Grossesse et automédication

INTRODUCTION

   L’automédication est définie selon le conseil de l’ordre des médecins comme étant « l’utilisation, hors prescription médicale, par des personnes pour elles-mêmes ou pour leurs proches et de leur propre initiative, de médicaments considérés comme tels et ayant reçu l’AMM, avec la possibilité d’assistance et de conseils de la part des pharmaciens ». [1] Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’automédication consiste pour une personne « à choisir et à utiliser un médicament pour soigner une affection ou un symptôme qu’elle a elle-même identifié ». [2] D’après le rapport Coulomb (2007), l’automédication est définie « comme le recours d’un patient à au moins un médicament de prescription médicale facultative dispensé dans une pharmacie et non effectivement prescrit par un médecin. Cette définition de l’automédication exclut donc le recours à des médicaments présents dans l’armoire à pharmacie familiale, prescrits antérieurement par un médecin, et consommés de la propre initiative des patients ». [3] L’anthropologue Sylvie Fainzaing spécialisée dans le domaine de la santé, « l’automédication est l’acte de consommation de médicaments décidé par soimême, […], le sujet donne une signification à son symptôme et lui apporte une réponse thérapeutique ». [4] Il n’existe pas de définition unique de l’automédication mais il faut considérer que c’est « le fait pour un patient d’avoir recours à un ou plusieurs médicaments de prescription médicale facultative dispensés dans une pharmacie et non effectivement prescrit par un médecin ». [5] Elle ne correspond pas au mésusage qui consiste à utiliser en automédication des médicaments listés et antérieurement prescrits. « L’automédication responsable » consiste, pour les individus, à soigner leurs maladies grâce à des médicaments autorisés, accessibles sans ordonnance, sûrs et efficaces dans les conditions d’utilisation indiquées avec le conseil du pharmacien. (OMS, 2000). Il s’agit d’une composante du selfcare qui est un terme anglais correspondant à la prise en charge et la gestion de sa santé et de son bien-être par l’individu lui-même. [6] De manière générale, le selfcare désigne un comportement et un mode de vie incluant différentes composantes comme la prévention, l’hygiène alimentaire ou encore l’éducation physique. [6] L’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa) associe le selfcare à 3 statuts de produits vendus en officine et disponibles sans prescription. Il s’agit des médicaments d’automédication, des dispositifs médicaux /dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et des compléments alimentaires. [6] Ces derniers ne sont pas des médicaments mais des « denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés… » [7] Cependant, des conditions sont à respecter pour pratiquer une automédication responsable telles que : ne pas être enceinte, ne pas être une femme allaitante, ne pas être porteur d’une maladie chronique et ne pas être un enfant en bas âge. Selon le code de la santé publique (CSP), un médicament est défini comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou lui être administrée en vue d’établir un diagnostic médical ou de corriger, restaurer ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ». [8] Il existe deux catégories de médicaments. Les médicaments de prescription médicale obligatoire (PMO) et les médicaments de prescription médicale facultative (PMF). Les médicaments de PMO sont des médicaments inscrits sur une liste spécifique. Le pharmacien ne peut les délivrer que sur présentation d’une ordonnance. Ces médicaments sont conditionnés dans des boîtes comportant la mention « uniquement sur ordonnance » avec un encadré de couleur verte ou rouge. [8] Les médicaments de PMF comprennent les médicaments semi-éthiques qui sont disponibles en vente libre en pharmacie, remboursables s’ils sont prescrits et non remboursables dans le cas contraire et les médicaments « over the counter » strict qui ne sont jamais remboursables par l’assurance maladie. Ces derniers peuvent faire l’objet d’une publicité grand public et la fixation de leur prix et libre. Les médicaments de PMO et médicaments de PMF sont soumis aux mêmes contrôles qualité et font l’objet des mêmes attentions de la part des fabricants et des autorités sanitaires. [8] Seront pris en compte dans notre étude, les médicaments allopathiques, homéopathiques et phytothérapiques. Les médicaments homéopathiques doivent avoir fait l’objet d’un enregistrement ou posséder une AMM pour pouvoir être commercialisés. Le CSP défini un médicament à base de plantes comme étant un « médicament dont la substance active est exclusivement une ou plusieurs substances végétales ou préparation à base de plantes ou une association de plusieurs substances végétales ou préparations à base de plantes. Il peut se présenter sous la forme d’une spécialité pharmaceutique, d’une préparation pharmaceutique (magistrale ou officinale), ou de drogues végétales ». [9] Concernant les huiles essentielles, il n’existe pas de réglementation spécifique en ce qui concerne leur utilisation dans les médicaments. Les spécialités pharmaceutiques à base d’huiles essentielles répondent à la définition du médicament à base de plantes. [10] L’AFIPA a publié en juin 2015 dans son 3ème observatoire européen sur l’automédication « le retard de la France en matière d’automédication » car celleci ne représentait en effet que 15,4% (-0,29%) du marché hexagonal en volume contre 32,3% pour la moyenne européenne des pays observés. [11] Cependant, le 10ème baromètre de l’automédication en France, avait énoncé que 68% des 18 à 64 ans ont assurés avoir eu recours à l’automédication en 2011. [12] Bien que la France soit en retard en matière d’automédication en comparaison à ses voisins européens, l’automédication est un marché qui tend à progresser et qui constitue de nos jours un enjeu de santé publique du fait que son développement permettrait de réaliser de « désengorger les cabinets médicaux et de réduire les dépenses de santé ». [13] Des études démontrent que les femmes enceintes ont recours à l’automédication et que cette tendance est en augmentation. L’étude de Damase C et al. (2000) [14] a démontré que 19,6% des femmes enceintes interrogées auraient eu recours à l’automédication durant leur grossesse et celle de Mikou S et al. (2008) [15] a démontré que 23,3% des femmes enceintes interrogées se sont « automédiquées » durant leur grossesse. Une étude plus récente de Courrier D et al. a révélé que 41,5% des femmes avaient eu recours à l’automédication pendant la grossesse. [16] Il s’agit essentiellement selon certaines études, d’antalgiques, de suppléments nutritionnels et de médicaments de gastro-entérologie. Cependant l’automédication pendant la grossesse n’est pas dénuée de risques. Les risques sont liés à la modification des paramètres pharmacocinétique et à la toxicité des médicaments qui s’exerce à des degrés variables. Cette dernière dépend essentiellement de l’avancée somatique de l’embryon puis du fœtus et peut donc être responsable d’effets tératogènes ou malformatifs, foetotoxiques et néonataux. [17-19] Les risques que l’on retrouve dans la population générale sont également applicables chez la femme enceinte, notamment les risques liés au mésusage, les risques d’interactions médicamenteuses ou de surdosage, de retard au diagnostic et de manifestation d’effets indésirables. [20,21] Le drame du Thalidomide® dans les années 60, puis celui du Distilbène® dans les années 70, ont montré que des médicaments, en apparence bénins, pouvaient provoquer des malformations ou avoir de graves effets mutagènes, se manifestant parfois seulement plusieurs décennies après leur administration. [17] Or des médicaments d’usage courant et fréquemment disponibles dans les pharmacies familiales ont des effets tératogènes et foetotoxiques connus. [17] L’automédication chez les femmes enceintes est une réalité, plus d’une femme sur cinq s’automédique pendant la grossesse, essentiellement pour soulager les « maux » qui surviennent du fait des modifications physiologiques liées à la grossesse. Il est donc important que les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de la grossesse soient sensibilisés à la nécessité d’informer les femmes enceintes des dangers de l’automédication pendant la grossesse. La HAS (2005) déclare que les femmes enceintes « ont besoin d’être informées, de façon non alarmiste et non culpabilisante, des risques qu’elles peuvent éventuellement faire courir à leur enfant » lorsqu’elles ont recours à l’automédication. [22] Elle recommande « d’avertir les femmes enceintes que l’automédication est à éviter pendant la grossesse et de les encourager à demander conseil à leur médecin/pharmacien/sage-femme avant toute prise de médicaments ». (Annexe1) Il semble donc nécessaire de comprendre les motivations incitant les femmes enceintes à prendre des médicaments hors prescription médicale pendant la grossesse et d’apprécier l’information reçue par les professionnels de santé sur les dangers de l’automédication comme le préconise la HAS selon les recommandations de 2005. La question de recherche relative à l’étude est donc « quels sont les motifs entrainant les femmes enceintes à s’automédiquer et quelles sont leurs connaissances au sujet de l’automédication pendant la grossesse ? »

Limites et biais

   Il s’agissait d’une étude prospective et multicentrique qui a eu lieu dans 3 hôpitaux et deux cabinets libéraux sur Marseille. Le caractère multicentrique de l’étude a permis d’avoir accès à une population assez diversifiée concernant notamment les conditions socio-économiques et les habitudes de vie des femmes enceintes interrogées.

Représentation de la population de l’étude

 Effectif de l’échantillon : l’effectif de notre échantillon est de 103 femmes enceintes. Cet effectif est faible et ne peut donc être représentatif de la population générale.
 Age : la moyenne d’âge de la population est de 30ans±5,6ans. Elle est similaire à l’âge moyen des mères à l’accouchement en 2017 (30,6ans) selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). [25]
 Le niveau d’étude : dans notre étude, 53,4% des femmes enceintes interrogées ont fait des études supérieures. Selon l’Insee, 49,3% des femmes ont un niveau d’étude supérieur au baccalauréat. La prévalence des femmes enceintes en fonction du niveau d’étude est donc représentative de la population générale. [26]
 La catégorie socio-professionnelle : en 2016, la catégorie socioprofessionnelle la plus représentée chez les femmes est la catégorie « employées » avec un taux de 43,2%. De même, dans notre échantillon, la catégorie « employées » est majoritaire avec un taux de 44,7%. [27]
 La situation maritale : en 2007, la proportion de femmes vivant seule est de 14% en France. Dans notre étude, 6% des femmes enceintes vivent seules. Malgré, cette différence, on établit qu’au moins 80% des femmes vivent en couple. [28]
 La gestité : le nombre moyen de grossesse dans notre étude est de 2,2grossesses±1,5. En France, l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) s’établit à 1,88 enfant par femme en 2017. Ce taux est semblable à la moyenne de la gestité des femmes enceintes de notre étude. Cependant il aurait été préférable d’avoir la parité afin de pouvoir comparer ces données. [29]
En conclusion, malgré le faible effectif obtenu, les caractéristiques sociodémographiques des femmes enceintes interrogées sont représentatives de la population générale.

Facteurs influençant l’automédication

   Seul le niveau d’études a été retenu comme étant statistiquement significatif dans la comparaison des groupes « automédiquées » et « non automédiquées ». En effet, les femmes enceintes ayant un niveau d’études supérieur au baccalauréat représentent une grande proportion des femmes enceintes qui se sont automédiquées. Un niveau d’études supérieur serait donc en faveur d’un recours plus important à l’automédication. Ce résultat est en accord avec les études de Dorgère A et al. (p<0,05) et Courrier D et al. (<0,001). On peut supposer que les femmes enceintes ayant un niveau d’études supérieur, appartiennent donc à une classe socioprofessionnelle élevée et ont donc un niveau de revenu élevé ne constituant pas un frein à consommer des médicaments d’automédication non prescrits et donc non remboursés s’ils sont obtenus en pharmacie de ville. Cependant, aucune différence statistiquement significative n’a été établie en fonction de la catégorie socioprofessionnelle dans les deux groupes. Seule l’étude de Courrier D et al. a mis en évidence l’existence d’une différence statistiquement significative entre le groupe « automédiquée » et « non automédiquée ». De plus, il n’existe pas de différences significatives, suite à l’analyse comparative des deux groupes, que ce soit dans la comparaison des différentes tranches d’âge étudiées (la moyenne d’âge était de 30,8 ± 5,8 ans pour les « automédiquées » et de 30,3 ± 5,5 ans pour les « non automédiquées »), que ce soit dans la comparaison de la gestité, et des antécédents médicaux nécessitant un traitement médicamenteux pendant la grossesse. Pour ces facteurs nous apportons la même conclusion que Schmitt et al., Mikou et al. et Damase et al. qui n’avaient pas montré de différences sur les données sociodémographiques et sur les habitudes de vie. Enfin, seule l’étude de Courrier D et al. a mis en évidence des différences significatives en ce qui concerne la situation maritale (p=0,004) et le recours à l’automédication avant la grossesse (<0,001).

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Table des matières

INTRODUCTION
MATÉRIELS ET MÉTHODE
RESULTATS
ANALYSE ET DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
RESUME

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