Hébergement et accompagnement social : une offre en développement

Offre d’hébergement française : des besoins croissants

Développement de l’Aide Sociale à l’Hébergement : législation, volonté et moyens

Institutionnalisation de l’hébergement pour les plus démunis

Conformément à l’article 185 du Code de l’aide sociale et de la famille de 1959, le système d’hébergement français vise à aider les personnes en recherche d’un logement et ne pouvant « attendre de secours immédiat d’aucune autre personne». À travers une mise à l’abri plus ou moins durable et financée principalement par l’État, cette assistance vise à favoriser l’intégration et l’accompagnement social des personnes ciblées. Au cours de la seconde moitié du 20è?? siècle, l’hébergement s’est transformé, parallèlement aux évolutions sociales et au traitement médiatique et politique de la question du sans-abrisme. Un retour sur ces transformations vise à comprendre la construction et l’institutionnalisation de l’Aide Sociale à l’Hébergement (ASH) en France.

Que ce soit au travers des interventions du secteur privé ou public, l’accompagnement des plus démunis a toujours existé, souvent en parallèle de mesures répressives à destination de ces mêmes personnes. En effet, la figure du vagabond faisant la manche est qualifiée de délit dès le 14ème siècle et source d’insécurité pour les gouvernants. Face à des individus dénués, en apparence, de toutes attaches (sociales, locales, familiales, professionnelles), les différentes orientations politiques ont cherché dans un premier temps à mettre à l’écart puis à réinsérer ces personnes à travers notamment la mise au travail. Néanmoins, les influences de l’Église, principal acteur de l’assistance, gagnent progressivement les discours politiques, de sorte que « son enseignement, ses sermons imprègnent les mentalités de l’époque, maintiennent l’exigence de la charité et formulent sur la pauvreté les questions qui sont encore les nôtres aujourd’hui. » Ainsi, le regard porté sur les plus démunis change, stimulé par les penseurs de l’époque qui prônent alors la solidarité entre individus comme le fondement du lien social. Dès lors, la pauvreté et la misère « consistent en une violation du contrat social, et la société doit réparer ce manquement à son obligation contractuelle. » . Désormais ancré dans l’idéologie citoyenne et non plus seulement religieuse, le devoir d’assistance s’inscrit dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen à travers l’article 21 : « les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. » . Il faut néanmoins attendre la deuxième République de 1848 pour que le principe de fraternité devienne fondamental et la fin du 19ème siècle pour que les grandes lois de l’assistance soient adoptées. En parallèle, et dans « ce contexte d’institutionnalisation et de développement progressif de l’assistance publique, le vagabondage et la mendicité sont de moins en moins perçus comme un problème d’ordre public et de plus en plus comme une question sociale qui doit être prise en charge par les pouvoirs publics. ». Aussi, au sortir de la seconde guerre mondiale, la mise en place du système de Protection sociale vise à protéger non seulement les plus démunis mais bien l’ensemble de la population. Tout citoyen a ainsi le “droit à la protection de la santé, de la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être qui en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » . L’accès à la propriété sociale se développe alors en réponse à ces grands principes et vise à garantir la protection et l’indépendance jusqu’ici permises uniquement via la propriété privée.

Un système fragilisé et insuffisant face au nombre croissant de potentiels bénéficiaires

Initialement mis en place dans une période de plein emploi, le système de protection sociale est fragilisé dès les années 1950 par l’augmentation des besoins. Alors que l’assistance ne devait être que temporaire, elle se pérennise et est réaffirmée par les gouvernants. L’Aide Sociale à l’Hébergement (ASH) est instaurée et contient deux mesures majeures : des loyers conditionnés à un plafond de ressources pour les plus démunis et un droit à l’hébergement. On peut ainsi lire dans le décret que « les personnes sortant d’établissements hospitaliers, de cure ou de rééducation, et se trouvant sans ressources et sans logement, [qui] peuvent être hébergées en attendant leur réemploi, dans les établissements publics ou dans les établissements privés agréés par arrêté du Préfet. Les personnes libérées de prison ou en danger de prostitution peuvent être hébergées, en attendant leur réemploi, dans les établissements publics ou dans les établissements privés agréés à cet effet » . Cette offre s’élargira cinq ans plus tard, en 1959, aux vagabonds. Les personnes concernées par cette aide sont dirigées vers des structures dans lesquelles elles reçoivent soins médicaux et accompagnement en échange d’un travail à l’intérieur ou à l’extérieur des établissements, ce pour une durée maximale de six mois. « L’individu est hébergé parce qu’il est reconnu comme étant hors des circuits sociaux estimés normaux (il se prostituait, était hospitalisé, faisait la manche etc.). La prise en charge doit lui permettre de se réadapter au fonctionnement de la société dans laquelle il évolue et donc d’y retrouver une place. ». L’ASH est ainsi institutionnalisée au cours du 20ème siècle et se développe en parallèle du logement dit ordinaire. Si l’État est un acteur majeur de la reconstruction des logements après-guerre, il porte également une attention particulière au développement de logements sociaux en réponse à l’incapacité des plus pauvres à se loger autrement.

En 1947, les Habitats à Bon Marché (HBM) puis en 1950 les Habitats à Loyer Modéré (HLM) se développent et tendent à proposer un logement à toute personne ayant de faibles ressources. Néanmoins, les productions neuves sorties de terre se révèlent insuffisantes pour accueillir l’ensemble des personnes dans le besoin. Face à ce constat et les revendications de l’Abbé Pierre qui dénonce les situations de mal-logement ou non-logement, l’État lance dans les années 1950 d’importantes constructions de logements sociaux. En parallèle, et pour répondre à l’urgence de certaines situations, les Logements de Première Nécessité (LPN) se développent en 1953 et vont abriter temporairement les personnes ou ménages en attente d’une solution résidentielle pérenne. Cependant, malgré les efforts fournis, les objectifs de parc social peinent à être atteints : les plus démunis sont toujours dans l’incapacité de se loger et sont parfois contraints de se tourner vers des habitations vétustes et insalubres du parc privé. Face à cela, le parc social se modifie et instaure notamment des plafonds de ressources et préconise un système d’attribution de points prenant par exemple en compte la composition du ménage demandeur, ses conditions de vie, l’ancienneté de la demande, etc. Ce décompte vise une plus grande transparence dans les attributions et cherche à garantir le logement pour les plus modestes. Plus globalement, les années 1950 sont marquées par une succession de mesures et plans gouvernementaux ayant tous une même vocation : proposer un logement digne à toute personne se trouvant en difficulté pour se loger dans un habitat ordinaire.

Dans un pays qui connaît une période de forte croissance durant les Trente Glorieuses et qui voit les conditions de vie de ses citoyens s’améliorer, la pauvreté se maintient malgré tout et est de plus en plus visible. Serge Paugam écrit ainsi que désormais « les personnes considérées comme pauvres sont celles qui n’ont pas de toit ou sont logées dans des conditions misérables, dans des taudis ». Alors même que le pays se modernise à grande vitesse, certains restent en marge de ce développement et se voient alors proposer des logements spécifiques. Ces structures, appelées « cités de transit » mettent à disposition des ménages en difficulté un lieu d’habitation provisoire accompagné d’une aide socio-éducative et sont conçues comme des espaces de rééducation. Aussi, jusqu’aux années 1970, les résidents des logements sociaux restent perçus comme des inadaptés à la modernité environnante, comme le souligne une circulaire de 1971 stipulant que « Les cités de transit peuvent être définies comme des ensembles d’habitations affectées au logement provisoire des familles, occupantes à titre précaire, dont l’accès en habitat définitif ne peut être envisagé sans une action socio-éducative destinée à favoriser leur insertion sociale et leur promotion » . Mise à l’abri et réinsertion sociale sont ainsi étroitement liées et l’accompagnement par les travailleurs sociaux généralisé.

Droit au logement et développement de l’offre

Les années 1970 sont marquées par l’élargissement du droit à l’hébergement à un public plus large et par la caractérisation des structures déjà existantes comme étant des Centres d’Hébergement et de Réadaptation Sociale (CHRS). Le décret de 1976 relatif aux CHRS précise ainsi que peuvent prétendre à une place :
« 1. Les personnes sans logement sortant d’établissements hospitaliers,d’établissements de cure ou de rééducation ou d’établissements sociaux ou médico-sociaux assurant l’hébergement de handicapés ;
2. Les personnes ou familles qui se trouvent privées de logement par suite de circonstancesindépendantes de leur volonté et qui ont besoin d’être momentanément hébergées ;
3. Les personnes et les familles sans logement, de nationalité française, rapatriées de l’étranger
4. Les personnes et les familles sans logement en instance d’attribution du statut de réfugiés ;
5. Les personnes et les familles qui se trouvent hors d’état d’assumer leurs responsabilités sociales ou familiales ;
6. Les vagabonds ayant accepté les mesures qui leur auront été proposées en vue de leurreclassement ;
7. Les inculpés placés sous contrôle judiciaire et les condamnés soumis au sursis avec mise à l’épreuve ;
8. Les personnes libérées de prison ;
9. Les personnes en danger de prostitution ou celles qui se livraient à la prostitution. » En accueillant un public large aux difficultés diverses, les CHRS deviennent ainsi des structures ouvertes à tous et proposent une solution pour une durée de six mois renouvelables. En plus d’offrir un toit, ces structures « doivent donc être en capacité d’apporter des réponses adaptées aux différentes difficultés que manifesteraient les personnes accueillies (hébergement de nuit, assouvissement des besoins vitaux, action socio-éducative et culturelle, actions spécialisées,  assistance administrative afin de recouvrer un logement et un emploi, etc.) » et regroupent alors de nombreux professionnels socio-éducatifs et médicaux.

Les années 1980 sont de nouveau marquées par des difficultés d’accès au logement croissantes : réduction du nombre de logements bon marché, augmentation des loyers du parc privé, incapacité pour le parc social d’absorber la hausse de demandes. Face à cela, l’État, porteur de la solidarité nationale, prône le droit au logement à travers les lois de 1982, 1989 et 1990 : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir. » .

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Table des matières

INTRODUCTION
I / ENQUETER AUPRES D’UN PUBLIC SPECIFIQUE
II / INTERROGER LES PARCOURS
PARTIE 1 : Hébergement et accompagnement social : une offre en développement
SECTION 1 : OFFRE D’HEBERGEMENT FRANÇAISE : DES BESOINS CROISSANTS
I / DEVELOPPEMENT DE L’AIDE SOCIALE A L’HEBERGEMENT : LEGISLATION, VOLONTE ET MOYENS
II / AU-DELA DE L’HEBERGEMENT : ACCOMPAGNEMENT ET INSERTION SOCIALE
CONCLUSION SECTION 1
SECTION 2 : FLUIDIFIER LES PARCOURS, UN OBJECTIF METROPOLITAIN
I/ UN NOUVEAU PARADIGME : LE LOGEMENT D’ABORD
II / UNE METROPOLE NANTAISE ACTIVE FACE A DES BESOINS MULTIPLES
CONCLUSION PARTIE I
PARTIE 2 : Parcours résidentiels : des trajectoires accompagnées
SECTION 1 : METHODOLOGIE DE L’ENQUETE
I / RECUEILLIR LES PARCOURS RESIDENTIELS
II/ UNE POPULATION D’ENQUETE HETEROGENE
SECTION 2 : ABSENCE DE LOGEMENT PERSONNEL : CAUSES ET REPONSES
I / ABSENCE DE LOGEMENT : DES CAUSES MULTIPLES
II / DEMANDE D’HEBERGEMENT : DES SOLLICITATIONS VARIEES
SECTION 3 : ACCOMPAGNEMENT SOCIAL : ACCEPTATION ET EXPERIENCE
I / DEMANDER DE L’AIDE : RESSENTI ET ATTENTES
II / DES EXPERIENCES D’ACCOMPAGNEMENT VARIABLES
CONCLUSION SECTION 3
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE

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