Graphe et éthique: une contribution à Parcoursup

Depuis 2018, Parcoursup est la plateforme nationale française dédiée à l’accès à l’enseignement supérieur. Chaque année, des centaines de milliers de personnes s’y inscrivent dans le but d’être affectés à une formation post-bac. Les inscrits doivent rentrer des voeux d’admission correspondant aux formations qu’ils souhaitent intégrer, ces voeux sont ensuite traités par les formations concernées, puis des propositions d’admissions sont envoyées aux candidats choisis par l’algorithme d’affectation. Toutes ces étapes sont concentrées sur une même plateforme, ce qui rend Parcoursup incontournable dans le processus d’admission, d’autant plus que celle-ci accueille de plus en plus de formations dans son catalogue (près de 20.000 en 2021). Le nombre important de candidatures et de formations que concentre Parcoursup rend des traitements algorithmiques nécessaires pour assurer de bonnes affectations. Étant donné l’importance de Parcoursup dans le parcours scolaire français, le choix des algorithmes utilisés est crucial car il peut impacter le devenir de milliers d’étudiants. La plateforme est ainsi régulièrement observée et est devenu un objet important du débat public, faisant émerger diverses critiques sur les multiples aspects qu’elle touche. En particulier, les candidats se plaignent de subir un stress important lié à l’incertitude quant à leur entrée dans l’enseignement supérieur  , d’obtenir des affectations décevantes malgré leur niveau  ou encore de subir des temps d’attente très longs pour obtenir leurs affectations  . Frouillou [9] et Mizzi [29] reprennent ces arguments et critiquent l’impact sociologique que la plateforme peut avoir, notamment l’amplification des inégalités entre étudiants favorisés et défavorisés. Dès lors, on peut se demander d’où proviennent ces problèmes majeurs : viennentils directement de la plateforme et de l’algorithme d’affectation, des choix politiques formant le cadre de Parcoursup ou encore des usages mêmes faits par les candidats et les formations?

État de l’art 

Contexte éthique

La question de l’éthique des algorithmes est très souvent abordée avec le terme d’intelligence artificielle (IA), si bien qu’on parle souvent d’éthique de l’IA. La commission européenne  définit l’IA comme « un logiciel […] qui peut, pour un ensemble donné d’objectifs définis par l’homme, générer des résultats tels que des contenus, des prédictions, des recommandations ou des décisions influençant les environnements avec lesquels il interagit ». Cette définition inclut aussi bien des modèles de Machine Learning (ML) que des modèles d’optimisation comme ceux intégrés dans Parcoursup. Même si le ML peut poser des problèmes spécifiques dues à une approche statistique (biais d’échantillonage, discrimination, etc…), les grands principes de l’éthique de l’IA touchent également des applications de Recherche Opérationnelle. Le travail mené lors de ce stage reste technique mais se place dans un contexte où les enjeux éthiques liés aux algorithmes sont très étudiés, et nous nous appuierons donc sur cette littérature pour poser un cadre éthique à notre étude. De nombreuses institutions, entreprises et organisations ont publié leur propre cadre éthique spécifique à leur domaine ou global. Au niveau national, la CNIL a écrit en 2017 un rapport nommé « Comment permettre à l’homme de garder la main ? »  présentant les grands questionnements liés à l’implantation de l’IA en France et des moyens d’action pour répondre à ces problématiques. Floridi et Cowls [7] se basent sur six cadres éthiques différents définis par différentes institutions comme la commission européenne  (dont nous reprendrons les principes durant notre analyse). Ils identifient grâce à cela cinq grands principes généraux de l’éthique de l’IA : la bienfaisance, la non-malfaisance, l’autonomie, la justice et l’explicabilité. Les quatre premiers sont inspirés des principes traditionnels de la bioéthique définis par Beauchamp et Childress [2] et le dernier est un nouveau principe spécifique à l’IA. La bienfaisance se traduit par la volonté de placer le bien-être, le bien commun et la dignité humaine comme objectifs de la décision à prendre, tandis que le principe de non-malfaisance interdit les décisions volontairement malfaisantes, celles entraînant des effets négatifs identifiables, etc… L’autonomie humaine se traduit par la capacité d’un utilisateur à prendre des décisions autonomes face aux recommandations d’un système, et donc souhaite préserver la responsabilité de chacun sur ses actes. La justice cherche à éviter tous les biais et discriminations que peuvent engendrer l’utilisation d’une IA et à garantir un accès égal aux bénéfices qu’elle peut apporter. Enfin, le principe d’explicabilité demande à ce que les algorithmes et leurs mécanismes de décision puissent être compréhensibles pour tous (ce qui est notamment une nécessité pour préserver notre autonomie en tant qu’utilisateur), et non pas seulement pour la fraction de l’humanité qui les crée. Ce dernier principe est crucial car tous les autres principes ne peuvent être appliqués que si le fonctionnement d’un système d’IA est transparent aux yeux de tous.

En ce qui concerne le cas particulier de Parcoursup, Tiberj [33] met en parallèle les principes algorithmiques et sociologiques de la plateforme en prenant l’exemple de l’IEP (Instituts d’Études Politiques) Bordeaux, et propose également des alternatives aux algorithmes en place. Frouillou et al. [10] explicitent l’ensemble de principes politiques et moraux auquel adhère Parcoursup, tout en relevant les conséquences sociologiques de ces principes. Mizzi [29] a décrit les différents obstacles liés à Parcoursup auxquels sont confrontés les candidats.

Depuis 2018, le Comité Éthique et Scientifique de Parcoursup (CESP) suit l’évolution de la plateforme et analyse les données de chaque campagne de Parcoursup. En se basant sur ces données, le CESP réalise une analyse globale ainsi que des études de cas pour formuler des recommandations éthiques sur la procédure et le fonctionnement de la plateforme. Ces analyses et résultats sont publiés chaque année dans un rapport au Parlement, nous nous baserons principalement par la suite sur ceux de 2021  et 2022 . Afin d’analyser Parcoursup, nous avons également besoin de comprendre les mécanismes impliqués dans son fonctionnement, par la suite nous nous pencherons donc sur les problèmes de mariages stables qui sont à la base de la procédure d’affectation.

Algorithme de Gale-Shapley

L’algorithme le plus simple pour trouver une affectation stable a été proposé par Gale et Shapley en 1962 [11]. Nous présenterons ici l’algorithme pour le problème particulier du Stable Marriage. Le principe est que chaque homme envoie des propositions aux femmes en suivant l’ordre de sa liste de préférences. Si une femme non-affectée reçoit une proposition, alors elle accepte la proposition. Si elle est déjà affectée à un autre homme, alors elle choisit son préféré selon sa propre liste et rejette l’autre. Dans une version optimisée de l’algorithme telle que présentée ci-dessous, l’homme qui vient de proposer sera toujours préféré car pour une femme donnée, tous les hommes moins appréciés que son partenaire actuel sont supprimés de sa liste. La procédure continue jusqu’à ce que chaque homme (i) soit affecté ou (ii) n’ai plus de femmes à appeler dans sa liste. La condition (i) est suffisante dans le cas spécifique du SM, mais pour des instances de SMI il est possible que tous les hommes ne soient pas affectés.

La boucle « pour » est utilisée afin de supprimer des paires inutiles de l’instance : si une femme w a reçu une proposition, elle ne détériorera pas son affectation courante m en choisissant un homme qu’elle aime moins. Ainsi, tous les hommes moins bien placés que m dans Lw peuvent supprimer w de leurs listes car leurs propositions seront de toute façon refusées. Ce principe permet de réduire le nombre d’itérations de la boucle principale en ne conservant que les propositions qui peuvent être acceptées.

L’algorithme présenté ci-dessus retourne une affectation stable particulière M0 car c’est l’unique affectation qui est optimale pour les hommes. Autrement dit, il n’existe pas d’affectation stable qui serait plus satisfaisante pour les hommes que M0. Dans cette affectation, chaque femme reçoit la pire affectation stable qu’elle pourrait avoir parmi toutes les affectations stables [13]. A l’inverse, il est possible d’exécuter l’algorithme à l’envers en permettant aux femmes de proposer aux hommes, dans ce cas l’algorithme renvoie dans ce cas l’affectation stable Mz qui est optimale pour les femmes.

Afin d’adapter cette procédure pour le problème HR, il faut prendre en compte les capacités des hôpitaux : un hôpital hj peut envoyer (ou recevoir) au maximum cj propositions. Également, si la version de l’algorithme utilisée est l’optimale pour les internes, alors il faut qu’un hôpital soit plein avant de pouvoir supprimer des internes de sa liste. L’algorithme de Gale-Shapley a une complexité linéaire selon le nombre de paires acceptables, et polynomiale selon le nombre d’agents (hommes, femmes, internes, places d’hôpital). Sa capacité à calculer un mariage stable en un temps très court le rend très intéressant et est donc très souvent utilisé comme base pour la résolution de problèmes de stabilité. Dans le cas de l’affectation des étudiants à des formations d’enseignement supérieur en France, c’est l’algorithme principal qui était utilisé de 2009 à 2017 avec Admission Post Bac et qui est toujours utilisé aujourd’hui de manière indirecte comme nous allons le présenter par la suite.

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Table des matières

Introduction
1 État de l’art
1.1 Contexte éthique
1.2 Problèmes de mariages stables avec ordre strict
1.3 Problèmes de mariages stables avec ordre partiel
2 Parcoursup
2.1 Admission Post-Bac et loi ORE
2.2 Fonctionnement de la plateforme
2.3 Parcoursup et les mariages stables
3 Analyse critique de Parcoursup
3.1 Principes éthiques mis en avant dans Parcoursup
3.2 Points positifs
3.3 Limites
3.4 Synthèse
4 Proposition d’une nouvelle modélisation : préférences avec indifférence
4.1 Motivation
4.2 Expérimentation
4.3 Avantages et limites de l’approche
5 Conclusion

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