrontation
3. Analyse des données et résultats d’expérimentation
3.1 Séance 1 : Tâche conventionnelle
3.1.1 Présentation de la séance
3.1.2 Analyse d’un échantillon
3.2 Séance 2 : l’expérimentation par la bande dessinée
3.2.1 Présentation de la séance
3.2.2 Analyses et confrontation des données
3.2.2.1 Un support vecteur de représentations
3.2.2.2 La BD : un document d’apprentissage
3.2.2.3 Un outil permettant de susciter l’esprit critique
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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