Les savoirs à enseigner en classe de langue
L‟agir enseignant n‟est pas quelque chose d‟isolé que l‟on peut analyser hors contexte.
Le travail du professeur dépend directement de l‟institution qui l‟embauche, des traditions de la discipline, de sa propre formation et surtout des exigences de la société. Le programme d‟enseignement donne des prescriptions, des objectifs à atteindre et le travail de l‟enseignant consiste à essayer de le faire. Cependant, la théorie et la réalité diffèrent et il existe un écartentre le travail prescrit et le travail réel.
Avant d‟aborder les théories concernant l‟agir enseignant, nous voudrions préciser quelles compétences sont prioritaires à développer aujourd‟hui et quels objectifs sont fixés pour les professeurs.
Dans un premier lieu nous ferons un bref aperçu historique des approches didactiques.
Cette étape semble intéressante car elle donne une image sur des méthodes qui ont été appréciées autrefois et dont certains éléments font toujours partie des leçons de langue.
Ensuite, nous présenterons les compétences que vise à développer l‟enseignement à notre époque. Nous nous arrêterons particulièrement sur le point de vue adopté par le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues.
Enfin, nous exposerons quelques problèmes auxquels pourrait faire face l‟enseignant pratiquant la nouvelle méthode.
Histoire du développement des approches en didactique des langues
Autrefois l‟enseignement des langues étrangères s‟effectuait d‟après les mêmes modalités que celui d‟autres disciplines : « […] les exercices de grammaire et de traduction ressemblaient à des résolutions d‟équations mathématiques, et la mémorisation des systèmes morphologiques à celle du tableau périodique de Mendeleïev au cours de chimie » (Defays & Deltour, 2006, p. 14).
Les didacticiens considéraient que la connaissance de la grammaire, du lexique et de la phonétique était suffisante pour communiquer dans une langue étrangère.
Avec le temps, la façon d‟enseigner les langues étrangères a évolué et s‟est démarqué de l‟enseignement d‟autres disciplines. Pour retracer l‟histoire de ces changements, nous allons présenter brièvement quelques conceptions de l‟apprentissage.
Dans cette optique, il faut mentionner en premier lieu la méthode audio-orale et le courant béhavioriste. Celui-ci avance l‟idée que pour apprendre une langue il faut acquérir un ensemble d‟habitudes verbales qui soient automatiques. Pour ce faire, l‟apprenant est censé répéter des structures linguistiques jusqu‟au « overlearning » (Germain, 1993). Il doit imiter le modèle de l‟enseignant, suivre ses directives et répondre vite aux questions afi n d‟acquérir des automatismes. Quant au rôle du professeur, il sert d‟exemple linguistique à ses étudiants. En outre, « il dirige, guide, et contrôle le comportement linguistique des apprenants » (Germain, 1993, p. 144). Le matériel didactique occupe une place importante dans cette méthode, mais c‟est l‟enseignant qui choisit des documents et des exercices à étudier.
L‟analyse contrastive ou différentielle de la langue source et de la langue cible permet de déterminer des éléments linguistiques à enseigner. Ainsi, se fait la sélection du contenu didactique dont l‟objectif est de prévenir les erreurs. Notons que le vocabulaire est relativement restreint. Les règles grammaticales sont souvent présentées de manière explicite.
Les apprenants doivent d‟abord les repérer dans le dialogue de départ et après les formuler eux-mêmes.
La langue source est généralement exclue de l‟enseignement car elle peut provoquer des interférences négatives. Dans ces conditions-là le professeur a recours à des gestes, à des images, à la mimique, etc.
La méthode audio-orale prévoit des interactions en classe de langue entre l‟enseignant et les apprenants, ainsi qu‟entre les apprenants. Cependant, les étudiants ne font que suivre les directives du professeur.
Enfin, il faut ajouter que l‟erreur n‟est pas tolérée dans la méthode audio-orale.
Cette approche a connu de nombreuses critiques. Parmi les plus significatives, notons Wilga Rivers (Germain, 1993). Elle a souligné que le transfert des connaissances acquises en classe est limité ou ne se fait pas du tout dans la vie réelle. L‟apprenant éprouve des difficultés à utiliser spontanément des formes linguistiques hors de la classe de langue.
La deuxième conception clé que nous voudrions évoquer c‟est le courant chomskyen basé sur la conception biogénétique du langage. Les idées de Chomsky ont indirectement influencé la didactique des langues. Sa théorie postule que le langage ne s‟apprend pas, mais se développe grâce à une compétence innée appelée « la grammaire universelle » :
Cette méthode considère la langue comme un instrument de communication. L‟objectif d‟enseignement est de développer la compétence de communication qui « se compose minimalement d‟une compétence grammaticale, d‟une compétence sociolinguistique, et de stratégies de communication ou de ce que nous appellerons une compétence stratégique » (Canale & Swain, 1980, cité par Germain, 1993, p. 213). La compétence grammaticale n‟est pas prioritaire dans ce type de méthode puisque les connaissances linguistiques sont nécessaires, mais ne suffisent pas pour assurer la communication. L‟apprenant doit savoir adopter les formes linguistiques à la situation de communication et transmettre le message de façon appropriée.
Ainsi, apprendre des phrases par cœur n‟est plus considéré comme une méthode efficace. Les professeurs sont censés enseigner à former des règles qui permettent aux apprenants de créer de nouveaux énoncés.
Cette approche considère l‟apprenant comme un communicateur, un participant actif del‟interaction. Dalgalian, Lieutaud et Weiss (1981, p. 6) soulignent que durant la décennie quatre-vingt l‟objectif de la classe de langue était « de permettre la communication (et il est bien entendu que toute activité verbale, même et surtout en classe de langue, n‟est pas synonyme de communication…). ». Ainsi, les trois aspects de la situation d‟apprentissage sont devenus importants : l‟autonomie de l‟apprenant, sa motivation et son évaluation.
Dalgalian et al. soulignent que la motivation est très importante en apprentissage. « Il s‟agît bien, dans la majorité des cas, de pouvoir comprendre et communiquer, plutôt que d‟acquérir des connaissances sur la langue » (Dalgalian et al., 1981, p. 10).
Par conséquent, le rôle de l‟enseignant a également changé. Ses fonctions varient en fonction des besoins de ses étudiants : « un « modèle », un « facilitateur », un « organisateur » des activités, un « conseiller », un « analyste » des besoins et intérêts des apprenants, un « cocommunicateur », etc. » (Germain, 1993, p. 206).
L‟enseignant doit maintenir l‟attitude positive envers la langue et l‟apprentissage, encourager ses élèves, donner priorité au message transmis ou non qu‟à la forme linguistiquement correcte. « Il ne s‟agît pas, bien entendu, de valoriser des productionslinguistiques qui s‟écartent de la norme, mais de valoriser un essai pour ce qu‟il représente
Les savoirs à enseigner en classe de langue dans la stratégie d‟apprentissage propre à l‟apprenant et pour ce qu‟il en révèle »
Dans cette optique le comportement de l‟enseignant et les contraintes de l‟institution deviennent significatifs, puisqu‟ils peuvent exercer une influence anxiogène ou facilitante sur chaque apprenant (Dalgalian et al., 1981).
Pour conclure la partie sur les conceptions d‟enseignement des langues étrangères nous présentons le tableau de l‟évolution du type d‟enseignement de la langue (Defays & Deltour, 2006,p. 17).
De la théorie à son application
Nous sommes passés de la période où les professeurs n‟ont enseigné que des savoirs, ensuite des savoir-faire, à une autre dont l‟objectif est de développer les compétences communicatives. L‟erreur n‟est plus autant sanctionnée qu‟autrefois puisqu‟elle prouve que l‟étudiant est en train d‟apprendre. En revanche, la cohérence et la cohésion sont valorisées.
Les chercheurs soulignent que la motivation occupe une place importante dans les progrès que peut faire un apprenant et c‟est la tâche de l‟enseignant de la faire croître.
Evidemment, l‟objectif fixé pour l‟apprenant et l‟enseignant est devenu plus complexe par comparaison avec celui de l‟époque du behaviorisme.
A ce propos Defays et Deltour (2006, p. 19) disent que « […] on a assez taquiné l‟ancien professeur de langue devenu animateur culturel, psychologue, sociologue, philosophe : rien de ce qui est humain n‟est étranger au professeur de langue étrangère, pourrait-on souvenir. »
La concentration sur la communication dans tous les aspects énumérés dans la partie précédente désoriente parfois les enseignants. Le champ de travail étant très vaste devient de temps en temps une source de la désorganisation des professeurs de langue, ou, au contraire, de leurs exigences excessives.
Cependant, la priorité de l‟enseignement est souvent attribuée aux compétences extralinguistiques et, plus particulièrement, à la capacité de transmettre un message sous une forme appropriée. Pour cette raison, l‟approche actionnelle est parfois critiquée. Citons, par exemple, Verreman (2003):
Avec le recours à la perspective actionnelle dans le système scolaire, ne tombe-t-on pas dans le piège de l‟instrumentalisation de la formation au profit de certains actes de la vie professionnelle, et au détriment de la formation générale qui rend apte à apprendre et à juger de ce que l‟on veut apprendre ?
De plus, si les règles grammaticales, phonétiques et un certain répertoire du lexique sont facilement accessibles aux enseignants et aux apprenants, l‟information exacte sur les normes de comportement ou les modalités d‟interaction dans et entre des différents groupes sociaux est rarement à la disposition du professeur de langue non natif (Moirand, 1982, cité par Defays & Deltour, 2006). Il n‟y a pas de liste de règles sociales à apprendre ce qui pousse les enseignants à faire une sélection eux-mêmes.
Théorie de l’Action Conjointe en Didactique
Dans ce chapitre nous présenterons la Théorie de l‟Action Conjointe en Didactique (TACD), dont les idées principales sont exposées dans l‟ouvrage collectif Agir ensemble.
L’action didactique conjointe du professeur et des élèves (Sensevy & Mercier, 2007).
Nous éclairerons également les notions essentielles pour notre analyse.
La Théorie de l‟Action Conjointe en Didactique (TACD) propose de penser conjointement l‟action de l‟enseignant et celle des apprenants.
La TACD a été inspirée par les recherches des didacticiens comme Guy Brousseau dont les idées ont été développées plus tard dans les travaux de Gérard Sensevy, Alain Mercier et d‟autres chercheurs. Par le biais de notion de jeu la TACD met en évidence certains aspects de la situation didactique et cherche à comprendre les jeux auxquels jouent l‟enseignant et les apprenants et les déterminations de ceux-ci.
Action didactique
Une des notions clé de la TACD est celle de l‟action didactique : « […] l‟action didactique est une action conjointe, produite en général dans la durée au sein d‟une relation ternaire entre le savoir, le professeur, et les élèves (la relation didactique). » (Sensevy, 2007, p. 15)
Les deux dimensions caractérisent plus particulièrement l‟action didactique. Le premier aspect consiste en ce que l‟action est conjointe. En effet, par ce terme Sensevy veut insister sur le fait que si une personne enseigne, l‟autre apprend et vice versa, si quelqu‟un apprend cela veut dire qu‟il y a une personne qui enseigne. Bien sûr, il y a des cas où quelqu‟un enseigne, mais personne n‟apprend ou, inversement, on apprend sans être enseigné. Tout de même, l‟institution didactique est un endroit où l‟action est censée être conjointe. Ainsi, si nous admettons cette formule, nous admettons également qu‟à la base de l‟action didactique il y a une communication et donc une relation d‟une certaine durée entre le professeur et ses apprenants. Cette communication actualise l‟action didactique et à son tour elle est aussi actualisée.
La seconde caractéristique réfère au fait que la communication entre le professeur et les apprenants est centrée sur un objet précis, « […] le savoir qui doit être transmis » (Sensevy, 2007, p. 14).
Il est à noter que l‟action didactique est aussi coopérative, c‟est-à-dire que chaque action de l‟enseignant est liée à celle de l‟apprenant et inversement. Les uns et les autres tiennent réciproquement compte de l‟agir d‟autrui.
Nous avons mentionné ci-dessus que l‟action didactique est fondée sur la communication, donc sur des interactions. Si ces interactions ont lieu dans le cadre d‟apprentissage, elles ont des finalités (intersubjectives et intramondaines). Les enseignants et les apprenants ne parlent pas que pour parler, « […] mais pour, ensemble ou l‟un contre l‟autre, agir sur le monde que nous construisons. La transaction intersubjective est ce mouvement par lequel les interlocuteurs se reconnaissent mutuellement comme co-locuteurs dans leurs dimensions psychologiques, sociale, idéologique, etc. La transaction intramondaine met en cause le rapport des co-agents au problème qu‟ils rencontrent dans une situation qu‟ils partagent. » (Vernant, 2004, cité par Sensevy, 2007, pp. 15-16). Sensevy propose de nommer ce type d‟interaction la transaction didactique. Le chercheur ajoute que pour comprendre les transactions il faut comprendre le cadre dans lequel elles se déroulent : « Une transaction ne peut se comprendre sans la prise en compte de l‟environnement dans lequel elle s‟opère, prise en compte qui incitera à mettre en cause le dualisme sujet de l‟action/environnement. » (Sensevy, 2007, p. 17)
Contrat didactique
Il est possible selon Sensevy de décrire n‟importe quelle institution didactique (un cours, par exemple) en décrivant le contrat didactique car celui-ci régit les transactions.
Le terme du contrat didactique a été expliqué par Brousseau dans l‟article Le Cas de Gaël (2001). Cette étude de cas a permis d‟éclaircir certains aspects des situations didactiques, parmi lesquels le contrat didactique : […] nous appelons “ contrat didactique ” l’ensemble des comportements (spécifiques) du maître qui sont attendus de l’élève et l’ensemble des comportements de l’élève qui sont attendus du maître. […] ce “ contrat ” régit les rapports du maître et de ‘l‟élève au sujet des projets, des objectifs, des décisions, des actions et des évaluations didactiques. C’est lui qui, à chaque instant, précise les positions réciproques des participants au sujet de la tâche et précise la signification profonde de l’action en cours, de la formulation ou des explications fournies […] (Brousseau & Warfield, 2001, p. 33)
Le contrat didactique recouvrent un certain nombre d‟obligations et de « sanctions » que s‟imposent ou veulent s‟imposer mutuellement le professeur et l‟apprenant à propos du savoir enseigné. C‟est aussi une négociation entre plusieurs éléments du système : les apprenants, le milieu et l‟institution.
Par ailleurs, le contrat didactique est souvent irréalisable car il a deux paradoxes. (Brousseau, 2003) Premièrement, les actions de l‟enseignant visent à faire produire aux apprenants un comportement qu‟il attend d‟eux, ce qui prive ces derniers des conditions indispensables à l‟apprentissage. Si le professeur dit ce que doivent faire les élèves, comme le résultat il n‟obtiendra que l‟exécution de cet ordre et non l‟expression du jugement ou des connaissances de ceux-ci. Nous pouvons parler ici de l‟effet Topaze, dont le nom a été inspiré par une pièce de Marcel Pagnol. Dans la situation de ce type l‟enseignant baisse progressivement les exigences à l‟égard de l‟apprenant car celui-ci n‟arrive pas à accomplir la tâche :
La réponse que doit donner l’élève est déterminée à l’avance, le maître choisit les questions auxquelles cette réponse peut être donnée. Evidemment les connaissances nécessaires pour produire ces réponses changent leur signification aussi. En prenant des questions de plus en plus faciles, il essaie de conserver la signification maximum pour le maximu m d’élèves. Si les connaissances visées disparaissent complètement, c’est « l’effet Topaze ». (Brousseau, 2003, p. 7)
L‟effet Topaze, à son tour, entraîne parfois l‟effet Jourdain, selon lequel l‟enseignant accepte de considérer le comportement de l‟apprenant comme une stratégie gagnante quand celle-ci est loin de l‟être.
Le second paradoxe concerne l‟apprenant qui est aussi devant le choix. S‟il accepte que le professeur lui donne les réponses, il ne pourra pas les trouver lui-même et, par conséquent, s‟approprier les connaissances. Ainsi, la situation didactique connaît non seulement le bon fonctionnement du contrat didactique, mais également ses ruptures et ses ajustements.
Problématique
Les principes exposés dans le cadre théorique nous ont permis de préciser l‟hypothèse et la problématique du départ, les détailler et établir notre questionnement.
Comme point de départ nous avons adopté l‟hypothèse que les apprenants apprennent en construisant, c‟est-à-dire qu‟ils doivent élaborer des stratégies gagnantes de leur propre mouvement. C‟est une condition indispensable pour assurer la valeur des connaissances.
L‟enseignant à son tour aménage le milieu qui est susceptible de favoriser l‟action de l‟élève. S‟il est bien aménagé, l‟apprenant peut être relativement autonome.
Cependant, nous n‟avons pas l‟intention d‟avoir recours au terme « milieu » directement. Cette notion issue de la didactique des mathématiques a besoin d‟être reformulée dans le contexte d‟enseignement des langues secondes parce que l‟objet mathématique est différent de l‟objet langagier. Nous adopterons le terme « environnement » pour désigner les faits didactiques observés dans leur contexte.
Dans le cadre de cette étude centrée sur l‟agir enseignant nous analyserons deux séquences « ordinaires » de français langue étrangère (FLE) aux cours privés pour adultes et selon deux enseignants. Les contextes où se déroulent les deux leçons sont proches : l‟âge des apprenants, les raisons qui les ont poussés à apprendre le français, leur niveau de compétences, la même méthode choisie pour enseigner la langue. Il nous semble intéressant d‟étudier comment dans ces conditions-là les enseignants créent l‟environnement et si cet environnement diffère considérablement d‟un groupe à l‟autre ?
Dans le cadre de ce travail comparatif nous étudierons les pratiques enseignantes d‟aménagement de l‟environnement. Nous apporterons des éléments de réponse à la question suivante :
Comment les mises en œuvre didactiques réalisés par des enseignants rendent possible – ou pas – l‟aménagement de l‟environnement favorable à l‟enseignement?
Dans le premier chapitre nous avons précisé quels savoirs cherchent à enseigner le système d‟enseignement. Maintenant, nous allons analyser comment ce savoir ou cet objet à enseigner se transforme en objet enseigné, comment l‟agir enseignant l‟adapte aux conditions concrètes de l‟environnement.
Comment les enseignants interprètent-ils les activités didactiques pour que les apprenants aient le rapport « adéquat » aux objets enseignés ?
Nous avons également répondre aux questions suivantes :
– Comment la distribution de la parole s‟effectue-t-elle dans des activités ? Les apprenants, sont-ils actifs, participent-ils dans la communication, dans quelle mesure ?
– L‟enseignant, aide-t-il les apprenants à comprendre ce qui a été dit et à construire leurs propres énoncés au cas de difficulté ? Comment essaie-t-il d‟engager tous les étudiants dans la communication ?
Analyse des résultats
Dans le cadre de cette étude nous cherchons à mieux comprendre l‟agir enseignant.
Les leçons observées ont eu lieu dans la même institution, le nombre d‟apprenants dans chaque groupe n‟est pas élevé. Leur âge, les raisons de suivre les cours sont comparables.
Pour effectuer l‟analyse nous avons choisi les deux activités proposées par le manuel « Tout va bien ! 2 ». Elles font partie du devoir dans les deux groupes et les apprenants ont eu une semaine pour les préparer. Donc, les contextes sont relativement proches. Pourtant, l‟agir enseignant différencie considérablement d‟un groupe à l‟autre. Pour cette raison nous nous concentrerons essentiellement sur ces deux exercices.
Contexte
Sensevy défend l‟idée qu‟ « agir, c‟est s‟adapter à un environnement » (Sensevy, 2002, p. 25). Il insiste qu‟il faut prendre en compte la notion de situation et celle d‟institution pour décrire l‟environnement où agissent les acteurs. Il fait la supposition que « l‟action se produit à l‟intérieur d‟une situation donnée, et décrire l‟action, ce sera décrire l‟action de la personne à l‟intérieur de cette situation, situation qui devra être prise comme objet de la description » (Sensevy, 2002, p. 25).
Déterminons la notion de situation. Sensevy l‟explique sur l‟exemple d‟un jeu qui impose un certain nombre de règles aux joueurs. Mais la situation est à son tour liée à l‟institution. Nous comprenons l‟institution comme une « machine à produire à la fois des catégories cognitives (dans telle institution, on agît, et donc on « voit » le monde de telle ou telle manière), des profits symboliques (dans telle institution, il est bien vu d‟agir de telle ou telle manière), du pouvoir (dans telle institution, il est licite d‟agir de cette manière) » (Sensevy, 2002, p. 26).
Ainsi, l‟action est un résultat d‟une adaptation à une situation où elle se déroule qui est à son tour incluse dans une institution.
Nous rejoignons Sensevy dans l‟idée qu‟ « une manière de décrire l‟action du professeur dans la classe consiste à considérer que cette action est structuré par les dimensions fondamentales de l‟institution didactique dans laquelle le professeur construit des situations d‟apprentissage » (Sensevy, 2002, p. 26).
L‟action enseignante se situe dans le réseau des relations didactiques (un tringle didactique dontles éléments sont le professeur, l‟apprenant et le savoir). Avec son action l‟enseignant doit initier, établir et réguler la relation didactique. Pour ce faire, il produit des techniques didactiques dont l‟objectif est d‟aménager l‟environnement et de construire la topogenèse et la chronogenèse.
Ainsi, le contexte joue un rôle éminent dans le processus d‟apprentissage et a ses effets sur la situation didactique. Bien que l‟enseignant ait la liberté d‟interpréter les tâches proposées par le programme et de choisir des activités qu‟il juge pertinentes, il le fait dans la mesure où son activité s‟inscrit dans des prescriptions de l‟institution, même si ces dernières ne sont pas contraignantes. Le professeur est une personne salariée qui s‟est engagé à enseigner une discipline dans le cadre du plan d‟enseignement choisi par l‟institution qui l‟a embauché. L‟institution détermine la forme du contenu scolaire ou universitaire. Cependant, il y a un écart entre le travail prescrit et le travail réel.
Les apprenants sont également soumis à des contraintes d‟apprentissage. Ils doivent respecter les règles adoptées par l‟institution.
Pour ces raisons nous allons commencer l‟analyse par les particularités d‟enseignement au CCF.
Institution
Le CCF privilégie le principe que les étudiants apprennent à communiquer en communiquant. Pour ce faire, les enseignants doivent éviter de parler d‟autres langues que le français pendant les cours. Tout de même, ils peuvent avoir recours au russe ou à l‟anglais en cas d‟incompréhension entre eux et les apprenants et après avoir essayé de se comprendre d‟une autre manière. C‟est une prescription non contraignante qui peut être suivie ou non. Les apprenants sont invités et non obligés à s‟exprimer en français tout au long de la leçon, même lorsqu‟ils se parlent entre collègues. Si les étudiants ont de temps en temps des lacunes lexicales, ils sont encouragés à expliquer les mots en question sans utiliser le russe ou d‟autres langues. Leur volonté de ne parler qu‟en français pendant les leçons FLE est souvent liée d‟après les opinions des enseignants à leur niveau et à l‟effet-classe.
A ce propos Talbot affirme que les connaissances acquises par les apprenants dépendent de leurs caractéristiques individuelles ainsi que de la classe (l‟effet-classe) et des pratiques adoptés par les enseignants (Talbot, 2009). Les recherches de Laurence Jeannot et de Thierry Chanier montrent que la collaboration en groupe est favorable à l‟apprentissage de l‟apprenant : « […] les comportements et actions observés chez les autres lui servent de modèles dans l’action, même en l’absence du tuteur […] l’apprenant va privilégier des stratégies de réussite pour tenir sa place dans le groupe. » (Jeannot & Chanier, 2008, p. 70)
D‟après le CCF la prescription de parler le français aux cours de français permet aux apprenants d‟être plus habitués à parler la langue cible et à se sentir plus rassurés en leurs compétences communicatives.
Le manuel adopté par l‟institution au niveau qui nous intéresse est une méthode française « Tout va bien ! 2 » sortie en 2005 et destinée aux apprenants du niveau A2 au B1.
Le kit comprend un livre de l‟élève avec 2 CD audio, un livre de professeur, un cahier d‟exercice avec un CD audio et un portfolio.
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Table des matières
Remerciements
Épigraphe
Introduction
Partie 1 : Cadre théorique
Chapitre 1. Les savoirs à enseigner en classe de langue
1.1. Histoire du développement des approches en didactique des langues
1.2. Compétence communicative
1.3. De la théorie à son application
Chapitre 2. Théorie de l‟Action Conjointe en Didactique
2.1. Action didactique
2.2. Contrat didactique
2.3. Jeu didactique et le milieu
Partie 2 : Problématique et méthodologie
Chapitre 3. Problématique
Chapitre 4. Méthodologie
4.1. Contexte de situation observée
4.2. Méthodologie de collecte de données
4.3. Méthodologie de traitement des données
Partie 3 : Analyse des résultats
Chapitre 5. Contexte
5.1. Institution
5.2. Cadre spatio-temporel
5.3. Enseignants et apprenants
Chapitre 6. Présentation des données
6.1. Groupe 1
6.2. Groupe 2
6.3. Activités observées
Chapitre 7. Organisation de la prise de parole
7.1. Taux de participation dans les activités
7.2. Distribution de la parole
Chapitre 8. Analyse des engagements de l‟enseignant et des apprenants
8.1. Interprétation des activités par l‟enseignant
8.2. Stratégies de l‟enseignant
Conclusion
Annexes