Iode : Généralités
Propriété physico-chimiques
Découvert en 1811 par un français, Bertrand Courtois, l’iode à l’état naturel est un élément chimique de symbole I127 et de numéro atomique 53. Appartenant à la famille des halogénés, tout comme le brome et le fluor, c’est l’oligo-élément le plus lourd présent dans la plupart des formes de vie terrestres et est essentiel à la physiologie humaine. Il possède 15 isotopes, le plus connu d’entre eux étant I131, utilisé à des fins radiopharmaceutiques (The Merck Index, 1996). On le trouve principalement à l’état diatomique I2, où il prend la forme d’un solide cristallin d’un noir violet,solide à 298 ̊K (25 °C), présentant un éclat légèrement métallique et une odeur caractéristique et irritante. C’est de cette coloration particulière que lui vient son nom tiré du grec ancien ἰοειδής, iôèïdes (« de couleur violette »).
Malgré une moindre réactivité que les autres halogènes, l’iode forme des composés avec la majorité des éléments et est présent à peu près partout de façon hétérogène. Malgré sa faible solubilité à l’eau on le retrouve à plus forte concentration dans l’eau de mer que dans les roches (INRS, 2006), sous forme de sels. L’élément possède de nombreux états d’oxydation et c’est principalement sous ses formes iodure (I-), iodate (IO3-) ou d’iode organique (org-I) qu’on le retrouve le plus communément. Sa mobilité dans l’environnement dépend alors de sa spéciation et d’une série de réaction chimiques et microbiennes diverses (Yeager, 2017).
Le cycle de l’iode
Le cycle biogéochimique de l’iode repose sur d’important échanges entre les compartiments océanique et atmosphérique. L’océan et les sédiments marins constituent le réservoir principal d’iode, essentiellement sous forme iodate et iodure (Whitehead, 1985). Le phytoplancton et les algues présentes en zone côtières possèdent le matériel enzymatique nécessaire d’une part à la capture des iodures dans l’eau de mer, mais également à la l’émission des composés volatiles iodés (CH3I, CH2I etc) par mécanismes de défense (Malin et al., 2001). Une fois dans l’atmosphère et sous l’action de l’ozone, très oxydant, ces composés participent à la formation d’un pool réactif d’iode (IO, I2O, OIO etc) qui précipite ensuite avec les pluies à la surface des continents. On retrouve alors sa trace dans l’eau, les sols et la flore. L’iode rejoint ainsi la chaine alimentaire. Les eaux de ruissellements et les cours d’eau participent au retour vers le compartiment océanique tandis que les bactéries du sol permettent une retransformation en composés volatiles. Ce cycle biogéochimique concerne aussi bien l’iode à l’état stable que ces différents isotopes radioactifs notamment l’iode 131 et 129 crées par l’homme, radiotoxiques. C’est pourquoi la compréhension des mécanismes biologiques de dissémination de l’iode a toujours été en enjeu environnemental et de santé publique, notamment après les évènements de Tchernobyl (Verhaeghe, 2009).
Les sources d’iode
L’exploitation humaine
On estime que les réserves mondiales d’iode étaient de 15 millions de tonnes en 2010 (OECD, 2011). Bien qu’initialement extraite et exploitée à partir des grandes algues marines dès le début du XVIIème siècle, l’entreprise s’est rapidement avérée peu rentable économiquement par l’homme qui a dû se tourner vers d’autres moyens d’exploitations (CurtisStandford, 1862). Le plus grand entrepôt naturel et site d’exploitation de l’iode se situe dans la « Nitrate bed » au Chili qui fut formée quand la mer antique se minéralisa. Jusqu’à récemment encore, la majeure partie de la production mondiale provenait de ses gisements, faisant du Chili le premier producteur en 2005 avec 62% des réserves mondiales. Néanmoins avec la multiplication des utilisations industrielles de l’iode au vingtième siècle, la production d’iodure s’est diversifiée ; notamment avec la création au Japon et aux Etats-Unis des saumures, ces solutions aqueuses fortement concentrées en chlorure de sodium obtenue par forage d’un puit profond dans le gisement de sel. A noter que plus de 99.5 pour cent de la production actuelle du monde d’iodure et iodate sont destinés à des fins industrielles non liées à la nutrition (Fernandez, 1990).
L’iode alimentaire
L’essentiel de l’iode alimentaire est d’origine marine et sa fixation terrestre et inégale. Sa distribution repose sur plusieurs caractéristiques environnementales : pluviométrie, éloignement maritime, structure et composition des sols notamment. Ce qui explique pourquoi les régions montagneuses soumises aux glaciations sont les plus carencées (Cano et al., 2007). Les iodures s’accumulent dans les organismes marins dont l’algue marine qui constitue l’organisme terrestre qui a la plus forte concentration (0,5 à 1% de leur poids sec. Sur les sols, de petites quantités d’iode sont incorporées d’abord par les végétaux puis sont assimilés par les herbivores (Medrano-Macias et al., 2016). On retrouve alors dans notre assiette et dans leur ordre d’importance ; les produits à base de viandes, poissons, œufs, qui participent à 22 % aux apports iodés chez l’adultes (dont 9,2% pour les poissons). Viennent ensuite les produits laitiers à hauteur de 20 %, les fruits et légumes et produits à base de fruits et légumes (12%) et les produits céréaliers (12%) (ANSES, 2017). Le sel de table est également utilisé comme vecteur d’enrichissement en iode (1860 µg/100g contre 1,8 µg/100g pour du sel non iodé) (ANSES, 2018). L’eau potable, elle, représente une part négligeable dans cet apport. Ces distributions tiennent compte d’une distribution « naturelle » de l’iode mais également de l’usage par les industriels de supplémentation pour les animaux ou de l’utilisation de produits iodés dans le processus de fabrication (désinfectants des récipients, des pis de vaches etc) (AFSSA, 2005).
L’iode radioactive
Très mobile dans l’environnement car volatils, les isotopes radioactifs de l’iode sont soumis aux mêmes propriétés physico-chimiques et au même cycle de distribution jusqu’à notre alimentation. La plupart des isotopes radioactifs ont des temps de demi-vie très court et se transforme en composé de l’iode stable assez vite.
A titre d’exemple ; Compte tenu de sa demi-vie courte (8.02 jours), l’iode 131 est un produit de fission les plus redoutés lorsqu’il est relâché accidentellement dans l’environnement. Il se concentre dans la thyroïde et est à l’origine de cancers de cette glande sensible qui fixe l’iode. Bien qu’on considère aujourd’hui que la totalité de la production résiduelles issues des explosions nucléaires de la période 1945-1962 ai disparu, l’iode 131 continue de faire l’objet d’une règlementation et d’une surveillance accrue des services publics ; notamment autour des centrales nucléaires et des laboratoires médicaux (Perrin et al., 2001). On recense également au cours de ces 50 dernières années quatre accidents majeurs avec libération de d’iode radioactifs : Windscale (Grande-Bretagne 1957), Three Mile Island (EtatsUnis, 1979), Tchernobyl (Ex-URSS, 1986) et Fukushima (2011) dont les retombées font encore aujourd’hui l’objet d’études mais qui ont permis une avancée significative dans la diffusion de l’information et des actions à entreprendre pour protéger les populations (Le Guenn et al., 2017).
Rappels physiologiques
La définition d’oligo-élément auxquels répond l’iode fut introduite par le chimiste Gabriel Bertrand au début du siècle. Elle ne repose ni sur des propriétés chimiques ni sur des propriétés biologiques propres mais sur leur surprenantes capacités à se fixer sur des protéines pour changer leurs fonctionnalités et ceux, malgré des teneurs inférieures à 1 mg/kg de poids corporel (Chappuis, 1991). Chez les vertébrés supérieurs, un organe appelé thyroïde est entièrement dédié à l’incorporation de l’ion iodure dans une protéine pour générer les hormones thyroïdiennes.
Physiologie thyroïdienne de base
La thyroïde est une glande endocrine bilobée d’une trentaine de grammes située dans la partie antérieure du cou, de part et d’autre du larynx. Elle présente une partie moyenne, mince et étroite, appelée isthme qui forme un pont entre les deux lobes. La thyroïde mesure 5 cm de large et 5 cm de haut pour une épaisseur d’environ 1,5 cm. Significativement plus importantes chez la femme que chez l’homme, ces dimensions sont variables d’un individu à l’autre. Le volume total de la glande est de l’ordre de 10 à 28 ml (Leenhardt L et al., 2001). Elle est responsable de la concentration sélective de l’iode nécessaire à la formation des hormones thyroïdiennes : la tétraïodothyronine ou thyroxine (T4) principalement et la T3 ou triiodothyronine dans une moindre mesure. L’unité fonctionnelle de la thyroïde est une sphère de 200 à 300 μm de diamètre appelée follicule thyroïdien. Cette sphère est constituée d’une couronne de cellules folliculaires (les thyréocytes) qui représentent plus de 99% des cellules de la glande et sont entièrement dédiés à la formation des hormones thyroïdiennes. Ces cellules sont orientées, c’est-à-dire qu’elles possèdent un pôle apical du côté de la colloïde et un pôle basal du côté des vaisseaux sanguins. Les thyréocytes délimitent une cavité centrale contenant la substance colloïde. L’iode est concentré au sein de cette lumière ou il pourra se coupler avec une glycoprotéine précurseur de T3 et T4, la thyroglobuline.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. IODE : GENERALITES
1. PROPRIETE PHYSICO-CHIMIQUES
2. LE CYCLE DE L’IODE
3. LES SOURCES D’IODE
a. L’exploitation humaine
b. L’iode alimentaire
c. L’iode radioactive
II. RAPPELS PHYSIOLOGIQUES
1. PHYSIOLOGIE THYROÏDIENNE DE BASE
2. L’HORMONOSYNTHESE
a. Captage de l’iodure
b. Incorporation à la thyroglobuline
c. Stockage et libération
d. Régulation
3. EFFETS DES HORMONES THYROÏDIENNES
a. Mécanisme d’action
b. Effets biologiques
b.1 Effets sur la croissance et le développement
b.2 Effets métaboliques
b.3 Effets tissulaires specifiques
4. CONSEQUENCES DES TROUBLES DE L’EQUILIBRE IODE
a. La carence en iode
a.1 Les besoins en iode
a.2 Les principaux indicateurs de surveillance
· Classification des goitres selon l’OMS
· La mesure biochimique de l’iode urinaire
· Autres voies d’explorations
a.3 Les manifestations de la carence en iode
· Chez l’adulte
· Chez l’enfant et l’adolescent
· Chez la femme enceinte
b. La surcharge iodée
III. LES TROUBLES DE L’IODE DEPUIS L’ANTIQUITE
1. DANS L’ANTIQUITE
2. AU MOYEN AGE
3. DU 15EME AU 18EME SIECLE
4. LA DECOUVERTE DE L’IODE
5. L’HISTOIRE DES CRETINS DES ALPES
6. L’IODE COMME SOLUTION
7. LA FIN DU PUZZLE
IV. LES UTILISATIONS DE L’IODE
1. ANTISEPTIQUE
a. Historique
b. Généralités
c. Classification
d. Réglementation
2. L’IODE COMME PRODUIT DE CONTRASTE
a. Historique
b. Généralités
c. Réglementation
d. Classification
3. L’IODE COMME TRACEUR RADIOPHARMACEUTIQUE
a. Historique
b. Généralités
c. Réglementation
d. Classification
4. L’IODE EN RADIOTHERAPIE
a. Historique
b. Généralités
c. Réglementation
5. LES PASTILLES D’IODE
a. Historique
b. Généralités
c. Réglementation
6. L’IODE DANS LA PREVENTION DE LA CARENCE IODEE
a. Historique
a.1 L’initiative d’un mouvement planétaire
a.2 La situation en Europe
a.3 La résolution du problème envisagée
b. Généralités
c. Réglementation
V. LES PRODUITS IODES EN PHARMACIE
CONCLUSION