Histoire et littérature : des liens étroits mais discutés

Histoire et littérature : des liens étroits mais discutés

Qu’est-ce que c’est faire de l’histoire ?

Définie par Le Petit Robert, l’histoire apparaît comme la « connaissance et récit des événements du passé, des faits relatifs à l’évolution de l’humanité (d’un groupe social, d’une activité humaine), qui sont dignes ou jugés dignes de mémoire ; les événements, les faits ainsi relatés. » Si les faits et dates apparaissent comme une condition nécessaire au travail de l’historien, ils n’en sont que les éléments de base, avec lesquels l’historien se doit de faire la lumière sur le passé. L’histoire apparaît plutôt comme le résultat d’un travail de reconstitution, mené selon une méthode rigoureuse. L’historien trouve les témoignages les plus pertinents afin de mener sa recherche, les interprète, avant de replacer les faits les uns par rapport aux autres, en définissant leurs liens, causes et conséquences potentielles. De ce fait, l’histoire apparaît, selon Pierre Bonnechere, enseignant-chercheur à l’université de Montréal, comme « le compte-rendu raisonné d’une enquête scientifique dans le passé humain à jamais refermé sur lui-même » (Bonnechere, 2008). Dans l’optique de lier l’histoire à la littérature, on peut s’intéresser aux recherches d’un historien en particulier. L’Italien Carlo Ginzburg revient sur la méthode d’étude des sources établie et discutée depuis le XIXe siècle : il cherche à reconsidérer la posture d’observateur « impartial » que l’historien adopterait face au document, et à mettre en suspens son savoir, toute la connaissance antérieure qu’il possède sur le sujet, pour mieux être impartial afin d’atteindre une forme de « vérité » recherchée. Cette « mise au noir intellectuelle » implique de se méfier de toute représentation afin d’en déjouer les pièges. De ce fait, il cherche à retrouver des significations culturelles aujourd’hui disparues, mais décisives dans la constitution du phénomène étudié, pour trouver la solution au problème historique posé. Ginzburg incite aussi à un déplacement du regard, à étudier des objets périphériques : de nouveaux champs d’investigation s’ouvrent avec un choix renouvelé de documents et de preuves possibles, auxquels l’historien adapterait ses méthodes, dans une approche compréhensive des faits et gestes des différents protagonistes de l’histoire. La méthode de Ginzburg apparaît alors comme une sorte de guide pratique du regard et des savoir-faire à mettre en œuvre dans une recherche (Ginzburg, 1989).

Qu’entend-t-on par littérature ?

Définie par le dictionnaire Larousse, la littérature est « l’ensemble des œuvres écrites auxquelles on reconnaît une finalité esthétique ». Une seconde définition y est juxtaposée : il s’agit de l’« ensemble des connaissances et des études qui se rapportent à ces œuvres et à leurs auteurs ». Bien que sa définition soit discutée parmi la communauté des littéraires, elle renvoie ainsi aux ouvrages rédigés et aux études qui s’y rapportent. Si, étymologiquement, littérature signifie « chose écrite », la postérité d’une œuvre littéraire est avant tout construite par sa nécessaire lecture. Toutefois, nous allons nous limiter dans cette étude aux œuvres écrites ayant certes une finalité esthétique, mais dont le contenu renvoie à des éléments fictifs, mettant ainsi de côté, entre autres, le genre autobiographique et les témoignages directs. De ce point de vue, la littérature renvoie tout de même à une diversité d’ouvrages et de genres différents.

Utiliser la littérature pour faire de l’histoire (d’un point de vue scientifique)

Des disciplines exprimées sous forme de récit

Après avoir défini ces deux termes, on considère qu’il existe un point commun entre l’histoire et la littérature qui permet une étude conjointe des deux disciplines: elles sont toutes les deux exprimées sous forme de récit. Paul Ricoeur rappelle que le travail sur la narration et le récit est un incontournable de la discipline histoire, le récit étant la forme principale dans laquelle s’exprime et s’écrit l’histoire (Ricoeur, 1975). Pour Charles Heimberg, historien et professeur de didactique de l’histoire à l’université de Genève, l’histoire est une narration, une science sociale pour laquelle les pratiques narratives sont centrales, constitutives de ses objets (Heimberg, 2012). Il existe ainsi une dimension fondamentalement narrative de l’histoire, et la rhétorique exerce une emprise sur l’écriture des historiens. Le métier d’historien associe donc une pratique (repérer des traces, réunir des matériaux, produire des documents, construire des objets) et une écriture afin de rendre visible ce travail, qui met en scène l’opération historiographique réalisée, produisant ainsi des récits avec des personnages et des intrigues. Parallèlement, la littérature prend évidemment une forme écrite, celle du récit pour une large partie de ses genres. Ainsi, Bernard Petit, cité par François Audigier et Christophe Ronveaux, explique que toute expérience humaine se donne dans une forme narrative (Audigier, Ronveaux, 2007). Littérature et histoire peuvent donc être rapprochées grâce à leur point commun principal : les deux disciplines s’expriment sous forme de récit, et donc leurs apports mutuels peuvent être questionnés.

Des apports mutuels venant des deux disciplines

Charles Heimberg s’intéresse au lien entre l’histoire et la littérature : il cherche à montrer les apports mutuels des deux disciplines, sans pour autant en disqualifier une. Par exemple, il cite pour ce faire Sylvain Doussot, formateur en didactique de l’histoire et de la géographie, selon lequel l’usage de listes et de tableaux en histoire implique nécessairement l’usage de légendes et de narrations (Heimberg, 2012). Leur forme commune de récit permet de les rapprocher et de les faire fonctionner conjointement. Ainsi, la sociologue Priscilla Parkhust, professeure à l’université de Columbia, s’intéresse à la littérature, et à la manière dont elle se nourrit de l’histoire. Littéraire de formation devenue sociologue, elle puise dans les travaux d’historiens : la conjonction du social et du littéraire nécessite un sens aigu du contexte historique. Elle démontre l’importance croissante que prennent les études interdisciplinaires dans les universités américaines dans les années 2000 : les études littéraires poursuivent la tradition des études littéraires classiques, en portant une attention soutenue à l’analyse des textes par les méthodes linguistiques et rhétoriques ; mais elles interrogent le passé différemment pour construire leurs études de texte (Parkhust, 2005). Déjà au XIXe siècle, Gustave Lanson, le père de l’histoire littéraire (une discipline constituée comme domaine d’études avec des problématiques et méthodologies autonomes de l’histoire et de la littérature), définit un programme d’étude de la littérature conçu comme complémentaire à celui de l’histoire. Il reprend les objets des spécialistes de la littérature dans une analyse globale de l’inscription sociale de la littérature, à travers une analyse historique et sociologique de ces éléments. Soit il cherche à rattacher les œuvres dans leur contexte sociohistorique de production (et donc le texte littéraire apparaît comme une expression plus ou moins directe des intérêts de groupe et de classe de l’auteur), soit il cherche dans le savoir historique établi les éléments nécessaires à la description du contexte social auquel rapporter le texte. Les analyses de l’histoire littéraire identifient des basculements culturels, sociaux et politiques cruciaux, invitant ainsi les historiens à se confronter à l’analyse historienne de ces césures, à savoir à devenir sensibles à leur réverbération dans d’autres sources, quitte à relativiser leur importance et les ressaisir dans d’autres problématiques.

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Table des matières

Introduction
1. Cadre théorique
1.1. Histoire et littérature : des liens étroits mais discutés
1.1.1. Qu’est-ce que c’est faire de l’histoire ?
1.1.2. Qu’entend-t-on par littérature ?
1.1.3. Utiliser la littérature pour faire de l’histoire (d’un point de vue scientifique)
1.2. Utiliser la littérature en classe d’histoire
1.2.1. Didactique de l’histoire et didactique du français : des enjeux différents
1.2.2. Rôle de la fiction en classe d’histoire
1.2.3. Ce que dit le programme scolaire
1.2.4. Avantages
1.2.5. Inconvénients
1.3. L’utilisation des documents textes en classe d’histoire
1.3.1. Le rôle du document texte en classe d’histoire
1.3.2. Avantages
1.3.3. Difficultés des élèves
1.4. Etudier les mythes et les croyances en histoire
1.4.1. Pourquoi lier les mythes et la littérature dans l’enseignement de l’histoire ?
1.4.2. Pourquoi étudier les mythes ?
1.4.3. Attendus scolaires
2. METHODOLOGIE
2.1. Mise en œuvre en classe
2.1.1. Construction de la séance et des activités
2.1.2. Objectifs
2.1.3. Limites
2.2. Contexte des activités
2.2.1. Classes de 6e : attendus scolaires
2.2.2. Contexte de l’établissement où ont été réalisées ces activités
2.2.3. Contexte du déroulement des activités
3. ANALYSE DE DONNEES
3.1. L’accessibilité des documents étudiés et leur compréhension par les élèves
3.1.1. Une nature de document habituelle à étudier
3.1.2. Comprendre le vocabulaire employé
3.1.3. Extraire des informations d’un texte
3.1.4. Argumenter sur le texte
3.1.5. Limites
3.2. Point de vue critique des élèves sur les documents
3.2.1. Le point de vue critique des élèves sur les documents avant ces cours
3.2.2. Le texte comme porteur de toute la « vérité » ?
3.2.3. Aiguiller les élèves pour distinguer littérature et histoire
3.2.4. Des confusions entre mythe et histoire
3.2.5. Après ces cours : quel regard sur le mythe ?
3.2.6. Limites
3.3. Etude du cas d’une élève en particulier
3.3.1. Présentation de l’élève en question
3.3.2. Une compréhension des textes approximative
3.3.3. Des confusions sur l’aspect historique du texte
3.3.4. Des interrogations sur la « vérité » que portent les documents
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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