HISTOIRE NATURELLE DU PAPILLOMAVIRUS
Il est reconnu depuis plus de 150 ans que le risque de cancer du col de lโutรฉrus est en corrรฉlation avec le nombre de partenaires sexuels. Des รฉtudes in vitro ainsi que des รฉtudes cliniques ont permis de dรฉmontrer que lโinfection par certains types de Papillomavirus (HPV) humains initie le cancer du col, le cancer ano gรฉnitale et le cancer oropharyngรฉ. La gรฉnรฉralisation du dรฉpistage individuel du cancer du col par frottis cervico-utรฉrin (FCU) a entrainรฉ une rรฉduction spectaculaire de lโincidence du cancer du col et le vaccin contre lโHPV a le potentiel dโรฉradiquer les cancers HPV induits [6].
Au milieu du 19รจme siรจcle ร Vรฉrone, le docteur Domenico Rigoni-Stern a observรฉ que le cancer de lโutรฉrus, tout en รฉtant relativement frรฉquent chez les femmes vivant en ville, รฉtait assez rare chez les religieuses catholiques qui vivaient dans un couvent ร la campagne. Quelle รฉtait la raison pouvant expliquer cette diffรฉrence ? Etait-ce un miracle ? Est-ce que les priรจres des religieuses conjuraient la maladie ? Les investigations ont rรฉvรฉlรฉ une explication plus prosaรฏque : le risque de cancer du col รฉtait en corrรฉlation avec le nombre des partenaires sexuels. Les prostituรฉes avaient un risque relativement รฉlevรฉ de contracter la maladie, les femmes mariรฉes vivant en ville avaient un risque modรฉrรฉ et les religieuses cรฉlibataires (ร des rares exceptions) รฉtaient รฉpargnรฉes[6].
Les investigations ont continuรฉ et au dรฉbut du 20รจme siรจcle, des trappeurs de Midwest (Etats Unis) ont observรฉ des lapins malformรฉs avec des cornes. Certains de ces lapins avaient รฉtรฉ capturรฉs et transportรฉs ร lโInstitut Rockefeller ร New York pour รชtre observรฉs. Un grand apport a รฉtรฉ amenรฉ par Richard Shope qui a conduit la recherche. Lorsque les cornes avaient รฉtรฉ broyรฉes et quโun filtrat de cellules avait รฉtรฉ inoculรฉ chez les lapins sains, ces derniers dรฉveloppรจrent des cornes. Lโexamen microscopique avait rรฉvรฉlรฉ que ces lรฉsions nโรฉtaient pas des cornes mais plutรดt des verrues ou des papillomes fortement kรฉratinisรฉs โ des tumeurs bรฉnignes des cellules รฉpithรฉliales. La microscopie รฉlectronique avait permis de montrer que ces lรฉsions contenaient un grand nombre de particules virales [6].
Le premier virus dรฉcouvert รฉtait le Papillomavirus. Les verrues produites par le virus sur des lapins de laboratoire, progressaient occasionnellement vers un carcinome ร cellules squameuses. Ainsi, les infections ร Papillomavirus avaient un potentiel cancรฉrogรจne [6].
Le virologue allemand Zur Hausen, qui travaillait dรฉjร sur le virus EBV (Epstein-Barr Virus, causant le cancer), a commencรฉ la recherche sur le Papillomavirus dans les verrues gรฉnitales humaines. Il a dรฉcouvert un nouveau type dโHPV, quโil avait appelรฉ HPV-6, mais qui nโavait pas รฉtรฉ retrouvรฉ dans les รฉchantillons de cancer du col de lโutรฉrus. En 1983 Zur Hausen avait publiรฉ des preuves que lโHPV-11 รฉtait prรฉsent dans des รฉchantillons de cancer du col. Maintenant il nous parait รฉvident quโil y avait plusieurs types dโHPV. Ils ont poursuivi leur recherche et ont dรฉcouvert lโHPV-16, qui a รฉtรฉ dรฉtectรฉ approximativement dans la moitiรฉ des cancers du col, puis lโHPV-18, prรฉsent dans approximativement un รฉchantillon de cancer du col sur cinq. Il devenait รฉvident que lโinfection par ces deux types de virus รฉtait รฉtroitement liรฉe au cancer du col de lโutรฉrusโune dรฉcouverte qui a finalement remportรฉ le prix Nobel ร Hausen en 2008 [6].
EPIDEMIOLOGIE
La voie sexuelle reprรฉsente la voie classique de contamination, les infections ร HPV รฉtant majoritaires parmi les maladies sexuellement transmissibles. La frรฉquence la plus รฉlevรฉe dโinfection ร HPV est observรฉe chez les femmes jeunes. Le dรฉbut prรฉcoce du premier rapport sexuel augmente deux fois le risque de dรฉvelopper un cancer du col utรฉrin. Le cancer du col utรฉrin est trรจs rare chez les femmes vierges. Le risque de dรฉvelopper un cancer du col est environ trois fois supรฉrieur chez les femmes ayant dix partenaires diffรฉrents, comparativement ร celles ayant un seul partenaire. La frรฉquence de ces cancers est aussi plus รฉlevรฉe dans la population dont les partenaires prรฉsentent des antรฉcรฉdents de lรฉsions gรฉnitales ou de maladies sexuellement transmissibles ; elle diminue lorsque le partenaire utilise des prรฉservatifs [7].
Le papillomavirus humain est responsable dโune morbiditรฉ et dโune mortalitรฉ importante. Les รฉtudes biologiques et รฉpidรฉmiologiques ont clairement dรฉmontrรฉ que lโinfection HPV est une cause nรฉcessaire mais non suffisante pour le dรฉveloppement dโun cancer du col ou de condylomes acuminรฉs. Plus de 99% des cancers du col contiennent au moins un type dโHPV ร haut risque : il sโagit dโHPV 16 et 18 dans 70% des cas. De plus, les HPV ร bas risque six et 11 sont responsables dโenviron 90% des condylomes acuminรฉs [8].
Lโhomme est porteur dโHPV le plus souvent de faรงon asymptomatique. Chez la femme la zone de jonction pavimento-cylindrique du col est particuliรจrement exposรฉe : elle est fragile permettant lโentrรฉe du virus qui va contaminer les cellules basales en constante activitรฉ. Les cellules basales infectรฉes par HPV peuvent se transformer et prolifรฉrer constituant des lรฉsions de bas grade puis de haut grade sans que lโon puisse exclure dans certains cas la constitution de lรฉsions dโemblรฉe de haut grade : la rรฉgression spontanรฉe des lรฉsions est dโautant moins probable quโelles sont รฉvoluรฉes [9].
PHYSIOPATHOLOGIE DES INFECTIONS A HPVย
Les HPV sont des petits virus ร ADN, non enveloppรฉs, dont les gรจnes codent pour des protรฉines prรฉcoces (early proteins, E1, E2, E4, E6, E7) qui jouent un rรดle de rรฉgulation de la rรฉplication virale, du cycle cellulaire et des protรฉines tardives (late proteins, L1 et L2) qui forment la capside virale (la protรฉine L1 รฉtant la protรฉine majoritaire). Il existe plus dโune centaine de gรฉnotypes viraux dรฉcrits comme capables dโinfecter lโespรจce humaine, un HPV รฉtant distinct dโun autre lorsquโil existe une diffรฉrence dโau moins 10% au sein des nuclรฉotides de leurs gรจnes codant le L1 [10].
Les HPV peuvent รชtre classรฉs en deux familles : les virus oncogรจnes et les virus non oncogรจnes. La diffรฉrence de pathogรฉnicitรฉ entre les virus appartenant ร ces deux familles tient aux protรฉines virales E6 et E7 qui possรจdent ou non la capacitรฉ de se lier ร des antioncogรจnes cellulaires et dโinhiber ainsi leur activitรฉ. La protรฉine E6 des virus oncogรจnes a la propriรฉtรฉ de se lier ร p53 et dโentraรฎner sa dรฉgradation aprรจs ubiquitinisation ce qui a pour consรฉquence la perte de la rรฉparation de lโADN cellulaire lors de sa synthรจse. La protรฉine E7 se lie ร pRB (protรฉine codรฉe par le gรจne suppresseur du rรฉtinoblastome) ce qui libรจre les facteurs de croissance E2F qui augmentent la prolifรฉration des kรฉratinocytes infectรฉes et transformรฉes. Les HPV non oncogรจnes ne possรจdent pas ces propriรฉtรฉs [10].
Les HPV prรฉsentent un tropisme cutanรฉ exclusif ou cutanรฉomuqueux. Les HPV ont pour cible les kรฉratinocytes basaux des รฉpithรฉliums malpighiens pluristratifiรฉs. Ils arrivent ร leur cible grรขce ร une brรจche de cet รฉpithรฉlium (micro ou macro traumatisme), habituellement au cours dโun rapport sexuel. Sur les kรฉratinocytes basaux existent des rรฉcepteurs au HPV, identifiรฉs pour les HPV-6 (intรฉgrine alpha 6) mais moins bien caractรฉrisรฉs pour HPV 16 (glycosaminoglycanes, syndรฉcane 1, hรฉparanes sulfates). Une fois entrรฉ dans le kรฉratinocyte basal, lโHPV va persister sous forme รฉpisomale et va se rรฉpliquer. Les HPV oncogรจnes possรจdent en plus la capacitรฉ de sโintรฉgrer au gรฉnome humain. Dans les couches basales de kรฉratinocytes, seules les protรฉines prรฉcoces (dont E6 et E7) sont synthรฉtisรฉes, la production des protรฉines tardives L1 et L2 nรฉcessitant une maturation du kรฉratinocyte qui se produit lorsque celui-ci migre vers la surface รฉpithรฉliale. Ainsi lโassemblage et la production des nouveaux virions sโeffectuent ร la surface de lโรฉpithรฉlium infectรฉ, ce qui permet leur propagation au sein du mรชme รฉpithรฉlium ou leur transmission ร un autre individu. Les particules virales peuvent รชtre captรฉes et internalisรฉes par les cellules de Langerhans, qui sont des cellules dendritiques immatures, localisรฉes dans lโรฉpithรฉlium. Bien que le mรฉcanisme exact de phagocytose ne soit pas actuellement pas complรจtement รฉlucidรฉ, les cellules de Langerhans ont la propriรฉtรฉ de migrer vers une structure lymphoรฏde adjacente, de dรฉgrader les particules virales et de les prรฉsenter aux lymphocytes T (CD4+ et CD8+) via leurs molรฉcules HLA de classe II et de classe I. Elles peuvent รฉgalement transporter des particules virales entiรจres nโayant pas subi de dรฉgradation jusquโaux structures lymphoรฏdes, ce qui permet une stimulation des lymphocytes B et une production dโanticorps. Les lymphocytes T sont ceux qui recirculent le plus souvent ; aprรจs leur stimulation, ils sont redressรฉs vers la zone รฉpithรฉliale infectรฉe, grรขce ร certaines de leurs molรฉcules de surface (CLA = cutaneous lymphocyte antigen) et migrent dans lโรฉpithรฉlium jusquโau contact des kรฉratinocytes infectรฉs (koรฏlocytes) ou tumoraux pour les dรฉtruire et/ou inhiber la rรฉplication virale .
|
Table des matiรจres
I. INTRODUCTION
1. Histoire naturelle du papillomavirus
2. Epidรฉmiologie
3. Physiopathologie des infections a HPV
4. Approche vaccinale
5. Bรฉnรฉfices attendus des vaccins anti HPV
II. MATERIELS ET METHODES โ STRATEGIE DE RECHERCHE
1. Sources dโinformation
2. Critรจres dโinclusions
3. Sรฉlection des รฉtudes
4. Recueil des donnรฉes et donnรฉes recherchรฉes
5. Analyse des donnรฉes
III. RESULTATS
1. Sรฉlection des articles
2. Articles inclus dans la revue et principaux rรฉsultats
IV. ANALYSE ET DISCUSSION
1. Bรฉnรฉfices de la vaccination contre lโHPV par rapport ร la prรฉvention
2. Bรฉnรฉfices de sรฉcuritรฉ et dโefficacitรฉ de la vaccination contre lโHPV
3. Bรฉnรฉfices de la vaccination par rapport ร des affections associรฉes
4. Evรจnements indรฉsirables lies ร la vaccination anti-HPV
5. Evรจnements indรฉsirables non lies ร la vaccination anti-HPV
6. Des problรจmes qui font dรฉbat
7. Forces et limites de la revue
V. CONCLUSION
VI. BIBLIOGRAPHIE
VII. ANNEXE