Le MAUP : aspect théorique et conceptuel
Si l’on devait définir globalement le MAUP, on pourrait dire qu’il s’agit de l’influence du découpage territorial sur les résultats d’une analyse. Cette simplification ne reflète qu’imparfaitement l’ampleur du problème. Deux effets sont associés au MAUP : l’effet d’échelle et l’effet de zonage [Wong D., 2009]. Avant de les étudier plus précisément, il convient de poser succinctement des concepts associés, à savoir l’espace, l’échelle et le changement d’échelle. Pour cela, notre propos s’inspirera de Marceau (1999). Cette étape est nécessaire pour saisir en profondeur l’impact du MAUP sur l’analyse.
Concepts associés à la notion d’échelle
Habituellement, on donne à l’espace la possibilité d’exister indépendamment de n’importe quelle matière. A partir du début du XXe siècle, la position change : l’espace n’existe que par les entités spatiales et les processus à l’oeuvre. On le mesure par les rapports entre les objets.
D’une façon générale, l’échelle se rapporte « aux dimensions spatiales auxquelles les entités, les modèles et les processus peuvent être observés et caractérisés » [Marceau D., 1999]. En géographie, l’échelle prend également un tout autre sens, car elle est plutôt perçue comme « la fenêtre par laquelle l’investigateur choisit de regarder le monde » [Marceau D., 1999]. Implicitement, à chaque phénomène et problématique étudié correspondrait une échelle idéale. Le géographe doit effectuer des changements d’échelles au grès des thématiques d’étude. Concrètement, changer d’échelle c’est « le transfert de données ou information d’une échelle à une autre » [Marceau D., 1999]. Cela demande d’identifier les facteurs constitutifs d’un processus sur une autre échelle d’observation, ainsi que les contraintes et les rétroactions sur ces facteurs.
L’effet de zonage
L’effet de zonage représente le grand nombre de combinaisons pour découper l’espace à la même échelle. Toute variation dans les résultats en raison du découpage de base est conséquence du processus d’agrégation.
La nature continue de l’espace provient de l’absence de discontinuité parfaite. Certains espaces possèdent des caractéristiques identitaires ou des objets particuliers. Pour le premier cas, les géographes déterminent des secteurs en traçant des frontières discrètes ; contrairement aux objets particuliers, où ils utilisent généralement des formes géométriques simples. L’essence même du problème analytique qu’est le MAUP, réside dans cette création de frontière, autrement dit le fonctionnement d’agrégation spatiale. En effet, dessiner une démarcation revient à délimiter l’espace en unités discrètes dans le but de former des systèmes spatiaux de division. Toutefois, il existe un très grand nombre de possibilités pour constituer ces unités spatiales (cf. figure 1). Ces unités discrètes sont bien souvent élaborées en vue de servir des objectifs administratifs, statistiques ou autres. Finalement, un même secteur possède un ensemble multiple de données, fournissant différentes descriptions et résultats analytiques de ce secteur. Le caractère continu de l’espace rend arbitraire ce découpage en aire [Openshaw, 1981].
Dans les études non spatiales, il existe des objets d’étude « naturels » : les individus et les ménages. Pour créer des entités spatiales d’étude, les géographes ont recours à l’agrégation spatiale, transformant la nature des données. En effet, les individus et les ménages sont des individus statistiques, indivisibles, naturels et non spatiaux. Par définition, ces « objets d’études » sont signifiants en sciences humaines et sociales. Le processus d’agrégation spatiale transforme ces données d’individus non spatiaux en unités modifiables, arbitraires, et parfois dénuées de signification. Tout le « problème de l’unité spatiale modifiable » provient du déficit d’argument en faveur d’un regroupement spatial d’individus au détriment d’un autre, engendrant inévitablement une incertitude relative concernant l’identification des « objets d’étude » dans une étude spatiale.
L’effet de zonage à proprement parler, aura une influence minimale si le phénomène étudié correspond à un modèle légèrement aléatoire. Par contre, les incidences seront significatives dans une situation de forte autocorrélation spatiale positive [Wong D., 2009].
Concrètement, le problème d’agrégation spatiale ou effet de zonage survient à cause de l’incertitude relative à la façon dont doivent être agrégées les données pour constituer un nombre donné de zones. Selon l’agrégation de la zone en un même nombre d’unités spatiales, une analyse peut déboucher sur des résultats différents (cf. figure 2).
Cet effet de zonage concerne donc le découpage primaire de l’espace, c’est-à-dire la première agrégation spatiale. A partir de cette dernière, d’autres agrégations sont possibles : plusieurs entités spatiales se combinent pour en former une seule. Ces opérations ultérieures ont le potentiel de provoquer un deuxième effet : l’effet d’échelle.
L’effet d’échelle
Avec un même jeu de données et d’unités régionales, considérons une agrégation progressive des entités spatiales dans de plus grandes unités. Dans ces conditions, l’effet d’échelle se définit par la variation des résultats de l’analyse selon le degré d’agrégation.
Pour le même secteur, différents systèmes de partition sont capables de produire plusieurs modèles spatiaux. Selon David Wong (2009), les impacts de l’effet d’échelle « ne sont pas dramatiques ». Toutefois, considérer qu’ils sont minimaux sur la cartographie serait une grave erreur car « de nombreuses études ont démontré qu’utiliser des données à différents niveaux d’échelle peut dépeindre des modèles spatiaux très différents » [Wong D., 2009 : p.112]. L’analyse de corrélation met en évidence quelques processus de l’effet d’échelle. Une agrégation de petites unités spatiales insinue de moyenner et remplacer les valeurs par une valeur représentative (moyenne ou médiane). Comme toute moyenne, les valeurs extrêmes sont gommées provoquant une moindre variabilité des données agrégées par rapport aux données désagrégées. De cette façon, « les données à des niveaux plus élevés d’agrégation tendent à gonfler la corrélation par rapport aux niveaux désagrégés » [Wong D, 2009 : p.112].
L’exemple des densités de population en France est illustratif de cet effet d’échelle. Les figures 3, 4 et 5 représentent cette variable, respectivement à l’échelle régionale, départementale et communale. Plus l’information se désagrègent, plus nous remarquons un effet d’échelle non négligeable. La diagonale du vide, par exemple, est visible qu’à partir du niveau départemental. A l’échelle communale, émerge finalement la caractéristique classique du peuplement: les populations se fixent essentiellement près du littoral et des cours d’eau. Ainsi, la carte de densité à l’échelle communale montre cette tendance en mettant en évidence de fortes densités dans les réseaux de villes, les littoraux et près des cours d’eau. La Corse par exemple est faiblement peuplée à l’échelle régionale et départementale. Par contre, l’échelle communale fait ressortir deux zones comme particulièrement denses, correspondant aux agglomérations de Bastia et Ajaccio. Une autre caractéristique à retenir ici demeure le gommage des valeurs extrêmes par l’agrégation. A l’échelle régionale, aucune région n’est peuplée d’une densité supérieure à 1000 habitants/km². A l’échelle départementale, seule la région parisienne se voit dotée d’une telle densité. Par contre à l’échelle communale, le nombre d’individus possédant des densités de population supérieures à 1000 habitants/km² augmente sensiblement. En réalité, l’agrégation des données dissimulent les forts contrastes des espaces concernés. La région du Pays de la Loire, par exemple, avec une densité de population comprise entre 250 et 1000, mais dont seulement deux de ses départements possèdent une telle densité. Les trois autres départements de la région ont une densité entre 50 et 100 habitants/km². Cet exemple tiré de la situation française met en évidence certaines caractéristiques de l’effet d’échelle du MAUP et du peuplement.
Solutions envisageables
Les chercheurs avaient longtemps pour objectif d’illustrer l’ampleur du MAUP, sans pour autant rompre avec la recherche de solutions. Ces dernières ne se ressemblent pas toutes car elles correspondent à des périodes de recherche dissemblables. La première concorde aux travaux pionniers d’Openshaw et Taylor. Ils développent des solutions pour la création d’un « système de découpage […] optimal » [Openshaw S., 1981 : p.22], par conséquent des réponses d’ordre plutôt conceptuel. Conjointement aux progrès des statistiques au sein des sciences géographiques, l’emploi répandu de l’autocorrélation spatiale aident dans les années 1990 au développement de solutions plus analytiques. Celle proposée par W. Tobler (1990) sera abordée dans un dernier temps car elle relève également du conceptuel.
Openshaw S. publie une réflexion afin de limiter les effets du MAUP [Openshaw, 1981].
A l’époque, l’opinion scientifique considérait généralement que « le maillage devrait être relativement indépendant du phénomène qu’il cherche à mesurer »25. La nature pionnière des travaux d’Openshaw vient du fait qu’il s’oppose à cette vision : il existe une interdépendance entre le maillage territorial et le phénomène étudié, d’où la nécessité de construire les systèmes de partition. Dans ce but, se pose alors la question des critères à employer. Il s’agit des contraintes à appliquer à nos mailles territoriales, telles qu’une surface égale, une population égale, une densité égale, la compacité, l’entropie spatiale, l’homogénéité intra-zone, la variation de la variable indépendance, la variation relative ou encore l’erreur-type du coefficient de régression [Openshaw, 1981]. Pour s’assurer de la qualité d’un maillage, les résultats acquis avant et après l’agrégation doivent être approximativement similaires. Cependant, « il n’existe pas de moyen objectif de déterminer la qualité ou l’intérêt que présente un système de découpage donné par rapport aux autres » [Openshaw, 198 : p.20]. Partant de ce point de vue, Openshaw S. met en avant deux solutions, ce qu’il appelle un « nouveau paradigme pour l’analyse spatiale » [Openshaw S., 1981 : p.21]. La première consiste, pour une science, à trouver les objets d’études et les définir non arbitrairement. La deuxième propose d’utiliser la méthode de partition automatique26 de manière à déceler les ensembles spatiaux adaptés à un objectif particulier.
L’originalité de cette approche reste l’affirmation qu’un zonage optimal pour une variable ne l’est pas obligatoirement pour une autre ; causant implicitement la dépendance entre la variable étudiée et l’échelle particulière à laquelle elle est mesurée. Plus tard, pour créer les systèmes de zonages optimaux, Openshaw S. (1996) emploie des moyens plus techniques et mathématiques, dont le principe est de ramener au minimum les variances intra-zonales et de maximiser les variances interzonales.
Openshaw S. pose là les fondements des futures recherches de solutions du MAUP. Fotheringham (1989)27 et Visvalingam (1991)28 tentent d’identifier les entités géographiques de base pour savoir où les informations doivent être collectées et analysées. Des chercheurs conseillent d’effectuer des analyses de sensibilité, c’est-à-dire présenter l’éventail des résultats obtenus en ayant recours à divers maillages. Knudsen (1987)29 « propose un ensemble de procédures de tests de significativité afin de […] vérifier la robustesse des résultats aux variations d’échelles et au niveau d’agrégation » [Marceau D.J., 1999].
D’autres chercheurs, quant à eux, mettent en évidence la possibilité de commander et prévoir le MAUP et ses impacts. La présence d’autocorrélation spatiale dans les données influencerait fortement les effets spécifiques du MAUP [Hunt et Boots, 1996]. Ainsi, une autocorrélation spatiale positive pourrait produire des effets d’échelle et de zonage très forts. Amrhein et Reynolds (1996) utilisent la statistique spatiale modifiée de Getis pour un ensemble de variables socio-économiques. Cette méthode permet d’évaluer de façon fiable les effets d’agrégation d’un ensemble de données.
De nombreux outils sont alors développés dans l’optique de traiter spécifiquement l’effet d’échelle : l’analyse fractale et les méthodes de géostatistiques tels que le krigeage, ou les variogrammes (Tate et Atkinson, 2001)30 ; la GWR (Geographically Weighted Regression) pour rendre compte de l’hétérogénéité spatiale (Fotheringham A.S. et al., 2000)31 ; méthode réduisant au minimum l’effet d’échelle par forte homogénéité interne [Holt, Steel, Tranmer, 1996]. Néanmoins, ces techniques ne résolvent pas de façon viable l’effet d’échelle [Wong D., 2009].
Le corpus théorique des maillages territoriaux dévoile la nécessité d’employer des unités territoriales. Le problème principal de cette méthode réside dans les discontinuités. Ces dernières correspondent aux frontières administratives, et non aux réelles limites de la variable étudiée. Une solution consiste à passer du discret au continu par des techniques de lissage ou d’interpolation (Flowerdew R., Green M. 198932, 199233). L’outil HyperSmooth développé par le projet de recherche Hypercarte [Plumejeaud C. et al, 2008] attire particulièrement notre attention. Il se base sur la méthode des potentiels, conceptuellement différente des méthodes d’interpolation, comme le Krigeage simple, la moyenne locale ou la méthode de Shepard. En effet, ces dernières ne sont pas adaptées pour les variables d’un comptage sur une zone délimitée où la répartition interne de la population n’est pas connue. « La méthode du potentiel propose un modèle de diffusion a priori défini par le couple (fonction, portée) » [Plumejeaud C. et al., 2008 : p.7].
David Wong (2009) estime qu’il n’existe pas réellement de solution type pour contourner le MAUP, malgré l’intérêt du chercheur sur la question. Il précise qu’avec l’avancée des Systèmes d’Information Géographique, de l’informatique et de la disponibilité des données numériques, les géographes seront en mesure de se servir de plusieurs échelles ou systèmes de partition. Cette possibilité permet de limiter les effets du MAUP. Selon les zones géographiques, les données deviennent accessibles à des échelles de plus en plus fines. De fait, l’éventail de choix proposé au chercheur pour découper l’espace s’accroît.
Globalement, le manque réel de solution produit une nécessaire adaptation du maillage territorial selon la problématique, les variables ou l’objectif de l’étude. Cela contraint les chercheurs à s’en accommoder plus qu’à le régler. Cette situation déclenche une nouvelle approche vis-à-vis de ce problème « théoriquement inévitable ». S’il est impossible de s’en défaire complètement, autant l’envisager comme « un outil de construction des connaissances, d’exploration de la structure multiniveau d’un phénomène dans la mesure où il existe de multiples hypothèses qui sous-tendent chaque système de zonage » [Baron et al., 2010 : p.152]. Cette conception encourage d’utiliser plusieurs types de cartographie dans le but de rendre compte de la complexité d’un phénomène. En France par exemple, une cartographie des régions rendra compte d’une certaine structure spatiale dont les discontinuités correspondront aux frontières administratives. A l’échelle communale, nous obtiendrons d’autres discontinuités, témoignant d’une autre configuration spatiale. Ce procédé ouvre des pistes de réflexions de par « la production de connaissances, de l’élaboration des données à leurs représentations en passant par leurs traitements » [Baron et al., 2010 : p.152]. Certains chercheurs vont même jusqu’à remettre en cause le « P » de « MAUP » : c’est-à-dire se demander s’il s’agit réellement d’un problème [ESPON, 2006].
Pour conclure, le MAUP constitue un biais théorique dans les données. Toutefois, faute de solutions probantes, ce problème procure l’occasion au chercheur d’emprunter de nouvelles voies méthodologiques et d’acquisition de connaissances des phénomènes complexes. Cette nouvelle vision du MAUP en fait un outil pour explorer les structures multi-scalaires d’un phénomène : à cette occasion, ce n’est plus un problème [ESPON, 2006].
« MAUP is not a problem if people working with data are aware of it » [ESPON, 2006: p.18].
Les développements précédents fournissent l’apport théorique et conceptuel nécessaire pour traiter la recherche de la convergence du vieillissement démographique en Méditerranée. Dans ce cas, il convient d’approfondir plus longuement ce thème.
Convergence spatiale et vieillissement : problématique et enjeux en Méditerranée
La problématique des maillages territoriaux en Méditerranée n’est pas ex nihilo. Elle accompagne une véritable réflexion : celle de la convergence spatiale du vieillissement méditerranéen. Autrement dit, des concepts théoriques dont l’économie minimiserait la compréhension globale du projet. Exposer le corpus théorique en rapport à notre sujet n’est pas une étape inintéressante et subsidiaire ; de surcroît quand le vieillissement, au vue de ses nombreux enjeux, demeure un véritable « défi sociétal » [Parant A., 2005 : p.87]. Tout d’abord, sont envisagés les facteurs favorisant l’amorce et le développement du processus de vieillissement, pour ensuite aborder le concept économique de convergence. Pour terminer, seront exposés les principaux enjeux du vieillissement de population.
Les facteurs explicatifs du vieillissement démographique
Le vieillissement est souvent appréhendé par la proportion des personnes âgées dans la population totale. Plus elle est élevée, plus le degré du vieillissement est important. Bien évidemment, d’autres indicateurs sont utilisés [Calot G., Sardon J.P., 1999]. La définition d’une personne âgée est soumise à un réel questionnement théorique : quel est l’âge seuil de la vieillesse ? [Calot G., Sardon J.P., 2000]. En démographie, une personne est souvent considérée comme âgée à partir de l’âge de cessation d’activité professionnelle, c’est à dire 60-65 ans. Cet âge limite peut être modifié selon le domaine étudié. En effet, l’âge adapté à une problématique sur la dépendance serait plus de l’ordre de 80 ans que de 60-65 ans.
Le vieillissement démographique est donc un processus de progression de la proportion des personnes âgées dans une population. Phénomène relativement bien étudié, quatre facteurs sont identifiés comme « responsables de ce mécanisme : la baisse de fécondité, la baisse de mortalité, la structure par âge héritée et les migrations» [Calot G., Sardon J.P., 1999 ; Parant A., 2000].
Le vieillissement d’une population s’amorce de façon significative lorsqu’une baisse de fécondité se produit. Cette diminution entraîne un « important vieillissement par la base et le sommet de la pyramide des âges » [Parant A., 2005 : p.87]. Plus le nombre d’enfants par femme diminue, plus les générations sont affaiblies numériquement. En conséquence, la proportion des âges jeunes s’abaisse au profit des adultes.
La baisse de la mortalité peut également contribuer au vieillissement de la population, participant à l’augmentation de l’espérance de vie. Mais les conséquences de la baisse de la mortalité sur le processus de vieillissement sont divergentes selon les âges touchés. En effet, un déclin de mortalité aux âges jeunes entraîne un rajeunissement de la population, étant donné que les âges adultes ne bénéficient pas de cette avancée. Au contraire, si les réserves de survies se concentrent essentiellement dans les âges vieux, alors le vieillissement se produit au sommet de la pyramide des âges. Dans ce cas, le nombre de personnes âgées et leur proportion dans la population totale s’accroît, étant donné que les âges jeunes ne tirent pas parti de cette décroissance de mortalité. La diminution de mortalité n’entraîne un vieillissement qu’à partir du moment où elle concerne les âges vieux.
La structure par âge héritée participe également au processus de vieillissement. Une population dont la structure par âge possède des caractéristiques spécifiques, dues au passé, se verra plus ou moins affectée. Le baby-boom et le baby-bust demeurent les meilleurs exemples à citer. Par exemple, le regain de fécondité d’après-guerre dans les pays occidentaux en général, a provoqué en premier lieu un ralentissement du vieillissement. Les générations du baby-boom ont accentué le rajeunissement de population avant d’atteindre les âges élevés, provoquant alors un vieillissement d’autant plus sévère que les générations suivantes ont été moins nombreuses.
Les migrations constituent le dernier facteur explicatif du vieillissement démographique. Habituellement, les individus migrants sont jeunes, produisant un effet rajeunissant sur les zones d’arrivées. Mais un manque d’immigration ou excès d’émigrations de certaines zones peut provoquer du vieillissement si ce déficit n’est pas équilibré par un autre facteur.
Le vieillissement reste globalement induit par ces quatre facteurs. Si ces derniers expliquent une part du phénomène, leur succession et leur agencement dans le temps le font également. Dès lors, l’étude de l’évolution des facteurs de vieillissement se révèle essentielle pour comprendre la situation méditerranéenne actuelle.
Comment aborder l’évolution de ces facteurs sans traiter de la transition démographique ? Cette théorie propose une grille de lecture des transformations contemporaines quant à la population. Il s’agit du passage d’un régime à fécondité et mortalité fortes à un régime où ces deux indicateurs sont faibles : la mortalité diminue dans un premier temps, tendance reproduite par la fécondité avec un temps de retard. Cet espacement entre les deux décroissances provoque parfois une explosion démographique, à l’image de l’Inde. La baisse de fécondité s’amorce au cours du XVIIIe siècle aux Etats-Unis et en Europe, plus précisément en France au sein de l’aristocratie parisienne. Les populations des pays développés entament alors un processus de vieillissement. L’émergence de ce processus reste intimement liée à l’évolution de ses facteurs déterminants, dont celle de la fécondité et de la mortalité représentent des tendances lourdes.
Un rapport des Nations-Unies sur le vieillissement des populations et ses conséquences économiques et sociales (1956) précise au début des années 1950 que « la stabilité de la structure par âge des pays à forte fécondité renforçait l’idée que, relativement au développement du vieillissement, les variations de la fécondité devaient jouer un rôle significativement plus important que celles de la mortalité » [Parant A., 2000 : p.340]. Si la fécondité est majoritairement responsable de la progression du vieillissement dans les pays développés jusqu’à la seconde guerre mondiale, la baisse de mortalité devient ensuite le facteur prédominant du fait de la transition épidémiologique [Calot G., Sardon J.P., 1999]. Cela s’explique par le fait qu’avant 1945, les gains de vie gagnés sur la mort concernaient guerre mondiale, « on observe […] un déplacement progressif des gains vers les âges les plus élevés » [Calot G., Sardon J.P., 1999 : p.529] dû aux trois « révolutions de la mortalité » [Nizard A., 1997 : p.1]. L’inversion graduelle des facteurs explicatifs du vieillissement à partir de 1945 s’accentue de surcroît par leur combinaison avec le baby-boom et le baby-bust – dont les conséquences ont été abordées précédemment. De plus, actuellement, 90% d’une génération initiale atteint les grands âges, au point de parler de « démocratisation de la vieillesse » [Légaré J., 2004 : p.118]. De façon synthétique, « c’est la baisse à long terme de la fécondité, de la mortalité ou des deux simultanément qui provoque la progression du vieillissement » [Calot G., Sardon J.P., 1999 : p.520].
Toutefois, les évolutions présentées jusqu’ici ne doivent pas dissimuler un point essentiel, important dans le cadre de la Méditerranée : tous les pays du monde ne suivent pas le même calendrier de transition démographique, par conséquent ne possède pas les mêmes évolutions quant au vieillissement. Si les pays développés voient leur fécondité diminuer progressivement à partir du XVIIIe siècle, la majorité des pays en voie de développement ne sont concernés qu’à compter de la seconde moitié du XXe siècle. Malgré ce retard, « le vieillissement démographique sera plus rapide au Sud qu’au Nord » [Pison G., 2009 : p.1]. Prenons l’exemple de la France où la proportion des 65 ans et plus passe de 7% à 14% de la population totale en 114 ans. A titre de comparaison, la durée pour aboutir aux mêmes conditions est de 45 ans au Japon, 25 ans en Chine, 20 ans en Tunisie, et probablement 17 ans en Syrie [Pison G., 2009]. Quant aux pays en développement, « le vieillissement par la base et par le sommet de la pyramide sera d’autant plus sévère et rapide que le déclin de la fécondité sera important et s’inscrira dans une plage de temps plus courte » [Parant A., 2000 : p.341]. Les pays du monde n’ont clairement pas la même situation de vieillissement à cause d’une évolution différenciée des facteurs déterminants ce phénomène.
Les tendances mondiales observées sur le long terme nous confortent dans l’idée d’une convergence des pays vers une basse fécondité. Nous observons à terme un vieillissement démographique généralisé, mais tous ne se situent pas au même stade d’avancement dans leur transition. Le bassin méditerranéen est à ce titre particulièrement illustratif puisque les auteurs y observent une grande variété de situations [Attané I., Courbage Y., 2001]. Le caractère inéluctable de ce processus nous amène à poser les questions suivantes : les situations démographiques en terme de vieillissement des pays du Sud, toutes aussi diverses qu’elles soient, tendent-elles vers celles des pays développés, notamment européens ? Pouvons-nous observer un phénomène de convergence ? En effet, si tous les pays prétendent à un vieillissement certain, se dirigent-ils vers le même vieillissement démographique ?
Des éléments de réponses peuvent être donnés grâce à l’étude des types de convergence, concept provenant du champ des sciences économiques.
Le concept de convergence
Ce concept est largement développé au sein des sciences économiques. Il est conçu au départ comme un rattrapage des pays pauvres du PIB par habitant des pays riches. Dès lors, cette réflexion considère une convergence de type absolue, supposant le même horizon futur pour tous les pays. Démographiquement, « les niveaux de nuptialité et les coutumes socioculturelles dominantes [des pays du Tiers-monde] confèrent peu de crédit à une théorie de la convergence générale des sociétés vers les valeurs occidentales » [Chasteland J.C., Chesnais J.C., 2006 : p. 12]. A priori, la convergence absolue ne constitue pas le modèle idéal au vue de la grande hétérogénéité des situations socioculturelles du bassin méditerranéen.
Conscients des limites de la convergence absolue, les économistes en développent alors d’autres types : la « convergence conditionnelle » et la « convergence en club » [Bensidoum I., Boone L., 1998]. Dans les deux cas, il est envisagé que les individus ne possèdent pas tous le même « sentier d’équilibre » à long terme, n’empêchant aucunement la possibilité à plusieurs individus d’avoir la même. Dans la convergence conditionnelle, ne peuvent avoir le même sentier d’équilibre à long terme que les pays détenant les mêmes caractéristiques structurelles. La convergence en club, quant à elle, estime que « des pays qui partagent les mêmes caractéristiques structurelles peuvent converger dans le long terme seulement si leurs « conditions initiales » sont similaires » [Bensidoum I., Boone L., 1998 : p.99]. Dans ce type de convergence, est prévu de multiples possibilités d’états d’équilibre avec une stabilité locale. La difficulté principale, représentant une limite pour certains économistes, réside dans le choix des critères caractérisant les différents clubs de convergence. Dans le cas de la Méditerranée et de sa considérable diversité, ces critères ne peuvent être choisis hâtivement sans réflexion. Etudier la convergence du vieillissement de la population méditerranéenne implique de se pencher sur la convergence des facteurs de vieillissement. En effet, la convergence du vieillissement permet d’analyser les diverses trajectoires démographiques possibles. Deux pays appartenant au même club de convergence auront en toute logique la même ligne d’équilibre démographique à long terme. Inversement, deux pays ne relevant pas du même club posséderont des futurs différents, voire même divergents.
La convergence devient alors un outil conceptuel permettant d’envisager les futurs démographiques possibles de régions ou pays. L’importance d’analyser la convergence du vieillissement de la population en Méditerranée tient aussi à ses enjeux décisifs : ce phénomène est un véritable « défi sociétal » [Parant A., 2005 : p.87].
|
Table des matières
Remerciements
Sommaire
Introduction
Chapitre 1 – Convergence, vieillissement et maillages territoriaux : perspectives en Méditerranée
I) Maillage territorial : outil méthodologique ambigu
II) Convergence spatiale et vieillissement : problématique et enjeux en Méditerranée
III) Hypothèses et pistes de recherche
Chapitre 2 – Harmonisation des maillages territoriaux en Méditerranée : les défis d’une recherche
I) La Méditerranée : une aire d’étude à déterminer
II) Homogénéité d’un maillage : mise en place d’une méthode
III) Biais et problèmes
IV) Etat des lieux des maillages territoriaux administratifs en Méditerranée
Conclusion
Bibliographie
Table des figures
Table des tableaux
Table des matières
Télécharger le rapport complet