Histoire naturelle de la rectocolite hémorragique

Présentation de la rectocolite hémorragique

Histoire naturelle de la maladie

La rectocolite hémorragique (RCH) est une maladie inflammatoire chronique du rectum et du côlon, dont l’origine reste inconnue [1,2]. Des études récentes semblent indiquer qu’elle est due à une dérégulation de la réponse immunitaire, aboutissant à des interactions anormales entre un hôte génétiquement prédisposé et son microbiote intestinal, lui-même pouvant être influencé par des facteurs environnementaux [1]. Au début de la maladie, environ un tiers des patients ont une atteinte limitée au rectum, un tiers ont une atteinte recto-colique jusqu’à l’angle gauche, et un tiers ont une atteinte au-delà de l’angle colique gauche [3]. Cette maladie évolue par poussées, entrecoupées de période de rémission, sans guérison définitive [4]. Elle s’étend sur un mode continue rétrograde, si bien que 50% ont une atteinte pancolique après 20 ans d’évolution de la maladie .

Le pic d’incidence de la maladie se situe entre 25 et 35 ans. Avant 17 ans, la RCH est plus fréquente chez la femme, alors que chez l’adulte, la RCH devient plus fréquente chez l’homme [2]. Son incidence en Europe varie entre 0,6 et 24 cas pour 100 000 personnes – années (PA) [5]. En France, l’incidence de la RCH a été estimée à partir de données médico-administratives à 11,1 nouveaux cas par an pour 100 000 PA [6]. La prévalence de la RCH en Europe varie selon les études et les pays entre 4,9 et 505 pour 100 000 habitants [5]. En France, elle est actuellement estimée à 110 000 personnes [6]. De par ses symptômes digestifs, la RCH a un retentissement important sur la qualité de vie des patients. Les manifestations extra-intestinales, notamment articulaires, cutanées ou oculaires, sont également fréquentes et parfois très invalidantes [7]. Une surveillance endoscopique régulière doit être réalisée puisque le risque de cancer colorectal est augmenté chez ces patients, ce risque étant associé à l’ancienneté et à l’étendue de la maladie [8]. Enfin, le risque cardiovasculaire est augmenté par rapport à une population du même âge, justifiant une prise en charge et une surveillance adaptées .

En plus d’être une maladie fréquente, avec un impact important sur la qualité de vie, la prise en charge des patients ayant une RCH a un coût non négligeable. En France, le risque d’être hospitalisé au moins une fois durant la 1ère année est de 17,4% et de 25% à 5 ans [6]. La durée moyenne d’hospitalisation est de 7 jours, avec en moyenne 14 jours d’hospitalisation cumulés durant les 5 premières années [6]. En 2006, une étude européenne a conclu que le coût médian de la prise en charge d’un patient avec une RCH était de 563€ par personne – année (Ecart interquartile (EI) : 151 – 2797€) [10]. En cas de colite aigüe grave (CAG) réfractaire aux corticoïdes (hospitalisée aux Pays – Bas), le coût de la prise en charge sur une période de 1 an s’élevait à 17 000€ en cas de traitement par infliximab, 15 000€ en cas de ciclosporine, et 14 000€ en cas de chirurgie .

Évaluation de la sévérité d’une poussée et traitements de la RCH 

Le traitement d’un patient ayant une RCH est influencé par la sévérité de la maladie, l’étendue des lésions et l’histoire de la maladie, correspondant à la fréquence des poussées, la réponse aux traitements antérieurs, les manifestations extra – intestinales et les effets secondaires potentiels des traitements propres à chaque patient [12]. Pour évaluer la sévérité d’une poussée, les critères de Truelove et Witts sont généralement utilisés [12,13]. Trois catégories d’activité (légère, modérée et sévère) ont été définies selon des critères clinico-biologiques : l’intensité des symptômes digestifs (nombre de selles sanglantes/24h), le retentissement systémique (hyperthermie, tachycardie) et le retentissement biologique (anémie, syndrome inflammatoire). Une poussée est dite « légère » lorsque aucun critère de gravité est présent ; elle est dite « sévère » ou « colite aigüe grave » (CAG) (En anglais : acute severe colitis), lorsque le patient a au moins 6 selles sanglantes par jour et au moins un autre critère, dit mineur ; enfin, une poussée modérée correspond à une poussée n’ayant pas tous les critères d’une poussée légère ou sévère.

Par la suite, le taux sérique de la protéine C-réactive (CRP), plus fiable, a remplacé la vitesse de sédimentation, avec un seuil de 30 mg/L et un seuil d’hémoglobinémie a été défini (critère de gravité si inférieure à 10,5 g/dL) . Certains auteurs ont rajouté comme critère de gravité une albuminémie inférieure à 35 g/L [14]. Le 1er objectif du traitement est l’obtention d’une rémission clinique. Ainsi, en cas de rectite isolée, le traitement d’attaque initial repose sur les dérivés 5- aminosalicylés (5-ASA), utilisés en traitement topique par suppositoire et par voie orale [12]. Lorsque l’atteinte s’étend jusqu’à l’angle colique gauche, les 5-ASA peuvent être prescrits en lavement, toujours associés au traitement oral [12]. Enfin, lorsque l’atteinte est plus étendue, les 5-ASA sont possibles si les symptômes sont peu sévères, mais en cas de symptômes sévères, une corticothérapie (CTC) systémique doit être mise en place [12]. Lorsque les critères Truelove et Witts correspondant à une CAG sont présents, une hospitalisation et une corticothérapie intraveineuse (IV) sont nécessaires. Le 2ème objectif du traitement est de maintenir la rémission sans corticoïde, grâce à un traitement prescrit au long cours. En fonction de l’étendue, de la sévérité et de l’histoire de la maladie, le traitement de fond peut reposer sur les 5-ASA, les thiopurines, les anti-TNFs, le védolizumab ou une association de plusieurs traitements [12]. Le traitement chirurgical, consistant, selon les cas, en une colectomie totale avec anastomose iléo – rectale (AIR) ou une proctocolectomie avec anastomose iléo-anale (AIA) en 1 à 3 temps, constitue un évènement majeur dans l’histoire de la maladie. Elle doit notamment être envisagée en cas de CAG réfractaire au traitement médical ou lors de cancer colorectal. La RCH est ainsi une maladie relativement fréquente, touchant des sujets jeunes, et elle a un coût non négligeable. Sa présentation la plus sévère est la CAG.

Colites aiguës graves

Définition

La 1ère définition de la CAG classiquement utilisée est celle de Truelove and Witts. L’inconvénient principal de ce score reste qu’il n’est pas quantitatif, ne permettant pas de suivre quotidiennement et de manière précise la réponse à un traitement [16]. La 2ème définition de la CAG est basée sur l’Index de sévérité de Truelove and Witts modifié, aussi appelé le Lichtiger index, ou le Clinical activity index [16 18] . Il a été développé en 1994 à partir de 20 patients ayant une CAG [18]. Il est constitué de 8 critères permettant une évaluation précise du transit (nombre de selles par 24 heures en plus du nombre habituel, la fréquence du saignement rectal, la présence de selles nocturnes et/ou d’incontinence fécale), des douleurs abdominales (spontanées et provoquées), de l’état général et de la prise d’antidiarrhéique. Il va de 0 à 21 points. Il est utilisé d’une part pour définir une CAG lorsqu’il est supérieur ou égal à 10 et d’autre part pour évaluer la réponse au traitement. Le patient est répondeur lorsque ce score est inférieur à 10, pendant 2 jours consécutifs, et avec une baisse d’au moins 3 points par rapport au score initial. Il a l’avantage d’être facilement reproductible et réalisable au lit du malade, et ce quotidiennement, car il ne contient que des items cliniques.

Épidémiologie et facteurs de risques 

Le risque d’être hospitalisé pour une CAG était de 6 à 31% dans les 3 ans suivants le diagnostic dans une étude anglaise publiée en 2016 [19]. Selon une étude européenne ayant inclus 750 patients, la 1ère poussée sévère de la maladie survenait dans 34% des cas au diagnostic et dans 24% des cas au cours de la 1ère année [15]. Seule une atteinte pancolique au diagnostic (versus (vs) une rectite isolée) était associée au risque de survenue d’une CAG dans cette étude [15]. Dans une récente étude hongroise, les facteurs de risque d’être hospitalisé étaient également l’étendue de la maladie (en cas d’atteinte pancolique au diagnostic (vs une rectite) : Hazard ratio (HR) = 3,47, p = 0,04) mais aussi le sexe féminin (HR = 1,85, p = 0,02), la nécessité de recours aux corticoïdes (HR = 2,16, p = 0,025) et aux anti-TNFs (HR = 2,27, p = 0,036) [20]. Environ un patient sur 3 a une nouvelle hospitalisation dans les 2 mois suivants la CAG [21]. Ce risque était plus important après un traitement médical de sauvetage (44 vs 25% ; p = 0,049), mais la durée avant réadmission était la même quelle que soit la prise en charge initiale. L’UCEIS, le nombre de critères de Truelove, l’utilisation antérieure d’immunosuppresseur, la fréquence des selles, l’âge, le sexe, et une CAG inaugurale n’étaient pas des facteurs prédictifs de réadmission .

Une étude anglaise publiée en 2016 a élaboré, à partir d’une cohorte de 111 patients, un score prédictif de la survenue d’une CAG dans les 3 ans suivant le diagnostic de la RCH [19]. Le score a ensuite été validé au sein de 2 cohortes de 96 et 298 patients. Un point était attribué en cas d’étendue pancolique, ou de CRP > 10 mg/L, ou d’hémoglobine < 12 g/dL au diagnostic [19]. Si le score était de 3/3, le risque d’être hospitalisé pour une CAG dans les 3 ans était entre 61 et 82%, alors qu’il baissait entre 24 et 56% si le score était de 2/3, entre 11 et 30% si le score était de 1/3, et entre 9 et 17% si le score était de 0/3 [19]. Un score Mayo faible ou modéré avait également moins de risque d’être associé à une CAG dans les 3 ans (OR = 0,11, IC95% : 0,0 – 0,67) .

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Table des matières

I. Introduction
A. Présentation de la rectocolite hémorragique
1. Histoire naturelle de la maladie
2. Évaluation de la sévérité d’une poussée et traitements de la RCH
B. Colites aiguës graves
1. Définition
2. Épidémiologie et facteurs de risques
C. Complications des colites aiguës graves
1. Le mégacôlon toxique et la perforation
2. Les complications thromboemboliques
3. L’hémorragie digestive
4. Mortalité
D. Prise en charge des colites aiguës graves
1. Bilan à l’admission
2. Prise en charge thérapeutique
3. Traitements associés
4. Prise en charge chirurgicale
E. Facteurs et scores prédictifs de colectomie au cours ou à la suite d’une CAG de RCH
1. Facteurs prédictifs de colectomie durant ou à la suite d’une CAG
2. Scores associés à l’absence de réponse aux traitements lors d’une CAG
II. Matériels et méthodes
A. Population d’étude
B. Données recueillies
C. Critères de jugement
D. Analyse statistique
III. Résultats
A. Sélection des patients de l’étude
B. Description de la population
C. Réponse aux différentes lignes de traitements
D. Évolution après la sortie de l’hospitalisation
E. Analyse univariée
F. Analyse multivariée
G. Analyse de sensibilité
H. Élaboration d’un score prédictif de colectomie dans l’année suivant l’admission pour CAG
IV. Discussion
V. Conclusion
VI. Bibliographie
VII. Annexes

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