Le Plan de traitement « en train de se faire » : observation des pratiques locales
Si le Plan de traitement des foyers est un programme national, sa mise en œuvre s’effectue à un niveau local et implique de nombreux acteurs (gestionnaires et propriétaires de foyers, élus et services techniques locaux, services déconcentrés de l’Etat…). La dimension locale est de plus renforcée depuis 2004 car les communautés d’agglomération qui ont pris la délégation de compétence pour l’attribution des aides à la pierre sont devenues les pilotes officiels du Plan de traitement sur leur territoire. Aussi, j’ai d’abord cherché à identifier des scènes locales pertinentes pour observer la mise en œuvre du Plan de traitement, avant d’analyser ce qui s’y jouait. La notion de « scène » est empruntée ici à Erving Goffman : on se propose d’observer les interactions comme des représentations théâtrales, en portant une attention particulière au « décor » dans lequel les acteurs évoluent et au « rôle » qu’ils jouent (Goffman, 1973). Cette orientation conduit également à envisager les interactions comme des jeux dans lesquels les acteurs peuvent se comporter comme des stratèges et manipuler des informations pour parvenir à leurs fins : autrement dit, « les acteurs peuvent apparaître à la fois comme des marionnettes dont la situation tirerait chaque fois les ficelles, ou comme les manipulateurs instrumentalisant l’interaction derrière des masques sociaux les protégeant et masquant leurs véritables buts » (Pasquier, 2003 : 392-393). C’est donc ici une approche « par le bas » ou « au concret » de l’action publique qui est privilégiée, une « entrée par l’action » plutôt que « par la décision » (Musselin, 2005). Ce type d’approche accorde une importance moindre à l’Etat et aux moments de réforme, part plutôt des « metteurs en œuvre » et/ou des bénéficiaires des programmes publics, et s’attache à l’étude des interactions, échanges, conflits… Cette entrée est complémentaire de la précédente dans la mesure où la notion de cadrage évoquée ci-dessus renvoie aux opérations de catégorisation, aux activités de définition et de production de sens. Mais ces activités se font avant tout dans l’interaction, dans l’action située. En effet, la notion de cadre, liée à une approche interactionniste, désigne les éléments et les schèmes d’interprétation mobilisés par les personnes au cours de leur action (Goffman, 1991). Et la notion de scène se définit alors comme le « lieu où se jouent des interactions particulières et où prévalent des enjeux spécifiques de catégorisation » (Zimmermann, 2003 : 245). Cherchant à réaliser une « enquête ethnographique » (Beaud & Weber, 2003) et souhaitant observer des interactions entre les acteurs des différentes scènes locales, j’ai avant tout cherché à pénétrer les espaces dans lesquels je pouvais assister à ces interactions. Dans cette perspective, j’ai privilégié une enquête par observation, voire immersion, au sein d’un milieu professionnel, et d’une institution en particulier, l’Aftam, dans laquelle j’ai travaillé en tant que stagiaire puis salariée pendant une période totale de 18 mois, entre 2009 et 2011. Ce choix m’a amenée à occuper une position particulière sur le terrain, tantôt chercheuse et tantôt opérationnelle, dont les avantages et les limites seront analysés en introduction de la dernière partie de la thèse. Cet engagement fort sur le terrain a joué dans le choix de l’utilisation de la première personne du singulier dans l’écriture de cette thèse, même si l’usage du « je » constitue d’abord un choix narratif qui vise à reconnaître la part de responsabilité personnelle dans ce travail. Car si la thèse est le fruit de rencontres et d’interactions multiples, le travail d’écriture et la responsabilité de la mise en forme finale de son propos est réservé à son auteur (Charmillot, 2013).
« L’invention de l’immigration » africaine
Il ne sera pas question dans cette thèse de se demander si les foyers de travailleurs migrants sont le lieu d’un « repli communautaire » ni d’analyser en quoi le Plan de traitement pourrait favoriser l’« intégration » des résidents, mais plutôt d’interroger ces catégories de l’action publique dans le but de rompre avec la « pensée d’Etat » en matière d’immigration (Sayad, 1999b). Ma recherche vise en effet à contribuer à la réflexion sur « la fabrique des catégories et l’invention de l’immigration » (Hmed & Laurens, 2008), en particulier de l’immigration « africaine ». Cette démarche s’appuie sur les travaux, relativement récents, qui considèrent l’immigration comme un problème public au sens défini précédemment. Portant non pas sur les migrants ou les migrations mais sur les dispositifs institutionnels qui se déploient autour de ceux-ci, ces recherches introduisent dans l’analyse les acteurs produisant un discours sur l’immigration (hommes politiques, agents de l’Etat, sociologues, militants…) et s’interrogent sur « les rôles que jouent les différents groupes sociaux – agents de l’Etat ou élites économiques, politiques ou médiatiques – dans l’appréhension des migrations et dans l’institution de celles-ci en un problème qu’il conviendrait de traiter » (Hmed & Laurens, 2008 : 11). Ce type d’approche revient à se demander comment et par qui est problématisée l’existence des immigrés sur le sol français. Cela peut signifier par exemple de revenir sur les moments historiques fondateurs d’une matrice discursive autour de l’immigration (Noiriel, 2008), d’observer comment et sous l’action de qui se construisent et se diffusent des cadres de pensée sur le sujet (Larbiou, 2008) ou encore d’analyser le rôle de certains agents (par exemple les hauts fonctionnaires) dans la formulation et la politisation de l’immigration comme problème (Laurens, 2009). Ces approches peuvent également conduire à centrer le regard sur les pratiques, en observant comment les catégories étatiques se cristallisent dans des pratiques administratives aujourd’hui (Mazouz, 2010 ; Spire, 2008) comme hier (Hmed, 2008b ; Laurens, 2008a ; Spire, 2005). Ainsi, le travail socio-historique réalisé sur l’Aftam dans le cadre de cette thèse vise notamment à analyser dans quelle mesure cette institution a participé à construire un « problème » de l’immigration africaine à différentes périodes. Sur ce point, il s’agit de compléter les travaux qui ont mis en évidence le rôle des premiers dirigeants de l’association (Stéphane Hessel, André Postel-Vinay) dans la construction de matrices discursives et cognitives sur l’immigration originaire des Etats africains récemment décolonisés au début des années 1960, sous l’angle d’une problématisation particulière : celle de « l’immigration-développement» (Laurens, 2009 ; Dedieu, 2010). De plus, mon travail doit permettre de documenter le processus de construction des foyers spécialisés dans l’accueil des migrants africains, qui reste peu exploré et peu connu. Les travaux de recherche sociohistoriques ont essentiellement porté sur la Sonacotra (Bernardot, 1997, 1999, 2008 ; Hmed, 2006a, 2006b) et ont largement documenté la genèse et les transformations de cette « institution d’Etat », mais ils ont très peu porté sur les associations gestionnaires de foyers. Ainsi, des initiatives issues de différents milieux (patronat, hauts fonctionnaires, élus locaux…) ont conduit à la création de nombreuses associations dont les origines, les trajectoires et les modes de gestion restent mal connus et ont tendance à être occultés par les connaissances relatives à la Sonacotra et ses établissements. Des travaux de recherche ont bien mis en évidence les logiques qui ont présidé à la création de la Sonacotra et à la construction des premiers foyers pour « Français musulmans d’Algérie » : selon Choukri Hmed, se combinent une « logique de contrôle » d’une population jugée menaçante pour l’ordre public et une « logique d’éducation » d’hommes considérés comme soumis à l’emprise du groupe communautaire et non socialisés aux normes de la société française « moderne » de l’époque. Le projet d’« éducation à l’individualisme » (Hmed, 2006b : 18) qui anime les premiers dirigeants de la Sonacotra s’incarne dans un dispositif spatial particulier : la chambre individuelle, considérée comme un outil pour favoriser l’émancipation individuelle des « Nordafricains » et distendre les liens communautaires. De plus, le regroupement dans les foyers des « Français musulmans d’Algérie » d’abord, des « Maghrébins » après l’indépendance de l’Algérie (de Barros, 2005 : 33), constitue une solution adoptée par défaut pour les premiers dirigeants de la Sonacotra, qui préconisent à l’époque le brassage des populations pour favoriser la socialisation des étrangers aux normes de la société française. Les travaux de Marc Bernardot et de Choukri Hmed mettent ainsi en évidence la filiation entre foyers Sonacotra et logement social : par le projet « civilisateur » qui la sous-tend, par la position et la philosophie des acteurs qui la portent, par les normes techniques qui l’encadrent, la politique de construction et de gestion des foyers Sonacotra s’inscrit dans l’histoire longue du logement social en France. Alors que les travaux consacrés à la Sonacotra se sont plutôt intéressés à la genèse et l’histoire de cette institution ainsi qu’au vieillissement des migrants résidant en foyers, les recherches consacrées aux foyers spécialisés dans l’accueil des migrants africains ont analysé les modes de vie et d’organisation au sein des établissements et ont suivi les itinéraires individuels et collectifs des migrants, en particulier soninkés (Barou, 1978 ; Quiminal, 1991 ; Timera, 1996). Ces travaux nous apprennent beaucoup sur les modes de régulation et d’organisation internes aux foyers hébergeant des migrants africains, qui regroupent des hommes issus de diverses communautés villageoises qui peuplaient, avant la construction des foyers, des caves et taudis insalubres. Ces communautés s’organisent pour permettre la survie des migrants en France et la réalisation des projets migratoires, mais aussi pour réguler la vie collective dans l’espace contraint du foyer. Cela se traduit notamment par la création de caisses de solidarité villageoises, la transmission des lits entre les membres d’une même communauté, l’hébergement des membres de la famille ou du village, l’organisation de cuisines collectives… Ainsi, des formes de régulation de la vie collective et d’appropriation de l’espace se développent en dehors du cadre et des règlements établis par les gestionnaires, qui sont principalement des associations. Ces travaux mettent également bien en évidence les contradictions et conflits internes à ces communautés, le poids du contrôle social qui pèse sur les plus jeunes, la contestation des hiérarchies et autorités traditionnelles ainsi que les modes de régulation internes. Néanmoins, ils apportent peu d’éléments de compréhension sur les processus institutionnels qui ont conduit à la construction de ces foyers, ni sur ce qui y a rendu possible le développement de formes de « gestion communautaire » (Timera, 1996), à un moment où les pouvoirs publics, dans le cadre de la construction des foyers Sonacotra, cherchaient justement à distendre les liens communautaires au sein de l’immigration nord-africaine. Mon travail vise donc à éclairer, autant que possible, ce point aveugle de la littérature sur les foyers. En outre, l’analyse de la mise en place du Plan de traitement des foyers peut contribuer à nourrir les réflexions relatives à la constitution de la présence sur le sol français des migrants africains comme problème au milieu des années 1990 (cf. première partie de la thèse). En effet, les immigrations africaines occupent une place particulière dans le débat public depuis cette période. Avant de préciser les termes de ce débat, rappelons quelques données de cadrage pour dessiner, à grands traits, les caractéristiques de ces migrations, abordées par le prisme de la catégorie statistique des populations « originaires d’Afrique subsaharienne ». Les départs du continent africain vers le continent européen, et en particulier la France, ne se font de façon importante qu’à partir de la première Guerre mondiale (Barou, 2011 : 22). Jusqu’aux années 1960, il s’agit principalement d’une migration d’élites, étudiants et intellectuels, dont beaucoup quitteront la France après les indépendances pour exercer des fonctions politiques dans leur pays. L’immigration de travailleurs peu qualifiés ne s’affirme qu’à partir des années 1960 et 1970. Elle est d’abord le fait d’hommes originaires de la vallée du fleuve Sénégal, population rurale qui arrive en France dans le cadre d’un projet de migration temporaire de travail. Ceux-ci « occupent le plus souvent des emplois peu qualifiés dans les secteurs de l’industrie automobile, de la voirie, des PME, plus rarement du bâtiment, puis de la restauration collective » (Timera & Garnier, 2010 : 25). Selon le principe de la « noria », ils sont en principe destinés, après quelques années de travail en France, à laisser la place à un autre membre de la famille, du lignage ou du village (Barou, 1993 : 196). L’émigration de cette population est souvent analysée comme une stratégie individuelle et collective de diversification des revenus au sein des villages, les rentes issues des transferts monétaires des émigrés constituant une ressource non négligeable, aussi bien à l’échelle familiale que villageoise (Belkacem, 2013 : 50). La « fermeture des frontières » en 1974 et l’instauration du regroupement familial entraînent un processus de familialisation et de sédentarisation. De plus, on observe un élargissement des aires de départ et des types de migrations : de nouvelles migrations dites « urbaines » ou « individualisantes » sont le fait des populations originaires du Golfe de Guinée (Timera & Garnier, 2010 : 28), et les départs liés aux situations de guerre apparaissent à travers les arrivées de demandeurs d’asile et de réfugiés. En revanche, les migrations originaires du bassin du fleuve Sénégal, surtout en ce qui concerne les Soninkés résidant en foyers qui s’y installent de façon durable, conservent certaines caractéristiques des « vieilles migrations » (Manchuelle, 2004), avec notamment le maintien d’une « organisation communautaire villageoise, fondée sur la solidarité ethnique entretenue et constamment réactivée, au besoin avec un pouvoir de coercition sur les acteurs » (Timera & Garnier, 2010 : 27). De plus, ces migrations restent fortement masculines : de façon générale, parmi les migrants originaires du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie, les proportions de femmes, d’enfants et de Français par acquisition sont plus faibles que chez les autres populations originaires d’Afrique subsaharienne (Barou, 2011 : 33). D’un point de vue quantitatif, les immigrations en provenance d’Afrique subsaharienne ont connu une forte accélération au cours des trois dernières décennies, passant de 20 000 à 570 000 personnes présentes en France entre 1962 et 2006. Si ces migrations sont extrêmement diverses (Gonin, 2010), les personnes originaires du bassin du fleuve Sénégal restent très représentées. En 2008, seuls deux pays sont représentés en France par plus de 50 000 ressortissants : le Sénégal et le Mali (Belkacem, 2013 : 49). Cependant, ces chiffres ne doivent pas faire oublier que la présence des migrants originaires de cette région du monde en France reste proportionnellement faible par rapport à l’ensemble des immigrés : moins de 1% en 1962 et moins de 12% en 2004, ces chiffres incluant les estimations des personnes dites en situation irrégulière (Lessault & Beauchemin, 2009a). Ainsi, les migrations subsahariennes à destination de la France « sont extrêmement visibles dans les discours politiques et médiatiques mais (…) constituent un fait statistique minoritaire » (Lessault & Beauchemin, 2009b : 164). En effet, à partir du milieu des années 1990, des discours politiques et médiatiques stigmatisants se succèdent et participent à la construction d’un problème de « l’immigration africaine » (Timera, 1997 : 45). Cette période constitue un tournant dans la construction des représentations sociales des « Africains noirs » en France, celles-ci se centrant sur la figure du « clandestin » ou du « sans-papiers » (ibid : 41). La question religieuse participe également à la construction du problème, les années 1990 étant marquées par de fortes crispations autour de la « question musulmane » sur la scène publique nationale (Khosrokhavar, 1997 ; Fassin Didier, 2009 : 41). Dix ans plus tard, alors que le climat politique reste très tendu autour des expulsions massives de « sans-papiers », les violences urbaines de l’automne 2005 contribuent à faire évoluer les termes du problème. L’interprétation qui est faite de ces violences par une partie des élites politiques, médiatiques et intellectuelles met en avant l’idée d’un « déficit d’intégration » et mobilise « le langage de la “race” » (Fassin & Fassin, 2009b : 14-15). Le débat politique se centre alors sur « l’identité nationale » et « l’intégrabilité » – ou « l’inintégrabilité » – des immigrants, en particulier africains, et de leurs descendants . Alors que la reconnaissance par les institutions des discriminations raciales reste plus qu’hésitante (Mazouz, 2010), émergent des mouvements de défense des minorités post-coloniales et des populations noires, avec en particulier l’appel des « Indigènes de la République » et la création du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN) en 2005. Le champ scientifique n’est pas imperméable à ces phénomènes politiques et sociaux. Après des débats sur l’« intégration » et le « multiculturalisme » (Bertheleu, 1997)4 au cours des années 1990, la décennie suivante est marquée par l’affirmation de la « question raciale » comme objet légitime de la recherche en sciences sociales en France (Fassin & Fassin, 2006) et par l’émergence, tardive par rapport à ce qui s’est produit dans les pays anglo saxons, des études post-coloniales (Cohen et al., 2007 ; Hargreaves, 2007). La publication de travaux sur la « condition noire » et l’expérience minoritaire (Ndiaye, 2006 ; 2008) viennent rompre avec le régime d’invisibilité qui marque la situation des « Noirs » dans les sciences sociales françaises (Stavo-Debauge, 2005). Ces évolutions révèleraient un changement de paradigme dans les sciences sociales : le « paradigme de l’immigration », conduisant à penser les rapports entre la France et ses étrangers, laisserait la place au « paradigme racial », invitant à s’interroger sur la France et ses minorités (Fassin & Fassin, 2009a : 10). Pour autant, la question de la prise en compte du facteur ethnoculturel, de l’ethnicité et de la « race » dans les analyses quantitatives en sciences sociales suscite de vifs débats scientifiques, relayés par les médias. En témoignent les deux grandes controverses de la fin de la décennie 2010 : celle des « statistiques ethniques et raciales » (Simon, 2008) puis celle suscitée par l’ouvrage Le déni des cultures d’Hugues Lagrange6 (2010). Sans entrer dans le détail de ces controverses, retenons que celles-ci constituent la toile de fond sur laquelle se déroule ma recherche et qu’elles témoignent du « rapport ambigu qui s’est noué entre les sciences sociales et le débat politique autour de la question de l’immigration et du multiculturalisme » (Poutignat & Streiff-Fénart, 2010).
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Table des matières
Introduction générale
« Tu es en Afrique ici ! »
Analyser le traitement du fait communautaire dans le contexte français à partir des recompositions contemporaines des foyers Aftam
Un objet de recherche construit « chemin faisant »
Trois enquêtes complémentaires
Les cadres nationaux de l’action publique : textes officiels et discours institutionnels
Le Plan de traitement « en train de se faire » : observation des pratiques locales
L’Aftam et ses « foyers africains » : retour sur la genèse et l’histoire d’un habitat spécialisé
A la croisée des chemins scientifiques. Etat des lieux de la recherche
« L’invention de l’immigration » africaine
Les modalités concrètes de gestion de la présence des immigrés dans la ville et le logement
Habitat et habiter aux marges du logement ordinaire
« Les mots sont importants ». Questions éthiques et politiques
Organisation des matériaux et architecture de la thèse
Première partie Mettre aux normes et banaliser les foyers de travailleurs migrants : crispations autour des « foyers africains »
Chapitre 1 – La transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales : du traitement spécifique au droit commun ?
I. Le cadre législatif et réglementaire : un rapprochement du droit commun du logement social
I.1. Les foyers de travailleurs migrants, à la marge de la marge
I.1.1. Genèse d’une marge du logement social ordinaire
I.1.2. Un habitat collectif aux normes réduites
I.1.3. Des « foyers d’accueil » sous-normés pour les travailleurs migrants
I.1.4. L’entrée des foyers de travailleurs migrants dans le droit commun du logement locatif : un point d’achoppement depuis les années 1970
I.2. La résidence sociale : une nouvelle catégorie de logement-foyer, intermédiaire entre l’hébergement et le logement
I.2.1. Un dispositif d’« insertion par le logement », un « produit souple » adapté localement
I.2.2. Une catégorie générique pour regrouper les anciens foyers de travailleurs
I.3. La transformation des foyers en résidences sociales : un rapprochement du droit commun du logement social
I.3.1. De l’habitat collectif au logement individuel
I.3.2. Le résident : des droits qui se rapprochent de ceux du locataire
I.3.3. Une gestion locative qui se rapproche de celle du logement social ordinaire
II. Les représentations : vers du « vrai logement », vers le « droit commun »
II.1. Du « sous-logement » au « vrai logement » : la norme du studio individuel
II.2. Le « droit commun » : une référence équivoque, associée à la « mixité » des publics
II.3. Deux idéaltypes opposés
III. Les apories d’un passage au « droit commun » inachevé
III.1. Le statut ambigu de la résidence sociale : une fragilisation du droit au logement ?
III.1.1. Un statut d’occupation moins protecteur que celui de locataire
III.1.2. Un séjour probatoire et temporaire
III.2. Un régime d’exception pour les résidents des foyers de travailleurs migrants
III.3. Faire de la « mixité », mais pas « n’importe comment »
III.4.Un programme spécifique et très centralisé : le Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2 – Le Plan de traitement : la construction d’un problème des « foyers africains »
I. L’émergence d’un « problème » des foyers dans le débat public
I.1. Le milieu des années 1990 : le temps du « syndrome malien »
I.2. Deux rapports officiels qui participent à la construction d’un problème des foyers
I.2.1. Un constat partagé : un habitat pour partie « indigne »
I.2.2. Des positions idéologiques divergentes : différentialisme et universalisme
I.2.3. Des conceptions différentes de l’altérité et de l’« intégration »
I.3. Mobilisations et polémique autour des « foyers africains »
I.3.1. La lutte du foyer Nouvelle France
I.3.2. Polémique autour du rapport Cuq
II. Les termes du Plan de traitement : « foyers africains » et « foyers maghrébins », des problèmes différents
II.1. Les textes officiels : un ciblage prioritaire implicite sur les « foyers africains »
II.2. « Maghrébins » et « Africains » : des catégorisations institutionnalisées
II.3.Ceux « qui ne faisaient pas parler d’eux » et ceux qui « débordent » : des problèmes publics différents
II.3.1. Les « papis maghrébins » : un « public rêvé » ?
II.3.2. Les « Africains » : un groupe « à risques »
II.4. Des catégorisations qui ne se fondent pas uniquement sur des stéréotypes ethniques
II.4.1. Une lecture culturaliste : les « Maghrébins » individualistes et les « Africains » communautaires
II.4.2. Une lecture socio-historiciste : les modes de vie des résidents construits dans les interactions avec l’environnement
III. Le traitement des « foyers africains » : mise aux normes du bâti et réforme des « mœurs »
III.1.Une rigidification des textes officiels sur le traitement des foyers suroccupés : vers des espaces « disciplinaires » ?
III.2. L’affirmation d’une position universaliste au niveau national
III.2.1. Le premier délégué général de la CILPI : différentialisme et pragmatisme
III.2.2. Le deuxième délégué général de la CILPI : un universalisme républicain revendiqué
III.2.3. Le 1% Logement : besoins des salariés et « fantasme de la chambre de Formule 1 »
III.3. Le « logement individuel autonome » : une formule performative
III.3.1. Une norme reprise par les principaux organismes gestionnaires
III.3.2. Un dispositif spatial envisagé comme un outil de lutte contre la suroccupation
III.3.3. Vers un « individu autonome et responsable » ?
Conclusion du chapitre 2
Conclusion de la première partie
Deuxième partie : De la genèse d’un habitat spécialisé et communautaire à sa remise en cause : les « foyers d’Africains noirs » de l’Aftam (1962-2012)
Chapitre 3 – Les premiers « foyers d’Africains noirs » : genèse d’un habitat spécialisé et communautaire (1961-1969)
I. Dans le sillage des décolonisations africaines, un projet fondateur de coopération et de développement
I.1. Un projet de coopération avec les Etats africains et de formation des migrants
I.2. Une orientation développementaliste
II. Une réorientation du projet vers la gestion de foyers pour « travailleurs africains noirs »
II.1. Une réponse à l’urgence des besoins
II.2. Vers une activité à part entière, exercée sous de nouvelles tutelles
II.3. Un modèle de foyer spécifique
II.3.1. Une prise en charge globale
II.3.2. Une approche communautaire
II.3.3. Des dortoirs aux « unités de vie communautaire » : une gestion du peuplement qui privilégie des regroupements ethniques
Conclusion du chapitre 3
Chapitre 4 – Marginalisation des « foyers d’Africains noirs » et construction du problème des « foyers-dortoirs » (1969-1988)
I. Développement et segmentation ethnique du parc de l’Aftam
I.1. Des « foyers d’Africains noirs » aux foyers de travailleurs migrants
I.2. L’accélération de la croissance du parc : l’empreinte d’André Postel-Vinay
I.3. Les « foyers d’Africains noirs », une partie du parc qui devient quantitativement marginale
II. Changement de regard sur les « foyers d’Africains noirs » et problème des « foyers-dortoirs »
II.1. « Africanisation », premières grèves de loyer et déficit de gestion
II.2. Sous la tutelle du FAS : bras de fer et dépendance
II.3. L’insoluble problème des « foyers-dortoirs » et l’appel aux pouvoirs publics
III. L’Aftam en crise : vers une nouvelle identité
III.1. L’Aftam face aux grèves de loyer : un recours ambigu aux comités de résidents
III.2. La sous-occupation, moteur de la diversification des publics
III.3. Restructurations, changements de gouvernance et crise identitaire
Conclusion du chapitre 4
Chapitre 5 – De la résorption des « foyers-dortoirs » au traitement des « foyers à peuplement communautaire » (1988-2012)
I. Réflexions sur un habitat « adapté aux Africains noirs » (1988-91)
I.1. Une série d’études-actions sur les « foyers-dortoirs » et les « Africains noirs »
I.2. Des réalisations qui peinent à voir le jout
II. Un programme pour « intégrer » les foyers et leurs résidents (1991-1996)
II.1.Les foyers rattrapés par les politiques du logement des plus démunis et de l’« intégration » des populations immigrées
II.2. Un repositionnement de l’Aftam : l’« insertion », le social et l’interculturel
II.3. Une expérimentation et ses limites : le « développement social des foyers »
III. Vers une politique pragmatique de mise aux normes dans les « foyers à peuplement communautaire » (1996-2012)
III.1.De l’Aftam à Coallia : entre re-spécialisation, diversification des activités et banalisation de l’image de l’association
III.2. Un durcissement du discours sur le fait communautaire
III.3.La mise aux normes des activités « informelles » et des modes d’occupation communautaires : une posture pragmatique et gestionnaire
Conclusion du chapitre 5
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie La mise en œuvre du Plan de traitement des foyers au sein de l’Aftam : vers la fin d’un habitat spécialisé et communautaire ?
Scènes d’interaction entre résidents et acteurs institutionnels
Une approche monographique
Une enquête par observation et immersion
Les dilemmes de l’anonymisation
Chapitre 6 – La démolition-reconstruction d’un « foyer maghrébin » dans le Loiret : tensions autour de la salle de prière
I. Derrière la figure du « foyer maghrébin »
I.1. Un foyer vétuste et très isolé
I.2. Une vie collective autour de la cafétéria et de la salle de prière
I.3. Une population vieillissante, précarisée et pour partie « captive »
II. Le projet de démolition-reconstruction : individualisation des logements et réduction des espaces collectifs
II.1.Des jeux d’acteurs qui favorisent la banalisation voire l’invisibilisation du foyer et de ses résidents
II.2. Individualisation des logements et perte de capacité d’accueil
II.3. Des espaces collectifs réduits et contrôlables
III. Les réactions des résidents : tensions autour de la salle de prière et des conflits d’usage
III.1. Une réunion d’information sur le projet
III.2. Le maintien de la salle de prière, principale revendication des résidents
III.3. La laïcité et la liberté de culte en débat
III.4. La non-mixité et le logement individuel : des réponses aux confits d’usage ?
Conclusion du chapitre 6
Chapitre 7 – La restructuration d’un « foyer africain » parisien : tensions autour des espaces collectifs et du relogement
I. La figure du « foyer africain », lieu de vie et d’activités
I.1. Un foyer organisé sur un modèle collectif, un bâti très dégradé
I.2. Des migrants originaires de la vallée du fleuve Sénégal, des modes d’organisation communautaires
I.3. Un lieu de sociabilité et de vie collective
II. La réhabilitation : vers l’individualisation des logements et la suppression des cuisines collectives
III. Un projet en décalage avec les attentes et les préoccupations des résidents
III.1. Le COPIL : le devenir des espaces collectifs au cœur des débats
III.1.1. La prise en compte des demandes des résidents : un sujet de tensions
III.1.2. Tensions autour de la suppression de la cuisine collective
III.1.3. De la « salle de prière » à la « salle polyvalente » : du cultuel au culturel
III.2.L’assemblée des résidents face au projet : colère contre la vétusté du foyer et inquiétude sur le devenir des suroccupants
III.2.1. Un ordre du jour en décalage avec les préoccupations des résidents
III.2.2. Les résidents : colère, scepticisme et inquiétude
III.2.3. Un comité de résidents médiateur
Conclusion du chapitre 7
Chapitre 8 – La réhabilitation d’un foyer parisien proche du modèle de la résidence sociale : tensions autour de la kitchenette dans les logements
I. Un foyer atypique à Paris, proche du modèle de la résidence sociale
I.1. Un foyer composé de chambres individuelles, un bâti en bon état
I.2. Une population hétérogène et précaire
I.3. Une vie sociale moins collective
II. La réhabilitation : augmentation des capacités d’accueil et introduction d’une kitchenette dans les logements
III. Les résidents face au projet : un rejet des kitchenettes dans les logements
III.1. L’« assemblée générale » : un climat de défiance
III.1.1. Le gestionnaire : une position inconfortable, un discours peu accessible
III.1.2. Des réactions différentes entre résidents africains et résidents maghrébins
III.2. Une réunion en petit comité pour trouver un compromis
III.2.1. Le comité de résidents : une stratégie de boycott du diagnostic social
III.2.2. Le gestionnaire : éviter le « clash » avant tout
III.3. Un réajustement du projet : le maintien des cuisines d’étage
Conclusion du chapitre 8
Chapitre 9 – Le temps du relogement dans un foyer parisien « mixte » mais ségrégé
I. Un foyer « mixte » : hétérogénéité ethnique et séparation spatiale
I.1. Un foyer quasi insalubre, organisé sur un modèle collectif
I.2. Une longue histoire de lutte
I.3. Une séparation ethnique et spatiale au sein du foyer
I.4. Des modes d’occupation et d’appropriation de l’espace qui échappent au gestionnaire
II. La réhabilitation : maintenir les espaces collectifs, normaliser leur occupation
II.1.L’individualisation des logements et la perte de capacité d’accueil : une donnée qui complexifie l’opération
II.2. Le maintien des principaux espaces collectifs : la cuisine et la salle de prière
II.3. Une opération qui se veut « exemplaire » : individualisation et respect du collectif
III. Le relogement : des modes d’occupation collectifs et communautaires renégociés
III.1. La période de relogement provisoire : une phase de transition
III.1.1. Le contexte : un relogement éclaté sur plusieurs sites et arrondissements parisiens
III.1.2. Le site de relogement « tiroir » : un foyer D bis ? Des pratiques qui perdurent
III.1.3. La cuisine collective : un maintien sous condition
III.2. Le relogement définitif : la communauté renégociée ?
III.2.1. Le passage au « logement individuel autonome » : un point non négociable
III.2.2. « Mixité » versus séparation ethnique et spatiale
III.2.3. Les espaces collectifs : définition des usages et appropriation par les résidents
III.2.4. Négociations autour du relogement des « non relogeables »
Conclusion du chapitre 9
Chapitre 10 – La mise en œuvre du Plan de traitement des foyers au sein de l’Aftam : tolérance et invisibilisation des modes d’habiter communautaires
I. Des résidents africains organisés collectivement pour faire entendre leur voix
I.1. Les résidents dans le Plan de traitement des foyers : des « acteurs faibles »
I.2. Les résidents africains : des capacités d’organisation et de mobilisation collectives
I.2.1. Les comités de résidents élus : les ambiguïtés de la reconnaissance institutionnelle
I.2.2. Le recours à des registres de justification légitimes
I.2.3. Des apprentissages : l’usage des catégories institutionnelles
I.2.4. La construction d’un rapport de forces
II. Devenir des espaces collectifs, pratiques communautaires et religieuses : une politique de tolérance
II.1 Des « mosquées » aux « salles polyvalentes » : un accommodement du principe de laïcité
II.1.1. Des lieux de culte remis en cause à plusieurs titres
II.1.2. Un sujet qui dépasse l’échelle des foyers : enjeux locaux et débat public sur la laïcité
II.1.3. Les « salles polyvalentes » : l’invisibilisation du fait religieux
II.2.Des « cuisines collectives » aux « restaurants sociaux » : entre reconnaissance et normalisation des pratiques communautaires « informelles »
III. Regroupements ethniques et liens communautaires à l’épreuve du relogement
III.1. Arrangements autour de l’injonction à la « mixité »
III.2. « Qu’est-ce qu’on va faire de nos frères ? » – Le devenir des suroccupants
III.2.1. Des catégorisations qui s’ancrent dans des préoccupations de gestion et des modes d’habiter spécifiques
III.2.2. L’attribution du droit au relogement : reconnaissance et déstabilisation des liens communautaires
IV. Le « logement individuel autonome » et les effets de la banalisation
IV.1.« Même si je n’ai qu’un centime, ma mère aura sa part » – Le « confort » individuel au détriment des solidarités collectives
IV.2. Un impact perceptible mais encore mal connu sur les trajectoires résidentielles
IV.3. Un « produit logement » très normatif
Conclusion du chapitre 10
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
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Eclairage sur le traitement du fait communautaire et questionnement sur la gestion des minorités
Apports et limites du regard rétrospectif sur l’Aftam et ses « foyers africains »
Références bibliographiques
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