Histoire des antagonistes de la vitamine K
Les AVK ont été découverts fortuitement à cause de leurs effets indésirables, au tout début des années 1920 au Canada, suite à la constatation d’une maladie hémorragique décimant des troupeaux de bétail. Schofield, un vétérinaire de l’Alberta, établit en 1921 que cette maladie était liée à la consommation de trèfle doux (ou mélilot) avarié, plante qui servait alors de fourrage aux bêtes. À la même période, Roderick, un vétérinaire du Dakota du Nord aux Etats-Unis, observe la même maladie et rapporte quelques années plus tard que le bétail affecté présentait un déficit profond en prothrombine.
En 1935, alors qu’il étudie le rôle du cholestérol dans l’alimentation, le danois Henrik Dam retrouve un Mélilot officinal, planche botanique, 1891 déficit en prothrombine chez des poulets ayant une alimentation carencée en lipides et souffrant d’une maladie hémorragique. Il émet alors l’hypothèse de l’existence d’une « vitamine K » (K pour koagulation en danois) liposoluble prévenant les hémorragies. Il parvient à isoler cette vitamine la même année, découverte qui lui vaut, ainsi qu’à l’américain Edouard Doisy pour la découverte de sa structure chimique, le prix Nobel de Médecine en 1943. En 1939, Karl Link et son associé Harold Campbell isolent la dicoumarine, provenant de la transformation de la coumarine, peu toxique et normalement présente dans le trèfle doux, par les moisissures lorsque ce dernier est avarié. Ils parviennent à synthétiser la dicoumarine en 1940. Les effets anticoagulants sont pour la première fois documentés chez des volontaires sains en 1941 par Meyer, et Wright en fait un premier usage thérapeutique en 1942. La molécule devient largement disponible en 1944.
En 1945, Karl Link s’intéresse à l’histoire de la lutte contre les rats et sa quête du raticide idéal l’amène à synthétiser un dérivé de la dicoumarine qu’il intitule «warfarin », utilisée alors exclusivement comme raticide ou « mort- aux-rats ».
En 1951, une recrue de la marine américaine échoue à mettre fin à ses jours après l’ingestion de 567 milligrammes de warfarine. Son rétablissement complet incite les cliniciens à tester la molécule chez les humains. S’avérant beaucoup plus efficace que la dicoumarine, elle fut commercialisée en 1954. Elle devint par la suite le traitement de référence des maladies thromboemboliques veineuses et artérielles. En France, elle est concurrencée par la fluindione qui lui est largement préférée .
Le mode d’action de la warfarine ne fut connu qu’en 1974, grâce au travail de Stenflo et al.
Données d’utilisation des anticoagulants oraux en France
Antivitamines K
Les ventes et la prescription d’AVK ont augmenté régulièrement de 2000 à 2012 (7,12). Par la suite, selon les données de l’échantillon généraliste de bénéficiaires (EGB), la prévalence d’utilisation des AVK a diminué à partir de l’extension de l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) des AOD (1,9 % des bénéficiaires du régime général en 2012 contre 1,7 % en 2013) .
On constate une évolution différente selon l’AVK étudié (7) :
– La fluindione étant l’AVK très majoritairement prescrit en France, son évolution influence celle de l’ensemble des AVK (1,5 % des bénéficiaires en 2012 ; 1,32 % des bénéficiaires en 2013) ;
– L’utilisation de l’acénocoumarol diminue lentement (0,23 % en 2007 ; 0,14 % en 2013) ;
– Tandis que celle de la warfarine augmente progressivement (0,09 % en 2007 ; 0,24 % en 2013).
En 2016, près de 929 000 sujets ont été traités par AVK en France : la fluindione représentait 82 % des prescriptions, la warfarine 13 % et l’acénocoumarol 5 % .
Anticoagulants oraux directs
Les premières AMM des AOD ont été délivrées en 2008 (prophylaxie en chirurgie orthopédique) (12). Les AOD ont été introduits sur le marché français en 2009 (7). Leur utilisation augmente très rapidement de 2011 à 2013, passant de 0,1% à 0,6% des bénéficiaires du régime général, probablement du fait de l’extension de l’AMM à la prise en charge des fibrillations atriales non valvulaires (FANV) à partir de mi-2012, et continue d’augmenter depuis (7). En 2016, près de 569 000 sujets ont été traités par un AOD en France : 52% par rivaroxaban, 32% par apixaban et 16% par dabigatran (13).
Antivitamines K versus anticoagulants oraux directs
En 2013, les AVK représentaient 74% de la prescription d’anticoagulants oraux et les AOD 26% (7). En 2016, les AVK représentaient 62% de la prescription d’anticoagulants oraux et les AOD 38% (13). Bien que les AVK étaient toujours majoritaires, on a constaté depuis le 4ème trimestre 2014 que le recours aux AOD en 1ère intention était plus fréquent que celui aux AVK, avec un écart de plus en plus net depuis fin 2015 .
Généralités sur les antivitamines K
Pharmacologie
Pharmacocinétique
L’absorption des AVK est rapide et se fait par voie digestive après ingestion orale. (14) Dans le sang, ils sont fortement liés aux protéines plasmatiques, en particulier l’albumine (à plus de 95%) (10,14). Seule la forme libre est active (14). Elle est métabolisée dans le foie par le cytochrome P450, en particulier par l’enzyme CYP2C9 (15). L’élimination est urinaire. Les AVK traversent le placenta et il existe un passage dans le lait maternel (plus important avec la fluindione). La demi-vie d’élimination varie selon la molécule : (14)
– Acénocoumarol : 8 à 11 heures ;
– Fluindione : environ 31 heures ;
– Warfarine : 35 à 45 heures.
Pharmacodynamie
Les AVK sont des anticoagulants oraux indirects. Ils empêchent la synthèse des formes actives de quatre facteurs de la coagulation (facteurs II, VII, IX et X) et de deux inhibiteurs (protéines C et S) (14). Afin d’être transformés en enzymes actives, leurs précurseurs hépatiques inactifs nécessitent une fixation à des surfaces phospholipidiques spécifiques qui se fait grâce à une action de décarboxylation dont la vitamine K réduite est le cofacteur (10,14). Les AVK vont inhiber l’activité de la vitamine K époxyde réductase par analogie structurale avec la vitamine K : ce sont des antagonistes compétitifs de la vitamine K époxyde réductase (10). Ainsi, les AVK n’ont pas d’effet sur les facteurs de coagulation synthétisés avant leur introduction et nécessitent donc un délai avant d’être actifs, délai qui dépend de la demi-vie de ces facteurs, variant de 6h (facteur VII) à 2-3 jours (facteurs II et X). L’équilibre thérapeutique n’est donc atteint que plusieurs jours après l’introduction d’un traitement par AVK (14). Par ailleurs, bien que leur effet anticoagulant soit prédominant, les AVK inhibant aussi des inhibiteurs de la coagulation, il peut exister un effet procoagulant transitoire à l’initiation du traitement (15). Ces deux derniers éléments impliquent la nécessité d’une couverture héparinique à l’introduction d’un traitement par AVK, qui sera à maintenir jusqu’à l’obtention d’un effet anticoagulant correct .
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Table des matières
INTRODUCTION
MISE AU POINT
I. Histoire des antagonistes de la vitamine K
II. Données d’utilisation des anticoagulants oraux en France
A. Antivitamines K
B. Anticoagulants oraux directs
C. Antivitamines K versus anticoagulants oraux directs
III. Généralités sur les antivitamines K
A. Pharmacologie
B. Molécules disponibles en France
C. Indications
D. Contre-indications
E. Facteurs influençant l’efficacité
F. Effets indésirables
G. Modalités de prescription des AVK
MATÉRIEL ET MÉTHODE
I. Design de l’étude
II. Période de suivi
III. Patients
A. Population concernée
B. Sélection et inclusion des patients
IV. Critères de jugement
V. Recueil de données
VI. Nombre de sujets nécessaires
VII. Analyses statistiques et outils utilisés
A. Mesure et comparaison des critères de jugement
B. Autres comparaisons
VIII. Considérations éthiques
RÉSULTATS
I. Composition de la population d’étude
II. Caractéristiques de la population analysée
A. Âge
B. Genre
C. Type d’AVK
D. Indications du traitement
E. Fonction rénale
III. Caractéristiques des patients exclus
A. Composition
B. Âge
C. Genre
D. Indication
E. Fonction rénale
IV. Répartition des INR par rapport à l’IT en fonction de la molécule
A. TTR selon la molécule
B. Temps passé en dehors de l’IT en fonction de la molécule
V. Délai moyen entre deux dosages d’INR selon la molécule
DISCUSSION
I. Rappel des résultats principaux
II. Interprétation des résultats
A. Temps passé dans l’intervalle thérapeutique
B. Délai entre les dosages d’INR
III. Comparaison avec la littérature
A. Études retrouvées dans la littérature
B. Analyse des données de littérature et comparaison avec l’étude STAB-AVK
IV. Forces et limites de l’étude
A. Critique méthodologique
B. Comparabilité des groupes fluindione et warfarine
C. Patients exclus
D. Représentativité de la population d’étude
V. Perspectives
A. La prescription de fluindione restreinte au seul renouvellement de traitement
B. L’usage du TTR en pratique courante
C. Pistes pour de futurs travaux de recherche
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES