Aujourd’hui, pendant que le niveau de vie continue à s’élever, la prise de poids et l’obésité constituent une menace grandissante pour la santé dans l’ensemble des pays du monde. L’obésité est une maladie chronique, qui existe dans les pays développés comme dans les pays en développement et qui touche les enfants comme les adultes. En effet, elle est désormais si répandue qu’elle se s’ajoute aux problèmes de santé publique traditionnels que sont la dénutrition et les maladies infectieuses, et constitue l’un des facteurs les plus importants de mauvaise santé. En outre, l’obésité étant un facteur de risque important de l’histoire naturelle d’autres maladies chroniques et non transmissibles, on ne tardera pas à voir dans les pays en développement les mêmes taux de mortalité élevés imputables à ces maladies que ceux que l’on rencontrait il y a 30 ans dans les pays industrialisés ayant des économies de marché bien établies.
Au début du XXe siècle [7, 58,76], l’analyse des données relatives aux assurances-vie indiquait que l’obésité était associée à un risque de décès accru. Dans les années 20, on a évoqué la possibilité que l’obésité ait un caractère familial et on a décrit la maladie de Cushing et l’obésité hypothalamique. Par la suite, l’introduction de l’hormone thyroïdienne, du dinitrophénol et de l’amphétamine dans le traitement pharmacologique de l’obésité a ouvert la porte aux traitements médicamenteux ; enfin, la génétique a permis de mieux comprendre diverses formes spécifiques de l’obésité résultant de défauts génétiques.
Des progrès considérables ont été réalisés dans les approches diététiques, physiques et comportementales du traitement de l’obésité, dont les débuts remontent à la première moitié du XXe siècle, et de nouveaux médicaments aux profils d’activité pharmacologique toujours plus ciblés continuent à être régulièrement introduits. La chirurgie gastrique a obtenu les meilleurs résultats à long terme pour le traitement des obésités graves. Toutefois, malgré ces avancées, la prévalence de l’obésité continue à progresser rapidement et le problème qu’elle pose aux agents de santé publique et aux scientifiques n’a jamais été plus aigu. L’obésité est souvent en association avec d’autres pathologies chroniques pour lesquelles elles représentent un réel facteur de risque [7, 58,76]. En effet, ces pathologies constituent les complications de l’obésité et font toute sa morbidité. Les complications les plus fréquentes sont les maladies cardiovasculaires en général, l’HTA en particulier, et le diabète de type II. L’ampleur de l’obésité et des complications chroniques qu’elle engendre est telle qu’elle risque à long terme d’échapper au contrôle des acteurs de la santé. Cela pourrait aboutir à la situation des pays développés, car l’OMS prévoit que d’ici 2015 quelques 2,3 milliards d’adultes dans le monde auront un surpoids et plus de 700 millions seront obèses [98]. Cette prévision doit interpeller tous les acteurs de la santé et induire l’instauration de mesures préventives qui restent le meilleur moyen de limiter l’expansion de la maladie. Face au manque de données épidémiologiques et d’études récentes, réalisées sur des échantillons représentatifs de la population sénégalaise, il nous a paru important d’entreprendre ce travail. C’est ainsi qu’il a été décidé d’étudier de façon transversale les aspects épidémiologiques de l’obésité, du diabète sucré, de l’hypertension artérielle, et d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire dans la commune de Guéoul.
Définition de l’obésité
L’obésité se définit comme un stockage excessif de matières grasses (lipides) dans le tissu adipeux, sous forme de triglycérides. Cette définition exclut les situations suivantes :
‐ Les excès de poids non liés à la masse grasse comme la rétention hydro sodée ou la sur musculation ;
‐ Les dystrophies graisseuses (adéno-lipomatos de Launois-Bensaude ; syndrome de Barraquer-Simmons) .
La masse adipeuse représente normalement 10 à 15% du poids total chez l’homme et 20 à 25% chez la femme. On parle d’obésité lorsqu’elle atteint plus de 15-20% chez l’homme et 25-30% chez la femme [81]. En pratique, on utilise plusieurs méthodes pour évaluer la corpulence. La formule la plus utilisée est l’indice de Quételet encore appelée Indice de Masse Corporelle (IMC) ou BMI (Body Mass Indice) qui est utilisé en clinique et en épidémiologie. L’IMC est le rapport du poids (en kg) au carré de la taille (en m²). Les valeurs « normales » sont, selon l’OMS, comprises entre 18,5 et 25 kg.m-2 chez l’homme et la femme. La valeur seuil pour signer une obésité vraie chez un adulte est aujourd’hui fixée à 30kg/m². De 25 à 29,9 kg/m², c’est le « surpoids » et en dessous de 18,5 kg/m², c’est la « maigreur». Cependant cette méthode comporte des insuffisances car elle est simplifié et très approximative ; en effet elle ne prend pas en compte la composition corporelle de l’individu à savoir la masse musculaire, la masse osseuse et la masse graisseuse qui sont des paramètres qui varient selon l’activité physique, l’âge, les circonstances et l’état physiologique. Ainsi d’autres mesures complémentaires sont effectuées au laboratoire et dans les services spécialisés pour apprécier l’obésité. On peut citer la mesure des plis cutanés, l’impédancimétrie, la densitométrie par immersion dans l’eau.
Au plan culturel, l’obésité peut être définie comme la non-conformité du sujet par rapport aux critères esthétiques idéaux admis par un groupe social à un moment de l’histoire. Ces critères idéaux ne sont pas universels et sont propres à chaque groupe, à un moment précis de leur histoire.
Au niveau clinique, on distingue deux types d’obésité : l’obésité androïde et l’obésité gynoïde, déterminées par le rapport tour de taille (TT) sur tour de hanche (TH) : TT/TH.
‐ L’obésité androïde correspond à une répartition graisseuse tronculaire avec faciès arrondi et coloré, ventre proéminent avec vergetures parfois rosées et virilisme chez la femme.
C’est une obésité fréquente chez les hommes où la distribution de la masse grasse est principalement abdominale. Ici, les risques de complications cardiovasculaires et métaboliques sont élevés [59]. Ce type d’obésité est défini par un rapport qui est TT/TH > 1.
‐ L’obésité gynoïde est caractérisée par la présence de graisse surtout au niveau du bassin, des hanches, des fesses, des cuisses.
Cette obésité est fréquente chez la femme et entraîne moins de complications cardiovasculaires et métaboliques que l’obésité androïde [59]. Ce type d’obésité est défini par un rapport TT/TH < 1.
Sur le plan histologique, on distingue les obésités hypertrophiques et les obésités hyperplasiques.
❖ Les obésités hyperplasiques : elles sont liées à une augmentation du nombre de cellules adipeuses. Normalement, un adulte de poids normal est nanti de 28 à 45 × 109 adipocytes (cellules adipeuses). Un obèse hyperplasique peut dépasser jusqu’à 3 à 4 fois ce nombre.
Le nombre d’adipocytes croit pendant la vie fœtale et la première année de vie puis augmente à nouveau vers la puberté. Cela implique que ces différentes périodes de la vie sont des périodes à risque pouvant induire une obésité. En effet, durant ces périodes, des apports alimentaires en excès provoquent une stimulation hormonale et aussi une augmentation du nombre d’adipocytes. Ce type d’obésité est très difficile à traiter et peu curable [59].
❖ Les obésités hypertrophiques : elles sont en rapport avec l’augmentation du volume des adipocytes. C’est le type d’obésité caractéristique des adultes. Elle est provoquée par des apports caloriques excédentaires et favorisée par des prédispositions génétiques, des facteurs hormonaux, la sédentarité [59].
Enfin, il semble qu’il existe un facteur génétique permettant à un sujet de multiplier plus facilement ses adipocytes, ce qui explique l’existence de familles d’obèse (40% des enfants obèses ont un père et une mère obèses). On n’oublie pas le rôle de l’environnement et du mode de vie dans l’installation de l’obésité [59].
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’OBESITE
Histoire naturelle de l’obésité
Le développement du tissu adipeux
Les adipocytes
Embryogenèse
Les cellules constitutives du tissu adipeux, les adipocytes se différencient très précocement au cours du développement fœtal, dès la 19ème SA, à partir des cellules souches mésenchymateuses. L’augmentation du nombre de cellules débute dès la trentième semaine de vie intra-utérine. Elle se fait rapidement jusqu’à la fin de la première année de vie. Mais on note la présence de cellules précurseurs d’adipocytes tout au long de la vie.
Pendant la première année de vie de l’enfant, la taille des adipocytes augmente passant d’un poids cellulaire moyen de 0,05 µg à la naissance à 0,20 µg à l’âge d’un an. Puis la taille des adipocytes diminue vers l’âge de 4 ans pour augmenter à nouveau vers 6 ans afin d’atteindre un poids cellulaire moyen de 0,25 µg à 0,30 µg vers l’âge de 14 ans. A un mois de vie, le nombre d’adipocytes est évalué à 5-6 milliards de cellules. A un an, il est d’environ 10 milliards. Il reste stable jusqu’à 7-8 ans, âge correspondant au rebond d’adiposité et augmente pour atteindre 30-40 milliards de cellules à 16 ans. On remarquera que cette évolution est corrélée aux variations observées sur la courbe de corpulence et de BMI en fonction de l’âge [6].
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Table des matières
INTRODUCTION
REVUE DE LITTERATURE
RAPPELS SUR L’OBESITE
I. Définition de l’obésité
II. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’OBESITE
II.1 : Histoire naturelle de l’obésité
II.1.1 : Le développement du tissu adipeux
II.1.1.1 : Les adipocytes
II.1.1.1.1 : Embryogenèse
II.1.1.1.2 : Constitution des adipocytes
II.1.1.1.3 : Différenciation
II.1.1.1.4 : La fonction de l’adipocyte
II.1.1.1.5 : Etat des adipocytes lors de l’obésité chez l’enfant et les conséquences en termes de prévention
II.1.1.2 : Le tissu adipeux
II.1.1.2.1 : Rôle du tissu adipeux
II.1.1.2.2 : Lipogenèse et lipolyse
II.1.1.2.3 : Régulation de la mobilisation de graisse
II.2 : Physiologie de la régulation pondérale
II.2.1 : La balance énergétique
II.2.2 : Les mécanismes de développement de l’obésité
II.2.3 : La régulation de la balance énergétique
II.3 : MECANISME DE LA PRISE ALIMENTAIRE
II.3.1 : La régulation de la prise alimentaire
II.3.1.1 : Deux types de régulation
II.3.1.2 : Les sites de la régulation
II.3.1.3 : Les hormones de la régulation
II.3.1.4 : Le déclenchement de la prise de nourriture par la glycémie et la ghréline
II.3.1.5 : L’arrêt de la prise alimentaire
II.3.1.6 : Le prolongement de la prise alimentaire
II.3.1.7 : La régulation au-delà du repas
II.3.1.8 : La régulation des choix et préférences alimentaires
II.3.1.9- Le rôle du stress
II.3.2- Le rôle de la thermogenèse dans la propension à devenir obèse
II.3.3. Le profil sociodémographique comme indicateur
II.3.3.1 : Le sexe
II.3. 3.2 : L’âge
II.3.4. Facteurs environnementaux
II.3.5. Autres facteurs pathogéniques favorisant la prise de poids
II.3.5.1. Arrêt du tabac
II.3.5.2. Consommation excessive d’alcool
II.3.5.3. Facteurs psycho affectifs
II.3.5.4. Influence des épisodes de la vie génitale
II.3.5.5. Facteurs iatrogènes
III. PREVALENCE DE L’OBESITE
III.1 A l’échelle internationale
III.1.1 Au Amérique
III.1.2 En Europe
III.1.3 En Afrique
III.1.4 AU SENEGAL
IV. DIAGNOSTIC POSITIF
IV.1.1 EXAMEN CLINIQUE
IV.1.1.1. Interrogatoire
IV.1.1.1.1. Histoire du poids avec réalisation d’une courbe de poids
IV.1.1.1.2.Circonstances déclenchantes
IV.1.1.1.3. Enquête alimentaire et son évolution au cours du temps
IV.1.1.1.4. Enquête sur l’activité physique
IV.1.1.1.5. Profil psychologique et social
IV.1.1.1.6. Antécédents personnels
IV.1.1.1.7. Antécédents familiaux
IV.1.1.1.8. Demande de perte de poids
IV.1.1.2. Examen physique
IV.1.1.2.1. Confirmation de l’obésité
IV.1.1.2.2. Evaluation de la répartition du tissu adipeux
IV.2 .DIAGNOSTIC DIFFFERENTIEL
IV.2.1. Le syndrome œdémateux (état d’anasarque)
IV.2.2. Augmentation de la masse musculaire
IV.2.3 .Les dysmorphophobies
IV.3. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
V. EVOLUTION
V.1. Les éléments de surveillance
V.1.1. Clinique
V.1.2. Paraclinique
V.2. Les modalités évolutives
V.2.1. L’évolution sous traitement
V.2.2. L’évolution en l’absence de prise en charge
VI. LES COMPLICATIONS DE L’OBESITE
VI.1. Les complications cardiovasculaires
VI.2. Les complications métaboliques
VI.3. Les complications respiratoires
VI.4. Les complications ostéoarticulaires
VI.5. Les complications néoplasiques
VI.6. Les complications hépatobiliaires et digestives
VI.7. Obésité et santé de la reproduction
VI.8. La mortalité de l’obésité
VII. TRAITEMENT
VII.1. OBJECTIFS
VII.2. MOYENS
VII.2.1. Les moyens hygiéno-diététiques
VII.2.1.1. Diététique (conseils de régime)
VII.2.1.2. Activité physique
VII.2.2 Les moyens médicamenteux
VII.2.3 La prise en charge psychologique et comportementale
VII.2.4. Les moyens chirurgicaux
VII.2.4.1. La chirurgie bariatrique
VII.2.4.1.1. Buts
VII.2.4.1.2. Techniques chirurgicales
VII.2.4.1.6. Les complications de la chirurgie
VII.3. LES STRATEGIES THERAPEUTIQUES
VII.4. LA PREVENTION
VII.4.1. La prévention universelle
VII.4.2. La prévention sélective
VII.4.3. La prévention ciblée
CONCLUSION