Les travaux présentés dans ce mémoire sont consacrés à quelques aspects de la caractérisation de la matière organique du sol et des activités microbiennes potentielles de minéralisation du carbone et de l’azote.
Problématique générale
La dynamique de la matière organique dans le sol est un déterminant majeur du fonctionnement de l’écosystème. Elle s’exprime en effet par deux phénomènes opposés: d’une part le stockage de composés organiques, modulé par l’intensité de la production primaire et, d’autre part, leur déstockage, modulé par la qualité de l’environnement physique. Dans les deux cas, l’agent principal de cette dynamique est la microflore hétérotrophe du sol dont l’activité minéralisatrice, plus ou moins forte, fixe directement la quantité et la qualité de la matière organique présente dans le sol.
La matière organique est le paramètre fondamental de la fertilité du sol à long et à court terme. A long terme, elle représente un stock d’éléments chimiques, N, P, K, véritable réserve d’éléments nutritifs qui conditionne significativement la fertilité à venir. A court terme, elle est la source quasi exclusive du flux de nutriments, qui contraint fortement la croissance des plantes à chaque instant.
Mais, la matière organique du sol est aussi un stock de carbone. Cet aspect a pris toute son importance dans les années récentes suite à l’évaluation du risque climatique consécutif à l’augmentation de la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Une simple comparaison des quantités de carbone contenues dans l’atmosphère d’une part, et dans le sol et la végétation d’autre part, montre en effet qu’il est théoriquement possible de tamponner une partie de l’excédent de carbone atmosphérique en accroissant modérément le stockage de matière organique dans les sols et la végétation.
Physique. chimie. biologie de la matière organique des sols
Fondamentalement, la quantité de matière organique dans le sol est la résultante de deux processus antagonistes: la production primaire ou, plus exactement, la fraction de cette production qui rentre dans le sol, et la minéralisation microbienne.
Il est inutile d’insister longuement sur la nécessité de caractériser correctement les apports (A) pour comprendre la dynamique de la matière organique. La nature spécifique et le type biologique de la végétation dominante déterminent la nature chimique des résidus végétaux (teneurs en azote, en lignine, etc.), c’est à dire leur valeur alimentaire vis à vis des micro-organismes. La structure spatiale de la végétation conditionne la distribution de la matière organique dans l’espace. L’intensité de la production primaire joue un rôle majeur en fixant le flux de matière organique entrant dans le sol. Il a été montré que le niveau des stocks organiques des sols est corrélé positivement à la température et la pluviosité (Laudelout et al., 1960; Jones, 1973; Feller, 1994).
Le taux de décomposition de la matière organIque (k) est l’autre paramètre déterminant la teneur du sol en matière organique. Il est fonction des conditions pédoclimatiques pertinentes à l’échelle du micro-organisme: température, humidité, oxygénation, minéralogie. acidité du sol (Theng et al., 1989) et texture, qui conditionne une partie de ces facteurs (Anderson et al., 1981; Jones, 1973; Feller et al., 1991c; Hassink, 1992). Mais, le climat ne fait qu’exprimer un potentiel de décomposition, fixé d’abord par la nature chimique des composés organiques, puis par le degré de protection physique qui les affecte (Swift et al., 1979). Teneurs en fibres, en lignine, en polysaccharides sont fréquemment corrélées à la vitesse de minéralisation de la matière organique, de même que la texture à travers la quantité de particules minérales fines, c’est à dire à travers la quantité de sites disponibles (agrégats, feuillets argileux) qui rendent les composés organiques physiquement inaccessibles au métabolisme des micro-organismes.
Le niveau d’activité des micro-organismes hétérotrophes au carbone, dominants dans les sols, n’est rien d’autre que la résultante des contraintes physiques et chimiques qui déterminent la valeur de la matière organique vis à vis des processus du métabolisme. Son étude dans un environnement climatique constant (teneur en eau du sol, température) est donc susceptible de donner accès aux mécanismes fins qui régissent la dynamique de la matière organique et son corollaire, la minéralisation des éléments biogènes.
Minéralisation versus humification
La transformation quantitative et qualitative de la matière végétale morte, ce qu’il est convenu d’appeler la décomposition, est le résultat de deux processus complémentaires l’un de l’autre: la minéralisation et l’humification. Le premier conduit à la production d’éléments minéraux gazeux ou solubles dans l’eau, sous l’action des micro-organismes. Le second est la simple accumulation au cours du temps de molécules organiques d’origine variée, plus ou moins résistantes à la dégradation microbienne, dont l’ensemble constitue l’humus.
Pour une meilleure compréhension de nos travaux, il nous semble utile de rappeler les grandes lignes des mécanismes de biodégradation de la matière organique qui ont fait l’objet de nombreuses publications synthétiques (Swift et al., 1979; Anderson et Flanagan, 1989; Paul et Clark, 1989; Haynes, 1986). De nombreuses études ont également souligné le rôle joué par les racines et la faune tellurique dans l’évolution de la matière organique des sols à tous les stades de sa décomposition (Kubiena, 1955; Lavelle, 1978; Garnier et al., 1987; Abbadie et Lepage, 1989; Abbadie et al., 1992a).
La minéralisation de la matière organIque est l’ensembl,e des processus biochimiques qui font passer les éléments constitutifs des êtres vivants de l’état organique à l’état minéral. Les molécules organiques sont progressivement dégradées et des composés minéraux variés sont produits , émis dans le milieu et, pour certains d’entre eux au moins, réutilisés par les plantes, les microorganismes ou les animaux.
Ce processus de minéralisation est réalisé par un grand nombre de plantes et d’animaux et surtout, en ce qui nous concerne, de micro-organismes du sol. Ces derniers sont en général hétérotrophes au carbone. Ils trouvent dans les composés organiques qu’ils consomment à la fois une source d’énergie, une source de carbone « cellulaire » et une source d’éléments variés nécessaires à leurs biosynthèses diverses.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE: LE CADRE DE L’ETUDE
CHAPITRE 1. POSITION DU SUJET
1.1 PROBLEMATIQUE GENERALE
1.2. ETAT DES CONNAISSANCES ANTERIEURES
1.3. INSERTION DANS LES TRAVAUX DE L’EQUIPE SAVANE
1.4 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
CHAPITRE II. CONTEXTE GEOGRAPHIQUE ET CLIMATIQUE DE LA ZONE D’ETUDE
2.1. LE CLIMAT
2.2. LA VEGETATION
2.3. LES SOLS
DEUXIEME PARTIE : DISTRlBUTION DE LA MATlERE ORGANIQUE
CHAPITRE III. ETUDE DE LA DISTRIBUTION DE LA MATIERE ORGANIQUE DU SOL A L’ECHELLE DE LA TOPOSEQUENCE
3.1 INTRODUCTION
3.2. PRELEVEMENT DES ECHANTILLONS
3.3. ETUDE DE LA VARIATION HORIZONTALE ET VERTICALE DE LA TENEUR DU SOL EN CARBONE ORGANIQUE ET EN AZOTE TOTAL
3.3.1. Matériel et méthodes
3.3.2. Résultats :
3.3.3. Discussions
3.4. CONCLUSION
CHAPITRE IV. DISTRIBUTION DE LA MATIERE ORGANIQUE DU SOL A L’ECHELLE DE LA PARTICULE
4.1. INTRODUCTION
4.2. LE FRACTIONNEMENT GRANULOMETRIQUE DE LA MATIERE ORGANIQUE DU SOL
4.2.1. Les méthodes chimiques de dispersion des particules
4.2.2. Les méthodes physiques de dispersion des particules
4.3. MATERIEL ET METHODES
4.3.1. Détermination de la texture du sol: granulométrie après destruction de la matière organique
4.3.2. Séparation desfractions organo-minérales du sol
4.3.3. Dosages des teneurs en carbone organique et en azote total
4.4. RESULTATS
4.4.1 Texture du sol et distribution des particules organo-minérales
4.4.2. Teneurs et distribution du carbone organique et de l’azote total dans les fractions granulométriques du sol
4.5. DISCUSSIONS
4.5.1. Bilans dufractionnement
4.5.1.1. Bilan en masse
4.5.1.2. Bilans en carbone organique et en azote total
4.5.2. Contribution desfractions au carbone organique et à l’azote totaL
4.5.3. Rapports C/N desfractions
4.6. CONCLUSION
TROISIEME PARTIE: CARACTERISATION DE LA MATIERE ORGANIQUE
CHAPITRE V. CARACTERISATION CHIMIQUE DE LA MATIERE ORGANIQUE DU SOL
5.1. LES CARBOHYDRATES DU SOL
5.1.1. Variations horizontale et verticale de la teneur des sols en carbohydrates
5.1.1.1. Matériel et méthodes
5.1.1.1.1. Extraction des sucres par hydrolyse acide
5.1.1.1.2. Dosage des sucres neutres par chromatographie en phase gazeuse
5.1.1.2. Composition en monosaccharides des différents sols
5.1.1.3. Discussions
5.1.2. Distribution des carbohydrates dans lesfractions granulométriques
5.1.2.1. Matériel et méthodes
5.1.2.2. Résultats
5.1.2.2.1. Concentration en monosaccharides des fractions granu10métriques
5.1.2.2.2. Composition en monosaccharides des fractions
5.1.2.3. Discussions
5.1.3. Conclusion
5.2. COMPOSITION ISOTOPIQUE DE L’AZOTE ORGANIQUE eSN) DU SOL ET DES FRACTIONS GRANULOMETRIQUES
5.2.1. Matériel et méthodes
5.2.2. Résultats
5.2.3. Discussions
5.2.3.1. Distribution des compositions isotopiques le long de la toposéquence
5.2.3.2. Compositions isotopiques des fractions granulométriques
CONCLUSION GENERALE
Télécharger le rapport complet