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Physiopathologie du diabète
Physiopathologie du diabète de type 1
Le diabète de type 1 est dû à une destruction auto-immune des cellules β sécrétrices d’insuline situées dans le pancréas, laquelle entraine une carence insulinique qui conduit à l’hyperglycémie lorsqu’il ne reste plus que 10 à 20% de cellules β fonctionnelles [25, 29].
Ce processus auto-immun se déroule sur plusieurs années (5 à 10ans voir plus avant l’apparition du diabète) [25]. Cette auto-immunité survient sur un terrain génétique prédisposé à la suite de facteurs déclenchant et peut être dépistée avant l’apparition de l’hyperglycémie par des dosages d’auto-anticorps [30].
Il s’agit d’une susceptibilité génétique avec au moins 10génes en cause :
la région du CMH ou HLA sur le chromosome 6p21 (IDDM1) en particulier les allèles HLADR3, DR2, DQB10201 et DQB10302, reste le déterminant génétique majeur [30].
Le VNTR (Variable Number Tandem Repeat) ou IDDM2 à l’origine de la diminution de l’expression thymique du très petit nombre de cellules exprimant le gène de l’insuline, conduisant à un défaut de tolérance immunitaire vis-à-vis de cet auto-antigène [30].
D’autres loci à effets non négligeables ont été localisés sur les chromosomes 15q, 11q13, 6q25, 2q31, 6q27, 3q, 10 ou 14q respectivement IDDM3, IDDM4, IDDM5, IDDM7, IDDM8, IDDM9, IDDM10.
Il est à noter que cette susceptibilité génétique est faible. En effet dans 85% des cas il n’existe pas d’antécédents familiaux de diabète de type 1. En outre le risque pour une mère diabétique de type 1 d’avoir un enfant diabétique est de 2 à 3% alors que le risque est de 4 à 5% lorsque c’est le père qui est diabétique de type 1. Lorsqu’il existe des frères et des sœurs, le risque est de 5% et lorsqu’il s’agit de jumeaux homozygotes le risque est de 30 à 40% [31].
Cette dernière observation et le fait que l’incidence du diabète de type 1 augmente à une vitesse plus rapide que ne le causerait une éventuelle sélection génétique, laissent penser que des facteurs environnementaux seraient probablement à l’origine du déclenchement du processus auto-immun. Ces derniers peuvent être nutritionnels, toxiques ou viraux. Le rôle des virus dans la pathogénie du DT1 est suspecté mais non démontré. En faveur de cette
hypothèse, la haute prévalence du DT1 (~20%) en cas de rubéole congénitale ou la présence du virus Coxsackie B4 isolé dans le pancréas d’enfants décédés lors d’une acidocétose inaugurale. Certains virus pourraient présenter des antigènes communs avec des protéines des cellules β (il existe une séquence peptidique commune entre le virus Coxsackie ou Cytomégalovirus et la décarboxylase de l’acide glutamique), ou encore ils pourraient participer à l’induction d’une apoptose des cellules β : ce qui peut être à l’origine du processus auto-immun. En effet, à la suite d’une apoptose des cellules β que pourrait favoriser un virus, les macrophages du pancréas procèdent à la phagocytose des cellules β mortes. Ils vont ensuite présenter les peptides antigéniques aux lymphocytes TCD4 et TCD8 (LTCD4 et LTCD8) et aux lymphocytes B(LB).
La sous-population des LTCD4 ayant reconnu les peptides antigéniques, se multiplient, se différencient et sécrètent des cytokines qui vont stimuler l’action des macrophages d’abord et vont ensuite activer la multiplication et la différenciation des sous populations de lymphocytes cytotoxiques TCD8 et LB.
La stimulation des macrophages entraine une production de cytokines inflammatoires (IL2, INFγ, TNFα ….) par ceux-ci, caractérisant le développement d’une insulite [30]. Cette dernière est caractérisée pendant la phase terminale par l’infiltration très prononcée des LTCD8 autour des ilots.
A l’instar du développement de cette immunité cellulaire, les plasmocytes provenant des LB activés procèdent à la sécrétion d’anticorps :
– Anticorps anti-ilots (ICA : Islet Cells Antibody), anti GAD (Glutamate Acide Décarboxylase). Ces anticorps sont dirigés contre une enzyme ubiquitaire laquelle enzyme est exprimée au niveau pancréatique.
– Anticorps anti-IA2 dirigés contre une tyrosine phosphate membranaire des cellules β,
– Auto-anticorps anti-insuline retrouvés surtout chez l’enfant.
Ces auto-anticorps n’ont pas eux-mêmes de rôle pathogène mais sont des marqueurs fiables du déroulement du processus auto-immun pathologique, lequel peut se dérouler à bas bruit pendant plusieurs années [25,30].
L’effondrement du taux d’insuline ou l’absence de sécrétion d’insuline qui fait suite à la destruction des cellules β a pour conséquence une réduction du taux de translocation des transporteurs GLUT4 au niveau des tissus adipeux et musculaires. Ce qui entraine un défaut de captation du glucose par ces tissu et occasionne une hyperglycémie [32].
En outre, au niveau des tissus adipeux, l’insuffisance de la stimulation des récepteurs par l’insuline entraine le blocage de la glycolyse, de la voie des pentoses phosphates et de la lipogenèse mais lève l’inhibition sur la lipolyse.
La dégradation des triglycérides produit des acides gras et du glycérol. Les acides gras sont transportés vers les tissus musculaires et le foie et le glycérol est acheminé vers le foie.
Au niveau des muscles, la réduction de l’action de l’insuline sur les récepteurs entraine, entre autre conséquences, le blocage de la glycogénogénèse et la stimulation de la glycogénolyse.
Le stock de glycogène musculaire est ainsi épuisé et les muscles utilisent alors comme source énergétique les acides gras en provenance du tissu adipeux mais aussi les acides aminés glucoformateurs issus de la dégradation des protéines structurales [33].
L’épuisement du stock des lipides au niveau du tissu adipeux et la dégradation des protéines structurales au niveau musculaire expliquent l’amaigrissement observé chez les patients diabétiques [30].
Au niveau hépatique, la baisse ou l’absence de sécrétion de l’insuline ne diminuent pas la captation du glucose par les hépatocytes mais contribuent au redémarrage de la glycogénolyse et de la néoglucogenèse à partir du glycérol, du lactate provenant de la glycolyse musculaire, mais aussi des acides aminés glucoformateurs en provenance de la dégradation des protéines structurales musculaires. Il s’en suit une hyperglycémie [30].
Au même moment, les acides gras issus de la lipolyse dans le tissu adipeux s’engouffrent dans la β-oxydation en produisant de l’acétyl-CoA, qui, ne peut se combiner avec l’oxaloacétate au niveau du compartiment intramitochondrial. En effet, dans cette situation l’oxaloacétate étant utilisé dans la néoglucogenèse, l’acétyl-CoA emprunte la cétogenèse ou voie de production des corps cétoniques (acétone, acide acétoacétique et acide β-hydroxybutyrique), point de départ de la découverte d’un DT1 qui se manifeste généralement par la céto-acidose [30].
L’hyperglycémie résulte d’une part d’un défaut de captation du glucose par les tissus musculaire ou adipeux et d’autre part de la néoglucogenèse hépatique.
Il en résulte une glucosurie qui s’accompagne d’une polyurie par phénomène osmotique. La polyurie quant à elle entraine par phénomène compensatoire une polydipsie [30].
Profil lipidique du diabète de type 1
La lipidémie du DT1 est caractéristique et elle est fonction du degré du contrôle glycémique.
Ainsi dans le DT1 mal équilibré, l’activité de la lipoprotéine lipase est abaissée dans les tissus où elle est régulée par l’insulinémie. Ceci rend compte de l’augmentation de la triglycéridémie, quoique l’élévation des VLDL observée représente généralement une surproduction, combinée dans les cas les plus sévères à une diminution de la clairance.
Une élévation du taux des LDL peut coexister lorsque la déficience en insuline est majeure et se répercute sur la fonction du récepteur des LDL partiellement régulée par l’insulinémie.
Dans le DT1 équilibré, l’activité de la lipoprotéine lipase est habituellement normale, les taux de triglycérides, de VLDL et de LDL sont généralement normaux, de même que les taux de HDL [30].
Physiopathologie du diabète de type 2
Le diabète de type 2 se définit par une sécrétion anormale d’insuline causée par une résistance périphérique [29]. La sécrétion d’insuline est insuffisante pour compenser la résistance à l’insuline. Le DT2 résulte de la conjonction de plusieurs gènes de susceptibilité, dont l’expression dépend de facteurs d’environnement, au premier rang desquelles, la consommation excessive de graisses saturés et sucres rapides (obésité), l’âge et le manque d’activité physique.
L’insulinodéficience responsable de l’hyperglycémie du DT2 est précédée par 10 ou 20ans, d’hypersécrétion insulinique (hyperinsulinisme) secondaire à une insulinorésistance des tissus périphériques. L’anomalie métabolique fondamentale qui précède le DNID est l’insulinorésistance.
Insulinorésistance
L’insulinorésistance correspond à une diminution de la sensibilité tissulaire (foie, muscle, tissu adipeux) aux effets de l’insuline. Il s’agit d’une insulinorésistance essentiellement musculaire portant principalement sur la synthèse du glycogène.
Cette insulinorésistance survient sur un terrain génétique puisque on la retrouve chez les enfants ayant une tolérance glucidique strictement normale mais ayant deux parents DNID.
En effet, une faible association entre le DT2 et dix gènes répertoriés a été démontré, et le peu de variants de susceptibilité connus (PPARG, KCNJ11) n’augmente que très légèrement le risque de survenu du DT2. Il a récemment été identifié, dans 20% de cas, un gène majeur de susceptibilité du DT2 (TCF7L2). Ce gène est associé à l’altération de la sécrétion de l’insuline [25, 30].
Sur le plan métabolique, l’insulinorésistance est secondaire à l’excès de graisses au niveau des muscles et du tissu adipeux viscéral. Ce dernier libère une grande quantité d’acides gras libres. Le flux portal d’acides gras libres (AGL) favorise la production hépatique des triglycérides (TG) et stimule la néoglucogenèse hépatique.
Au niveau hépatique, il existe une véritable compétition entre les AGL et le glucose pour être oxyder : les AGL sont oxydé en priorité entrainant la production accrue d’acétyl-CoA et de diacylglycérol.
Ces métabolites s’accumulent dans le compartiment intracellulaire et stimulent la protéine kinase C, qui en retour procède à la phosphorylation des résidus sérine de l’IRS (Insulin Receptor Substrat) occasionnant ainsi une réduction de la traduction du signal de l’insuline responsable de la translocation des perméases GLUT4 (enzyme de la glycolyse) [25,30]. L’énergie musculaire est donc fournie en priorité par l’oxydation des acides gras libres et le stock de glycogène musculaire reste intact, ce qui réprime en retour le glycogène synthase.
Pour tout dire, le stockage et l’utilisation du glucose est diminuée au niveau musculaire alors qu’au niveau hépatique, li y’a une stimulation de la néoglucogenèse. Tout ceci concourt à augmenter la glycémie (hyperglycémie chronique).
L’insulinorésistance s’accompagne d’un certains nombres de facteurs cliniques que sont :
L’obésité : appréciée par l’index de masse corporelle (masse corporelle en kilo sur le carré de la taille en mètre). L’obésité est définie par un index supérieur à 30.
La répartition abdominale, sous-cutanée ou plus encore viscérales des graisses : appréciée grossièrement par le rapport du périmètre de la ceinture au niveau de l’ombilic sur le périmètre des hanches mesuré au niveau des trochanters, appelé le rapport Taille/Hanche (TT/TH).
Une répartition androïde est définie par un TT/TH supérieure à 0,80 chez la femme et supérieure à 0,90 chez l’homme. Cette répartition multiplie par 3 ou 6 le risque d’apparition du diabète en comparaison d’une population de poids identique avec une répartition des graisses différentes.
La sédentarité : multiplie le risque de diabète par 2.
L’âge : les sujets âgés cumulent plusieurs facteurs d’insulinorésistance.
L’hypertension artérielle essentielle, l’augmentation des triglycérides et la baisse des HDL sont considérés comme conséquences de l’insulinorésistance, d’où leur fréquence d’association au diabète de type 2 [25].
Insulinodéficience
L’insulinorésistance induit pendant 10 à 20ans un hyperinsulinisme, qui, permet de maintenir la glycémie à jeun à 1,20g/l pendant des années. Par la suite, cet hyperinsulinisme décroit petit à petit à mesure que la glycémie à jeun dépasse 1,20g/l. Cette insulinodéficience est d’abord relative puis absolue lorsque la glycémie à jeun dépasse 2g/l.
Ainsi, la carence insulinique et la sécrétion excessive de glucagon sont responsables de l’augmentation du débit hépatique de glucose avec augmentation de la néoglucogenèse hépatique à l’origine de l’hyperglycémie à jeun [25].
Dyslipidémie associée à l’insulinorésistance
Le diabète de type 2 n’est pas la seule conséquence de l’insulinorésistance et de l’hyperinsulinisme compensatrice qui en résulte. En effet d’autres anomalies métaboliques lui sont associées parmi lesquelles, la dyslipidémie caractérisée par :
– Une élévation des VLDL véhiculant particulièrement les triglycérides dans le sang.
– Un taux normal de LDL par rapport à la population générale et une production de LDL petites, denses et particulièrement oxydables.
– Une diminution des HDL.
Les deux principaux types de diabète (DT1 et DT2) sont en réalité deux maladies différentes qui ont en commun une augmentation du glucose dans le sang. Cette augmentation, lorsqu’elle est répétée, peut à long terme entrainer des complications : d’où la nécessité d’un bon suivi régulier de cette glycémie afin d’optimiser les directives de sa normalisation.
HEMOGLOBINE GLYQUEE (HbA1C) ET EQUILIBRE GLYCEMIQUE AU COURS DU DIABETE
Définition [12, 34, 35]
La protéine d’hémoglobine est un tétramère formée de quatre chaînes polypeptidiques appelées globines et de quatre groupes hèmes. Cette protéine à pigment rouge se trouve dans les érythrocytes ou globules rouges. Elle a pour principale fonction le transport de l’oxygène et du gaz carbonique dans le sang. Chaque molécule d’hémoglobine peut fixer quatre molécules d’oxygène. Selon Aldasouqi [12], l’hémoglobine est formée de 2 dimères de globines. Chez la plupart des individus adultes, l’hémoglobine (Hb) A (α2, β2) correspond à plus de 97 % de l’hémoglobine totale. L’hémoglobine A2 (α2, &2) est comprise entre 1,5 à 3 % de l’hémoglobine totale et l’hémoglobine fœtale F (α2, γ2) est habituellement inférieure à 1 ou 2 %.
On appelle alors, hémoglobine glyquée (HbA1C), la part d’hémoglobine qui fixe de façon lente et irréversible le glucose par la valine N-terminale de l’une ses deux chaines β lorsque le taux de sucre dans le sang est élevé (processus de glycation).
Cette hémoglobine glyquée s’accumule progressivement dans les globules rouges. Son taux est un reflet de la glycémie sur toute la durée de vie des globules rouges (environ 120 jours).
Chez une personne non diabétique, le glucose se fixe en petite quantité. Plus la glycémie est élevée plus la quantité de glucose fixé est importante.
Ainsi, l’HbA1C est le paramètre biologique de référence dans la surveillance de l’équilibre glycémique des états diabétiques (diabète instable, mal équilibré, insulinodépendant ou non).
Formation de l’hémoglobine glyquée (HbA1C) [8, 12, 35]
Dans le flux sanguin, le glucose (ose le plus abondant chez l’homme) se fixe sur l’hémoglobine (protéine) des globules rouges et forme l’hémoglobine glyquée ou HbA1C. Elle affecte toutes les protéines de l’organisme (circulant et tissulaire). L’hémoglobine A, qui représente en physiologie plus de 95% de l’hémoglobine de l’adulte est la principale concernée dans ce processus appelé « réaction de Maillard ou glycation non enzymatique des protéines».
La glycation est un processus non enzymatique consistant en la fixation lente et irréversible de résidus osidiques simples aux protéines sur les fonctions amines par une liaison cétoamine.
Elle peut se produire sur toutes les fonctions amines libre de la protéine, sur l’acide N-terminal, sur la chaine latérale d’un résidu de lysine à l’intérieur de la chaine peptidique. (Figure 1).
L’intensité de la glycation dépend principalement de deux facteurs :
La concentration en oses
la durée de vie de la protéine (caractère cumulatif)
Influence de l’équilibre glycémique sur le développement des complications micro et macroangiopathiques du diabète
L’étude « Diabetes Control and Complications Trial » (DCCT) [8] réalisée aux Etats Unis de 1983 à 1993 et incluant 1441 sujets diabétiques de type 1 âgés de 13 à 39 ans a permis, entres autres, de mettre en évidence l’impact de l’équilibre glycémique sur le développement des complications. . Dans cette étude, la population était répartie en deux groupes :
• un groupe de patients diabétiques depuis moins de 5 ans et
• un groupe dont le diabète existait depuis 6 à 15 ans.
Au sein de chacun de ces deux groupes : la moitié des diabétiques a été traitée avec un traitement conventionnel (une ou deux injections d’insuline, auto surveillance glycémique une fois par jour, et consultation diabétologique trimestrielle) et l’autre moitié a été traitée avec un traitement intensif (au moins trois injections par jour ou pompe à insuline, auto-surveillance glycémique au moins quatre fois par jour, et un suivi très rigoureux avec contact téléphonique hebdomadaire et consultation diabétologique mensuelle). Chez les patients ayant reçu le traitement conventionnel, la valeur moyenne de l’HbA1C était de 8,9%, et de 7,1% pour ceux ayant reçu le traitement intensif. Les résultats obtenus indiquaient, ainsi: le traitement intensif a permis une réduction de 27% de l’apparition des premiers signes de rétinopathie, une baisse de 45% des rétinopathies sévères nécessitant une photo coagulation, et une diminution globale de 34 à 76% de la progression de la rétinopathie en fonction des stades de départ.
Il a réduit de 35% l’apparition ou le développement de la microalbuminurie, de 50% celui de la macroalbuminurie, et de 69% l’apparition de la neuropathie et a ralenti dans 57% des cas l’évolution d’une neuropathie déjà présente. Par contre le risque d’hypoglycémie a été augmenté dans ce groupe.
Par la suite, L’étude « Epidemiology of Diabetes Intervention and Complications » (EDIC) [37], qui consistait à réaliser un suivi de 10 ans après celle du DCCT a montré qu’une réduction des macroangiopathies était associée à la réduction de l’HbA1c.
D’autres études ont été menées, notamment, celle de « United Kingdom Prospective Diabetes Study » (UKPDS) [7]. Elle débutait en 1977 et avait pour objectif principal de vérifier si un meilleur contrôle du diabète permettait de prévenir les complications chez des diabétiques de type 2.
Les résultats ont montré qu’une réduction de 1% de l’HbA1c s’accompagne d’une diminution de 30% du risque relatif de développer des complications microvasculaires (néphropathie, rétinopathie, neuropathie), de 18% du risque d’infarctus et de 25% du risque de mortalité lié au diabète.
Le suivi 10 ans après de l’étude l’UKPDS [38] a corroboré la réduction des complications micro vasculaires, en dépit des taux semblables de HbA1c entre les groupes à contrôle intensif et les groupes témoins durant la majorité de la période ultérieure à l’étude.
Les études « The Action in Diabetes and Vascular Disease: Preterax and Diamicrom Modified Released Controlled Evaluation » (ADVANCE) [39] et « Veterans Affairs Diabetes Trial » (VADT) [40] ont, également, montré une réduction du nombre global des complications micro et macrovasculaires majeures, avec une réduction des néphropathies dans le groupe ayant reçu un traitement intensif.
De ces études, il ressort que l’HbA1c permet le suivi des diabètes de types 1 et 2 et que plus l’HbA1c est élevée, plus le risque de développer des complications est important.
Quels sont les seuils d’HbA1c à ne pas dépasser pour éviter la survenue de ces complications ? Au cours de ces deux études, des seuils thérapeutiques décisionnels ont étés établis :
– Pour le diabète de type 1, l’étude DCCT a défini le seuil à 7%.
– Pour le diabète de type 2, l’étude UKPDS a défini le seuil à 6.5%.
L’essai « Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes » (ACCORD) [41] a été réalisé pour montrer l’effet d’un traitement intensif sur la survenue des complications. ACCORD est une étude randomisée ayant inclus 10 251 patients diabétiques de type 2 ayant un risque cardiovasculaire. Une partie des patients a reçu un traitement intensif avec pour objectif une HbA1c inférieure à 6% et l’autre partie a reçu un traitement standard avec pour objectif une HbA1c entre 7 et 7,9%.
Cette étude a été arrêtée précocement (après 3,5 ans de suivi) car elle révélait une augmentation de la mortalité dans le groupe du traitement intensif.
Les études ACCORD, ADVANCE, VADT avaient la particularité d’être d’une courte durée (3,5 à 5 ans) et d’inclure des patients plus âgés avec un diabète plus ancien par rapport aux sujets des études DCCT et UKPDS. Des trois études, seule l’étude ACCORD remet en cause l’hypothèse selon laquelle l’objectif trop strict d’HbA1c < 6,5% peut s’accompagner d’une augmentation de la mortalité. Plus récemment, l’étude « EURODIAB Prospective Complications Study » (PCS) [42] conduite chez 2 764 diabétiques européens de type 1 a montré que l’HbA1c était lié à la mortalité toutes causes confondues de façon non-linéaire après ajustement pour l’âge et le sexe. Cette étude révèle que le risque de mortalité toutes causes confondues a augmenté à la fois chez les sujets à taux d’HbA1c faible (5,6%) et élevé (11,8%) par rapport à la référence (HbA1c médiane : 8,1%). Malgré ces contradictions, les valeurs seuils définies par les recommandations actuelles n’ont pas été modifiées [43].
D’autre part, une campagne [44] a été lancée en 2007 par l’association Française des Diabétiques (AFD) et l’association de Langue Française pour l’étude du Diabète et des Maladies Métaboliques (ALFEDIAM) en partenariat avec le laboratoire pharmaceutique Sanofi-Aventis dont le slogan était : « Vous avez du diabète. Comme moi, vivez Pleinement vos passions sous le 7 ».
Le slogan rappelle aux patients diabétiques et à leur entourage l’intérêt de conserver un taux d’hémoglobine glyquée en dessous de 7%. Cette campagne concerne les diabétiques de type 1 et 2.
Limites du dosage de l’hémoglobine glyquée
Le dosage de l’hémoglobine glyquée présente un certain nombre de limites, notamment [123, 124, 125] :
Des variabilités interindividuelles du processus de glycation de l’hémoglobine.
Certaines situations cliniques (physiologiques ou pathologiques) qui faussent la mesure, telle que la présence d’hémoglobines anormale (hémoglobine fœtale majorant le résultat et hémoglobines S et C fréquemment présentes dans les populations d’origine africaine minorant le résultat).
Le coût élevé du dosage au laboratoire.
COMPLICATIONS DU DIABETE
Le diabète est une maladie chronique, et comme toutes les maladies chroniques, il est associé à certaines complications sur le long terme : complications aigues et complications chroniques dégénératives auxquelles nous allons surtout nous intéresser dans ce travail.
Ces complications chroniques sont de deux types :
Complications microvasculaires « microangiopathies » :
Elles sont caractérisées par un syndrome vasculaire pouvant siéger au niveau de nombreux vaisseaux généralement ceux (du cœur), de l’œil, du système nerveux central, mais également du rein, qui retiendra particulièrement notre attention dans le cadre de ce travail. Ce syndrome vasculaire serait ainsi à l’origine de la rétinopathie mais également de la néphropathie qui survient chez 20% à 40% des patients diabétiques et constitue la cause principale de l’insuffisance rénale chronique dans le monde [55, 69].
Complications macrovasculaires « macroangiopathies » : L’athérosclérose, soubassement des complications macrovasculaires, est la première cause de mortalité chez les diabétiques.
Il s’agit d’une pathologie inflammatoire chronique de l’intima des artères de gros et moyens calibres impliquant des facteurs plasmatiques, des facteurs cellulaires circulants et pariétaux.
Elle est plus fréquente, plus précoce et plus grave chez les patients diabétiques comparés aux non diabétiques et n’épargne pas les femmes diabétiques non ménopausées.
Caractéristiques et physiopathologie de la néphropathie diabétique [55- 69]
Caractéristiques
La néphropathie est une complication microangiopathique du diabète qui affecte les reins. Elle est d’autant plus redoutable qu’elle peut évoluer en l’absence de surveillance ou de traitement soit vers une insuffisance rénale chronique dans le diabète de type 1 soit vers des complications cardiovasculaires dans le diabète de type 2.
Encore appelée glomérulopathie diabétique, elle se caractérise à ses tout début par un trouble hémodynamique caractérisé par une élévation du débit de filtration glomérulaire et par une microalbuminurie ; ces signes sont réversibles avec un bon contrôle glycémique évalué par la détermination du taux d’HbA1C. Des modifications histologiques du filtre rénal consistant généralement en son épaississement et en des pertes de charges suite à un mauvais contrôle glycémique peuvent ensuite apparaitre.
L’épaississement de la membrane basale, associé à la perte de charges, préside la diminution du débit de filtration glomérulaire.
Il s’en suit une élévation du taux plasmatique de substances endogènes normalement éliminées comme l’urée, la créatinine, la cystatine C….
A ce stade, on observe une albuminurie persistante. Au stade de la glomérulopathie débutante, l’albuminurie est tellement faible que les méthodes de routine ne sont pas suffisamment sensibles pour la quantifier : on parle alors de paucialbuminurie ou de microalbuminurie. Au stade déclaré de la glomérulopathie diabétique, l’élimination urinaire d’albumine est si importante qu’on utilisera plutôt le terme de protéinurie.
En l’absence de prise en charge, le délai entre la survenue d’une néphropathie incipiens (microalbuminurie) et la survenue de l’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) est de 10 à 15 ans. On note une diminution nette puis une stabilisation de l’incidence de la ND chez les diabétiques de type 1 sur les dernières décennies.
Une meilleure correction de l’équilibre glycémique, l’utilisation plus systématique des IEC au stade préalbuminurique et en première intention dans le traitement de l’hypertension artérielle sont certainement les facteurs à l’origine de cette amélioration.
Si un contrôle glycémique strict est institué à un stade précoce, la microalbuminurie peut habituellement régresser et disparaître. Si, par contre, il existe une protéinurie permanente, l’équilibre de la glycémie ne peut plus supprimer cet élément clinique.
Toutefois, il peut permettre de stabiliser ou ralentir la progression de la néphropathie et la dégradation de la fonction rénale, d’où la nécessité de dépister la néphropathie diabétique incipiens précocement car il a été noté une diminution de la clearance de la créatinine de 10ml/min par an, au stade 3, en l’absence de prise en charge.
Rôle de l’hyperglycémie chronique
Les modifications de la composition de la membrane basale, de la fonction de la cellule endothéliale, de la prolifération mésangiale, de la fluidité sanguine sont toutes proportionnelles au degré d’hyperglycémie et à sa durée, et peuvent être, au moins corrigées par la réduction de l’hyperglycémie. Celle-ci agirait comme une répétition d’agressions aiguës du métabolisme cellulaire liées à l’effet toxique du glucose (hypothèse « glucose ») aboutissant à des modifications macromoléculaires et tissulaires irréversibles.
Quatre voie métaboliques anormalement activées rendent comptent de la constitution de la microangiopathie sous l’effet de l’hyperglycémie chronique [70] :
– Voie des polyols dont l’activation en excès est à l’origine d’une diminution du rapport NADP+/NADPH, H+ responsable de la non régénération du glutathion réduit et partant de l’aggravation du stress oxydant [71].
– Glycation non enzymatique des protéines à l’origine de la formation des AGE (Advanced Glycation End-products) irréversibles qui aura des conséquences multiples : anomalie de la perméabilité cellulaire, altération de la matrice extracellulaire, stress oxydant [72, 73].
– Activation de la protéine kinase C entrainant une augmentation de la perméabilité endothéliale, une hyperproduction de la matrice extracellulaire, une activation du facteur de transcription nucléaire NF-kB [71].
– Voie des hexosamines conduisant à une hausse de la production du TGF-β et une amplification des effets géniques du NF-kB [71].
L’hyperglycémie est une condition nécessaire au développement de la néphropathie diabétique. Cependant, elle n’est pas suffisante, les différences interindividuelles devant les effets néfastes de l’hyperglycémie sur le glomérule rénale entrant également en ligne de compte dans ce contexte.
Rôle des dyslipidémies
La notion selon laquelle les lipides pourraient médier partiellement l’atteinte rénale dans diverses néphropathies, dont la diabétique, est déjà ancienne. Elle date de l’époque où Ruan XZ et coll. émirent l’hypothèse que l’athérosclérose et la glomérulosclérose pourraient avoir des voies physiopathologiques partiellement communes.
En effet, l’inflammation pourrait accélérer la captation ectopique de lipides circulants et diminuer l’influx catabolique non seulement au niveau des cellules musculaires lisses mais aussi au niveau mésangial.
Ceci est d’autant plus plausible que des données expérimentales suggèrent qu’en présence de diabète, le tissu rénal semble développer un phénotype d’accumulation lipidique en exprimant des gènes normalement présents seulement au niveau du tissu adipeux [74].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. DEFINITION ET CRITERES DIAGNOSTIQUES DU DIABETE
I-1. Définition du diabète
I-2. Critères diagnostiques du diabète
II-CLASSIFICATION ET PHYSIOPATHOLOGIE DU DIABETE
II-1.Classification du diabète
II-1-1. Diabète de type 1
II-1-2. Diabète de type 2
II-2. Physiopathologie du diabète
II-2-1. Physiopathologie du diabète de type 1
II-2-2. Physiopathologie du diabète de type 2
III. HEMOGLOBINE GLYQUEE (HbA1C) ET EQUILIBRE GLYCEMIQUE AU COURS DU DIABETE
III-1. Définition
III-2. Formation de l’hémoglobine glyquée (HbA1C)
III-3. Intérêt du dosage de l’hémoglobine glyquée au cours du diabète
III-3-1. Corrélation hémoglobine glyquée et glycémie à jeun
III-3-2. Relation entre HbA1C et glycémie moyenne
III-3-3. Influence de l’équilibre glycémique sur le développement des complications micro et macroangiopathiques du diabète
III-4. Limites du dosage de l’hémoglobine glyquée
IV. COMPLICATIONS DU DIABETE
IV-1. Caractéristiques et physiopathologie de la néphropathie diabétique
IV-1-1. Caractéristiques
IV-1-2. Rôle de l’hyperglycémie chronique
IV-1-3. Rôle des dyslipidémies au cours du diabète
IV-2-1. Caractéristiques
IV-2-2. Rôle de l’hyperglycémie
IV-2-3. Rôle des dyslipidémies
V. ETUDE DE MARQUEURS IMPLIQUES DANS LA PRISE EN CHARGE BIOLOGIQUE DU DIABETE ET DE SES COMPLICATIONS
V-1. Marqueurs de surveillance du diabète
V-1-1. Glycémie capillaire
V-1-2. Détermination de l’hémoglobine glyquée (HbA1C)
V-2. Marqueurs des anomalies associées aux complications microangiopathiques : néphropathie diabétique
V-2-1. Urée
V-2-2. Créatinine
V-2-3. Débit de filtration glomérulaire
V-2-4. Excrétion urinaire d’albumine et microalbuminurie
V-2-5. Acide urique
V-2-6. Nouveaux biomarqueurs étudiés dans la prise en charge de la néphropathie diabétique
V-3. Marqueurs des anomalies biologiques associées aux complications macroangiopathiques du diabète : Lipides et lipoprotéines
V-3-1. Prélèvement
V-3-2. Examen de l’aspect du sérum
V-3-3. Triglycérides
V-3-4. Cholestérol total
V-3-5. Lipoprotéines sériques
V-3-5-1. Dosage Cholestérol-HDLémie
V-3-5-2. Détermination du Cholestérol-LDLémie
V-3-5-3. Calcul de l’indice d’athérogénécité
I. OBJECTIFS
I-1. Objectif général
I-2. Objectifs spécifiques
METHODOLOGIE
II. CADRE DE L’ETUDE
III. POPULATION D’ETUDE
IV. MATERIELS ET METHODES
IV-1. Matériels
IV-1-1. Matériels de détermination des caractéristiques anthropométriques et cliniques
IV-1-2. Matériels de détermination des paramètres biologiques
IV-1-3. Matériel utilisé dans l’étude statistique
IV-2. Méthodes
IV-2-1. Méthodes d’étude des caractéristiques anthropométriques et cliniques
IV-2-2. Méthodes d’étude des paramètres biologiques
IV-2-2-1. Conditions pré analytiques
IV-2-2-2. Détermination de la glycémie par la méthode enzymatique à la glucose oxydase/peroxydase
IV-2-2-2-1. Principe
IV-2-2-2-2. Caractéristiques de la méthode
IV-2-2-2-3. Les interférences
IV-2-2-3. Détermination du taux d’HbA1C par immunoturbidimétrie par inhibition
IV-2-2-3-1. Conditions préanalytiques
IV-2-2-3-2. Principe
IV-2-2-3-3. Caractéristiques de la méthode
IV-2-2-3-4. Les interférences
IV-2-2-4. Détermination de l’Urémie par la méthode à l’uréase/Berthelot
IV-2-2-4-2. Valeurs usuelles
IV-2-2-4-3. Interférences
IV-2-2-5. Détermination de la créatininémie par la méthode de JAFFE en cinétique
IV-2-2-5-1. Principe
IV-2-2-5-2. Caractéristiques de la méthode
IV-2-2-5-3. Les interférences
IV-2-2-5-4. Valeurs usuelles
IV-2-2-6. Détermination du débit de filtration glomérulaire (DFG)
IV-2-2-7. Détermination de l’uricémie par la méthode à l’uricase
IV-2-2-7-1. Principe
IV-2-2-7-3. Les interférences
IV-2-2-7-4. Valeurs usuelles
IV-2-2-8. Détermination de la triglycéridémie par la méthode enzymatique à la lipase/glycérol kinase/3-phosphoglycérol oxydase/peroxydase.
IV-2-2-8-1. Principe
IV-2-2-8-2. Caractéristique de la méthode
IV-2-2-8-3. Les interférences
IV-2-2-8-4.Valeurs usuelles
IV-2-2-9. Détermination de la cholestérolémie par la méthode enzymatique
utilisant le système cholestérol estérase/cholestérol oxydase/peroxydase.
IV-2-2-9-1. Principe
IV-2-2-9-2. Caractéristiques de la méthode
IV-2-2-9-3. Les interférences
IV-2-2-9-4. Valeurs usuelles
IV-2-2-10. Détermination de la Cholestérol-HDLémie
IV-2-2-10-1. Principe
IV-2-2-10-2. Caractéristiques de la méthode
IV-2-2-12. Calcul de l’indice d’athérogénécité
IV-2-3. Analyse statistique
V. RESULTATS
V-1. Etude des variables cliniques au sein des différents groupes de la population d’étude
V-2. Etude de corrélations entre l’hémoglobine glyquée et des variables anthropométriques, cliniques et biochimiques au sein des différents groupes de la population d’étude
V-2-1. Etude de corrélations entre l’HbA1C et des variables cliniques et anthropométriques
V-2-2. Etude de corrélations entre l’HbA1C et des variables biochimiques au sein de la population de diabétiques
VI. DISCUSSION
VI-1. Quelles relations entre l’équilibre glycémique et la glycémie
VI-2. Quelles relations entre l’hémoglobine glyquée et les marqueurs de la néphropathie diabétique ?
VI-3. Quelles relations entre l’HbA1C et les facteurs de risque cardiovasculaire ?
VI-3-1. Quelles relations entre l’HbA1C et les lipides circulants ?
VI-3-2. Quelles relations entre l’HbA1C et les lipides de stockage ?
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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