Handicap à l’école maternelle

Place du handicap à l’école maternelle : statistiques et contexte législatif

                  Depuis quelques années, la politique éducative en France souligne une volonté d’inclusion de tous les élèves au sein du système scolaire. À l’origine de cette démarche, la loi d’orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées, au sein de son article 4, qui affirme que « les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l’obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d’eux […] ». L’intégration des élèves handicapés est donc encouragée. Cette politique d’inclusion semble avoir pour corollaire une augmentation des effectifs scolaire. Cela est d’autant plus flagrant dans le cas de l’enseignement préélémentaire qui, selon la DEPP (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance) dans ses « Repères et références statistiques » de 2017, aurait vu « […] ses effectifs presque doubler entre 1960 et 1985, en raison de la progression de la scolarisation des enfants de trois ans ou plus et, dans une moindre mesure, des enfants de deux ans. » Cette augmentation est toujours valable de nos jours, notamment pour la scolarisation des enfants de deux ans : « + 3000 élèves scolarisés à la rentrée 2016 ». « Les élèves en situation de handicap sont scolarisés presque exclusivement en classe ordinaire avant 6 ans, mais majoritairement en ULIS au-delà de 10 ans » On constate, en effet, que le pourcentage des enfants scolarisés en « classe ordinaire », âgés de 3 ans et moins jusqu’à 6 ans est en constante augmentation (2,5% jusqu’à 14,2% entre 2015 et 2016). Cet effectif diminue d’environ 4% à partir de l’entrée en école élémentaire (7 ans) et seulement 0,7% des élèves handicapés seront scolarisés en « classe ordinaire » à l’âge de 12 ans et plus. En effet, la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a non seulement redéfini le terme de handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. », mais elle a aussi articulé ses objectifs autour de différents axes dont la scolarité. Ainsi, l’article 19 réaffirme la volonté d’inclure au maximum les élèves en situation de handicap : « Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements  mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. » C’est à cette occasion que la MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées) voit le jour avec en son sein la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées). L’enjeu étant de proposer le meilleur accompagnement possible pour les personnes handicapées et leur famille avec la mise en place, par exemple, d’un PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation) permettant d’établir un suivi scolaire adapté aux besoins de l’élève. Ce constat de la confiance que les français semblent accorder à l’école maternelle, nous démontre que l’enseignement préélémentaire est une des premières institutions pédagogiques perçue comme une étape incontournable dans le parcours scolaire d’un enfant. Là où les enseignements élémentaires et secondaires viennent établir une forme de sélection héritée des pédagogies traditionnelles, l’école maternelle est une première étape jugée plus « éducative », plus « adaptée », qui prépare tous les enfants à la vie d’élève. De ce fait, l’école préélémentaire accueille une diversité d’enfants qui n’ont pas encore été soumis à la sélection du système scolaire. Cela se traduit donc par la présence en plus grand nombre des élèves en situation de handicap à l’école maternelle. Il faut également souligner que l’école maternelle, comme expliqué précédemment, constitue un premier maillon du repérage du handicap. Si certains handicaps peuvent être déjà reconnus, cette première étape de scolarisation viendra révéler de nombreux troubles moins « visibles » et par conséquent, en plus de l’obligation d’accueillir tous les élèves, les moyens et dispositifs adaptés (AVS, suivi médical, PPS…) pour un élève en situation de handicap ne se développeront qu’au bout de quelques mois voire quelques années. En plus de scolariser et d’accueillir, il incombe donc à l’école maternelle une responsabilité en plus qui est de prévenir et de repérer le handicap.

La communauté éducative

                 Pour comprendre le fonctionnement des relations familles-écoles au sein du système éducatif français il faut tout d’abord rappeler, comme l’indique Annie Feyfant (2015), que « le système éducatif français a historiquement construit une distance entre les parents et l’école » (p 2). Et cela se traduit, selon Annie Feyfant, par des relations « entre l’école et les parents qui se bornent à un courant d’informations circonstanciées allant de l’école vers les parents. » En effet, l’auteure cite le rapport Valérie Corre (2014) qui qualifie cette relation d’« asymétrique et distendue » et les raisons qui expliquent ce déséquilibre sont nombreuses : la carte scolaire, la violence, les devoirs à la maison etc. Et parmi ces sujets de discorde, il faut noter que nous retrouvons la thématique du handicap. Ce bref rappel nous permet de constater que la relation parents-enseignants ne semble pas naturelle et innée. Cependant, les habitudes se voient bousculer dès la fin des années 80, en 1989 avec la loi d’orientation Jospin qui intègre les parents au sein de la communauté éducative puis en 2013 avec le nouveau référentiel de compétences des enseignants qui souligne alors le besoin de « coopérer avec les parents et partenaires de l’école. » Parmi les acteurs de l’éducation, deux communautés se distinguent alors :
– La communauté pédagogique : constituée des professionnels de l’éducation, les enseignants.
– La communauté éducative qui, pour reprendre les termes du ministère de l’éducation nationale (EDUSCOL), « rassemble les élèves et tous ceux qui, dans l’école ou en relation avec elle, participent à l’accomplissement de ses missions. Elle réunit les personnels de l’école, les parents d’élèves, les collectivités territoriales compétentes pour l’école ainsi que les acteurs institutionnels, économiques et sociaux associés au service public d’éducation. »
Cette dénomination de « communauté éducative » n’est pas anodine puisqu’elle suppose qu’un groupe de personnes ayant des caractéristiques communes se réunissent autour d’un objectif commun, à savoir l’éducation et la formation d’un individu. C’est en 1989, avec la loi d’orientation sur l’éducation, qui, en plus de mettre l’élève au centre du système éducatif, met l’accent sur la place des parents au sein de l’école. En effet, l’article 11 de cette loi stipule que « les parents d’élèves sont membres de la communauté éducative ». Inscrite dans le code de l’éducation, cette volonté d’associer les parents d’élèves en tant que membres légitimes d’une communauté est à nouveau appuyée avec la circulaire du 25 août 2006 axée sur le rôle et la place des parents à l’école. Le projet de réussite scolaire n’est donc plus seulement l’affaire de l’école mais aussi de ses partenaires. Un rôle et des moyens sont donc donnés aux parents pour faire entendre leur voix notamment par l’intermédiaire de leurs représentants et des conseils d’école. Les parents sont donc devenus des consommateurs qui attendent beaucoup de l’école, qui projettent leur propre vécu sur celui de leur enfant, ils sont devenus des partenaires indispensables et reconnus par les équipes pédagogiques. La campagne nationale sur le nouveau partenariat école-famille en 1998 atteste de cette confiance qui est accordée à ces nouveaux partenaires notamment par la mise en place d’une « semaine des parents à l’école ». Semaine qui permettait de « faire mieux connaître aux parents la mission de leurs représentants, leur rôle dans la vie de l’école et dans les instances de concertation et de décision. »

Méthode d’analyse des données

                  Pour analyser les entretiens réalisés, je me suis appuyée sur des grilles regroupant l’ensemble des verbatim les plus pertinents pour obtenir des réponses à nos hypothèses. Il s’agit d’une analyse de contenu thématique. L’ensemble des thèmes choisis font référence aux différentes étapes clés permettant d’évoquer la relation parents-enseignants au cours du repérage d’un handicap. Ainsi, j’ai souhaité aborder l’entretien de manière à recueillir les perceptions des deux parties (perceptions de la maman, perception du handicap et de la relation famille-école pour les enseignants). Une thématique est également consacrée à la relation parents-enseignants, celle-ci se décompose en sous-thématiques qui dirigent l’entretien de manière à analyser les moyens de communication utilisés ainsi que les pratiques de classe de l’enseignant. Une partie des entretiens est également consacrée aux “partenariats”, ceci faisant référence aux professionnels de santé ainsi qu’aux aides humaines extérieures pouvant intervenir dans le cadre du diagnostic et des solutions apportées. Enfin, un volet “inclusion” permet de comprendre de manière plus globale qu’elle est la démarche adoptée au sein des établissements scolaires évoqués. Pour analyser les questionnaires recueillis, j’ai effectué un tri à plat simple des données recueillies. Ces éléments viendront compléter et préciser l’ensemble des propos retenus lors des entretiens. Cela servira à affirmer ou infirmer les hypothèses tout en s’appuyant sur des données faisant appel à un échantillon plus large. L’ensemble des thématiques choisies sont calquées sur le modèle des entretiens bien que les questions soient plus précises et bien entendu plus “fermées” afin d’obtenir un ensemble organisé de réponses

Rapport au corps enseignant : deux points de vue opposés

             Il est intéressant de constater, en seulement deux entretiens, qu’il existe toute sorte de perception de la relation parents-enseignants. En effet, on constate deux opinions opposées alors même qu’elles concernent le même établissement et une même enseignante. En effet, la première relate une histoire conflictuelle avec l’équipe enseignante, la deuxième me faisant part d’un relationnel très positif et bienveillant. Les propos de Ghania Chouib, au sein de son article intitulé “L’impossibilité de l’inclusion. Témoignage d’une mère d’adolescents” (p 46) et extrait de la revue n°135 V.S.T, Enfance handicapée, les limites de l’inclusion (édition Erès), peuvent résumer le premier entretien de la mère de Martin comme un « cri du cœur, avec son lot de peine et de rage, car il voudrait être utile. […] car aujourd’hui encore les parents sont peu écoutés, surtout informés des décisions qui sont prises pour leur enfant. Les parents ont parfois l’impression qu’on leur vole une partie de la vie de leur enfant, en se sentant dépossédés de leur pouvoir d’agir pour améliorer leur vie. Ils sont parfois des témoins impuissants de la souffrance d’un enfant qui cherche une place, sa place dans un groupe social. ». Cela résume en effet toute la colère et la frustration que j’ai pu recueillir au cours de cet échange. Nous avons donc deux mamans dont le point de vue est opposé cependant, on relève une similitude qui est celle de la lucidité. En effet, les deux mères expliquent avoir pris conscience assez rapidement des troubles de leur enfant. Quant aux pères, ils restent absents de cette prise de conscience, l’un étant physiquement absent et l’autre, l’ex-compagnon de la mère de Gabin, ayant connu une forme de déni plus importante. On se retrouve donc avec des femmes, mères de famille, qui ont agi en partie seules sur le plan familial du fait du désengagement du père. C’est ce qui explique la lenteur du processus de reconnaissance pour Gabin. Mais on souligne également l’attente importante des rendez-vous médicaux.

Perceptions des enseignants

                 Les deux mères nous font également part du désarroi des enseignants qui se retrouvent démunis face aux troubles de leurs élèves : « je pense que ça n’a pas été facile non plus pour la directrice. » (l 179, mère de Martin) ; « Elle connaissait pas, elle s’est retrouvée je pense un peu prise au dépourvue et elle a eu un peu de mal je pense à le gérer… » (l 166, mère de Gabin). Ces mères semblent donc avoir conscience de la difficulté qu’implique d’inclure un enfant présentant des troubles. Il faut également noter que la différence d’opinions entre ces deux mères peut aussi s’expliquer par leur propre vécu et leur situation socioprofessionnelle. En effet, au cours de l’entretien n°1, la mère de Martin m’a fait part de son expérience de l’école, un souvenir douloureux, quant aux parents de Gabin, ils sont tous les deux professeurs dans le secondaire. Et cela peut expliquer une forme de solidarité qui n’existe pas chez la maman de Martin du fait de sa méconnaissance du monde de l’enseignement. Cela se traduit par la suite dans les échanges qu’elles ont pu avoir avec les enseignants, l’une perçoit ces rencontres comme des convocations ne mettant le doigt que sur les points négatifs de l’élève ; l’autre perçoit ces échanges comme une marque d’attention et de bienveillance à l’égard de son enfant. Ces attitudes peuvent être interprétées selon la classification de Lars Erikson concernant l’implication des parents. En effet, l’une semble adopter un modèle de partenariat consistant à faire confiance à l’institution, cela se manifeste par une forme de collaboration, l’autre adopte plus un modèle de séparation qui correspond à une volonté de distinguer ces deux univers : l’école, l’environnement familial comme des mondes répondant à des normes différentes.

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Table des matières

Introduction
I. Cadre théorique 
1.L’école maternelle en France
1.1.Contextualisation
1.2 Place du handicap à l’école maternelle : statistiques et contexte législatif
2. Relation école-famille 
2.1 La communauté éducative
2.2 Spécificité de la maternelle
3.Inclusion : définition et enjeux 
3.1 Définition
3.2 Repérage
3.3 Annonce
3.4 Coopération
3.5. Vers une co-éducation…
II. Problématique et hypothèses 
III. Cadre méthodologique
1. Choix des outils
2.Mode d’accès et prise de contact
3. Construction des outils utilisés 
3.1. Guides d’entretiens
3.2 Questionnaires
4. Caractéristiques des enquêtés 
5. Déroulement des entretiens 
a- La mère de Martin
b- La mère de Gabin
c- La directrice de l’école maternelle
d- La professeure des écoles stagiaire
e- Une enseignante expérimentée
6. Méthode d’analyse des données 
IV. Résultats et analyses 
1. Entretiens 
1.1 Les parents : un vécu différent, des perceptions opposées
● 1.1.1 Entretien numéro 1 : La maman de Martin
● 1.1.2 Entretien numéro 3 : La maman de Gabin
● 1.1.3 Analyse croisée : La relation parents-enseignants, point de vue des parents
1.2 Les enseignants : L’inclusion à tout prix
● 1.2.1 Entretien numéro 2 : La directrice d’une école maternelle
● 1.2.2 Entretien numéro 4 : Une Professeure des écoles stagiaire (PES)
● 1.2.3 Entretien numéro 5 : Une enseignante expérimentée
● 1.2.4 Analyse croisée : La relation parents-enseignants, point de vue des enseignants
2. Questionnaires 
2.1 Les parents : une communication primordiale
2.2 Les enseignants : une communication comme les autres
V. Conclusion 
VI. Bibliographie 
VII. Annexes

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