HISTOIRE DE LA PROTHESE TOTALE INVERSEE D’EPAULE
Les premières prothèses d’épaule ont vu le jour à la fin du XIXe siècle.
La première prothèse conçue par le français Jules Emile Péan, fut posée en 1893. Il s’agissait d’une prothèse contrainte avec une tige humérale en platine reliée à un système de cardan, articulé sur une tête en caoutchouc enduite de paraffine dans un cas d’arthrite tuberculeuse .
L’histoire débute en partie grâce à Charles S. Neer avec la conception de sa première prothèse humérale non contrainte en 1951 puis en 1973 pour la coupler à une pièce glénoïdienne [8]. Cependant, des limites apparaissent concernant l’insuffisance de la coiffe des rotateurs et la précarité de la fixation glénoïdienne. Le concept de prothèse inversée émerge en 1970, toujours attribué à Charles S. Neer [9]. Le modèle « Mark 1 » voulait permettre de lutter contre l’ascension de la tête humérale .
Le modèle « Mark 2 » a réduit la taille de la glénosphère afin de permettre la réinsertion des tubérosités. Cependant, l’évolution fut marquée par d’importants descellements liés aux contraintes mécaniques. Le modèle « Mark 3 » voulut trouver un compromis en proposant une glénosphère de taille intermédiaire ainsi qu’une rotation axiale dans le fourreau huméral .
D’autres concepteurs ont réalisé des designs différents, avec des résultats malheureusement très limités. Paul-Marie Grammont en 1985 [1] développe le concept de l’inversion et définit les principes biomécaniques de la médialisation et de l’abaissement du centre de rotation. La prothèse de Grammont premier modèle comporte une glénosphère cimentée de 2/3 de sphère en contact avec une tige humérale cimentée de 1/3 de sphère concave. Le principe de 2/3 de sphère induit une latéralisation du centre de rotation, augmentant les contraintes de cisaillement.
La prothèse Delta III a donc vu le jour en 1989 ( » delta » pour deltoide, seul moteur de cette prothèse) . Trois générations d’implants ont été nécessaires afin d’arriver au design actuel. Les différents implants de la prothèse sont constitués pour la partie humérale, d’une tige et d’une métaphyse sur laquelle s’insère la cupule en polyéthylène disponible en deux diamètres (36-42 mm) et qui mesure 6 mm d’épaisseur. La tige et le col peuvent être cimentés ou non. Les matériaux des implants huméraux sont polis ou recouverts d’hydroxyapatite. Pour la partie glénoïdienne, l’hémisphère est placée sur une platine ou métaglène directement au contact de la surface glénoïdienne et fixé par un plot central et des vis divergentes. Pour les implants glénoïdiens, la glénosphère est en chrome-cobalt, la métaglène en inox avec deux diamètres disponibles (36 et 42 mm). La prothèse Delta III (Depuy International Ltd, Leeds, England) est donc posée depuis quelques années et ses résultats sont maintenant bien connus [10,11,12,13,14,15]. Toutes les séries montrent une récupération de l’élévation active de l’ordre de 120 à 130 degrés.
Les prothèses inversées actuelles (Aequalis TM Reversed Tornier) sont basées sur le même dessin que la prothèse Delta III avec quelques modifications : métaglène et vis en titane, vis supérieures et inférieures autoboquantes à orientation variable, cupule d’épaisseur variable (6, 9, 12 mm) .
Nous pouvons à présent apporter une solution aux patients présentant des omarthroses avec atteinte de la coiffe des rotateurs. D’ailleurs, la diffusion de ce type de prothèse devient mondiale à partir du début des années 2000. Werthel [17] a établi un tableau de 22 implants avec 28 configurations possibles. Il rapporte la latéralisation globale ainsi que celles des différents composants. La prothèse Reversed II latéralise de 8mm sur la composante humérale et de 7,6 mm sur la composante glénoïdienne (métaglène de 36 mm). Une métaglène de 42 mm latéralise de 8,9 mm sur la composante glénoïdienne et de 10,9 mm au niveau de l’humérus. Il s’agit d’une prothèse classée dans le groupe médialisation de la glène et médialisation humérale. La prothèse Aequalis Reversed II latéralise de 2,5 mm par rapport à la prothèse Delta III (prothèse de référence). Les implants permettant une forte latéralisation sont à risque de lésion nerveuse, de surtension musculaire en particulier chez des patients de petites tailles. L’augmentation de longueur liée à la latéralisation a fait craindre initialement des complications mécaniques par insuffisance de fixation dans le col de la scapula. On observe que les prothèses qui ont suivi la prothèse Delta III, latéralisent le centre de rotation prothétique. La prothèse Aequalis Reversed II est considérée comme faiblement latéralisée.
Le recul des prothèses inversées a permis d’en apprécier les limites. Il s’agit notamment d’encoche du bord inférieur du col scapulaire jusqu’à 74% selon les séries [15]. Pascal Boileau a donc proposé de latéraliser le centre de rotation permettant également un meilleur recrutement des fibres antérieures et postérieures du muscle deltoïde. En 2011, on introduit le concept de minimiser la médialisation, en utilisant un greffon permettant de latéraliser le centre de rotation [18]. La technique prendra le nom de bioRSA* en 2017 [5]. L’optimisation des prothèses inversées est toujours d’actualité et nous offre probablement la perspective de nouveaux progrès dans les années à venir.
ANATOMIE ET BIOMECANIQUE DE L’EPAULE
L’épaule se compose de trois segments osseux, la clavicule, la scapula et l’humérus. L’articulation gléno-humérale est l’articulation principale.
ANATOMIE
SCAPULA
La scapula est un os plat et dorsal de la ceinture scapulaire. Sa forme est triangulaire et comporte l’épine de la scapula et le processus coracoïde .
La face costale présente la fosse sub-scapulaire et permet l’insertion du muscle subscapulaire ainsi que du muscle dentelé antérieur sur sa portion médiale. La face postérieure se divise en deux fosses, supra-épineuse et infra-épineuse, donnant respectivement insertion au muscle supra-épineux et aux muscles infraépineux, petit rond, grand rond. L’épine de la scapula sépare ces deux fosses et se termine latéralement par l’acromion. L’acromion, de forme aplatie, est projeté en avant et au-dessus de la cavité glénoïdienne. Sa face supérieure est convexe et rugueuse, tandis que sa face inférieure est concave et lisse. Le bord latéral prolonge l’épine de la scapula et forme un angle droit : l’angle acromial. Le bord médial s’articule avec la clavicule.
Le bord supérieur supporte le processus coracoïde et médialement l’incisure scapulaire qui laisse le passage à l’artère et au nerf supra-scapulaires. Le bord médial donne insertion sur son versant postérieur au muscle élévateur de la scapula au dessus de l’épine et en dessous aux muscles petit et grand rhomboïde. Le bord latéral est mince et s’épaissit pour donner le col de la scapula. Le processus coracoïde a une forme de doigt semi fléchi. Il est orienté en avant et latéralement. Sur son apex s’insère le tendon conjoint (réunion du tendon du chef court du biceps brachial et du tendon du coraco-brachial). Le bord médial permet l’insertion distale du muscle petit pectoral et plus en arrière aux ligaments trapézoïde et conoïde. Sur son bord latéral s’insèrent les ligaments coraco-huméral et coraco-acromial.
La cavité glénoïdale est de forme piriforme, à extrémité inférieure plus large et concave. Elle présente en son centre le tubercule glénoïdal, qui correspond à la portion située entre les noyaux d’ossification supérieur et inférieur. La rétroversion de la glène varie en fonction de l’ethnie, elle est plus importante chez les populations blanches que les populations noires. Mais, il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes. En revanche, les dimensions de la glène ne varient pas en fonction de l’origine ethnique mais en fonction du sexe. Churchill et al. ont mesuré la largeur et la hauteur chez les hommes à respectivement 27,8 +/- 1,6 mm et 37,5 +/- 2,2 mm. Chez les femmes la largeur et la hauteur de la cavité glénoïdale ont été mesurées respectivement à 23,6 +/- 1,5mm et 32,6 +/- [20]. Bicknell et al. confirment également que les dimensions de la glène sont plus grandes chez les hommes que chez les femmes [21]. Le col de la scapula, épais comporte le tubercule supra-glénoïdal donnant naissance au chef long du biceps brachial et le tubercule infra-glénoïdal, au chef long du triceps brachial.
HUMERUS PROXIMAL
L’humérus est un os long. Sa diaphyse est triangulaire, à sommet antérieur et base postérieure .
La face antéro-latérale présente la tubérosité deltoïdienne pour la terminaison du muscle deltoïde. La face antérieure médiale, dans sa partie supérieure, donne insertion aux muscles grand dorsal et grand rond. Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’épiphyse proximale comprenant le col chirurgical, le col anatomique séparant le tubercule majeur et mineur de la tête humérale. Le col chirurgical est en contact, dans sa partie postérieure, au nerf axillaire et aux vaisseaux circonflexes postérieurs. La tête humérale est apparentée à un tiers de sphère de 30 mm de rayon. Le col anatomique donne insertion à la capsule articulaire et aux ligaments glénohuméraux. Le tubercule majeur, grosse saillie latérale, permet l’insertion du tendon supraépineux sur sa face supérieure qu’il partage, en arrière, avec le tendon infra-épineux qui descend jusqu’à la face postérieure. Le tendon du muscle petit rond s’insère sous le tendon du muscle infra-épineux. En avant de l’insertion du tendon supraépineux se trouve le faisceau latéral du ligament coraco-huméral. Le tubercule mineur, plus petite saillie et antérieure, permet l’insertion du tendon du muscle sous-scapulaire. Il reçoit le faisceau médial du ligament coraco-huméral. Entre ces tubercules, le chef long du biceps brachial parcourt le sillon intertuberculaire. Il est recouvert du ligament huméral transverse.
ARTHROLOGIE
L’articulation scapulohumérale ou gléno-humérale est de type sphéroïde, offrant trois degrés de liberté. Le centre de rotation est situé au sein de la tête humérale. Les surfaces articulaires sont recouvertes de cartilage hyalin. La cavité glénoïdale est orientée en avant et latéralement pour s’articuler avec la tête humérale. On mesure la version glénoïdienne grâce à l’angle entre la ligne passant par le point antérieur et postérieur du bord de la glène et la perpendiculaire à la ligne passant par le corps de la scapula dans un plan axial, selon la méthode de Friedman [22]. Friedman rapporte une valeur normale moyenne à 2 degrés d’antéversion. La tête de l’humérus regarde médialement, en haut et en arrière. L’axe d’orientation forme avec l’horizontale, un angle de 45 degrés et un angle d’inclinaison de 130 degrés (angle entre tête humérale et l’axe de la diaphyse). L’angle de déclinaison se mesure avec le grand axe de l’épiphyse distale et forme un angle de 20 degrés ouvert médialement et en arrière.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREAMBULE: PRESENTATION DE L’ETUDE
PARTIE 1: GENERALITES SUR LES PROTHESES INVERSEES D’EPAULE AVEC RESTAURATION DE LA LONGUEUR DU COL SCAPULAIRE
I- HISTOIRE DE LA PROTHESE TOTALE INVERSEE D’EPAULE
II- ANATOMIE ET BIOMECANIQUE DE L’EPAULE
1. ANATOMIE
2. BIOMECANIQUE DE L’EPAULE
3. BIOMECANIQUE DE LA PROTHESE INVERSEE D’EPAULE
III- SCORE FONCTIONNEL ET CLASSIFICATIONS RADIOLOGIQUES
IV- INTERET DE LA RESTAURATION DU BRAS DE LEVIER SCAPULAIRE DU MUSCLE DELTOIDE
V- INDICATIONS ET TECHNIQUE CHIRURGICALE
VI- ETUDE DE LA LITTERATURE SUR LA RESTITUTION DU COL DE LA SCAPULA
VII- COMPLICATIONS
PARTIE 2: ETUDE RETROSPECTIVE DES PROTHESES INVERSEES D’EPAULE AVEC RESTAURATION DE LA LONGUEUR DU COL SCAPULAIRE, DANS LE DEPARTEMENT D’ORTHOPEDIE DU CHU DE ROUEN
I- JUSTIFICATION ET OBJECTIF DE L’ETUDE
II- MATERIEL ET METHODE
1. POPULATION
2. EVALUATION
3. ANALYSE STATISTIQUE
III- RESULTATS
1. CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION ET DES IMPLANTS
2. EVALUATION CLINIQUE
2. EVALUATION RADIOLOGIQUE
3. COMPLICATIONS
IV- DISCUSSION
1. SCORE FONCTIONNEL
2. RESULTATS RADIOLOGIQUES
3. COMPLICATIONS
4. LIMITES
V- CONCLUSION
REFERENCES
CONCLUSION