Différentes dispositions légales ou coutumières régissent l’association ou la société conjugale quant aux biens. Le régime matrimonial porte sur l’étude de l’ensemble de ces dispositions régissant les intérêts pécuniaires des époux. Les très anciens malgaches se sont déjà souciés du sort des bien des époux surtout lorsque l’union conjugale venait à se dissoudre, car la vie d’un couple n’est pas toujours faite d’une harmonie parfaite mais elle peut connaître des crises qui pouvaient être insurmontables appelant le lien à se rompre. Le sort de l’union conjugale a une influence sur les biens des époux. C’est ainsi que les anciens ont envisagé les règles du « Kitay telo an-dalana » qui consistent à partager en trois parts égales les biens communs lors de la dissolution du lien conjugal, une seule part étant attribué à la femme et les deux parts au mari.
Selon R.LINGAT, cette répartition inégale des biens communs est très fréquente dans les systèmes primitifs de communauté, sous toutes les latitudes. Son explication repose sur l’observation que l’homme physiquement plus robuste que la femme travaille davantage que cette dernière et que par conséquent, il est juste de lui attribuer une part supérieure à celle de l’épouse.
La source la plus ancienne du droit chez tous les peuples a été les coutumes .Les coutumes font également partie du système juridique malgache. Elles ont été les règles de la vie juridique de l’individu et ont pris une place importante dans le droit traditionnel ou coutumier malgache. Ces coutumes ont été érigées en loi du peuple par le « KABARY »des souverains .En effet, le kabary est la forme essentielle de loi pour un peuple de tradition orale. En ce qui concerne le régime matrimonial « Kitay telo an-dalana », il s’agit d’un droit coutumier merina instauré par le roi Andrianampoinimerina au cours de l’un de ses kabary traditionnels et rapporté par le « Tantaran’ny Andriana » .
Les règles édictées à l’époque de l’élaboration du kitay telo an-dalana étaient précédées d’une étude sociologique précise. C’est ainsi que traditionnellement, ces règles étaient considérées comme des normes équitables et constamment suivies. Ce fut le cas du « Kitay telo an-dalana ». Le législateur malgache, après la colonisation l’a codifié suivant la loi n° 67-030 du 18 décembre 1967 en tant que régime de droit commun. Mais compte tenu de la réalité actuelle ce régime est source d’injustice envers les femmes. C’est pourquoi, la loi n° 90-014 a modifié l’ancien régime de droit commun en un régime de partage par moitié « Zara- mira».
Le kitay telo an-dalana n’est plus qu’un régime conventionnel, les époux peuvent se convenir d’adopter ce régime à régir leurs biens en cas de dissolution de leur union. Rappelons ici qu’il ne s’agit que de la pratique de partage par tiers en Imerina. En effet hors de l’Imerina ce régime de kitay telo an-dalana a subi la concurrence des systèmes autochtones. La pénétration pacifique de kitay elo an dalana si pénétration il y eut n’a pas entraînée l’abrogation des régimes en vigueur mais a conduit à des modifications parfois importantes de ces derniers.
Dans la société traditionnelle malgache, l’indépendance de la femme était plus ou moins grande. En tout cas, sa sujétion complète à l’homme ne se rencontrait que rarement. Le mariage ne portait pas atteinte à la capacité juridique des époux. Actuellement, cette indépendance est très accentuée. Cela s’explique par le rejet du régime matrimonial « Kitay telo an-dalana » au profit du régime matrimonial « Zara-mira ». D’où l’intérêt de notre sujet sur le sort du régime kitay telo an-dalana. Cette analyse nous mène donc à poser la question de savoir si ce régime tient encore de nos jours.
Le principal régime matrimonial du moins celui qui est le plus connu dans la tradition, comporte des dispositions originales selon lesquelles lors du partage de la communauté un tiers des biens communs seulement revenait à la femme. Par son désir d’aménager pour la femme une condition juridique équitable, le législateur a jugé opportun de combattre ouvertement cette institution en prévoyant que lors de la célébration du mariage les futurs époux pouvaient d’un commun accord et par une simple déclaration convenir d’un autre mode de partage de biens communs et ouvert la possibilité de conclure un contrat de mariage.
La loi du 18 Décembre 1967 constitue l’aboutissement d’une longue évolution au cours de laquelle les coutumes encore imprécises ou très diverses ont été codifiées et une unification du droit a été réalisée, en même temps qu’une simplification des règles en vigueur. Si le régime du kitay telo an-dalana s’expliquait autrefois par les risques encourus par l’homme qui doit partir en expédition et par les corvées auxquelles il était soumis, il n’y a plus aujourd’hui de raison pour en faire un régime légal d’autant plus que l’inégalité qui s’établit ainsi entre l’homme et la femme est estimée injuste par de nombreuses réponses. Si la revendication de l’égalité entre les époux correspond à une tendance non seulement des coutumes et du droit traditionnel mais des mouvements législatifs modernes, il n’en est pas moins encore de maintenir à l’intérieur du couple une différence et une hiérarchie fondées non pas sur l’inégalité entre l’homme et la femme mais sur une répartition logique des prérogatives et des devoirs.
La liberté de choix du régime matrimonial est l’une des préoccupations dominantes du législateur malagasy. L’une des modalités de l’exercice de ce choix, la première, puisqu’elle est placée en tête de la loi de 1967, c’est le contrat de mariage, acte conclu avant le mariage par lequel les futurs époux disposent des effets que leur union aura sur leurs biens. Dans cette perspective, l’application de la loi dépendra de l’information du citoyen et des avantages pratiques réels que les époux les plus avisés espèreront tirer de cet instrument nouveau qui leur sont offert. Le régime matrimonial découle d’une convention où la loi limite sans doute la volonté de parties mais qui n’en reste pas moins un contrat issu de la libre volonté des parties, un contrat qui n’est générateur que d’obligation pécuniaire et de droits patrimoniaux.
Comme il a été indiqué dans l’analyse de la situation de la femme dans la société malgache ; le statut juridique de la femme est relativement satisfaisant. Les lois en tout cas ne comportent plus aucune disposition discriminatoire flagrante, depuis que l’Assemblée Nationale a ratifié en 1988, la Convention des Nations Unies sur l’Elimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) et abrogé, en 1989, les dispositions connues sous le nom du régime du Kitay telo an-dalana. Le droit malgache connaissait surtout le régime de communauté à travers le kitay telo an-dalana, instauré par le roi Andrianampoinimerina. Non écrite nulle part, cette règle était pourtant commune à presque toutes les coutumes malgaches. Ce régime qualifié de légal par opposition au régime conventionnel est défini dans la loi n° 67-030 modifiée par la loi n° 90- 014 et récemment modifiée par la loi n° 2007-022 du 20 Août 2007 relative au mariage et aux régimes matrimoniaux. L’innovation essentielle de la loi nouvelle réside dans l’administration du patrimoine de la communauté qui incombe conjointement et ensemble aux époux. Ce qui diffère le régime traditionnel de la réforme de 1990, c’est simplement le mode de partage des biens communs lors de la dissolution du mariage ou encore lors de la séparation des biens. Ce mode de partage égalitaire est encore consacré par la dernière loi en date. Depuis 1990, le régime du kitay telo an-dalana est alors devenu l’un des régime conventionnel expressément choisi par les époux soit par contrat de mariage soit sur interpellation de l’officier d’état civil lors de la célébration de l’union selon l’article 2 de la loi n° 90-014 modifié par l’article 98 de la loi n° 2007-022 .
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : LE REGIME TRADITIONNEL DU « KITAY TELO AN-DALANA»
Chapitre I: Histoire du kitay telo an-dalana
Section 1ère: L’établissement du kitay telo an-dalana
Paragraphe 1: Origine
Paragraphe 2: Application limitée du kitay telo an-dalana
A- Régime légal de l’union avec vodiondry
B- Cas de dissolution de l’union conjugal entre vifs
C- Non application aux trois premières castes des Andriana
Section 2: L’extension du kitay telo an-dalana
Paragraphe 1 : Extension territoriale
Paragraphe 2 : Extension quant aux personnes
Chapitre II : La théorie jurisprudentielle du kitay telo an-dalana
Section 1ère : Le sort de la coutume
Section 2 : L’interprétation du régime kitay telo an-dalana par la Cour de
Tananarive (Annexe II)
Section 3 : L’état de la jurisprudence à la veille de la modification de la loi du 18 Décembre 1967
Paragraphe 1 : Capacité des époux
Paragraphe 2 : Définition des biens propres ou des biens personnels
Paragraphe 3 : Définition des biens communs
Paragraphe 4 : Règle gouvernant la preuve
Chapitre III : L’instauration du régime de droit commun « kitay telo an-dalana »
Section 1ère : Fondateur : le roi Andrianampoinimerina
Section 1 : La loi n° 67-030 du 18 Décembre 1967 « le régime de droit commun kitay telo an-dalana »
Paragraphe 1 : La notion de « régime de droit commun »
Paragraphe 1 : Les quatre grandes options retenues pour la rédaction
1- Abandon du principe de l’immutabilité du régime matrimonial
1- Le régime légal est le régime du kitay telo an-dalana
3- Liberté de choix de régimes matrimoniaux autre que le régime légal
4- Possibilité pour les futurs époux de faire un contrat de mariage
Paragraphe 3 : La rédaction des dispositions législatives sur le régime matrimonial « Kitay telo an-dalana »
Chapitre IV : L’organisation du régime de droit commun
Section 1ère : La détermination des biens dans le régime de droit commun
Paragraphe 1 : Consistance
1- Notion de patrimoine
1- Notion de droit réel et droit personnel
3- Biens meubles et immeubles
4- Fruits et produits
Paragraphe 1 : Les biens personnels
A- Par leur origine
B- Par leur nature
1- Biens exclusivement attachés à la personne
1- Droits exclusivement attachés à la personne
C- Les fruits et produits des biens personnels
Paragraphe 3 : les biens communs
A- Les sommes d’argent
1- Les gains et salaires des époux
1- Les deniers communs
B- Les biens acquis au cours du mariage
Paragraphe 4 : Les dettes des époux
A- Les dettes personnelles
B- Les dettes qui pèsent sur la communauté
Section 2 : Les prérogatives des époux dans le régime de droit commun
Paragraphe 1 : Les prérogatives exercées sur les biens personnels
A- Le mandat
B- L’habilitation en justice
Paragraphe 2 : Les prérogatives exercées sur les biens communs
A- Les prérogatives du mari
B- Les prérogatives de la femme
Section 3 : La dissolution et la liquidation de la communauté
Paragraphe1 : Les causes de la dissolution
A- La dissolution sans rupture du lien matrimonial
1- La séparation judiciaire des biens
2- Le changement du régime matrimonial
B- La rupture du lien matrimonial
1- Le décès
2- Le divorce
3- L’annulation du mariage
4- L’absence de l’un des conjoints après jugement d’envoi en possession définitive
Paragraphe 2 : Liquidation et partage de la communauté
A- Au moment de la dissolution
B- La détermination de la masse commune
C- La théorie des reprises et des récompenses
D- Le partage
1- Caractères du partage
2- Compositions des parts
Deuxième partie : LE REGIME DU KITAY TELO AN-DALANA, ACTUELLEMENT
Chapitre I : Les causes de la modification du régime matrimonial « Kitay telo an-dalana »
Section 1ère : La rupture de l’équilibre des droits patrimoniaux
Section 2 : L’application de la coutume dans le temps
Section 3 : Problème de la réception de la loi
Paragraphe 1 : La réception matérielle
Paragraphe 2 : La réception intellectuelle
Section 5 : L’application des dispositions constitutionnelles
Section 6 : Le respect des engagements internationaux
Paragraphe 1 : La convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Annexe III)
Paragraphe 2 : Révision des législations
Section 7 : L’étude de la sociologie juridique
Chapitre II : Les effets de la modification
Section 1ère: L’adoption du régime « ZARA-MIRA »
Section 2 : Suppression du régime du kitay telo an-dalana
Paragraphe 1 : Le développement
Paragraphe 2 : L’exploitation de l’homme par l’homme
Paragraphe 3 : La promotion de la femme
Paragraphe 4 : Les droits accordés aux femmes
Chapitre III : Les modifications apportées par la loi n° 90-014 du 11 Juillet 1990 à la loi n° 67-030 sur le régime de droit commun
Section 1ère: Du régime de droit commun « ZARA-MIRA »
Paragraphe 1 : La composition
A- La composition de l’actif
1- Les biens personnels de l’époux
2- Les biens formant la communauté
B- La composition du passif
1- Les dettes personnelles
2- Les dettes communes
Paragraphe 2 : L’administration des biens
A- L’administration des biens propres
B- L’administration des biens de la communauté
Paragraphe 3 : La dissolution et le partage de la communauté
A- Cas de dissolution
B- Partage
Section 2 : Le régime du kitay telo an-dalana en tant que régime conventionnel
Section 3 : Les dispositions modifiées
Chapitre IV : La liberté de choix du régime matrimonial
Paragraphe 1 : La liberté de choix avant le mariage
1- Le contrat de mariage
2- Le régime de la communauté des biens
3- Le régime de la séparation des biens
4- Le régime du kitay telo an-dalana
Paragraphe 2 : La liberté de choix pendant le mariage
1- Modification ou changement du régime matrimonial d’un commun accord
2- Demande en justice à titre provisoire ou à titre définitif
Chapitre V : La femme d’aujourd’hui
Section 1ère : Le rôle économique de la femme
Section 2 : La participation de la femme à la vie politique
Section 3 : La participation de la femme à la vie sociale
CONCLUSION