Histoire de la connaissance et de la prise en charge des psychoses épileptiques

Histoire de la connaissance et de la prise en charge des psychoses épileptiques 

Les premières descriptions de PE à proprement parler datent de la première moitié du XIXème siècle, avec l’émergence de la psychiatrie clinique. A partir de 1930 et la découverte de l’électroencéphalogramme (EEG), l’épilepsie est associée à une cause physiologique (D’Alessio et al., 2012). Les causes de ces maladies ont été longtemps associées à une origine divine. Malgré les avancées scientifiques postulées par Hippocrate, la réflexion mystique a perduré jusqu’à la Renaissance. A partir du XVIIIème siècle commence l’approche dite « psychique ». En 1777, Cullen défini les névroses qu’il différencie en trois sous-groupes dont un nommé « les spasmes », traitant en partie des convulsions. En 1845 apparaît le concept de psychose et, sous l’influence de Pinel, l’épilepsie est classée au sein des pathologies mentales aux côtés de l’hystérie. Quelques années plus tard, Charcot fera la distinction entre l’épilepsie et l’hystérie, « de fausses jumelles » (Charcot, 1872). Les premiers travaux cliniques et neuro-pathologiques traitant des PE se réalisent entre 1820 et 1860, et concernent exclusivement des patients asilaires. Ils conduisent à la description de troubles psychiques variés chez des patients atteints d’épilepsies convulsives (De Toffol, 2002). En 1860, Morel fait état d’un mécanisme de prédisposition génétique expliquant la maladie épileptique. Le développement de la nosologie des psychoses chroniques au tournant des XIXème et XXème siècles va conduire, Kraepelin en 1898 et Bleuler en 1911, à exclure l’épilepsie du champ des troubles psychotiques durables pendant plus de cinquante ans (Latour, 2013). Au début du XXème siècle, Freud revient au concept de névrose avec la théorie du corps pulsionnel : « Nous reconnaissons que la pulsion de destruction est employée aux fins de l’éconduction au service de l’Eros, nous devinons que l’attaque épileptique est un produit et un indice d’une désunion pulsionnelle. » (Freud, 1900). En parallèle, l’analyse structurelle de l’épilepsie par la neurologie progresse avec l’utilisation de l’EEG chez l’être humain par Hans Berger en 1929. En 1958 et 1965, deux nouveaux concepts apparaissent, la normalisation forcée et la psychose alternative respectivement (Landolt, 1958 ; Tellenbach, 1965). Ceux-ci bouleversent cette césure et à partir de ce moment, l’approche des PE devient mixte avec une vision à la fois neurologique et psychiatrique. Le développement de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), de la vidéo-EEG, de l’imagerie fonctionnelle, des moyens diagnostiques génomiques, ont permis une modification en profondeur des classifications de ces troubles (Latour, 2013). De même, la prise en charge des patients atteints de PE a beaucoup évolué à travers l’histoire . C’est à partir de 1920 que les deux pathologies, alors abordées uniquement sous le prisme clinique, seront étudiées de manière différenciée, l’épilepsie par une approche neurologique du « tout électrique », et la  psychose par une approche psychiatrique, restant dans le champ du « tout clinique » (Latour, 2013). Depuis, les découvertes scientifiques dans plusieurs champs de la médecine nous ont amenés à la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire incluant les psychiatres et les neurologues. Si cette prise en charge est idéale, sa mise en place est assez difficile. En effet, la communication entre les psychiatres et les neurologues met souvent en évidence des lacunes dans la connaissance des PE, de leur caractèrepsychotique pour les neurologues, et de leur caractère épileptique pour les psychiatres (Terrada et al. 2019 ; D’Alessio et al. 2012).

Terrada et al, ont évalué les connaissances sur les troubles psychotiques associés à l’épilepsie chez les médecins psychiatres et neurologues en France. Un questionnaire d’auto-évaluation a été envoyé, et les réponses des 486 participants ont été analysées. Les résultats ont montré que le taux de réponses correctes était plus élevé chez les neurologues que chez les psychiatres, respectivement 70,6% et 58,3%. Le taux de réponses correctes le plus élevé a été trouvé pour les participants formés en épileptologie (71%). Cependant, il a été constaté que les connaissances sur les PE étaient imprécises chez tous les participants et que la classification actuelle n’était pas connue de la plupart d’entre eux (77%) (Terrada et al., 2019). Cette situation est problématique pour la prise en charge des patients atteints de PE, parfois exclusivement en psychiatrie, quand la comorbidité avec l’épilepsie n’est pas connue, d’autres fois en neurologie uniquement, lorsque la symptomatologie psychiatrique n’est pas diagnostiquée . D’autre part, quand la collaboration pluridisciplinaire est installée, la prise en charge est encore difficile à réaliser en dehors de centres spécialisés. Néanmoins, ces dernières décennies ont vu une envie de cohabiter et de travailler ensemble entre les psychiatres et les neurologues pour la prise en charge de ces patients (Latour, 2013).

Epidémiologie, classification des psychoses épileptiques et clinique

Il existe deux grandes circonstances associant psychose et épilepsie ; les patients épileptiques qui développent une psychose et les patients souffrants de psychose qui développent une épilepsie (Kanner & Rivas-Grajales, 2016). L’ensemble des PE représentent 95% des psychoses chez les patients épileptiques (Remy, 2001). Les facteurs de risque des PE ont été associés à des caractéristiques de l’épilepsie et plusieurs tentatives de classification ont été réalisées au cours de l’histoire.

Epidémiologie des psychoses épileptiques 

Au cours de leur vie, 35,5% des personnes épileptiques présenteront une pathologie psychiatrique contre 20,5% dans la population générale (Tellez-Zenteno et al., 2007). Les patients épileptiques atteints de psychose représentent un échantillon notable de la population épileptique adulte. La prévalence des troubles psychotiques chez les personnes présentant une épilepsie sévère est de 2 à 7% vs 0,5 à 2% dans la population générale. La prévalence de la psychose est de 10 à 19% chez les patients atteints d’épilepsie du lobe temporal (ELT) (Clancy et al., 2014 ; Gaitatzis et al., 2004). Une recherche chez des adultes a montré, parmi une cohorte de 2,27 millions d’individus, que le taux de schizophrénie est 2,5 à 3 fois plus élevé chez les patients avec épilepsie (Ouss-Ryngaert, 2012). Sur une sélection de malades souffrant d’une épilepsie sévère, en général partielle, chez lesquels on envisage un traitement chirurgical, il a été rapporté que 12% souffraient de psychose. L’incidence de la psychose chez l’ensemble des épileptiques varie de 0,3 à 1,3 % de nouveaux cas par an. Elle s’élève de 10 à 13 % chez les patients pharmaco-résistants pré-chirurgicaux et jusqu’à 19 % en institution spécialisée incluant des encéphalopathies épileptogènes. Les troubles psychotiques représentent environ 10% des diagnostics psychiatriques chez l’épileptique et 50 % des motifs d’admission en urgence des patients épileptiques en milieu psychiatrique (Goddard, 1969 ; Remy, 2001). Les psychoses post-ictales, qui seront définies ultérieurement, concernent 2 à 8% des patients épileptiques.Les psychoses inter-ictales, quant à elles, concernent plus généralement les épilepsies focales pharmaco-résistantes d’évolution prolongée, mais 20% des patients souffrent d’une épilepsie généralisée (De Toffol et al., 2017). Actuellement, nous constatons certaines particularités épidémiologiques telles qu’un intervalle long entre le début de l’épilepsie et l’apparition de la psychose, qui dure en moyenne de 15 années. Celui-ci varie en fonction de la classification du type d’épilepsie, plus court pour l’épilepsie généralisée idiopathique et plus long pour l’épilepsie partielle symptomatique. Des auteurs ont décrit que le risque de développer une PE était corrélé à plusieurs facteurs : la précocité et la fréquence des crises épileptiques, l’importance des lésions cérébrales sous-jacentes, la localisation de lésions cérébrales dans la région temporale, la présence de tumeurs ou d’hamartomes et une dysgénésie corticale, une réponse inadéquate à l’anticonvulsivant et les antécédents psychiatriques personnels du patient (Bakchine, 1998).

Les différentes manières de classer les psychoses épileptiques

Historiquement, différentes manières de classer ces troubles ont été proposées. En fonction de la durée de l’épisode psychotique : les PE épisodiques ou chroniques. Ou encore selon le degré de l’altération de la conscience : les PE à conscience claire ou altérée.

Le DSM-5 classe les PE dans la catégorie des « Troubles psychotiques dus à une autre affection médicale » (American Psychiatric Association, 2013). Cette classification ne permet pas de distinguer les différents types de PE observés, de poser des diagnostics précis, ni d’entreprendre une thérapie adaptée. La classification la plus utilisée actuellement est fondée sur la chronologie de survenue des symptômes psychotiques par rapport aux crises d’épilepsie. A partir de cette classification, on distingue les psychoses ictales et périictales, pendant la crise d’épilepsie, les psychoses post-ictales, à la suite de la crise d’épilepsie et les psychoses inter-ictales, sans rapport chronologique à la crise d’épilepsie (Logsdail & Toone, 1988).

La classification ictale des psychoses épileptiques

Psychoses ictales et péri-ictales
La définition de la psychose ictale au sens strict du terme signifie que les signes de la crise épileptique se manifestent par des symptômes psychotiques. Dans la psychose péri-ictale, les signes psychotiques ne sont pas strictement liés à la décharge épileptique, mais se produisent dans un contexte où les crises ictales et post-ictales sont cliniquement indissociables (Williamson & Engel, 1997). Ces PE sont associés le plus fréquemment à des états de mal partiels complexes. Ces tableaux cliniques peuvent être dus, soit aux décharges épileptiques prolongées dans le temps, soit à une salve de crises généralisées tonico cloniques, ou enfin à l’association de phénomènes critiques et post-critiques (Gastaut & Trassinari, 1975). Dans les psychoses ictales et péri-ictales, des anomalies électrophysiologiques sont généralement détectables à l’EEG, à l’exception de quelques patients atteints d’état partiel simple (Kanner, 2000). La majorité des décharges sont issues d’un foyer limbique au niveau du lobe temporal (Gloor, 1990; Fish et al., 1993). La description de la symptomatologie psychiatrique des psychoses ictales et péri-ictales n’a pas été beaucoup détaillée dans la littérature scientifique. Les hallucinations visuelles sont courantes dans les crises occipitales avec des taux de prévalence de 8% (MarquesAssis et al., 1971) à 72% (Salanova et al., 1992). Les hallucinations auditives ictales ont une localisation particulièrement spécifique aux décharges à proximité du gyrus de Heschl et des zones d’association auditive (Wieser, 1980). Les symptômes cliniques de ces psychoses surviennent généralement brutalement et les patients manifestent un certain nombre de symptômes associés tels qu’une confusion mentale (au premier plan), de nombreux signes psychiques ou comportementaux d’ordre affectif, cognitif, ou perceptuel, des mouvements stéréotypés (souvent des mouvements involontaires de la bouche et des bizarreries), un manque de spontanéité du discours ou bien un mutisme ou encore un délire (Elliott, 2009 ; Kanner, 2000). Les psychoses péri-ictales se caractérisent par une altération fluctuante de l’état de conscience avec une amnésie postcritique. Elles peuvent se classer en simples, quand la conscience est claire et l’EEG normal, et en complexes quand il y a une altération de la conscience, un délire, ou un automatisme moteur (mouvements involontaires) (Tomson et al. 1986). La durée de l’épisode psychotique peut varier de quelques heures à quelques jours avec une rémission totale de la symptomatologie sans traitement antipsychotique. La réalisation d’un EEG peut permettre de faire le diagnostic, puisqu’il s’avère souvent anormal (Kanner, 2000). Au cours d’une crise, il peut montrer une activité de pointes-ondes rythmiques témoignant du caractère critique de l’épisode, mettant en évidence l’état d’absence (anomalies paroxystiques généralisées, bilatérales et synchrones) .

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Table des matières

Introduction
1 Etat des connaissances
1.1 Histoire de la connaissance et de la prise en charge des psychoses épileptiques
1.2 Epidémiologie, classification des psychoses épileptiques et clinique
1.2.1 Epidémiologie des psychoses épileptiques
1.2.2 Les différentes manières de classer les psychoses épileptiques
1.3 La classification ictale des psychoses épileptiques
1.3.1 Psychoses ictales et péri-ictales
1.3.2 Psychoses inter-ictales épisodiques
1.3.2.1 Psychoses inter-ictales épisodiques compliquant des épilepsies partielles réfractaires
1.3.2.2 Psychoses inter-ictales épisodiques compliquant les épilepsies généralisées
1.3.2.3 Psychoses épisodiques schizophréniformes
1.3.3 Psychoses inter-ictales chroniques
1.3.4 Psychoses post-ictales
1.4 Psychoses épileptiques en lien avec la pharmacologie
1.4.1 Psychoses médicamenteuses à la suite de la prise d’un antiépileptique
1.4.2 Risque de crises d’épilepsie attribuées à la prise d’antipsychotiques
1.5 La psychose alternative ou alternante et la normalisation forcée
2 Revue systématique de la littérature
2.1 Matériel et méthode
2.1.1 Objectif de l’étude
2.1.2 Critères d’inclusion et d’exclusion
2.1.3 Bases de données et équations de recherche
2.1.4 Sélection des articles
2.1.5 Recueil et analyses des données
2.2 Résultats
2.2.1 Procédure de sélection des articles
2.2.2 Caractéristiques générales des articles
2.2.2.1 Répartition dans le temps
2.2.2.2 Méthodologie utilisée
2.2.2.3 Provenance géographique de la littérature
2.2.3 Principaux résultats
2.2.4 Analyse des résultats
3 Discussion
3.1 Bases physiopathologiques communes des psychoses et des épilepsies
3.1.1 Le développement cérébral et ses altérations
3.1.2 Neurogénétique
3.1.3 L’altération de la structure cérébrale
3.1.3.1 L’hypertrophie ventriculaire
3.1.3.2 Le traumatisme crânien
3.1.3.3 L’altération de l’hippocampe
3.1.3.4 Travaux morphologiques et structurels et fonctionnelles
3.2 L’influence de l’épisode critique dans la manifestation psychotique
3.2.1 Le phénomène critique
3.2.1.1 Lecture à l’EEG des bouffées de pointes
3.2.1.2 Manifestations psychiques de la crise d’épilepsie
3.2.1.3 Modèle de Kindling ou « embrasement »
3.2.2 L’épileptogenèse
3.2.2.1 Perte neuronale sélective
3.2.2.2 Réorganisation synaptique
3.2.2.3 Neurogenèse
3.2.2.4 Dysfonctionnement astrocytaire
3.2.2.5 Altération de la barrière hémato-encéphalique
3.2.3 L’inflammation dans les psychoses épileptiques
3.2.3.1 Les cytokines
3.2.3.2 Interleukines
3.3 Les hypothèses physiopathologiques des psychoses épileptiques
3.3.1 Les psychoses épileptiques, résultat d’une relation alternante
3.3.2 Les psychoses épileptiques, résultat d’une relation de cause à effet
3.3.2.1 Désorganisation critique répétée
3.3.2.2 Modification structurelle durable du système nerveux central
3.3.3 L’hypothèse dysgénétique
3.3.4 Vers une hypothèse composite ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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