Le présent rapport sur les espaces périurbains découle d’une recherche sur les modalités d’expression du rapport des habitants de ces espaces vis-à-vis de leurs lieux et milieux de vie. C’est ainsi que j’ai été amené à m’intéresser aux comportements géographiques des habitants des espaces périurbains, que ce soient leurs modes d’habiter, leurs mobilités ou leurs trajectoires résidentielles les ayant amené à s’installer dans les espaces périurbains. Depuis la fin des années 60, la forme urbaine s’est profondément métamorphosée. En effet, après une période de forte croissance urbaine due à l’exode rural, les flux démographiques se sont inversés et ont entrainé l’apparition d’une nouvelle entité d’espace à la périphérie des villes, qui a progressivement remis en cause le modèle de la ville dense : l’espace périurbain. Se traduisant par l’installation des populations urbaines dans les campagnes, le processus de périurbanisation a entrainé un étalement urbain en périphérie des agglomérations et présente également la particularité de se réaliser en discontinuité spatiale avec la ville et les espaces bâtis existants par dissémination de zones résidentielles pavillonnaires dans les espaces périphériques.
Si les espaces périurbains ont toujours suscité l’intérêt des chercheurs pour la compréhension de l’espace urbain dans son ensemble, ils font aujourd’hui l’objet d’un regain d’intérêt de la part des décideurs politiques. Cet intérêt s’inscrit dans un contexte particulier : celui de la montée des préoccupations environnementales. En effet, souvent réduite par les politiques à la question de l’étalement urbain, la périurbanisation est accusée de ne pas répondre aux exigences du développement durable : elle serait un mode d’urbanisation peu économe de la ressource naturelle et induirait des coûts d’équipement et d’usage élevés pour les ménages comme pour la collectivité. Elle est également accusée par les sociologues de renforcer les ségrégations résidentielles , en rejetant toujours plus loin en périphérie des villes, les ménages les plus modestes. Pourtant, au-delà de ces critiques qui ont justifié l’injonction au retour à une ville dense et sans nier que pèsent sur les choix immobiliers les contraintes du marché, elle répond aux aspirations sociales d’une partie des ménages, à leur préférence pour la maison individuelle et constitue un fait majeur de l’urbanisation de la société puisque plus de la moitié de la construction neuve s’est faite au cours de ces trente dernières années sous forme de pavillons.
De la ville compacte à la ville éclatée : l’apparition d’une nouvelle entité d’espace
Les moteurs du processus de périurbanisation
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Etat s’est s’engagé massivement dans une vaste politique du logement afin de pallier la désorganisation des circuits de financement, la faiblesse des revenus des ménages et la pénurie générale de logements. Il a ainsi lancé la construction des grands ensembles. Cependant, en parallèle de cette production massive de logement va débuter dans les années soixante le processus de périurbanisation. De nombreux facteurs sont à l’origine de l’émergence de ce processus, ils sont d’ordre politique, économique, social et technique.
Une politique économique favorable à l’habitat individuel
Les politiques publiques ont soutenu l’expansion de l’habitat pavillonnaire et plus largement de la propriété par un ensemble de mesures. Ainsi, à la fin des années soixante, dans une période d’intenses critiques des grands ensembles et de la politique menée depuis le début des années cinquante pour résoudre la crise du logement, le ministre de l’Equipement et du Logement A. CHALANDON, inaugure une politique favorable à la maison individuelle et instaure un système de prêts personnalisés et d’aides distribuées par le secteur bancaire. Il faut dit-il : «rendre la maison accessible à tous les Français de façon à éviter la ségrégation entre les gens riches dans les villas et les ouvriers dans les collectifs HLM, […] proposer aux Français une nouvelle façon de vivre en exploitant pour cela dans le cadre d’un urbanisme végétal les sites les plus agréables » .
Cette politique favorable à la maison individuelle s’est amplifiée dans les années soixante-dix sous la présidence de V. GISCARD D’ESTAING. Celui-ci a en effet favorisé l’accession à la propriété et développé des aides afin de permettre à chacun de devenir propriétaire d’une maison individuelle. La réforme du financement du logement mise en place par la loi du 3 janvier 1977 proposait notamment d’orienter les dépenses publiques en direction du logement, de la réhabilitation du parc ancien et du développement de l’accession à la propriété.
La volonté d’unification du système de financement et la poursuite d’une politique de mobilisation de l’épargne privée en direction du logement, ont incité l’Etat à créer les Prêts Conventionnés et à développer les financements libres, qui ouvrent droit à l’Aide Personnalisée au Logement. Cette réforme a contribué au développement de la maison individuelle, bouleversant les paysages urbains, à l’essor de la propriété par la création d’un dispositif d’aide à l’accession reposant sur l’aide à la pierre et l’aide à la personne. Elle a également simplifié le système d’aide au logement en procédant à une réunification des régimes d’aide à la pierre et en remplaçant l’ensemble des anciens prêts aidés par deux nouvelles catégories : les Prêts Locatifs Aidés pour le secteur locatif et les Prêts aidés à l’Accession à la Propriété pour l’accession à la propriété.
Fortement encouragée par les politiques publiques, la périurbanisation pavillonnaire a donc relayé la construction des grands ensembles locatifs et la réforme de 1977 a ainsi relancé l’accession à la propriété de logements neufs, en accélérant le transfert de financement vers l’épargne privée et en solvabilisant des ménages plus modestes.
Mais à cette politique du logement s’ajoutent également d’autres facteurs politiques et économiques qui ont encouragé le processus. D’une part, l’influence déterminante des prix du foncier : la pression immobilière et le renchérissement des prix dans les premières couronnes ont en effet poussé les citadins vers des espaces ruraux toujours plus reculés. D’autre part, le processus a été encouragé par les élus des communes rurales qui ont largement ouvert leur foncier dans le but d’attirer les flux périurbains. En effet, ceux-ci considéraient le processus de périurbanisation comme la base du développement communal et l’accueil des habitants apparaissait comme une opportunité de renaissance démographique, économique et sociale. En outre, dès le début des années soixante-dix, les promoteurs immobiliers et les grands groupes bancaires ont commencé à s’intéresser au secteur de la maison individuelle et ont donc contribué à son développement.
L’idéal de la maison individuelle et le refus de la ville
En plus de ces facteurs économiques, le processus de périurbanisation s’est surtout développé parce qu’il répondait à l’aspiration des individus de devenir propriétaire d’une maison individuelle à la campagne. L’idéal de la maison individuelle est issu du modèle des cités-jardins d’E. HOWARD, qui était présenté comme un phénomène de villégiature et qui s’est développé à la fin du XIXème siècle. Le phénomène a progressivement façonné la petite maison avec jardin comme un habitat familial par excellence, un modèle résidentiel situé au sommet de l’ascension sociale voire un idéal de vie à atteindre. Une des motivations majeures de l’installation en périphérie est le rejet de la ville et la volonté de s’éloigner d’elle et de ses désagréments : densité, manque d’espace, bruit, pollution… A l’inverse la campagne est avant tout considérée comme un cadre physique, recherché pour ses aménités : calme, espaces naturels…, et offrant la possibilité d’accéder à la propriété d’une maison individuelle, d’avoir plus d’espace et de jouir d’une meilleure qualité de vie. La maison individuelle est perçue comme le cadre le mieux adapté à la constitution de la famille et devient un modèle auquel aspirent de nombreux ménages.
Une politique économique favorable à l’habitat individuel
Les derniers facteurs ayant permis au processus de périurbanisation d’émerger sont d’ordre technique. Il s’agit de la densification, de l’amélioration des performances des réseaux de communication et ainsi de l’augmentation des vitesses de déplacements. La vitesse a été acquise grâce à la convergence de nombreux facteurs : d’un côté le maillage routier à haute performance, en partie grâce à la construction de déviations d’agglomération, de rocades, de voies à chaussées séparées et de carrefours dénivelés qui permettent une meilleure connectivité; de l’autre, l’équipement des ménages en voitures particulières dans un contexte général de croissance des revenus. L’ensemble de ces facteurs techniques ont permis d’accroître les mobilités des individus et ont participé au développement du processus de périurbanisation. La progression des mobilités des individus aurait en effet contribué à l’élargissement du champ des possibles résidentiels en leur permettant de parcourir de plus grandes distances et de s’éloigner de plus en plus des agglomérations, tout en conservant des budget-temps équivalents consacrés à l’ensemble des déplacements quotidiens. Ainsi, selon F. BEAUCIRE :
« le périurbain est le produit territorial de la vitesse croissante de déplacement […] En raison du maillage dense de voies rapides aménagées dans l’espace périurbain, la durée du déplacement augmente moins vite que sa longueur, et facilite l’extension périurbaine, surtout à proximité de ces voies » .
Le processus de périurbanisation fut donc alimenté par la conjonction de facteurs économiques, avec notamment les effets de la politique du logement ayant favorisé l’accession à la propriété, de facteurs socioculturels caractérisés par l’idéal de la maison individuelle dans les espaces périphériques des agglomérations, et de facteurs techniques ayant contribué à l’accroissement des mobilités.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : Le processus de périurbanisation
1. De la ville compacte à la ville éclatée : l’apparition d’une nouvelle entité d’espace
1.1 Les moteurs du processus de périurbanisation
1.2 Critique du phénomène
2. Approche méthodologique
2.1 Définition du sujet d’étude
2.2 Tentative d’identification de l’espace périurbain
2.3 Formulation de la problématique
2.4 Retour sur la méthode et le contexte de l’étude
Partie 2 : La commune de Palaiseau : un espace périurbain-urbain ?
1. Une commune intégrée à la dynamique territoriale
1.1 Le Plateau de Saclay : un pôle de développement
1.2 Un territoire bien structuré
2. Caractéristiques de la commune de Palaiseau
2.1 Une commune au caractère urbain…
2.2 Mais présentant des caractéristiques périurbaines
2.3 Synthèse
Partie 3 : Modes de vie dans l’espace périurbain : résultat des entretiens
1. Traitement et analyse des entretiens
1.1 Le corpus des ménages interrogés
1.2 Méthode de classification
2. Les pratiques selon les types de population
2.1 La population ancrée
2.2 La population de passage
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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