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PRISE EN CHARGE DU VIH AU SENEGAL : L’ISAARV
L’Initiative Sénégalaise d’Accès aux antirétroviraux est un programme public de dispensation de médicaments antirétroviraux (ARV). Ce programme existe depuis 1998 et le Sénégal a été le premier pays subsaharien à mettre en place un tel programme [18].
Contexte international de mise en place de l’ISAARV
L’annonce de l’efficacité des multithérapies antirétrovirales lors de la conférence de Vancouver a suscité chez certains groupes associatifs, responsables de santé publique et scientifiques, une prise de conscience militante en faveur de la diffusion de ces progrès thérapeutiques en Afrique. A l’époque ceci relevait du défi face au scepticisme international qui considérait cette proposition comme irréaliste [18].
Obstacles économiques
Le coût des traitements constitue l’une des principales objections, étant hors de portée d’un point de vue économique, pour les pays en développement. Le marché des antirétroviraux étant peu concurrentiel, les laboratoires pharmaceutiques ont pu imposer des prix de vente élevés dans les pays développés leur autorisant des marges très confortables, en justifiant d’un coût de recherche et de développement. Si ces coûts sont effectivement importants, les prix de vente sont disproportionnés et non liés aux coûts de production, mais à une position de monopole que leur confèrent les brevets.
Les brevets pharmaceutiques imposent le prix des médicaments conformément aux accords mis en place dans le cadre de l’OMC. Entrés en vigueur en 1er les accords internationaux dits ADPIC fixent un cadre mondial au respect de la règle des brevets notamment dans le domaine pharmaceutique.
Tous les membres de l’OMC doivent se conformer aux ADPIC en modifiant leur réglementation nationale avec une période de transition variant selon le niveau national de protection de la propriété industrielle.
Autres obstacles
Dans les pays en développement, comme dans les pays industrialisés, les interventions pour lutter contre le sida se sont tout d’abord portées sur la prévention. Certains pensent que pour les pays en développement, la diffusion des antirétroviraux est contradictoire ou préjudiciable à la prévention. Or, la prévention a aussi du sens si l’on peut proposer aux personnes séropositives une amélioration de la durée et de la qualité de vie par la prise d’un traitement. D’autre part, en cas de rapport sexuel non protégé, une personne traitée ayant une charge virale diminuée, y compris dans les sécrétions sexuelles, le risque de transmission est probablement moindre. Prévention et prise en charge constituent deux modalités inséparables de la lutte contre le sida, idée tout à fait entérinée et mise en application dans les pays occidentaux.
¾ pour les cliniciens
Le risque d’échec de ces traitements semblait élevé du fait notamment des difficultés d’observance comme le montrait les publications scientifiques concernant les pays développés parues en 1997. Il paraissait donc indispensable que le suivi médical soit soutenu. La réponse médicale à l’apparition d’un échappement ou d’effets secondaires devait être rapide.
L’observance des multithérapies antirétrovirales s’est imposée comme une question essentielle plus que pour tout autre traitement [1,11, 18,67].
¾ pour les épidémiologistes et les virologues
Les difficultés d’observance, les prescriptions inadéquates par des professionnels de santé insuffisamment formés et la circulation non contrôlée d’ARV sur le marché informel du médicament représenteraient un risque important d’apparition de résistances virales. Ils redoutaient que la mise en place d’un programme d’accès aux ARV favorise des usages inappropriés aux conséquences virologiques graves [35].
¾ les responsables de santé publique
Ils craignent également que la mise en place de tels programmes ne se fasse au détriment d’autres programmes concernant notamment la prévention du VIH, le dépistage, ou la prise en charge des infections opportunistes.
L’accessibilité du dépistage VIH et du traitement des infections opportunistes était considérés par certains auteurs comme un pré-requis nécessaire avant la mise en place d’un programme d’accès aux ARV. Cependant, force est de reconnaitre que prévention et prise en charge constituent deux modalités inséparables de la lutte contre le sida, idée tout à fait entérinée et mise en application dans les pays occidentaux [21].
¾ les industriels des médicaments
Ils affichaient une neutralité ostensible car soucieux d’éviter des polémiques sur le prix des médicaments susceptibles de rejaillir sur leur tarification dans les pays du Nord [13].
Création de l’ISAARV
C’est en 1998 que le PNLS installe ce programme mis en œuvre grâce à un crédit gouvernemental de 250 millions de FCFA, destiné à la prise en charge médicamenteuse et du suivi biologique de 50 patients. Plusieurs organes administratifs géraient l’initiative.
Stratégie de la mise en place
Il s’agit de la mise en place d’un programme pilote de taille modeste susceptible d’être étendu dans un second temps si les résultats obtenus des premiers patients inclus démontrent la faisabilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et l’efficacité d’un tel programme.
Cette stratégie correspond à la recommandation 17 du Consensus de Dakar-Abidjan [7]. L’accessibilité économique du programme a d’emblée été considérée comme un enjeu majeur. Le cadre initial concernant les protocoles thérapeutiques et les modalités de suivi clinique et biologique a été défini sur la base des recommandations internationales et a fait l’objet d’une présentation dans plusieurs documents de références [14, 50].
Cependant c’est de façon pragmatique au fur et à mesure de l’apparition de « cas particuliers » sur le terrain de question d’éthique et de difficultés que les modalités d’accès et les aspects sociaux du programme ont été précisés [8].
Organisation de l’ISAARV
¾ Organisation institutionnelle
9 Le comité d’éligibilité
Il définit les orientations du projet et devient l’organe de contrôle et de suivi de l’initiative. Les différents aspects relevant de l’organisation, de la gestion des ressources et du personnel, les mises au point sur les aspects virologiques, biocliniques, de santé publique, sociaux, sur l’état des stocks de médicaments et réactifs, sur les négociations concernant les achats de médicaments ou de réactifs, sont exposés au cours de ses réunions mensuelles. Les décisions sont prises de manière collégiale, après discussion et accord entre les membres de ce comité.
Dès le début des inclusions, ce comité est également chargé de statuer sur le recrutement des patients.
Il comprend statutairement une vingtaine de personnes :
Médecins
Biologistes
Pharmaciens
Représentants de l’Ordre des médecins, l’Ordre des pharmaciens, et de
l’Ordre des chirurgiens dentistes.
Religieux
Juriste
Représentant du ministère des finances
PVVIH
Travailleur social
Représentant des ONG
Représentant des partenaires
Représentant du ministère de la santé publique et de l’action sociale
Psychologue/psychiatre
Représentant de la Primature
Par la suite ce comité sera également chargé du suivi des patients mais, le qualificatif de comité d’éligibilité et de suivi, plus exact, n’a pas remplacé officiellement la première dénomination.
9 Comité médical technique (CMT)
Il définit et révise périodiquement les aspects médicaux du programme (critères d’inclusion, protocoles thérapeutiques, suivi des effets indésirables…). Lors de ses réunions mensuelles, il examine les dossiers médicaux des patients qui vont être proposés pour un traitement et se prononce sur la justesse de la combinaison thérapeutique choisi par le clinicien.
Ce comité rassemble les médecins prescripteurs, les biologistes et les pharmaciens.
9 le Comité technique pour les aspects sociaux (CTAS)
Ce comité est chargé de définir les options concernant les aspects non médicaux de l’accès au projet, et appui à l’observance. Il coordonne les enquêtes sociales réalisées auprès des patients proposés pour un traitement.
Il est composé de professionnels de santé du PNLS (pharmaciens, psychiatre…) et de travailleurs sociaux.
9 Comité de gestion et d’approvisionnement en médicaments et réactifs (CGAMR)
Il est chargé de gérer outre l’approvisionnement en molécules, l’organisation des sites de dispensations et les relations avec les grossistes qui importaient des médicaments avant la mise en place de l’ISAARV.
Enfin, une structure indépendante, sous la forme d’une fondation devant permettre de collecter des fonds privés destinés au programme était prévue mais, n’a pas vu le jour.
¾ Organisation fonctionnelle de l’ISAARV
L’ISAARV a été conçue pour être accessible à toute personne nécessitant un TARV, quel que soit sa nationalité ou son statut socio-économique, à condition que cette personne réside au Sénégal.
9 Critères et filières de recrutement
Les critères médicaux d’initiation au traitement ont été choisis sur la base du consensus de Dakar de 1997, révisé en Octobre 2000.
Ainsi pour les patients adultes, seuls pris en charge au cours de la première année de l’ISAARV, les critères retenus sont les suivants :
• patient adulte asymptomatique ayant un taux de CD4 < 200/mm3
• patient symptomatique stade B avec taux de CD4 < 350/mm3 et stade C (classification CDC 1993).
Un indice de Karnowski < 70% et la présence de certains signes cliniques étaient des critères d’exclusion.
De même, les critères de mise sous traitement et les protocoles choisis pour la prise en charge des enfants, la prévention de la transmission mère-enfant et le traitement prophylactique des accidents d’exposition au sang, initiés respectivement en Juin et Juillet 2000, ont été calqués sur les recommandations internationales adaptées aux pays du Sud, ajustés en fonction des molécules disponibles au Sénégal, et révisés en Octobre 2000 [5].
9 accès et itinéraire des patients
Trois services assuraient le recrutement et le traitement des patients : le service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann, le centre de traitement ambulatoire (CTA) qui dépend du service des maladies infectieuses et le service de médecine interne de l’hôpital Principal de Dakar.
Les patients sont sélectionnés par les médecins de l’un des trois sites sur la base des critères cités plus haut.
Le dossier clinique du patient est examiné par le CMT puis un assistant social effectue une enquête sociale d’inclusion. Cette dernière a pour but d’apprécier le niveau des ressources économiques du patient la qualité du support social (familial, relationnel…) dont il bénéficie et d’identifier la présence d’autres personnes infectées par le VIH dans l’unité domestique. Elle permet également de vérifier la compréhension par le patient des contraintes de la trithérapie.
Les résultats de cette enquête sont étudiés par le CTAS puis, l’ensemble du dossier est discuté par le CE. Il est à noter que le dossier est présenté de manière anonyme afin de garantir un avis équitable.
Le CE va avaliser la décision de traitement et définir le montant de la participation financière qui sera demandé au patient en conformité avec une grille de tarification.
C’est lors d’une consultation ultérieure que le médecin informe le patient de la décision du CE. Il est inclus dans le programme si le montant de la participation qui lui est demandé lui est accessible après avoir pris connaissance d’une lettre d’information et signé un consentement éclairé.
Le suivi clinique et paraclinique du TARV est gratuit tandis que, le traitement des affections intercurrentes et les éventuels examens biologiques associés sont à la charge du patient selon des modalités variables en fonction du site de prise en charge.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: GENERALITES
I / RAPPELS SUR L’INFECTION A VIH
1.1. Le virus
1.1.1. Description du virus [8]
1.1.2. Cycle de réplication du virus [28]
1.2. HISTOIRE NATURELLE DE L’INFECTION A VIH [48]
1.2.1. Manifestations de la primo-infection [59]
1.2.2. Manifestations au stade de Sida
1.3. TRAITEMENT DU SIDA
1.3.1. Molécules antirétrovirales [3]
1.3.2. Indications thérapeutiques [12, 53]
1.3.3. Conduite du traitement
1.3.4. Schémas thérapeutiques [12]
II / PRISE EN CHARGE DU VIH AU SENEGAL : L’ISAARV
2.1. Contexte international de mise en place de l’ISAARV
2.1.1. Obstacles économiques [15,36]
2.1.2. Autres obstacles
2.2. Création de l’ISAARV
2.2.1. Stratégie de la mise en place
2.2.2. Organisation de l’ISAARV
2.3. Décentralisation de l’ISAARV
2.3.1. Décentralisation à Dakar [18]
2.3.2. Décentralisation dans le reste du pays
III/ LA FONDATION BARCELONA SIDA2002 [4]
3.1. Présentation
3.2. Le Plan d’action du projet :
¾ 3.2.1. La première phase (2004)
3.2.2. la deuxième phase (2005-2006)
3.2.3. la troisième phase (á partir de 2007)
3.3. Ressources humaines de la fondation
DEUXIEME PARTIE :
I/ PATIENTS ET METHODE
1. CADRE D’ETUDE : le district sanitaire de Richard toll [4]
1.1. Données Géophysiques
1.2. Données Démographiques
1.3. Données Economiques
1.4. Données Culturelles
1.5. Données Sanitaires
2. PATIENTS ET METHODES
2.1. Patients
2.2. Methode
II/ RESULTATS
1. ACTIVITES DE PRISE EN CHARGE DU VIH/SIDA AU DISTRICT SANITAIRE DE RICHARD TOLL
1.1. Activités de prévention
1.1.1. Sensibilisation
1.1.2. Les activités de dépistage
1.2. Prise en charge thérapeutique
1.3. Prise en charge psychosociale
1.4. Soutien nutritionnel
2. Impact de la décentralisation à Richard toll
2.1. Au niveau du personnel
2.2. chez la population générale et chez les malades
2.3. Au niveau du laboratoire
3. RESULTATS GLOBAUX DU SERVICE DE DEPISTAGE DE 2004 à 2007
3.1. Tableau I : répartition du nombre de personnes ayant bénéficié d’un counselling et ayant effectué le dépistage en fonction de l’année
3.2. Tableau II : répartition du nombre de tests effectués et de la séroprévalence du VIH en fonction de l’année
3.3. Tableau III : répartition du nombre de PVVIH selon leur porte d’entrée au service de counselling en fonction de l’année
4. CARACTERISTIQUES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES DE LA POPULATION A L’INCLUSION
4.1. Tableau IV : répartition des PVVIH selon les tranches d’âge et le sexe
4.2. Graphique I : Répartition des PVVIH selon le sexe
4.3. Graphique 2 : Répartition des PVVIH selon leur porte d’entrée aux soins
4.4. Tableau V : répartition des PVVIH selon leur origine géographique
4.5. Tableau VI : répartition des PVVIH selon leur catégorie professionnelleErreur ! Signet non
4.6. Graphique 3 : Répartition des PVVIH selon leur statut matrimonial
5. CARACTERISTIQUES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES A L’INCLUSION
5.1. Caractéristiques cliniques
5.1.1. Graphique 4 : Répartition des PVVIH selon leur profil sérologique
5.1.2. Tableau VII : répartition des PVVIH selon leur degré d’activité à l’inclusion
5.1.3. Tableau VIII : répartition du poids initial des PVVIH en fonction du sexe
5.1.4. Tableau IX : fréquence des infections opportunistes au moment de l’inclusion
5.1.5. Graphique 5 : Répartition des PVVIH selon le stade clinique
5.2. Caractéristiques biologiques
5.1.6. Tableau X : Récapitulation des anomalies biologiques notées à l’inclusion
5.1.7. Tableau XI : répartition du taux de CD4 a l’inclusion
5.1.8. Tableau XII : Répartition du taux de CD4 à l’inclusion en fonction du profil sérologique
5.1.9. Tableau XIII : répartition de la charge virale des PVVIH à l’inclusion selon le sexe
6. PROTOCOLES THERAPEUTIQUES
6.1. Tableau XIV: répartition du délai moyen de mise sous traitement des PVVIH selon le profil sérologique
6.2. Tableau XV : répartition selon les protocoles thérapeutiques et les anomalies biologiques
7. EVOLUTION
7.1. Graphique 6: Evolution du poids et de la fréquence de la dénutrition des PVVIH selon le suivi
7.2. Tableau XVI: évolution du taux d ’hémoglobine et de la fréquence de l’anémie selon le suivi
7.3. Tableau XVII : évolution du taux de transaminases et de la fréquence de l’insuffisance hépatique selon le suivi
7.4. Tableau XVIII : évolution de la créatininémie et de la fréquence d’insuffisance rénale selon le suivi
7.5. Tableau XIX : évolution du taux de CD4 des PVVIH selon le suivi
7.6. Tableau XX : évolution de la charge virale selon le suivi
7.7. Tableau XXI : Fréquence des changements thérapeutiques en fonction des motifs
7.8. Tableau XXII : répartition de la fréquence et du delai de survenue de décès selon le profil sérologique
7.9. Tableau XXIII : fréquence des causes de décès
COMMENTAIRES – DISCUSSION
1. RESULTATS GLOBAUX DU SERVICE DE DEPISTAGE
2. CARACTERISTIQUES SOCIO DEMOGRAPHIQUES
2.1. Répartition selon l’âge et le sexe
2.2. Répartition selon la porte d’entrée aux soins
2.3.Répartition selon l’origine géographique
2.4. Répartition des PVVIH selon leur catégorie professionnelle
2.5. Répartition selon le statut matrimonial
3. CARACTERISTIQUES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES A L’INCLUSION
3.1. Répartition selon le profil sérologique
3.2. Répartition selon le degré d’activité et le stade clinique
3.3. Répartition selon le poids initial
3.4. Fréquence des infections opportunistes
4. CARACTERISTIQUES BIOLOGIQUES A L’INCLUSION
4.1. Répartition des anomalies biologiques
4.2. Répartition selon le taux de CD4
4.3. Répartition selon la charge virale à l’inclusion
5. PROTOCOLES THERAPEUTIQUES
6. EVOLUTION
6.1. Evolution du poids et de la dénutrition
6.2. Evolution des anomalies biologiques
6.3. Evolution du taux de CD4
6.4. Evolution de la charge virale
6.5. Fréquence des changements thérapeutiques en fonction des motifs
6.6. Fréquence et délai de survenu de décès selon le profil sérologique
6.7. Fréquence des causes de décès
CONCLUSION – RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
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