La drépanocytose est une maladie due à la présence de l’hémoglobine S (HbS) secondaire à une anomalie génétique touchant les gènes de la globine. C’est la maladie génétique la plus répandue dans le monde (1) (2). Environ 5% de la population mondiale sont porteurs d’un gène drépanocytaire. Si auparavant, la drépanocytose a été diagnostiquée dans les pays tropicaux à faibles revenus, actuellement elle tend à s’étendre dans les autres régions du Monde avec la migration de la population (3).
Madagascar est classé parmi les zones de forte endémicité drépanocytaire avec une prévalence estimée à 10% sur l’ensemble du pays (4). Cependant, aucune cartographie n’a été vraiment établie pour établir la prévalence exacte de la maladie et de ses différents phénotypes dans les différentes régions de l’île. Quelques études préliminaires sur des échantillons restreints ont permis de déterminer les zones de fortes prévalences comme sur la côte sud-est où elle est estimée entre 18 et 30% (5). Le diagnostic de la drépanocytose à Madagascar repose essentiellement sur la clinique et le test de falciformation compte tenu des moyens financiers et du pouvoir d’achat de population. De plus, les infrastructures disponibles dans les régions éloignées limitent la pratique de l’électrophorèse de l’hémoglobine qui est l’examen le moins coûteux parmi ceux qui peuvent poser avec précision le diagnostic de la maladie (6).
Le test d’Itano est basé sur la solubilité de l’HbS en milieu réduit. Bien qu’il soit facile de réalisation, il n’a jamais été effectué à Madagascar. A l’issue du Colloque International sur la Drépanocytose qui s’est tenu à Antananarivo il y a deux ans, la faisabilité du test d’Itano à Madagascar a été l’un des sujets de discussion. Notre étude s’est inspirée de ce colloque et a pour objectifs de mettre au point le test d’Itano à l’Unité Paraclinique de Formation et de Recherche (UPFR) en Hématologie du CHU JRA et d’en évaluer les avantages et les limites.
HEMOGLOBINE ET ANOMALIES
Hémoglobine normale
L’hémoglobine est le pigment rouge des érythrocytes, elle est présente chez tous les vertébrés. La structure 3D de l’hémoglobine a été obtenue par diffraction des rayons X par Perutz Max Ferdinand en 1960 (7). L’hémoglobine joue un rôle important dans l’hématose, elle assure le transport de l’oxygène sous forme d’oxyhémoglobine (Hb + O2) des poumons vers les tissus et le transport du dioxyde de carbone sous forme de carboxyhémoglobine (Hb + CO2) des tissus vers les poumons .
Structure de l’hémoglobine normale
La molécule d’hémoglobine est un tétramère formé par l’association de quatre chaînes polypeptidiques identiques deux-à-deux :
− Deux chaînes α (α-globines, 141 acides aminés) ;
− Deux chaînes β (β-globines, 146 acides aminés).
Chaque chaîne adopte une conformation spatiale particulière qui lui confère une forme globuleuse et formant ainsi une « poche superficielle » dans laquelle vient se nicher l’hème. La liaison entre deux sous-unités non-homologues (α1-β2 et α2-β1) est forte, c’est souvent à ce niveau que s’effectuent les mouvements de glissement et de rotation à l’origine des changements conformationnels de l’hémoglobine lors de la fixation de l’oxygène moléculaire. La molécule d’hème est une molécule plane, ou légèrement bombée, elle est constituée par une protoporphyrine ayant en son centre un atome de fer qui est sous sa forme réduite (Fe 2+). La protoporphyrine est formée de quatre cycles pyrroliques unis par l’intermédiaire des ponts méthènylés (-CH=).
L’hémoglobine peut être oxygénée (oxyhémoglobine) ou désoxygénée (désoxyhémoglobine) selon sa liaison ou non à une molécule d’oxygène.
− Dans l’oxyhémoglobine, la fixation de la molécule d’oxygène entraîne une modification au niveau de la poche de l’hème, l’hémoglobine adopte ainsi une conformation R (Relaxed), l’atome de fer est dans le même plan que l’hème.
− Dans la désoxyhémoglobine par contre, sans molécule d’oxygène fixée, l’hémoglobine adopte une conformation T (Tense), l’atome de fer est décalé par rapport au plan de l’hème.
La 2-3- diphosphoglycérate module l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène, elle se fixe dans une cavité au centre du tétramère et elle a une affinité pour la désoxyhémoglobine lui conférant sa conformation (T). Lors de la transition de la configuration désoxygénée vers la configuration oxygénée, la 2-3- DPG est éliminée.
Hémoglobine S et polymérisation
La conformation spatiale de l’hémoglobine S est similaire à celle de l’hémoglobine normale (3) (11). Lorsque l’hémoglobine normale est désoxygénée, il peut se former des agrégats mais qui sont amorphes et souples, de plus cette HbA possède une forte solubilité dans une solution concentrée (12).
Par contre, lorsque les hémoglobines S perdent leurs atomes d’oxygène, elles s’agrègent entre elles et forment des fibres. Il en résulte des polymères d’hémoglobines rigides et insolubles dans une solution concentrée. La formation des polymères est expliquée par le remplacement de l’acide glutamique qui est hydrophile par la valine ce dernier étant un résidu hydrophobe. La présence de ce site hydrophobe crée un point de liaison entre deux molécules d’hémoglobines voisines.
Ces polymères intra-cellulaires vont entraîner une déformation des hématies, c’est la falciformation .
DREPANOCYTOSE OU ANEMIE FALCIFORME
Définition et Historique
La Drépanocytose ou Anémie falciforme est une maladie génétique qui se transmet sur le mode autosomal récessif due à la présence dans le sang de l’HbS (2) (18). Herrick a décrit en 1910 pour la première fois la maladie chez un étudiant Jamaïcain ayant présenté une anémie hémolytique et dont le sang contenait des hématies en forme de faucille (11) (18). En 1917, Emmel évoque le caractère familial de la maladie et en 1923, Taliaferro et Huck établissent son caractère héréditaire .
Hann et Gillepsie vers 1929, Sherman en 1940 ont conclu que la déformation en faucille des globules rouges dépend de la concentration en oxygène (11). Ce n’est qu’en 1949 que Pauling, Itano, Singers et Wells ont défini les deux statuts drépanocytaires (observés par Herrick) grâce à l’étude de l’hémoglobine par électrophorèse : les drépanocytaires hétérozygotes et les drépanocytaires homozygotes (11). A partir de la découverte d’Ingram en 1959 qui a démontré que la différence entre l’HbS (hémoglobine drépanocytaire) et l’hémoglobine A (HbA) est due à la substitution d’un seul acide aminé (11), les découvertes génétiques concernant la maladie n’ont pas cessé de se multiplier.
Epidémiologie
La drépanocytose est la maladie héréditaire la plus répandue dans le monde parmi les hémoglobinopathies (2). Cinq pour cent de la population mondiale est porteur de trait drépanocytaire, et ce taux peut atteindre 25% dans certains pays comme dans la partie Sud de l’Afrique (2). Dans les pays d’Europe, la prévalence de la drépanocytose tend à augmenter avec la migration importante de la population (19). A Madagascar, le taux de prévalence de la drépanocytose est élevé. Elle se répartit de façon hétérogène dans l’île :
− Régions de fortes endémicités : Sud-Est ; Est et Nord-Est de Madagascar
− Régions de moyenne endémicité : Nord-Ouest, Région d’Antananarivo
− Régions de faible endémicité : Sud-Ouest .
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I. HEMOGLOBINE ET ANOMALIES
A. Hémoglobine normale
B. Hémoglobinopathies
II. DREPANOCYTOSE OU ANEMIE FALCIFORME
A. Définition et Historique
B. Epidémiologie
C. Génétique
D. Manifestations cliniques
E. Diagnostic biologique
F. Prise en charge
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS ET METHODES
I. CADRE DE L’ETUDE
A. Type d’étude
B. Lieu d’étude
C. Période d’étude
II. POPULATION D’ETUDE
A. Echantillonnage
B. Critères d’inclusion
C. Critères d’exclusion
III. VARIABLES ETUDIEES
IV. METHODOLOGIE UTILISEE POUR L’ETUDE
A. Description des prélèvements
B. Test d’Emmel
C. Test d’Itano
D. Electrophorèse des hémoglobines
E. Recueil et traitement des données
TROISIEME PARTIE : RESULTATS
I. ANALYSES UNIVARIEES
A. Renseignements sur la population
B. Renseignements sur les résultats des tests effectués
II. ANALYSES BI-VARIEES
A. Résultats de l’électrophorèse selon les tranches d’âge
B. Résultats du test d’Emmel selon l’électrophorèse
C. Résultats du test d’Itano comparés à l’électrophorèse des hémoglobines
D. Concordance entre test d’Emmel et test d’Itano
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION
I. CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION D’ETUDE
A. Age de dépistage de la drépanocytose
B. Sexe et statuts drépanocytaires
II. CARACTERISTIQUES DES TESTS
A. Electrophorèse des hémoglobines
B. Test d’Emmel
C. Test d’Itano
D. Cas de discordance des tests d’Emmel et tests d’Itano
SUGGESTIONS
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE