Histoire de l’inceste et contextualisation

 Histoire de l’inceste et contextualisation

Cadre référentiel

Histoire de l’inceste et contextualisation

Selon Haesevoets (2003), l’inceste impliquerait les notions de secret et de silence et nécessiterait une réflexion systémique afin de mieux l’appréhender dans son contexte (Haesevoets, 2003, p.20). C’est pourquoi nous souhaiterions l’éclairer de quatre dimensions : étymologique (science de l’origine du mot), mythologique (ensemble de mythe), anthropologique (étude de l’être humain dans tous ses aspects) et sociologique.
La notion d’inceste apparaît pour la première fois en 1350 dans des écrits religieux (Haesevoets, 2003, p.22). Le terme vient du latin « incestus » signifiant « impur », non chaste, souillé. » (Haesevoets, 2003, p.22). Au sein de la société antique grecque, notamment chez les aristocrates, Haesevoets (2003) mentionne que de nombreuses unions entre frère et sœur avaient lieu dans le but de perpétuer leur lignée. De plus, ces unions devaient également être commandées par des règles religieuses (Haesevoets, 2003, p.21). D’ailleurs, l’union la plus célèbre, histoire fondatrice dans la découverte de la psychanalyse mise en lumière par Sigmund Freud, reste le mythe d’Œdipe tuant son père et épousant sa mère par erreur. Celle-ci a été utilisée pour illustrer le complexe d’Œdipe défini comme le désir inconscient de l’enfant d’entretenir un rapport sexuel avec son parent de sexe opposé et celui d’éliminer le parent « rival » (Philip D. Jaffé, dans cours Psychologie de l’enfance enseigné au MIDE : Unige, 2019).
D’après la pensée anthropologique, l’inceste est inscrit dans les sociétés de manière universelle. En effet, l’interdiction d’entretenir des rapports sexuels avec un parent proche « apparaît comme une loi universelle, et par conséquent liée à la nature humaine elle-même ». (Haesevoets, 2003, p.24). Bien que l’inceste semble être perçu aujourd’hui comme étant une interdiction absolue (Haesevoets, 2003, p.24), notamment dans notre société occidentale, il peut encore exister des sociétés acceptant les unions entre proches. L’exemple donné par Haesevoets, est celui de tribus au Cambodge où le mariage entre frère et sœur est non seulement permis mais est même perçu comme un privilège. Aussi, dans certains pays d’Afrique centrale, les rapports sexuels entre frère et sœur semblent être bénéfiques. En effet, ces unions permettraient de rendre ces garçons guerriers et invincibles (Maish lafont, 1970, cité dans Haesevoets, 2003, p.25).
Dans le livre de Durkheim « La prohibition de l’inceste et ses origines », l’auteur explique que les sociétés appliquent la loi d’exogamie. Cette loi est définie comme l’interdiction entre membres d’un même clan de s’unir sexuellement entre eux (Durkheim, 1897, p.25). Dans certaines sociétés comme l’Australie et l’Amérique, les personnes ne respectant pas cette règle pouvaient se voir infliger comme sanction la peine de mort. « Ailleurs, il ne semble pas qu’une peine soit infligée » (Durkheim, 1897, p.28), mais qu’une croyance générale soit émise selon laquelle les sanctions se feront naturellement, que les coupables seront punis par les Dieux. « La conviction que le châtiment ne peut être évité est même tellement absolue que, très souvent, l’idée seule de la faute commise suffit à déterminer chez le coupable […] la mort. » (Durkheim, 1897, p. 28) Selon Lubbock, Spencher et Lennon, s’unir sexuellement entre membres du même clan, à savoir ici ayant des liens de parenté, serait devenu, progressivement de génération à génération, interdit. En effet, « les hommes auraient été amenés […] à aller prendre leurs femmes dans des tribus étrangères plutôt que dans les leurs, et avec le temps, cette habitude se serait consolidée en règle impérative. » (Lubbock, Spencher & Lennon, s.d., cité dans Durkheim, 1896, p.66-67). Parallèlement, selon Haesevoets (2003), la notion d’inceste ne stipulait pas clairement quelle union était interdite. La signification comportait effectivement des expressions complexes telles que « union aux conséquences irrémédiables et contraire à la loi, union contraire à l’ordre religieux » (Haesevoets, 2003, p.22).
C’est ainsi qu’une évolution vers une définition plus large de l’inceste a eu lieu. Cette notion, valable actuellement, recouvre l’interdiction des unions à savoir les mariages entre ascendants et descendants, entre frères et sœurs (Haesevoets, 2003, p.22). A cette lecture historique, nous pouvons ajouter qu’en plus de se traduire dans les mœurs, cette norme s’inscrit également dans les textes légaux qui s’opposent aux mariages entre personnes ayant des liens de parenté ; à l’exemple du droit pénal suisse qui inscrit l’inceste dans son code pénal le 21 décembre 1937 à l’article 213 et le considère alors comme une infraction (art. 213 CP).

L’inceste aujourd’hui ?

Nous constatons que, dans certains pays, les unions incestueuses sont encore tolérées et donc encore pratiquées. Il est alors intéressant de se demander dans quelle mesure les représentations sociales influencent le rapport à l’inceste. Cela permet de s’interroger sur la perception que chaque société entretient vis à vis de l’inceste. Peuton vraiment parler de prohibition universelle si, pour certaines personnes, les relations avec un membre de la même famille sont considérées comme bénéfiques ?
Nous pouvons ainsi imaginer que l’inceste pouvait être associé autrefois aux relations amoureuses, alors qu’aujourd’hui, les situations incestueuses impliquant un mineur semblent d’office ouvrir un débat sur la question du consentement. Qu’en est-il alors lorsqu’il s’agit de deux mineurs et particulièrement quand ils sont issus d’une même fratrie : s’agit-il d’un abus sexuel ?

Quand la normalité sexuelle devient transgressive

Il y a environ vingt ans, « tout acte sexuel pratiqué par un adolescent était plutôt envisagé comme un geste d’exploration peu conséquent et banal à cet âge » (Haesevoets In Jaffé et Zermatten, 2010, p.112).
Aujourd’hui, la littérature, certains magazines de psychologie ou encore certains articles scientifiques, évoquent la question des enfants prépubères et des adolescents comme étant « susceptibles d’être ou de devenir des “abuseurs sexuels” au sens premier du terme » (Haesevoets In Jaffé et Zermatten, 2010, p.113). En effet, il n’est pas rare, selon De Becker (2016), au sein même des professionnels travaillant avec cette population cible, « d’entendre certaines représentations à l’encontre de jeunes qui ont agi leur sexualité sur autrui. Des signifiants comme “prédateur, pédophile, pervers” sont véhiculés alors qu’il est cliniquement significatif de prendre le temps de déterminer les éléments qui ont poussé l’adolescent à agir, avant éventuellement de le cataloguer. » (De Becker, 2016, p.847).
La section actuelle propose donc une réflexion sur ce qui relève de la normalité au niveau de la sexualité (infantile) et ce qui est de l’ordre de la transgression. De plus,comme la sexualité fait partie intégrante de la vie de l’enfant depuis sa naissance, il n’est pas possible de l’aborder sans traiter des différents stades du développement psychosexuel chez l’enfant. Ces derniers permettront ainsi de distinguer la sexualité saine de l’agression sexuelle. Suivra ensuite, la particularité que l’on retrouve chez l’inceste fraternel. En effet, il semble difficile de différencier ce qui relève des jeux sexualisés de l’abus sexuel. Chez certains auteurs comme De Becker (2016), l’inceste consiste, en général, en une union fusionnelle entre deux personnes du même sang où chacun y trouve son compte. La passion est d’ailleurs au centre de cette relation, alors que la notion d’abus renvoie à l’idée d’emprise de celui qui commet l’acte sur la victime et du rapport de pouvoir (De Becker, 2016, p.847)

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Table des matières
Liste des abréviations et sigles
Remerciements
Résumé
Première partie : généralités
1.1 Introduction, problématique et question de recherche
1.2 Processus de la démarche
1.3 Méthodologie
1.4 Cadre éthique
Deuxième partie : définitions juridiques
2.1 Définition du terme d’enfant
2.2 Entre abus sexuel et actes d’ordre sexuel avec des enfants, quelle distinction ?
2.2.1 Définition de l’abus sexuel
2.2.2 Actes d’ordre sexuel avec des enfants, que recouvre ce terme ?
2.2.3. Définition de l’inceste
Troisième partie : cadre référentiel
3.1 Histoire de l’inceste et contextualisation
3.1.1 L’inceste aujourd’hui ?
3.2 Quand la normalité sexuelle devient transgressive
3.3 Définition entre exploration sexuelle (normalité) et transgression sexuelle
3.3.1 Qu’en est-il de la transgression ?
3.3.2 Inceste fraternel, quelles particularités ?
3.4 Discerner le jeu sexuel de l’abus sexuel
3.5 Pourquoi certains enfants victimes ne dévoilent pas les abus sexuels ?
3.6 Le rôle du parent dans les transgressions incestueuses : quelle part de responsabilité et quelle place pour les réactions émotionnelles lors du processus de dévoilement ?
3.6.1 Le mythe de la mauvaise mère : entre soutien et conflit de loyauté
3.6.2 La mère protectrice dit secure
3.6.3 La mère non protectrice
Quatrième partie : que dit la loi sur le plan pénal et en matière de signalement concernant les infractions contre l’intégrité sexuelle impliquant des mineurs ?
4.1 Quelle distinction entre les infractions ?
4.2 Le délai de prescription de l’action pénale
4.3 Quand dénonciation pénale et signalement vont de pair ?
4.4 La victime mineure dans la procédure pénale : protection et droits spécifiques
4.5 Quid de l’auteur ?
Cinquième partie : que dit le code civil en matière de signalement concernant les infractions contre l’intégrité sexuelle impliquant des mineurs ?
5.1 Le droit d’aviser et le devoir de signalement
Sixième partie : partie empirique
6.1 Analyse des entretiens
6.1.1 Les spécificités des abus sexuels intrafamiliaux
6.1.2 L’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 de la CDE)
6.1.3 La crédibilité du discours de l’enfant victime
6.1.4 La complexité de la dynamique familiale
6.2 Discussion
6.2.1 Quelles sont les spécificités de ces situations intrafamiliales ?
6.2.2 Quelles sont les précautions à prendre lors du recueil du récit de la victime ?
6.2.3 Quelles sont les logiques opposées aux intérêts de la victime mineure et à ceux de l’auteur mineur ?
6.2.4. Quelles interventions faut-il privilégier dans ces situations ? Est-ce que la procédure pénale est la meilleure des solutions ?
6.3 Limites du travail, apprentissage et perspectives futures
7. Conclusion
8. Bibliographie
9. Annexes
Annexe n° 1 : Document de confidentialité
Annexe n°2 : échantillon des professionnels interviewés
Annexe n° 3 : Appellations des autorités compétentes selon les cantons de Vaud –
Genève et du Valais
Annexe n°4 : vision globale des interventions
Annexe n°5 : Flyer mentionnant des conseils pratiques sur l’abus sexuel ou maltraitance sur enfant. Ce document a été édicté par la Commission cantonale contre les mauvais traitements et l’exploitation sexuelle
Annexe n°6 : Outil d’évaluation au sein de la protection de l’enfance

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