Grossesse, fertilité et mucoviscidose: incidence des traitements modulateurs de CFTR

La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies autosomiques récessives dans la population du nord de l’Europe. En France, 7376 patients ont été recensés en 2020 avec un âge moyen de 23,9 ans. La mucoviscidose est due à un dysfonctionnement ou à une absence de la protéine canal chlorure CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane regulator) entraînant une atteinte multi-organes et notamment une atteinte respiratoire grevant le pronostic. Cette protéine est impliquée dans les échanges transcellulaires via un rôle dans le transfert du chlore (Cl¯) et du sodium (Na+), avec pour conséquence une anomalie d’hydratation de l’épithélium respiratoire et un défaut de clairance mucociliaire, responsables d’une obstruction des voies aériennes distales par des secrétions peu mobiles et anormalement visqueuses où les germes restent englués . Plus de 2000 mutations sont décrites pour cette pathologie génétique, la plus fréquente étant la mutation F508del (70 % à l’état hétérozygote et 50 % à l’état homozygote).

Le dépistage néonatal systématisé mis en place en 2002 puis la création des CRCM ainsi que l’amélioration des thérapeutiques au cours des dernières décennies ont permis une prise en charge spécialisée précoce des patients atteints de mucoviscidose et ainsi une augmentation de l’espérance de vie. Le vieillissement de la population mucoviscidosique, avec une survie médiane autour de 50 ans en 2020, a donné lieu à des désirs de parentalité et des projets de grossesses.

Mucoviscidose

Généralités, histoire

La mucoviscidose est une maladie génétique létale, de transmission autosomique récessive et la plus fréquente de ce type en Europe du Nord. Bien que reconnue depuis le Moyen-Âge à travers le « baiser salé » la mucoviscidose n’a été identifiée en tant que maladie qu’en 1938 en Amérique du Nord par la pédiatre Dorothy Hansine Andersen . Elle fut d’abord appelée fibrose kystique du pancréas. Le terme de mucoviscidose fut employé en 1943 par le Dr Sydney Farber en lien avec la diffusion généralisée d’un « mucus visqueux » dans tout l’organisme et pas uniquement dans le pancréas.

La mucoviscidose est causée par une mutation du gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator). Identifié en 1989 et situé sur le bras long du chromosome 7 (7q31), il code pour la protéine du même nom qui intervient dans la régulation du transport des ions chlorure au niveau de la membrane cellulaire des cellules épithéliales . Les individus affectés par la mucoviscidose présentent des mutations dans les deux copies (homozygote ou hétérozygote composite) du gène CFTR régulateur de conductance transmembranaire.

Depuis les années 90, plus de 2 000 mutations ont été identifiées, parmi lesquelles la plus fréquente –rencontrée chez environ 80 % des malades en France – est la mutation F508del (délétion d’une phénylalanine en position 508). La mucoviscidose est caractérisée par une fréquence anormalement élevée dans la population caucasienne d’une maladie génétique létale avec la forte prédominance d’une mutation particulière (F508del). L’ensemble de ce tableau évoque une maladie autosomique récessive sélectionnée positivement. L’hypothèse de cette sélection se fonde sur les diarrhées infectieuses et a été évoquée en premier lieu avec le choléra : la toxine du choléra ayant besoin de la protéine CFTR pour fonctionner correctement, les patients hétérozygotes bénéficient d’une résistance accrue vis-à-vis des diarrhées infectieuses .

Physiopathologie

Protéine CFTR

La protéine CFTR est un canal chlore exprimé à la membrane apicale de nombreux épithéliums glandulaires, notamment l’épithélium des voies aériennes, des canaux pancréatiques et des glandes sudoripares.

La synthèse et l’adressage de CFTR à la membrane apicale des cellules épithéliales sont réalisés par un mécanisme faisant intervenir différents compartiments et protéines intracellulaires. La transcription du gène CFTR en ARNm a lieu dans le noyau des cellules. L’ARNm est ensuite traduit en une protéine, qui est alors adressée au niveau de la lumière du réticulum endoplasmique où son repliement est assurépar des protéines chaperonnes. Les protéines CFTR correctement repliées quittent ensuite le réticulum endoplasmique pour subir d’autres étapes de maturation dont une étape de glycosylation au sein de l’appareil de Golgi. Enfin, des vésicules à clathrine assurent le transport des protéines CFTR matures de l’appareil de Golgi à la membrane plasmique .

Dans les voies aériennes, CFTR est principalement exprimée au pôle apical des cellules ciliées nasales, des cellules caliciformes et des cellules de Clara. Il s’agit d’un canal chlore de faible conductance régulé par la voie de l’AMPc. Elle détermine de plus l’homéostasie hydrique du film de la surface bronchique, facteur essentiel de la clairance mucociliaire, par la régulation du transfert transépithélial du chlore et du sodium. La protéine CFTR a donc un rôle de sécrétion de chlore, d’une part grâce au gradient électrochimique des cellules bronchiques qui favorise le passage du chlore vers le milieu extracellulaire à travers le canal, et d’autre part par l’activation de canaux chlorure accessoires (ORCC : outward rectifying chloride channel). Elle possède également un rôle dans la réabsorption du sodium par inhibition du canal sodium épithélial (ENaC).

Dans la mucoviscidose, la protéine CFTR est absente de la membrane apicale ou non fonctionnelle. Dans ce contexte, il existe un défaut de sécrétion de chlore et une augmentation de réabsorption de sodium se traduisant par une déplétion hydrique du liquide de surface bronchique, ce qui augmente la viscosité des sécrétions et diminue la clairance mucociliaire de l’épithélium bronchique. Les sécrétions plus épaisses vont obstruer les voies aériennes distales et favoriser la colonisation par différents germes . Dans les cellules sudoripares, cette rétention de chlore et de sodium peut être mise en évidence avec le test de la sueur.

Classe de mutations

Une classification en 6 a été proposée en lien avec l’atteinte phénotypique correspondant à la mutation :

• Classe I : mutations entraînant une absence de production de la protéine (mutation non-sens, codon stop)
o Ex. : mutation G542X
o Environ 5-6 % des patients
• Classe II : mutations entraînant un défaut dans la maturation de la protéine
o Destruction dans le réticulum endoplasmique de la protéine mal formée. La protéine n’arrive pas au pôle apical de la cellule.
o Ex. : mutation F508Del
o Environ 80 % des patients
• Classe III : mutations perturbant la régulation du canal chlore.
o La protéine est non fonctionnelle : atteinte de la membrane mais pas d’ouverture des pores Cl- par exemple (protéine mal repliée entraînant un défaut au niveau du site de fixation de l’ATP)
o Ex : G551D
o 1,5 % des patients
• Classe IV : défaut de conduction des ions Cl- et défaut d’ouverture/fermeture du canal chlore
o Ex : R117H
• Classe V : mutation altérant la stabilité de l’ARNm de CFTR
o Défaut d’épissage entraînant un déficit quantitatif
• Classe VI : mutations altérant la stabilité de la protéine à la membrane
o Défaut qualitatif de la protéine .

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Table des matières

I. Introduction
II. Généralités
1. Mucoviscidose
A. Généralités, histoire
B. Physiopathologie
C. Épidémiologie
D. Diagnostic
E. Atteintes d’organes et thérapeutiques
F. Traitements innovants
2. Fertilité, grossesse et mucoviscidose
A. Physiopathologie
B. Fertilité
C. Contraception
D. Grossesse
3. Incidence des traitements modulateurs sur la contraception, la fertilité et la grossesse
A. Fertilité
B. Balance bénéfice maternel, risque fœtal
C. Allaitement
4. Transplantation chez les patientes mucoviscidosiques et grossesse
A. Généralités
B. Traitement antirejet et grossesse
III. Étude
1. Patientes et Méthode
A. Description de l’étude
B. Paramètres recueillis
C. Objectifs de l’étude
D. Méthodologie statistique
2. Résultats
A. Description de la population
B. Incidence des modulateurs
IV. Discussion
1. Discussion des résultats
A. Taux de natalité
B. Déroulement des grossesses
C. Fertilité
D. Contraception
E. Étude de vraie vie : impact des modulateurs de CFTR
2. Limites et forces de l’étude
3. Perspectives
V. Conclusion
Annexes
Bibliographie
Résumé

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